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Intervention de Christiane Taubira

Réunion du 26 juin 2014 à 15h00
Renforcement de l'efficacité des sanctions pénales — Vote sur l'ensemble

Christiane Taubira :

Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais, sans abuser de votre patience, vous remercier très chaleureusement de la qualité de nos échanges, tant lors de la discussion générale que lors de l’examen des articles. Même la présentation d’une motion de procédure par le groupe UMP a été l’occasion d’aborder des questions de fond tout à fait intéressantes.

Le travail accompli par le Sénat, en commission puis en séance publique, a incontestablement contribué à enrichir ce texte et à renforcer l’efficacité de son dispositif, même si je regrette l’introduction d’une ou deux mesures ! §Les quelques jours qui nous séparent de la commission mixte paritaire vous permettront sans doute d’approfondir votre réflexion sur ces quelques points de désaccord entre nous.

En tout état de cause, vous avez renforcé la colonne vertébrale de ce projet de loi, qui est inspiré par notre souci de consolider le contrat social. Toute l’action du Gouvernement témoigne de cette préoccupation : nous entendons que l’État accomplisse son devoir de protection à l’égard de l’ensemble des citoyens, avec une attention particulière pour les victimes. J’ai d’ailleurs eu l’occasion d’exposer la politique d’aide aux victimes que nous conduisons depuis deux ans.

Nous avons aussi le souci de renforcer le pacte républicain, qui sous-tend les liens nous permettant de vivre ensemble. Or l’acte de délinquance brise ces liens. Il est important de faire en sorte que, au-delà de la punition, l’exécution de la peine contribue à préparer le délinquant à réintégrer le corps social, en le responsabilisant.

Monsieur Lecerf, vous avez eu raison de rendre hommage au travail obstiné accompli par Pierre-Victor Tournier sur la contrainte pénale. Il est bien l’un des artisans de cette réforme. Il n’est pas le seul, de nombreuses personnalités des milieux parlementaire, judiciaire et universitaire ayant apporté leur contribution, mais il occupe incontestablement une place particulière dans la réflexion qui a mené à ce projet de loi.

L’élaboration de ce texte a permis d’établir, de façon lucide et sérieuse, un bilan de la situation et de prendre toute la mesure de la détresse créée par l’acte de délinquance, tant chez la victime que dans la société, qui s’interroge sur les risques pouvant la menacer.

La délinquance ne se résume pas à des statistiques, et même lorsque le nombre d’actes de délinquance diminue, chacun d’entre eux, en faisant une ou plusieurs victimes, blesse la société. Chaque acte de délinquance cause de la souffrance : nous ne devons jamais l’oublier.

Nous nous sommes donné pour objectif d’être efficaces et de prévenir réellement la récidive. En effet, il s’agit non pas seulement de sanctionner plus sévèrement celle-ci, à l’instar de la loi instaurant les peines planchers, mais aussi de créer les conditions pour éviter la commission de nouveaux actes de délinquance.

Le Gouvernement a travaillé avec rigueur à la préparation de ce texte. M. le président de la commission des lois a rappelé l’organisation de la conférence de consensus. Au cours du tour de France que j’ai effectué pour présenter le projet de loi, j’ai rencontré des personnes qui avaient de fortes préventions à l’égard de son contenu. Certaines avaient été, à l’évidence, très fortement endoctrinées sur le prétendu laxisme du texte et sur nos intentions, mais, chaque fois, le dialogue s’est établi, même lorsque nos interlocuteurs étaient très peu ouverts a priori à nos arguments, et, au bout du compte, les positions ont pu évoluer. Notre pays est celui de la raison : son histoire est marquée par la philosophie des Lumières, par l’émancipation de l’individu par la raison.

Dans le passé, des textes ont été élaborés, des politiques publiques ont été mises en place, des mesures ont été prises avec l’ambition tout à fait sincère de lutter contre la récidive. Nous mesurons aujourd’hui l’insuffisance des résultats de ces politiques et de ces dispositifs. Il s’agit non pas de porter des jugements de valeur, car nous n’avons pas de temps ni d’énergie à perdre en ce vain exercice, mais de reconnaître que nous n’avons pas encore réussi à réduire de façon significative la récidive. Telle est la réalité, et le présent texte vise à y remédier.

Bien sûr, on continuera à invoquer, comme un mantra, notre supposé laxisme, mais je crois à la force de la raison dans ce pays : même après les pires égarements, il arrive toujours un moment où nos concitoyens se soumettent à ce que j’ai appelé, après Bertolt Brecht, la « douce violence de la raison ». Par conséquent, je ne doute pas que le mantra que j’évoquais finira pas s’éteindre, parce qu’il n’a pas d’emprise, de consistance, ni surtout de fondement.

En améliorant ce texte avec la hauteur de vues et le sérieux dont vous avez tous fait preuve, vous avez déjà contribué à faire reculer cette croyance erronée. Comme nous y invitait Wittgenstein, luttons contre l’ensorcellement de notre entendement par les moyens du langage !

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