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Intervention de Gérard Rameix

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 28 janvier 2015 : 1ère réunion
Pouvoirs de sanction des régulateurs financiers — Audition conjointe de M. Rémi Bouchez président de la commission des sanctions de l'autorité de contrôle prudentiel et de résolution Mme Marie-Anne Frison-roche professeur des universités à l'institut d'études politiques de paris M. Gérard Rameix président de l'autorité des marchés financiers M. Jean-Luc Sauron conseiller d'état délégué au droit européen du conseil d'état ainsi que Mme Corinne Bouchoux sénatrice ancienne rapporteure au nom de la commission pour le contrôle de l'application des lois

Gérard Rameix, président de l'Autorité des marchés financiers :

Il existe effectivement des limites au champ de compétence de l'AMF : si quelqu'un vient se plaindre auprès de nous d'avoir été lésé du fait d'un investissement immobilier en time sharing, nous n'avons pas la possibilité d'ouvrir une enquête car ce n'est pas de notre domaine. Il y a d'autres situations plus problématiques. Certaines activités ne peuvent être exercées que sur agrément préalable de l'AMF. Si une personne exerce avec agrément, l'AMF peut sanctionner d'éventuels manquements, alors que si elle exerce sans agrément, l'AMF est obligée de transmettre l'affaire au juge pénal, qui a parfois d'autres priorités. Je trouve cela très choquant. Le législateur pourrait régler ce problème.

Au-delà des questions de champ, il y également des problèmes d'effectivité. Certaines personnes font des choses interdites, que nous pourrions sanctionner, mais que nous ne trouvons que quand le mal est fait. Pour les escroqueries du type Madoff, nous disposons de tous les textes pour réprimer cela, que cela soit devant le juge pénal ou la commission des sanctions. Le problème est de les détecter avant qu'elles n'aient causé des dommages majeurs.

En revanche, je ne suis pas d'accord avec l'idée que les infractions financières sont insuffisamment réprimées. Je crois que l'on confond trop souvent faute de gestion et infraction. Vous avez des gens qui provoquent des dommages importants en raison de fautes de gestion qui ne sont pas qualifiables d'infractions, que cela soit par nous ou par le juge pénal. Le fait de très mal gérer n'est pas en soi une faute susceptible d'être punie.

Il faut par ailleurs noter que lorsqu'il y effectivement un manquement, nous avons une politique assez sévère qui consiste à poursuivre à la fois la personne morale et le dirigeant lorsque celui-ci à une implication personnelle dans la faute commise. Les décisions récentes de la Commission des sanctions en ont donné des exemples. Nous pensons qu'il faut responsabiliser au maximum les dirigeants. On souligne souvent l'importance du pénal à cet égard, mais il faut rappeler que les amendes pénales sont ridicules. Les amendes qu'un juge pénal peut prononcer même dans des affaires très sérieuses sur les trois principales infractions d'atteinte au marché sont bien plus faibles que celles que nous pratiquons. Éliane Houlette, le procureur national financier, le dit elle-même. Quel que soit le devenir des compétences respectives de l'AMF et du juge pénal, il faut réviser le champ pénal. Les peines de prisons sont très rares.

S'agissant des lanceurs d'alertes, c'est effectivement un sujet important et des textes européens vont nous obliger à mettre en place un statut protecteur. Nous utilisons les alertes qui nous sont adressées, qu'elles soient individuelles ou qu'elles viennent d'intermédiaires financiers qui doivent nous signaler les anomalies qu'ils détectent sur un compte. La présidente de la Securities and Exchange Commission se vante de l'efficacité de son système de lanceurs d'alerte, mais il faut dire qu'elle les rémunère avec un pourcentage des pénalités prononcées, ce qui n'est pas encore dans la culture de notre pays. Il reste en tout cas des choses à faire pour améliore la protection du lanceur d'alerte.

Pour ce qui concerne l'action de groupe, c'est une procédure récente qui va se développer dans le champ de la commercialisation des produits financiers. Nous avons proposé au législateur, qui nous a suivis, de nous autoriser à transmettre au juge civil des éléments de nos enquêtes, ce qui n'était pas possible. Cela fournit des éléments de preuve difficile à réunir autrement dans une action civile.

S'agissant de la question du non bis in idem dans le système britannique, il faut reconnaître que l'articulation entre l'administratif et le pénal est bien meilleur. Leur système pénal est très différent. Il n'y a pas de juge d'instruction et c'est la Financial Conduct Authority qui joue le rôle d'autorité de poursuite au pénal à l'aide des preuves qu'elle a recueillies au cours de son enquête. Le système pénal est très répressif et rapide, malgré un niveau de preuve élevé, et peut être précédé d'une transaction. En pratique, il n'y a pas de cumul. Les Britanniques ne sont donc pas confrontés aux mêmes difficultés que nous, même si je dois dire je suis assez d'accord avec l'analyse de Jean-Luc Sauron. En répondant tout à l'heure sur le sujet du non bis in idem, je me plaçais simplement dans la perspective suggérée par Marie-Anne Frison-Roche d'une application stricte d'un principe de non-cumul.

Sur les nominations à la Commission des sanctions, celle-ci est composée pour un tiers de membres de la Cour de cassation et du Conseil d'État, désignés par le président de chacune de ces juridictions, et pour deux tiers de professionnels, désignés par le ministre de l'économie et des finances.

Pour revenir sur le trading à haute fréquence, il est vrai que c'est très lourd et très technique, mais nous avons la capacité à mener des enquêtes. Une grande société américaine a été obligée, lors de sa tentative d'introduction en bourse, de publier le fait qu'elle était poursuivie par nous pour manipulation de cours dans le cadre de son activité de trading à haute fréquence. Nous y arrivons même si cela nous coûte beaucoup en temps et en ressources.

S'agissant de l'article 40 du code de procédure pénale, nous l'appliquons depuis toujours, mais les textes qui régissent la coopération entre le parquet et nous vont plus loin. Depuis la loi de sécurité financière du 1er août 2003, dès lors que le collège décide d'engager des poursuites pour des infractions susceptibles de recevoir une qualification pénale, j'adresse systématiquement au parquet une copie du courrier de saisine de la commission des sanctions. En général, le parquet attend l'issue de notre procédure et classe l'affaire s'il juge que la sanction prononcée est suffisante. Dans quelques cas, les deux procédures se déroulent parallèlement. La loi du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière permet désormais au parquet de nous transmettre des informations, y compris pendant une enquête et non plus seulement à partir de l'engagement d'une procédure de sanction. Cela autorise une meilleure coopération entre les deux « polices » : la police financière spécialisée que mes équipes représentent d'une certaine façon et le parquet qui conduit une enquête de police préliminaire peuvent s'échanger des informations sans difficulté juridique.

Vous m'avez également posé une question très difficile : pourquoi aucun régulateur en Europe n'a mis en cause les distributeurs de produits subprime qui ont infesté certains établissements et sociétés de gestion en Allemagne et en France ? Cela a pris des années aux États-Unis : ils viennent seulement de le faire. Nous, nous ne l'avons pas fait. C'est peut-être une erreur, mais nous aurions eu du mal à collecter des éléments pour être efficaces dans la répression de fautes qui avaient été commises en dehors de notre territoire.

Sur les matières premières, nous sommes compétents depuis la loi de séparation et de régulation des activités bancaires du 26 juillet 2013. Le Parlement a porté, à juste titre, une attention particulière sur ce domaine. Nous pouvons maintenant sanctionner directement les manipulations d'indice et nous travaillons sur les missions qui nous ont été confiées. En revanche, sur le marché des devises, nous ne sommes pas directement compétents. Je me suis posé la question de l'autorité compétente pour ce marché très internationalisé. Nous devons travailler avec l'ACPR sur ce sujet. Nous n'intervenons pour l'instant qu'en cas de distribution d'instruments financiers permettant de spéculer sur le marché des devises, ce qui est d'ailleurs extrêmement dangereux.

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