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Intervention de Didier Guillaume

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 7 mai 2020 : 1ère réunion
Conséquences de la crise sanitaire liée à l'épidémie de covid-19 sur le secteur de l'enseignement agricole — Audition de M. Didier Guillaume ministre de l'agriculture et de l'alimentation en téléconférence

Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation :

Merci madame la présidente, mesdames les sénatrices et messieurs les sénateurs. Je suis très heureux de pouvoir échanger avec vous sur l'enseignement agricole et supérieur, aussi précisément que possible compte tenu des constantes évolutions.

La mise en place des mesures de déconfinement dans l'enseignement en général se fait dans le cadre de concertations avec Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale, et Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur. Personne ne comprendrait que chacun reste dans son silo ! Nous avons dans l'enseignement agricole 200 000 apprenants. Il y en a plus de 10 millions dans l'éducation nationale.

Nous travaillons ensemble avec Jean-Michel Blanquer et Frédérique Vidal, mais nous menons parallèlement des réunions spécifiques avec l'ensemble des syndicats et les Directions régionales de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (DRAAF) qui sont l'équivalent de nos recteurs. Le déconfinement ne sera réussi que s'il est progressif, à l'inverse du confinement qui a été brutal. Et je tiens à vous assurer, madame la présidente, que nous travaillons en bonne intelligence et en totale concertation, j'y suis très attaché.

Je vous précise que quelques membres de mon équipe assistent à cette visioconférence : Mme Chmitelin, la nouvelle directrice générale de l'enseignement et de la recherche (DGER) qui était précédemment ma directrice de cabinet, M. Bonaimé jusqu'alors conseiller en charge de l'enseignement agricole et maintenant directeur de cabinet adjoint, M. Ginez, mon nouveau conseiller pour l'enseignement agricole, la recherche, l'innovation et l'installation des jeunes qui était précédemment au ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, ainsi que Bénédicte Bergeaud, ma conseillère parlementaire.

Je tiens à saluer le travail accompli par les fonctionnaires de mon ministère, par toutes les personnes en « deuxième ligne » comme l'a évoqué le Président de la République, ainsi que le fort engagement de la « première ligne », représentée par l'ensemble de nos soignants et scientifiques, sans oublier les familles endeuillées et les personnes qui ont souffert.

La « deuxième ligne » a tenu parce que la production et l'ensemble de la filière alimentaire et agroalimentaire ont tenu mais aussi parce que l'enseignement agricole, supérieur et technique a mené ses missions essentielles en assurant la continuité pédagogique. Nos plus de 16 000 enseignants et intervenants n'ont pas failli, même si cela n'était pas simple - j'ai pu le constater lors des comités techniques ministériels qui réunissent les organisations syndicales et le secrétariat général du ministère. La DGER est en constante discussion avec les organisations syndicales.

Nos 138 363 élèves, nos 35 086 apprentis et nos 35 278 étudiants ont tenu.

L'enseignement agricole, une pépite dont je fais une priorité, a su s'adapter à cette crise, parce qu'il est agile. Il est un atout pour l'alimentation et l'agriculture, au moment où cette dernière n'a jamais été autant dans les discussions de nos concitoyens. Nous le savons, c'est par la formation, par l'enseignement technique agricole, la recherche et l'enseignement supérieur que nous y arriverons.

Il me semble important de ne pas oublier : en effet comme je le dis depuis dix ans, et je l'ai récemment rappelé lors d'une précédente audition, l'enseignement agricole perdait des effectifs. Or, si à la rentrée 2018/2019, il y avait 3 000 élèves en moins par rapport à l'année scolaire précédente, il y en a eu 3 000 de plus à la rentrée 2019/2020 ! Nous avons réussi notre pari, grâce à des orientations fortes lancées en totale concertation avec les cadres, les enseignants, les directeurs d'établissements, les collectivités, les élus et les professionnels.

Avant cette crise, j'avais lancé un certain nombre d'orientations pour changer cet enseignement agricole, non pas de fond en comble mais en termes qualitatifs. Nous avons d'abord lancé « L'aventure du vivant » qui a permis de « raccrocher » des élèves. Ils ont ainsi perçu l'enseignement agricole non plus comme un second choix mais comme un primo choix, permettant de leur assurer un travail et des métiers intéressants. La réforme des diplômes a aussi été un choix fort et je souhaite que la Direction générale de l'enseignement et de la recherche (DGER) continue d'y travailler. Nous avons voulu « enseigner pour produire autrement » ou plutôt « enseigner à produire autrement » parce que notre formation ne peut être déconnectée de la réalité.

Nous avons également beaucoup travaillé sur la refondation de l'enseignement vétérinaire, pour notamment pallier le manque de vétérinaires en zones rurales.

Enfin, nous avons fait évoluer la doctrine au sein du ministère avec la réforme, absolument indispensable, de la recherche et de l'enseignement supérieur en matière agricole et environnementale, qui s'est traduite par cette magnifique fusion de l'Inra et de l'Irstea, devenus Inrae, l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement, et avec le lancement du très beau chantier de regroupement des sites franciliens d'AgroParisTech et de l'Inra sur le campus Paris-Saclay.

Enfin, j'ai veillé à ce qu'il n'y ait aucune fermeture d'établissements ou de classes. Je ne fais pas de différence entre les trois familles de l'enseignement agricole, elles sont toutes indispensables. J'ai bien sûr la responsabilité de l'enseignement public mais l'enseignement privé ou les maisons familiales rurales (MFR) jouent aussi un rôle essentiel de maillage sur tout le territoire.

Nous avons souhaité repositionner la formation au plus près des attentes sociétales : la transition agroécologique, qui doit être enseignée et mieux enseignée, le bien-être animal, qui est une préoccupation forte, l'élargissement du champ des compétences transversales : le digital, le numérique, ....

Ces réformes, lancées il y a dix-huit mois, ont été percutées par la crise sanitaire actuelle mais je tiens à affirmer devant votre commission que celle-ci ne doit pas arrêter la dynamique réformatrice du ministère. L'enseignement agricole a su s'adapter, à la fois au niveau de la continuité pédagogique qui est une problématique essentielle, notamment pour les parents, mais aussi au niveau de la continuité productive de nos exploitations agricoles. Je crois que cette visioconférence est retransmise, je tiens donc à préciser que nos exploitations agricoles et nos fermes travaillent et que plus de 95 % des jeunes ont ainsi pu poursuivre leur formation pendant cette période.

Je veux à nouveau saluer la mobilisation sans faille de nos équipes, et contrer les critiques et dénigrements trop faciles envers les fonctionnaires, sur lesquels on peut s'appuyer pourtant en temps de crise. La DGER a fourni un travail remarquable pour permettre l'enseignement à distance, soit par internet - 12 000 classes virtuelles ont été ouvertes, ce qui est conséquent au regard de la taille de notre ministère - soit par les services de Docaposte. J'ai bien entendu les remarques émises par certains sénateurs sur le fonctionnement de La Poste durant cette crise, mais il n'empêche que leurs services ont permis de faciliter l'échange de documents entre les enseignants et les élèves en rupture numérique, souvent parce qu'ils résident en zones blanches, ou n'ont pas accès à internet.

En totale coordination avec les trois ministères concernés, une Foire aux questions a été mise en place sur internet pour répondre aux nombreux questionnements des jeunes : le passage du bac, la fin de leur stage, l'organisation de la rentrée dans le supérieur, ...

J'ai veillé à ce que l'enseignement agricole soit présent tout au long de cette crise, même si bien sûr certaines de ses spécificités empêchent l'apprentissage à distance, comme la partie service à la personne, notamment dans les MFR.

La mobilisation des écoles vétérinaires dans la réserve sanitaire pour contribuer à la santé de nos concitoyens, celle de nos laboratoires vétérinaires pour les tests et celle de certains de nos internats pour l'accueil des personnes sans domicile fixe et isolées, ont été des actions fortes de solidarité.

Cette crise ne sera pas sans impact sur les effectifs. Nous allons devoir y retravailler, recréer la dynamique que nous avions initiée comme par exemple relancer à la rentrée prochaine le tour de France des territoires, en utilisant le camion de l'Aventure du vivant qui devait aller au plus près des jeunes. L'impact est également social car, comme l'a dit le Président de la République, les conséquences de cette crise n'ont pas été les mêmes selon votre lieu de vie (maison ou appartement, zones rurales ou urbaines) et votre niveau d'équipement (internet, ...).

Je conclurai en rappelant que pour réussir, le déconfinement doit être progressif et être accepté par tous, effectué en coordination entre nos ministères précédemment cités mais également celui du travail en ce qui concerne nos Centres de formation des apprentis (CFA) et nos centres de formation professionnelle et de promotion agricole (Cfppa). Il doit aussi inclure, M. Karam sait que nous y veillerons, les territoires d'outre-mer.

Cette concertation devra également se faire en interne et tenir compte des spécificités, dont celles de nos lycées multi-pôles et multi-sites qui regroupent les Cfa, Cfppa, exploitations, centres équestres, ... ; l'internat par exemple représente 100 000 de nos 200 000 apprenants, soit 50 % d'entre eux, contre 10 % dans l'éducation nationale. Il faudra continuer de les loger en appliquant les mesures sanitaires, la sécurité des enseignants, des élèves et de tous les personnels étant une priorité. Il n'y aura pas de reprise des cours si la sécurité sanitaire ne peut pas être assurée.

Cette crise a révélé l'importance de la souveraineté alimentaire qui ne pourra se faire qu'avec le renouvellement des générations auxquelles nous devons donner des perspectives positives.

L'enseignement agricole doit continuer à jouer un rôle moteur pour l'économie et la population. Si nous sommes capables de jumeler formation, éducation, recherche avec compétitivité et innovation, et ce à tous les échelons, national, régional, local, et en concertation avec les enseignants et les syndicats, nous atteindrons notre objectif principal qui est de voir nos jeunes continuer à apprendre. Vous avez évoqué, madame la présidente, le taux de 5 % de décrocheurs : il nous faut impérativement le diminuer.

Nos lycées agricoles, techniques, les MFR, les CFA, vont donc ré-ouvrir progressivement et tranquillement, dans le cadre de la prévention et de la sécurité sanitaire, et nous suivrons individuellement tous ceux qui ne pourront être présents physiquement.

Je suis prêt à répondre à vos questions, en vous rappelant combien notre ministère, mon cabinet et la DGER sont à votre disposition madame la présidente ainsi qu'à celle des membres de votre commission.

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