Intervention de Maître Carine Durrieu-Diebolt

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 7 mai 2020 : 1ère réunion
Audition de maître carine durrieu-diebolt avocate sur les conséquences du confinement et les perspectives du déconfinement

Maître Carine Durrieu-Diebolt, avocate :

S'il devait être autorisé, l'accès direct aux UMJ devrait alors faire l'objet d'un plan de communication pour être connu du plus grand nombre et pour que la police puisse inciter les victimes à s'y présenter au plus vite, de sorte que les éléments matériels constitutifs de l'infraction soient préservés. L'avocat devrait aussi avoir accès aux résultats et constatations des UMJ pour conseiller les victimes en vue d'un dépôt de plainte, ce qui n'est malheureusement pas le cas actuellement.

S'agissant de mon activité, je recevrai à nouveau des clients à partir de la semaine du 18 mai. J'appliquerai naturellement les mesures individuelles de distanciation sociale et de prévention.

Les nouveaux dossiers ouverts pendant le confinement l'ont été exclusivement par courriel et téléphone ; l'un concerne une cliente résidant à l'étranger qui, victime d'un viol en France en décembre, a porté plainte. Alors même qu'une enquête préliminaire est en cours, elle a reçu du commissariat en charge du dossier une décision, fort étonnante, de destruction des scellés ; je lui ai conseillé de s'y opposer et me suis rapprochée du parquet à sa demande.

La vie judiciaire a continué pendant le confinement, les magistrats avaient plus de temps pour étudier les dossiers au fond et apurer un certain retard.

Je n'ai pas été en relation avec l'association Agora Justice, dont l'action doit concerner un territoire précis. En région parisienne, travaillent au sein des commissariats : des psychologues, des intervenants sociaux, des associations d'aide aux victimes, similaires je pense à Agora Justice, qui peuvent proposer les services d'un juriste. L'action de celui-ci est complémentaire et ne se substitue pas à l'avocat dont les champs d'intervention sont spécifiques (accès au dossier pénal d'instruction, rédaction de plainte avec constitution de partie civile ou non).

La première audience d'une cour criminelle s'est déroulée en septembre 2019, à Caen. J'ai assisté une cliente pour la première session de la seconde cour criminelle, celle de Bourges, en octobre 2019, puis à Versailles.

Mes deux expériences devant des cours criminelles ont été positives. J'ai apprécié la fixation d'audience très rapide (seulement quatre mois de délais), très appréciable pour les victimes. À titre de comparaison, il faut habituellement compter devant la cour d'assises de Versailles entre un an et un an et demi entre l'ordonnance de mise en accusation et le procès. Chaque audience s'est déroulée sur deux jours, ce qui m'a paru satisfaisant. Je considère que chacun, victime, témoin ou expert, a pu s'exprimer. J'ai trouvé le déroulement de ces procès très proche de ce que l'on observe aux assises, à ceci près que les jurés y étaient absents et que les cinq magistrats avaient accès au dossier pénal. Ce point me semble essentiel pour des affaires de violences sexuelles, très techniques et qui nécessitent une formation spécifique pour apprécier justement des réactions parfois contre-intuitives qui pourraient parfois desservir les victimes.

Le délibéré est également survenu plus rapidement qu'en cour d'assises. Mes clients se sont déclarés satisfaits de ces procès. Ils ont eu le sentiment d'avoir été entendus.

Paris n'est cependant pas encore concerné par les cours criminelles. La correctionnalisation des viols, déqualifiés en agression sexuelle, demeure une aberration juridique, très mal vécue des victimes, qui la vivent comme une « sous-justice » à leur égard. À mon avis, les cours criminelles sont plus proches des cours d'assises que des tribunaux correctionnels. Si l'expérience des cours criminelles permettait de mettre fin à la correctionnalisation des viols, ce serait à mon sens très positif.

Concernant les enfants victimes de pères incestueux qui continuent cependant à bénéficier d'un droit d'hébergement, il faut savoir qu'un jugement de condamnation peut retirer l'autorité parentale au père.

Si le père incestueux se voyait octroyer le bénéfice d'un droit de visite par le JAF, il faudrait que ce droit s'exerce dans un lieu médiatisé. Selon moi, les droits de l'enfant devraient primer sur ceux du père. Le témoignage d'une mère qui porte une accusation d'inceste sur le père de son enfant devrait, comme je l'ai dit précédemment, se voir conférer une présomption de crédibilité, afin de suspendre ses droits parentaux pendant l'enquête préliminaire, sans attenter à la présomption d'innocence puisqu'il faut prouver la culpabilité du mis en cause.

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