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Intervention de René Troccaz

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 17 juin 2020 à 9h00
Audition de M. René Troccaz consul général à jérusalem

René Troccaz, consul général à Jérusalem :

Je vous remercie et, là aussi, je répondrai selon les thématiques abordées.

Je commence par les questions du sénateur Roger. Il n'est pas de mon ressort d'évoquer ce qu'il se passe en France. J'ai parlé des développements potentiellement imminents (annexion) qui pourraient avoir un impact y compris en France. Je n'ai pas de commentaire particulier à ajouter, mais je peux observer d'ici à quel point le sujet dépasse le strict périmètre géographique Israël-Palestine. Nous le constatons à travers l'ensemble des missions que nous recevons, des missions des ONG qui viennent de France et dans tous les contacts que nous avons avec les Palestiniens mais aussi les nombreux Israéliens avec lesquels nous sommes en relation régulière.

Cela m'amène aux propos du sénateur Pierre Laurent concernant les raisons d'agir. Les autorités françaises considèrent qu'il y a une raison d'agir, plus que jamais. Monsieur le Sénateur, comme vous le notiez, je ne sais pas si la solution à deux États a encore du crédit. Cela reste la position de la communauté internationale et de la France. Il n'est pas certain que nous allions vers une solution à un État, mais assurément, la situation ne reste pas statique.

Évidemment, la colonisation progresse. Concernant les phénomènes de démolition, nous agissons dans les deux cas. Nous agissons, tout d'abord, localement et de manière systématique, avec les partenaires européens présents à Jérusalem et Ramallah ; ou avec des déclarations de notre porte-parole davantage tournées sur les questions d'annexion et de construction de colonies. Je pense par exemple au projet immobilier de Givat HaMatos, colonie qui a pour vocation d'être étendue à Jérusalem-Est. Ce projet a suscité des réactions internationales, notamment de la France.

J'ignore s'il existe un lien de cause à effet, mais lorsque la communauté internationale réagit, l'État d'Israël en tient compte. Il ne faut donc pas jeter trop vite aux orties la diplomatie classique. Elle a ses limites, mais elle conserve un rôle utile. Il y a ce qui se dit publiquement, et ce qui se fait sur un plan plus discret. Nous ne restons pas cependant muets sur la question. La question que vous évoquez, monsieur le Sénateur Laurent, mobilise notre énergie et les missions diplomatiques européennes présentes à Jérusalem ou à Ramallah.

Quant aux manoeuvres israéliennes dans la vallée du Jourdain, nous savons qu'elles existent, mais je n'en connais ni la nature ni la teneur exacte. Il s'agit en tous cas de la plus longue frontière terrestre à surveiller pour Israël, équivalant à la frontière qui sépare Israël de l'Égypte. Il s'agit par conséquent d'un enjeu de sécurité essentiel pour l'Etat d'Israël.

Des questions ont été posées sur la crise économique et un éventuel effondrement de l'Autorité palestinienne, nous ramenant une fois encore à la question de la stabilité. L'Autorité palestinienne est la création d'Oslo, c'est-à-dire la création de la paix qui avait vocation à évoluer vers la possibilité d'un État tel que nous l'imaginions et qui paraissait possible à l'époque.

L'Autorité palestinienne fait l'objet d'un certain discrédit de la part de sa population. L'un d'entre vous a évoqué la question de la corruption : c'est une réalité. Nous pouvons penser qu'un effondrement de l'Autorité palestinienne, évoqué entre autres par les milieux sécuritaires israéliens, aurait des conséquences désastreuses pour la sécurité de l'ensemble Israël-Palestine. Il s'agit d'un réel motif de préoccupation pour Israël. Une partie de la sécurité d'Israël repose en effet sur la coordination entre les Palestiniens et les Israéliens.

La question du rôle du Fatah est à mon sens prématurée : il est trop tôt pour savoir ce qu'il en est. Cela ne fait que quelques semaines que la coordination sécuritaire a été interrompue. Nous pouvons d'ores et déjà observer une certaine tension dans l'attente de l'échéance du 1er juillet prochain, et une préoccupation du côté israélien.

La question des élections présidentielles en Palestine est posée bien que mise entre parenthèses, compte tenu de l'agenda de l'annexion. Le mandat du Président Abbas, élu en 2005, n'a cependant pas été renouvelé. Ce sujet a été porté à la fin de l'année 2019. Nous avons exercé un certain nombre de pressions amicales en vue de l'organisation d'élections, pour retrouver une légitimité démocratique qui servira la cause palestinienne et, nous le pensons, la paix et la stabilité.

Les Palestiniens objectaient alors que des élections en Cisjordanie étaient compliquées (cela reste possible), de même qu'à Gaza sous contrôle du Hamas, et a fortiori à Jérusalem-Est, ne serait-ce que symboliquement (comme cela avait déjà été le cas en 2005 et 2006). A Jérusalem-Est, les Palestiniens ne cherchent pas à organiser des élections massives, ils savent qu'elles sont impossibles, mais voudraient en quelque sorte marquer le territoire électoral.

Monsieur Roger a abordé la thématique des autorités religieuses. Les autorités chrétiennes sont très préoccupées et se sentent menacées économiquement. Elles craignent une remise en question de leur présence en Terre Sainte. Leur situation est fragile malgré leur patrimoine considérable, vivement convoité. Le patriarcat latin va notamment devoir vendre, sous pression et contraint, un certain nombre de propriétés. L'administrateur du patriarcat a annoncé cette semaine être confronté à un véritable enjeu économique et de survie. Les minorités chrétiennes ne représentent aujourd'hui que 1 % de la population de Jérusalem, alors qu'elles en constituaient 10 % il y a une cinquantaine d'années. Le patrimoine, le clergé et les Églises sont présents, mais force est de constater l'amenuisement numérique. Le sujet n'est pas d'ordre confessionnel : il est lié à la pluralité de diversités dans un espace humain et géographique.

Par ailleurs, le patriarcat latin et le Vatican ont pris des positions prudentes concernant la question de l'annexion. Il en est de même du côté des orthodoxes qui se trouvent également à la tête d'un patrimoine immobilier important en Terre sainte.

Madame Raimond-Pavero, vous m'avez interrogé sur les compensations demandées par les Israéliens suite à la crise sanitaire du Covid-19. Cette question concerne plus particulièrement mon collègue Eric Danon. Je suis en revanche informé de l'écoute et des prestations quotidiennes que nous apportons à nos compatriotes à Jérusalem. Ces dernières sont, je l'espère, de qualité satisfaisante. Elles bénéficient à nos compatriotes, notamment franco-israéliens.

Israël est membre de l'OCDE et se trouve dans une situation de reprise suite à la crise sanitaire, similaire à celles des économies développées. Le pays a cependant globalement résisté au virus et, à ce jour, peu de cas ont été répertoriés sur les territoires palestiniens, qui ont fait preuve d'une grande discipline, en dépit d'une capacité limitée. Ceci aura permis de réduire la propagation du virus. Mais il faut être prudent et ne rien exclure quant à un retour de l'épidémie.

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