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Intervention de Marie-Christine Blandin

Réunion du 2 février 2006 à 9h30
Obtentions végétales — Adoption d'un projet de loi

Photo de Marie-Christine BlandinMarie-Christine Blandin :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi relatif aux obtentions végétales vient en débat dans des circonstances très particulières : il est signé par Philippe Vasseur, qui a maintenant abandonné la politique au profit d'une carrière dans une banque.

Depuis, pas moins de cinq ministres se sont succédé au portefeuille de l'agriculture et c'est aujourd'hui seulement, après avoir été repoussé par la profession deux fois au cours de la décennie, que ce projet, écrit en 1996, nous est soumis.

La grande technicité de la rédaction ne saurait masquer le coeur du sujet : les semenciers ne veulent plus que l'on puisse semer ce qui n'a pas été acheté, rompant ainsi avec une pratique qui dure depuis des milliers d'années. C'est d'ailleurs ainsi que l'on a défini le néolithique.

Les firmes semencières veulent qu'on leur donne les moyens de maîtriser des parts de marché identifiées à l'aune des peuples à nourrir et de tirer des revenus de toutes les pratiques agricoles de ceux qui, un jour, ont été leurs clients.

Monsieur Bizet, votre compétence, saluée par Daniel Raoul, eût mérité tout de même l'élégance de ne pas taxer de mauvaise foi toute critique au texte. Elle eût également mérité une plus grande précision.

Certes, comme vous l'évoquez, ce projet de loi ne donne pas aux semenciers un pouvoir sur le domaine public. Mais lorsque vous dites qu'ils ne veulent pas se constituer un pré carré, je pense le contraire. Ces mots conviennent bien à la situation naissante. Le procès des majors contre une association telle que Kokopelli montre bien leur dureté.

Le terme « obtenteur » n'est pas un hasard de la sémantique ou de l'économie : il se distingue du mot « inventeur », car aucun individu n'a inventé le riz, le blé ou la vigne. Ce sont toutes les tribus, toutes les ethnies, tous les peuples qui ont apporté leur pierre au très long chemin de la reconnaissance, de la sélection, de l'entretien et donc de la mise au point des graines nourricières.

Tout cela montre combien nous devons nous tenir à distance de la brevetabilité du vivant, qui serait une spoliation du bien commun.

L'obtenteur n'est pas non plus un découvreur. Même si la quête de variétés inconnues ou exotiques s'accélère, dans le but d'en retenir les caractères intéressants, la vigilance permet encore de résister à ce que l'on appelle le biopiratage.

Le 9 août 2005, le secrétariat général de la Communauté andine - Bolivie, Équateur, Venezuela, Colombie, Pérou - s'est doté d'un outil commun pour prévenir le biopiratage, c'est-à-dire l'usage illégal des ressources génétiques et des savoir-faire traditionnels.

Ces tentatives de pillage ne sont pas nouvelles ; elles étaient déjà décrites dans l'excellent ouvrage La guerre des semences, voilà trente ans. Des actes de brûlage après prélèvement, dans les steppes africaines, y étaient même dénoncés, actes destinés à ne laisser aucun végétal de l'espèce convoitée à une firme concurrente ! Avoir le monopole des gènes encore inexploités est une course qui reste d'actualité.

Aujourd'hui, six firmes se partagent 69 % des droits sur les céréales les plus consommées dans le monde : Aventis, Dow, DuPont, Mitsui, Monsanto et Syngenta.

La rapidité des biotechnologies accélère l'obtention. C'est un marché extraordinaire : les coûts de ces technologies étant élevés, des pressions s'exercent sur les pouvoirs publics -donc, sur nous - pour qu'ils édictent des règles augmentant les retours sur investissement, finançant les innovations et garantissant de solides bénéfices.

Faut-il rappeler que ces firmes ont aussi accès au crédit d'impôt par le biais de la loi de programme pour la recherche ?

L'avènement des plantes génétiquement modifiées par manipulations artificielles rapproche encore plus l'obtention de l'invention. Or certains franchiraient bien le pas du brevet, oubliant l'aspect inaliénable des codes et des bases qui façonnent la matière vivante : ces quatre bases s'ordonnent et se bouclent pour la chair de vos enfants, la prunelle de vos yeux, l'ADN du tournesol ou la fibre du lin ; ces quatre bases existaient déjà à l'époque des dinosaures ou des primates bipèdes, dont nous ne sommes jamais qu'une variété dérivée.

Heureusement, ils ne nous demandent pas d'indemnités ! Cela, monsieur Bizet, ce n'est pas de la mauvaise foi, c'est de l'humour...

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