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Intervention de Roland Muzeau

Réunion du 5 novembre 2004 à 15h00
Cohésion sociale — Article 37-3

Photo de Roland MuzeauRoland Muzeau :

Aujourd'hui, selon la logique de la jurisprudence de la Cour de cassation du 3 décembre 1996, passée à la postérité sous l'appellation « Framatome et Majorette » et confirmée constamment, « dans les entreprises ou professions visées à l'article L. 321-2 du code du travail, où sont occupés habituellement au moins 50 salariés, les employeurs qui projettent d'y effectuer un licenciement pour motif économique sont tenus, lorsque le nombre de licenciements envisagés est au moins égal à 10 dans une même période de trente jours, non seulement de réunir et consulter le comité d'entreprise, mais aussi d'établir et de mettre en oeuvre un plan social pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre ».

Le fait déclencheur de l'obligation d'établir un plan de sauvegarde de l'emploi est la proposition de modification du contrat par l'employeur.

Désormais, si effectivement le seuil reste fixé à 10 salariés, sa détermination différente, excluant les salariés ayant accepté une modification de leur contrat de travail pour motif économique, vient bouleverser la procédure.

Le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale, en ne faisant obligation d'établir un plan social que si au moins 10 salariés ont refusé la modification qui leur est proposée, rend de nouveau possible les manoeuvres du contournement par les employeurs des exigences de l'article L. 321-4-1, justement censurées en 1996 par la Cour de cassation.

Dans le mémo du MEDEF au Gouvernement pour faire « baisser le chômage et augmenter la croissance » figurent en bonne place des propositions censées sauvegarder la compétitivité des entreprises, « l'exclusion de la procédure des licenciements économiques, les départs négociés ». Il suffisait au MEDEF de demander pour être satisfait.

Demain, une fois la jurisprudence « Framatome » évacuée et l'article L 321-4-1 du code du travail dévitalisé, les employeurs pourront librement déguiser des licenciements économiques en licenciements individuels qui présentent l'avantage de se faire sans procédure, en quelques jours, sans mesures sociales. Voilà la modernité selon les libéraux !

Au lieu de saisir les représentants du personnel d'un projet portant sur au moins dix licenciements, le chef d'entreprise s'adressera directement au salarié en notifiant son intention de modifier son contrat de travail. La modification portera sur le salaire, le lieu de travail, la durée de celle-ci. Mais lorsque les salariés refuseront tout changement - acte difficile dans le contexte de chantage à l'emploi que nous connaissons -, seront alors engagées autant de procédures de licenciements individuels que de salariés récalcitrants. Souvenez-vous du scandale qui a eu lieu voilà quelques semaines chez Bosch, où on a dit aux salariés : « je ferme l'entreprise si vous n'acceptez pas une remise en cause des 35 heures et une baisse des salaires ». Le résultat est là : les salariés n'ont que leur emploi à défendre. Et l'on sait ce qu'a donné le référendum.

Je ne vois décidément pas dans ces mesures un moyen d'améliorer la situation des salariés. En revanche, il est flagrant que le patronat s'affranchira ainsi de tout plan social, de tout risque d'annulation et de tout contrôle du comité d'entreprise.

Le Gouvernement parviendra également, par ce biais, à faire sensiblement baisser le nombre officiel de suppressions économiques d'emplois. Il est à craindre en conséquence que la tendance actuelle à l'augmentation du nombre de mises au chômage pour cause de licenciements personnels ne s'accentue ; mais l'affichage n'est pas aussi négatif. Quelle ambition !

Au lieu de régler par le haut le problème posé actuellement par les salariés, dont 53 % travaillent dans des entreprises de moins de 50 salariés et pour lesquels aucune mesure d'accompagnement social n'est possible dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi - ce dernier n'est en effet pas obligatoire -, vous envisagez, pour les salariés concernés par 20 % des licenciements économiques réalisés dans le cadre d'un plan social, de rendre aléatoires les garanties jusque-là offertes tout en assurant les employeurs de la rapidité du licenciement. Ce dernier durera entre quatorze et douze jours, en l'absence de représentants du personnel, sans autre procédure que l'entretien individuel.

Nous refusons catégoriquement, vous vous en doutez, cet article 37-3. Tel est le sens de notre amendement de suppression n° 612.

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