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Intervention de Jean-Pierre Godefroy

Réunion du 5 novembre 2004 à 15h00
Cohésion sociale — Article 37-5 précédemment réservé

Photo de Jean-Pierre GodefroyJean-Pierre Godefroy :

Par cet article 37-5, il est proposé de réduire le délai de recours contre une procédure de licenciement de cinq ans à un an, et de fixer un délai de quinze jours pour une contestation en référé.

Cet article reflète une conception intéressante du statut de celui qui est salarié dans une entreprise ! Le citoyen qu'il est jusqu'à la porte de son lieu de travail bénéficie dans tous les cas, au moins au civil, de la prescription quinquennale. Je dirais même - mais je crains de donner des idées au MEDEF ! - que, dans le cas de conflit sur une créance salariale, il bénéficie de la prescription quinquennale, et cela devrait continuer à être le cas après l'adoption de ce texte.

Désormais, toutefois, pour ce qui concerne l'une des situations fondamentales de sa vie, le fait d'avoir ou non un emploi salarié, il ne pourra plus agir que dans le délai d'un an.

Je ferai deux observations, monsieur le ministre.

Le citoyen reste-t-il un citoyen à l'intérieur de l'entreprise ? Si tel est le cas, pourquoi créer cette exception au droit commun à son détriment ? Pourquoi, sur ce point fondamental, avantager délibérément, au regard de la loi, l'employeur au détriment du salarié ?

On nous dit que cette prescription quinquennale crée une insécurité juridique pour l'entreprise.

Pour combattre cette insécurité, vous en venez donc à créer une exception et une véritable injustice, qui prend pour fondement l'idée que le salarié ne dispose pas, en tant que tel, de l'intégralité de ses droits de citoyen.

Nous retrouvons ici les thèses du MEDEF, selon lesquelles le chef d'entreprise, plus précisément l'actionnaire qui a placé un capital dans une entreprise, doit être entièrement maître dans cette entreprise, sous réserve du respect de quelques droits fondamentaux et de quelques principes en matière sanitaire et sociale.

Même là, cependant, encore faudrait-il tenir compte de l'idée que le contrat, officiellement conclu librement entre deux parties placées à égalité juridique, doit en toutes choses primer sur une loi trop lointaine et rigide, une loi que l'on dira, au besoin, confectionnée en méconnaissance des réalités de l'entreprise et sans tenir suffisamment compte de l'avis des partenaires sociaux.

Dans le cas présent, nous n'avons d'ailleurs pas remarqué que vous ayez longuement consulté les partenaires sociaux avant d'abroger la prescription quinquennale en matière de licenciement ! Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà, ou, plutôt, négociation quand la gauche est au pouvoir, législation quand c'est la droite !

C'est toute cette philosophie et cette pratique qui sous-tendent votre texte, avec, par exemple, les accords de méthode. La faculté de déroger au droit commun devient un principe du droit quand elle profite à l'actionnaire.

Avec cet article, vous faites toutefois coup double, puisque vous ne vous contentez pas de vous protéger du recours du salarié licencié : vous « sortez » aussi le juge, car c'est bien lui, encore davantage que l'inspecteur du travail, qui est le facteur d'insécurité juridique majeure.

Le salarié ne tenterait pas de recours s'il savait à l'avance n'avoir que peu de chances de gagner, mais le juge applique la loi. II convient donc, puisqu'on ne peut le faire agir autrement, de limiter son rayon d'action, en réduisant considérablement les délais de recours.

C'est aussi le sens de l'introduction du plaider coupable dans le droit du travail. Même si tel n'est pas le sujet précis du débat de ce jour, on retrouve là un autre exemple de législation à géométrie variable. Depuis le 1er octobre, cette nouvelle procédure est mise en oeuvre : je rappelle que la loi du 9 mars 2004 permet de plaider la reconnaissance de culpabilité. Le juge propose alors une peine, qui fait l'objet d'observations des avocats dans ce qui ressemble fort à une négociation, et elle est ensuite validée en audition publique.

II ne vous aura pas échappé qu'en droit pénal du travail ce système est aussi applicable.

Une négociation de la peine pourra donc s'opérer entre le parquet et l'employeur fautif, que ce soit pour des délits de travail dissimulé ou même pour des homicides involontaires en cas d'accident du travail mortel. La seule limite à l'application de cette procédure est que le parquet ne requière pas une peine d'un an d'emprisonnement contre l'employeur. En fait, on ne verra donc plus juger d'infraction du travail en audience correctionnelle publique.

On pourrait dire qu'il résulte de tout cela une grande confusion de doctrine, mais c'est là une question annexe. Si la doctrine est confuse, l'objectif est clairement identifié et, dans ces méandres juridiques, il n'est jamais perdu de vue. Le juge est marginalisé. Le recours doit se raréfier, pour faire disparaître l'insécurité juridique née de l'esprit procédurier des salariés, qui ne comprennent décidément pas qu'on les prive de leur emploi, de leur seule source de revenus, pour augmenter les profits des institutions financières, des fonds de pension et des spéculateurs de tous genres.

Nous demandons en tout cas un scrutin public sur cet amendement, et nous espérons qu'il sera adopté !

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