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Intervention de Jean-Pierre Godefroy

Réunion du 5 novembre 2004 à 15h00
Cohésion sociale — Vote sur l'ensemble

Photo de Jean-Pierre GodefroyJean-Pierre Godefroy :

Madame la présidente, messieurs les ministres, madame la ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur les conditions dans lesquelles nous avons travaillé, mais je tiens à insister pour qu'elles ne se renouvellent pas trop souvent.

Monsieur le ministre, vous êtes avocat de formation et je dois dire que, lorsque vous êtes venu nous présenter votre projet en commission cet été, votre plaidoirie a été très efficace : je me suis pris à rêver ! Mais j'utiliserai aujourd'hui une métaphore médicale pour vous dire que le diagnostic que nous partagions se traduit aujourd'hui par une ordonnance qui nous paraît très amère, et qui fait d'ailleurs suite à une série d'ordonnances tout aussi amères... Nous ne pouvons pas approuver l'ensemble des remèdes que vous nous prescrivez.

Oui, la cohésion sociale dans notre pays est en crise : le chômage, les difficultés d'accès au logement, les inégalités des chances, auxquelles sont de plus en plus fréquemment confrontés nos concitoyens, en témoignent. Périodiquement, M. le Président de la République « pique une crise sociale » : en 1995, il fallait résorber la fracture sociale ; aujourd'hui, il faut restaurer la cohésion sociale, et votre projet de loi doit donc marquer un nouveau virage social. Nous espérons que ce virage n'est pas seulement tactique !

Bien sûr, je ne remets pas en cause, monsieur le ministre, votre sincérité et votre volontarisme, mais puis-je me permettre de vous dire que, pendant ces débats, je vous ai parfois senti dubitatif ? L'examen du texte ne vous aurait-il pas quelque peu déçu ? N'aurait-il pas été à la hauteur de vos espérances ?

Pour autant, je n'oublie pas que le gouvernement auquel vous appartenez depuis 2002 porte une lourde responsabilité dans l'aggravation de cette crise. Je n'oublie pas que ce gouvernement a beaucoup fait pour creuser l'écart entre les nantis et ceux qui subissent, ceux qui vivent durement leurs conditions d'existence et les autres. Je ne ferai pas le catalogue des vos mesures : nous les avons évoquées largement lors de ce débat !

Incontestablement, dans cet environnement économique incertain et ce contexte social calamiteux, ce projet de loi sonne, ou risque de sonner comme un échec par rapport à la politique économique et sociale conduite depuis 2002 par votre prédécesseur, M. Fillon, qui avait parié sur le « tout économique » au secours duquel vous êtes venu - du moins avez-vous tenté de le faire - et qui n'a pas réussi.

La casse, c'est le démantèlement du service public, de l'emploi, avec l'ouverture aux opérateurs privés. C'est aussi et surtout cette lettre rectificative et, sous l'influence du MEDEF, la remise en cause, limitée grâce à l'action de nos collègues, de la législation sur les licenciements. Oui, dans ces huit articles qui nous ont occupés toute la journée, il s'agit, monsieur le ministre, non pas de cohésion sociale mais plutôt de cohésion patronale.

Vous nous avez annoncé des chiffres. Un million de contrats d'avenir ? Si seulement cela pouvait être vrai ! Quant aux 500 000 apprentis, nous les espérons ! Des logements ? Tout dépendra des crédits et, si je partage avec vous la notion très républicaine de la programmation, j'ai néanmoins trop vu des plans être remis en cause. Le seul montant garanti pour l'instant est de 1, 146 milliard d'euros pour 2005 !

Cette liste n'est pas exhaustive. En effet, les chiffres ne manquent pas dans ce texte et, s'ils donnent une impression de volontarisme, ils donnent parfois aussi un peu le vertige. Quoi qu'il en soit, ils ne valent que s'ils sont confortés par l'action des collectivités locales et je pense que mes collègues présidents de conseils généraux, maires, présidents d'établissements publics de coopération intercommunale seraient très curieux de lire, face aux tableaux que vous nous avez fournis, la liste des dépenses locales supplémentaires non compensées.

Je ne vais pas revenir, monsieur le ministre, sur chaque disposition de ce texte. Je me bornerai à constater que très peu de nos amendements ont pu être adoptés. Nous nous sommes pourtant, de manière générale, et ainsi que je l'avais annoncé lors de la discussion générale, attachés à défendre des amendements constructifs.

Je ne nierai cependant pas que les ministres ont accepté d'en débattre sereinement, et je les en remercie.

Je voudrais à mon tour dire que j'ai aussi beaucoup apprécié l'attitude de nos rapporteurs, qui nous ont permis d'accomplir un travail de qualité, d'avoir un échange républicain positif, au-delà même de nos désaccords.

Si vous aviez accepté un plus grand nombre de nos amendements, monsieur le ministre, votre texte aurait eu plus de punch et cela aurait donné encore plus de crédit à votre volonté. Il vous manque... ce que nous aurions pu vous apporter. Nos camarades, à l'Assemblée nationale, pourront néanmoins vous aider à réviser votre stratégie.

Sur un certain nombre de sujets, vous n'avez incontestablement pas voulu nous entendre alors que nous avons nous-mêmes su apporter notre pierre à l'édifice. Je prendrai comme exemple l'important débat que nous avons engagé sur l'article 59 à propos de la dotation de solidarité urbaine. J'espère que l'équilibre trouvé par notre assemblée sur ce point particulier ne sera pas remis en cause.

Nous restons néanmoins intimement persuadés, monsieur le ministre, que votre texte ne permettra pas de résoudre la crise du chômage, pas plus que celle du logement.

J'aurais pu m'en tenir là s'il n'y avait eu cette funeste lettre rectificative. Pour mes collègues et pour moi-même, je vous le dis très franchement, cette lettre constitue une agression envers le monde du travail, une tentative de démantèlement systématique du droit des travailleurs. Elle est aux antipodes de vos déclarations de cet été qui avaient, je vous l'avoue, marqué nos esprits. Socialement, c'est un tel retour en arrière que j'ai du mal à concevoir que ce texte ait pu être intégré dans un projet de loi de cette nature.

Entre cohésion sociale - pour la première partie - et cohésion patronale - pour la seconde -, entre ce que vous nous aviez présenté et ce que vous nous proposez de voter, il y a du M. Hyde et du docteur Jekyll...

Dans ces conditions, nous ne pouvons pas accepter de voter ce texte.

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