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Intervention de Martine Aubry

Mission commune d'information sur le bilan et les conséquences de la contamination par l'amiante — Réunion du 28 septembre 2005 : 1ère réunion
Audition de Mme Martine Aubry ancien ministre

Martine Aubry :

a d'abord souligné l'intérêt du travail de la mission face au drame de l'amiante et a considéré que les victimes devaient « savoir » afin que soit mis en oeuvre, à l'avenir, un dispositif de prévention efficace en matière de santé au travail. Elle a regretté que M. Jacques Barrot et elle-même soient les seuls anciens ministres à avoir accepté d'être entendus par la mission, notant que d'autres ministères étaient au moins autant concernés par le dossier de l'amiante.

Rappelant qu'elle était entrée au ministère du travail en 1975, elle a indiqué avoir vécu la préparation du décret de 1977 qui a constitué la première réglementation de l'utilisation de l'amiante. Elle a fait observer que la sécurité sociale était l'acteur central de la prévention des risques professionnels depuis 1945, les statuts de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) lui donnant un rôle d'alerte des pouvoirs publics, à partir des déclarations de maladies professionnelles centralisées par les caisses régionales (CRAM). De même, l'Institut national de recherche et sécurité (INRS) était compétent pour diffuser les moyens de prévention des risques professionnels. Elle a noté que l'Etat avait, quant à lui, pour mission de définir et d'adapter la réglementation, puis de contrôler son application. De nombreux ministères sont ainsi concernés : les affaires sociales, la santé, l'économie et les finances (dont dépendait l'autorisation de mise sur le marché des produits amiantés), le travail et la recherche, notamment grâce à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), qui effectue des recherches sur les maladies professionnelles, ainsi que le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et les facultés de médecine. La loi oblige également le chef d'entreprise à assurer la sécurité au travail de ses salariés.

a ensuite abordé les raisons de la faillite de l'Etat dans le dossier de l'amiante. Elle a estimé qu'il convenait de garder à l'esprit l'état des connaissances scientifiques sur l'amiante disponibles dans les années 1970, rappelant que le seul risque associé à l'amiante avait longtemps été celui de la fibrose. Elle a noté qu'il était désormais avéré que, dès les années 1950, l'amiante provoquait des cancers du poumon et des mésothéliomes, mais que l'apparition de ces pathologies malignes était liée à des expositions particulièrement élevées aux fibres. Elle a expliqué que la connaissance des risques s'était diffusée progressivement et que la France avait reconnu le caractère cancérigène de l'amiante en 1976, soit un an avant l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Elle a exposé les résultats d'une enquête conduite en 1994, selon laquelle 1,2 million de personnes étaient à cette époque exposées aux risques toxiques, 4 millions aux risques chimiques et 1 million aux risques cancérigènes. A cet égard, elle a fait observer qu'il existait aujourd'hui encore des milliers de produits toxiques et cancérigènes dans la vie quotidienne, le danger étant largement lié à leur usage.

Elle a expliqué que le décret de 1977 avait été perçu comme un véritable progrès, car il semblait exclure le danger pour les salariés. Elle a indiqué que deux décisions importantes avaient été prises en 1977 : l'interdiction du flocage et la prescription de mesures de protection afin d'éviter que les ouvriers soient exposés aux poussières d'amiante. Avec ce décret, la France avait fait le choix d'un niveau d'exposition très faible, de 2 fibres par millilitre, inférieur à celui alors en vigueur aux Etats-Unis (5 fibres). A l'époque, ce niveau d'exposition avait semblé efficace dès lors que les règles de sécurité étaient respectées.

Retraçant son activité en tant que directeur des relations du travail entre 1984 et 1987, Mme Martine Aubry a cité les nombreux textes réglementaires publiés sur l'amiante au cours de cette période, et en a tiré la conclusion qu'il n'était pas possible de parler de négligence des pouvoirs publics sur ce dossier. Elle a également cité une circulaire de mai 1985 relative à la prévention des risques professionnels qui devait constituer une priorité. Elle a noté que cette circulaire traduisait bien l'état d'esprit de l'époque, en particulier la confiance dans l'efficacité des valeurs limites d'exposition. Elle a également indiqué que le cancer du poumon avait été inscrit au tableau des maladies professionnelles en 1985 afin de permettre l'indemnisation des victimes. A cet égard, elle a rappelé que, lorsqu'elle fut ministre du travail, entre mai 1991 et mars 1993, vingt maladies professionnelles avaient été inscrites au tableau sur les trente qui y avaient été inscrites au cours des 25 dernières années. Elle a également souligné l'importance qu'elle avait accordée aux moyens de l'inspection du travail, dont elle a multiplié par cinq les effectifs des promotions, et le renforcement du rôle des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). Sur la base de ces exemples, elle a réaffirmé le rôle essentiel du ministère du travail dans la protection des salariés, à condition toutefois qu'il soit saisi d'un problème particulier soit par le ministère de la santé, soit par celui de la recherche ou encore par celui de l'industrie.

abordant ensuite la question de la transposition des directives communautaires, a estimé que la France n'avait pas pris de retard en la matière. Elle a rappelé que la directive réduisant la valeur limite d'exposition à 1 fibre par millilitre, qui avait été adoptée fin 1983, devait être transposée au 1er janvier 1987. Elle a rappelé que le ministère du travail s'était inquiété de l'application de cette directive, en particulier eu égard à la difficulté d'effectuer des mesures fiables, et a relevé qu'aucune des nombreuses instances saisies, au sein desquelles siégeaient notamment les syndicats ainsi que des médecins, n'avait formulé de réserves. Elle a indiqué que la seconde directive, du 30 juillet 1991, qui réduit la valeur limite d'exposition à 0,5 fibre, avait également été transposée rapidement, avant le délai fixé par la Commission européenne.

Enfin, elle a rappelé qu'elle avait commandé un rapport sur les conséquences de l'amiante au professeur Claude Got en 1997, qu'elle avait été à l'origine de la mise en oeuvre du réseau national de surveillance des mésothéliomes en 1998 et qu'elle avait mis en place le régime de préretraite des travailleurs de l'amiante en 1999. Elle a fait observer que l'ensemble de ces mesures avait permis une diminution drastique de l'utilisation de l'amiante dans l'industrie, la quantité d'amiante employée en France ayant été divisée par 4 entre 1981 et 1987, puis encore par 2 jusqu'en 1993. Elle a toutefois estimé que l'amiante posait un problème particulier lié à la longueur du délai de latence entre l'exposition à cette fibre et l'apparition des maladies.

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