Séance en hémicycle du 26 mai 2014 à 11h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • l’aide

La séance

Source

La séance est ouverte à onze heures.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Le compte rendu intégral de la séance du 21 mai 2014 a été publié sur le site internet du Sénat.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises est parvenue à l’adoption d’un texte commun.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

J’informe le Sénat que la commission des affaires sociales a procédé à la désignation des candidats qu’elle présente :

- à la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi tendant au développement, à l’encadrement des stages et à l’amélioration du statut des stagiaires ;

- et à la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à lutter contre les fraudes et les abus constatés lors des détachements de travailleurs et la concurrence déloyale.

Ces listes ont été publiées et la nomination des membres de ces commissions mixtes paritaires aura lieu conformément à l’article 12 du règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen du projet de loi portant réforme ferroviaire, déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale le 16 octobre 2013.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 23 mai 2014, qu’en application de l’article 61-1 de la Constitution, le Conseil d’État a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’article L. 314-1-1 du code de l’énergie (Dispositions particulières à l’électricité produite à partir d’énergies renouvelables) (2014-410 QPC).

Le texte de cette décision de renvoi est disponible à la direction de la séance.

Acte est donné de cette communication.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courrier en date du 23 mai 2014, une décision du Conseil sur une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du paragraphe I de l’article L. 214-17 du code de l’environnement (n° 2014-396 QPC).

Acte est donné de cette communication.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, d’orientation et de programmation relatif à la politique de développement et de solidarité internationale (projet n° 357, texte de la commission n° 491, rapport n° 490, avis n° 540).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la secrétaire d'État.

Debut de section - Permalien
Annick Girardin

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est pour moi un honneur de vous présenter aujourd’hui le projet de loi d’orientation et de programmation relatif à la politique de développement et de solidarité internationale.

C’est la première fois, depuis le début de la Ve République, qu’un projet de loi sur le développement est présenté au Parlement ; c’est la première fois que le Parlement débat non pas sur les seuls documents budgétaires, mais sur l’ensemble des orientations de notre politique de solidarité internationale.

Il était grand temps, car il est indispensable que la représentation nationale puisse enfin s’exprimer sur une politique qui contribue grandement au rayonnement de notre pays dans le monde. Il est essentiel que la France se dote d’un cadre d’action cohérent, transparent, partagé, qui obtienne l’assentiment des parlementaires.

Ce projet de loi, initialement porté par Pascal Canfin, dont je tiens à saluer l’action, est donc des plus utiles, même au lendemain d’une élection qui a secoué notre pays, même si l’activité législative est très dense, même si la crise économique peut conduire certains à penser que la solidarité internationale n’est qu’une politique superflue.

Lors de sa prise de fonctions, en 2012, le Président de la République a souhaité conduire la rénovation de notre politique d’aide au développement pour l’adapter aux enjeux du XXIe siècle, pour qu’elle promeuve un développement durable et solidaire, pour qu’elle contribue à bâtir un monde plus humain.

D’ailleurs, vous ne m’avez pas attendue pour considérer l’utilité de ce projet de loi. Depuis plusieurs années, mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez souhaité, à de nombreuses reprises, disposer d’un tel cadre politique. La qualité du travail réalisé en commission – je remercie l’ensemble des commissaires qui y ont participé – atteste de cet intérêt.

Dans son rapport sur la politique française d’aide au développement publié en 2012, la Cour des comptes vous donnait raison et recommandait l’adoption d’une telle loi. Comme la Cour des comptes, vous regrettiez que le Parlement ne soit consulté à ce sujet que lors de l’examen des projets de loi de finances. Ceux-ci sont bien évidemment indispensables, mais leur présentation est fragmentée et leur examen – quand il peut effectivement avoir lieu… – peu identifié.

Bref, les projets de loi de finances ne permettent pas d’avoir une vision d’ensemble. Surtout, ils ne rendent pas compte des évolutions majeures qui conduisent l’aide au développement à évoluer constamment. Le monde a changé, il change rapidement, et nous n’intervenons plus à l’étranger comme nous le faisions autrefois.

C’est à la lumière de ces évolutions que je tiens à vous présenter ce projet de loi. Je veux montrer en quoi il répond aux défis majeurs qui s’imposent à nous. Je veux vous montrer pourquoi il est utile et pourquoi il sera efficace.

Ce qui caractérise le développement, ces dernières années, c’est la montée en puissance d’un très grand nombre d’acteurs non étatiques. Leur rôle s’est considérablement accru, tant dans les pays développés que dans les pays en développement.

La multiplication des acteurs est une chance. Elle apporte une grande diversité de savoirs, d’expertises, une manière de faire innovante. Elle permet d’utiliser les meilleures compétences tout au long de la mise en œuvre d’un projet de développement et de mettre en commun des financements, ce qui en accroît la force de frappe.

Mais, pour que ces avantages puissent être efficaces, ces acteurs doivent échanger sur leurs conceptions, discuter de leurs pratiques. C’est la raison pour laquelle ce projet de loi a été élaboré dans la plus grande concertation.

Les Assises du développement et de la solidarité internationale ont été organisées entre les mois de novembre 2012 et de mars 2013. Elles ont rassemblé, autour de quinze tables rondes, l’ensemble des acteurs du développement et de la solidarité internationale : des organisations non gouvernementales, du Nord comme du Sud, des entreprises privées, des syndicats, des parlementaires, des élus locaux et des universitaires.

Mais si la concertation est effectivement une méthode encouragée par le Président de la République, le Parlement est bien évidemment la dernière instance à se prononcer et à trancher. Pour avoir siégé à l’Assemblée nationale, je sais que l’indispensable concertation n’enlève rien aux décisions de la représentation nationale ; au contraire, elle les éclaire, elle les renforce.

Cette concertation était nécessaire pour aboutir à un cadre d’action partagé. Elle doit désormais être institutionnalisée, et c’est ce qu’il est proposé de faire au travers de la création du Conseil national du développement et de la solidarité internationale, le CNDSI. Rassemblant les acteurs du développement dans leur diversité, cette instance permet une concertation régulière entre les différents acteurs sur les objectifs et les orientations de la politique française de développement.

Les actions menées par ces acteurs ne seront pleinement efficaces que s’ils se connaissent, s’ils travaillent de manière cohérente et coordonnée. La première réunion du CNDSI s’est tenue jeudi dernier, et les échanges furent fructueux, sur ce projet de loi comme sur la notion de cohérence. Nous sommes d’ailleurs favorables à ce que le CNDSI soit composé à parité d’hommes et de femmes, comme cela est l’usage.

Mais pour que les acteurs puissent se coordonner, encore faut-il que leur rôle soit reconnu. C’est ce que permet le projet de loi. À cet égard, je salue l’initiative des corapporteurs, MM. Cambon et Peyronnet, qui ont proposé, en commission, de rendre plus explicite la reconnaissance du rôle des acteurs non étatiques dans la politique de développement.

Je voudrais ici souligner le rôle des collectivités, car le Sénat assure – c’est un principe constitutionnel – « la représentation des collectivités territoriales de la République ». Le projet de loi prévoit de reconnaître l’action extérieure des collectivités territoriales, cette terminologie étant volontairement plus large que l’expression « coopération décentralisée ».

Les collectivités auront explicitement la possibilité de mener des actions de coopération et d’aide au développement, et une Commission nationale de la coopération décentralisée sera créée. L’amendement adopté en commission, qui vise à dédier 1 % du produit de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères à ces actions, renforcera les moyens à disposition des collectivités. Ces avancées considérables sécuriseront leurs actions et leur donneront plus de libertés.

Debut de section - Permalien
Annick Girardin, secrétaire d'État

Mais je veux être très claire : on ne peut pas, d’un côté, renforcer le rôle des collectivités, et, de l’autre, outrepasser leurs prérogatives ou ignorer leurs intérêts. Je pense ici aux collectivités ultra-marines, qui, à l’heure actuelle, ne sont pas toujours consultées, ni même informées, lorsque des projets sont menés dans leur environnement régional. Dans certains cas, cela conduit à des situations paradoxales, qui voient la France soutenir dans des territoires étrangers des projets ayant des effets négatifs sur l’économie de territoires nationaux.

Les collectivités d’outre-mer sont les têtes de pont de notre République et de l’Europe aux quatre coins du globe. Notre politique de développement doit pouvoir s’appuyer sur leur savoir-faire, leurs réseaux et leur environnement régional, qu’ils ont participé à construire. Plusieurs amendements vont en ce sens, auxquels je suis tout à fait favorable.

Au-delà de la politique de développement, de nombreuses autres politiques publiques ont un impact sur les pays en développement. Je pense ici à l’agriculture, au commerce extérieur, à l’environnement, à l’énergie, à la santé, à l’outre-mer. L’efficacité de notre action dépend donc fortement de la cohérence de l’ensemble des politiques nationales et européennes.

Cette cohérence doit être au cœur de notre action : c’est tout l’objet des articles 3, 3 bis et 3 ter du projet de loi. Il ne sert à rien de verser des millions à des agriculteurs en Afrique si, par ailleurs, la politique agricole européenne freine leurs exportations. Le comité interministériel de la coopération internationale et du développement, le CICID, qui rassemble, sous la présidence du Premier ministre, tous les ministères concernés par la politique de développement, est chargé de veiller à cette cohérence. La France y veillera également au sein de l’Union européenne.

De même, ce projet de loi prévoit de rationaliser les dispositifs existants, de rapprocher des enceintes, voire de les fusionner. Vous l’avez notamment demandé, mesdames, messieurs les sénateurs, en commission, pour le dispositif d’expertise technique internationale.

Le Gouvernement partage votre ambition : nous devons rationaliser le pilotage de cette politique, rassembler des opérateurs aujourd’hui fragmentés, pour plus d’efficacité et une diminution du coût. Les modalités de cette réforme, attendue depuis de nombreuses années, seront certainement à préciser, et son calendrier à définir. Le dialogue devra donc se poursuivre, mais nous avons là une réforme d’envergure pour la promotion de notre savoir-faire et de notre image à l’international.

L’autre évolution majeure dans la politique de développement tient à la nécessité de répondre à la demande d’une plus grande transparence.

La transparence n’est pas seulement un moyen de redevabilité, c’est aussi un outil puissant au service d’une plus grande efficacité. Or la redevabilité et l’efficacité sont des impératifs compte tenu du contexte budgétaire. Nos concitoyens doivent savoir comment l’argent public – leur argent ! – est utilisé.

Mme Nathalie Goulet approuve.

Debut de section - Permalien
Annick Girardin, secrétaire d'État

La transparence est au cœur du projet de loi, tout d’abord du fait de sa nature même : issues d’une large concertation, les orientations de la politique de développement sont soumises à l’examen du Parlement. Mais le contrôle du Parlement ne s’arrêtera pas à cette seule loi. Vous serez informés par des rapports plus nombreux, mesdames, messieurs les sénateurs.

Ainsi, le projet de loi intègre la première grille d’indicateurs de résultats de l’action bilatérale et multilatérale financée par la France. Trente indicateurs décriront annuellement les résultats emblématiques de l’action de la France dans ses secteurs prioritaires. Ces indicateurs sont certainement perfectibles. Donnons-nous le temps de les tester, de voir quels aménagements devront éventuellement leur être apportés par la suite.

Le projet prévoit également les modalités d’une évaluation plus indépendante de notre politique de développement. La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat a introduit une disposition audacieuse en ce sens.

Debut de section - Permalien
Annick Girardin, secrétaire d'État

Le Gouvernement souscrit à l’objectif, mais il souhaite poursuivre avec la représentation nationale un dialogue nourri pour approfondir cette question.

L’autre levier d’un accroissement de la transparence, c’est l’information du grand public, en France comme à l’étranger. Le lancement en septembre dernier d’un site internet pilote présentant l’ensemble des projets d’aide au développement de la France au Mali est un exemple de la démarche qui doit être généralisée. Interactif, donnant des informations concrètes sur les projets mis en œuvre à travers un service de géolocalisation, ce site offre aux citoyens français et maliens le moyen d’exprimer leur avis sur ces réalisations. Il renforce l’efficacité de nos actions et leur appropriation par les Maliens et les Maliennes, ainsi que le suivi des projets sur le terrain par la société civile dans son ensemble. Ce site constitue une nouveauté pour la France et un modèle pour nos partenaires européens, comme me l’ont indiqué mes homologues européens lundi dernier, lors d’un conseil des ministres chargés du développement.

D’ici à quelques mois, nous mettrons à la disposition du public des informations détaillées et actualisées concernant nos projets d’aide au développement dans les seize pays pauvres prioritaires.

Dans le domaine des industries extractives, le Gouvernement a décidé d’engager le processus formel d’adhésion à l’initiative pour la transparence dans les industries extractives, l’ITIE, conformément à l’annonce faite par le Président de la République lors du sommet du G8 de Lough Erne. Nous avons pour objectif d’adhérer à l’ITIE à l’occasion de sa prochaine conférence internationale.

Une autre évolution majeure concerne l’approche même du développement. Les bouleversements entraînés par la mondialisation ont amené la France à promouvoir une approche globale. L’article 1er du projet de loi le réaffirme clairement : l’objectif de notre politique de développement est de promouvoir un développement durable. En effet, l’élimination de la pauvreté et la garantie d’une vie décente pour tous semblent impossibles sans une transition vers des modèles de consommation et de production plus durables, sans un renforcement de la gouvernance globale, sans le respect des droits.

Dans cette optique, il est proposé que quatre domaines constituent les priorités de la politique française de développement : la promotion de la paix, des droits de l’homme et des libertés individuelles ; la justice sociale et le développement humain ; un développement économique durable et riche en emplois ; la préservation de l’environnement et des biens publics mondiaux.

Le projet de loi expose largement les enjeux dans chacun de ces domaines. Je n’y reviendrai donc pas dans le détail, mais, pour chacun d’entre eux, je mettrai l’accent sur un thème particulier qui me semble essentiel.

La responsabilité sociale et environnementale des entreprises, la RSE, est l’un de ces thèmes. Alors que les entreprises sont les moteurs du développement économique, elles ne contribuent pas nécessairement au progrès social. De récents exemples, comme celui, dramatique, du Rana Plaza, au Bangladesh, nous l’ont tristement rappelé. La RSE doit être au cœur de notre politique de développement, car elle permet l’amélioration des conditions de travail, l’instauration d’un État de droit, la mobilisation en faveur du développement durable.

La reconnaissance du rôle des entreprises dans le développement entraîne une plus grande reconnaissance de leurs responsabilités. Ces responsabilités doivent être définies par l’autorité publique pour prévenir toute défaillance du marché. C’est tout l’enjeu des normes internationales, et le projet de loi encourage les sociétés françaises travaillant à l’étranger à mettre en œuvre les principes directeurs de l’OCDE. En particulier, il rappelle l’engagement de l’Agence française de développement, l’AFD, d’intégrer la responsabilité sociale, environnementale et fiscale dans son système de gouvernance et ses actions.

Au-delà des normes internationales, on observe une mobilisation toujours plus grande des entreprises en faveur des politiques de développement. C’est une très bonne chose. Dans un contexte de ressources publiques limitées, il faut encourager les entreprises à s’engager dans des politiques ambitieuses de RSE. Nous devons soutenir les initiatives conduites par les entreprises ou des coalitions d’acteurs dans les pays en développement ayant explicitement pour vocation de produire un effet social ou environnemental tout en assurant leur pérennité économique. Ces initiatives sont probablement vouées à se multiplier dans les années à venir, parce qu’elles sont rentables dans la durée et donnent le surcroît de sens que les salariés réclament.

La préservation de l’environnement et des biens publics mondiaux est un autre sujet essentiel. Il est de notre responsabilité de nous assurer que nous ne laisserons pas aux générations futures un monde dans lequel les dérèglements climatiques obèreront la qualité de vie et les perspectives de croissance. Préserver le climat, éviter un réchauffement de la planète supérieur à deux degrés – tel est l’objectif que nous nous sommes fixé –, c’est agir en faveur du développement. Le dérèglement climatique est l’une des plus grandes menaces pour le développement des pays les plus vulnérables. Nous devons aider ces pays à choisir un mode de développement écologiquement soutenable et à s’adapter aux effets du changement climatique.

La France accueillera en 2015 la vingt-et-unième conférence des Nations unies sur le changement climatique. Comme Laurent Fabius et l’ensemble du Gouvernement, je serai mobilisée pour que cette conférence aboutisse à un accord ambitieux. À cet effet, je serai particulièrement vigilante en ce qui concerne la situation des territoires les plus vulnérables, notamment les territoires insulaires.

La promotion des droits de l’homme et des libertés individuelles est et restera une priorité de la France. La politique de développement contribue à promouvoir les valeurs de la démocratie et de l’État de droit, ainsi que l’égalité entre les femmes et les hommes. Notre pays favorise une approche par les droits, ceux-ci conditionnant l’épanouissement des libertés. La France soutient ainsi, dans le cadre des discussions actuelles sur le futur agenda du développement, la définition de socles universels à même de garantir le respect effectif des droits de l’homme, tels qu’un accès égal pour tous aux biens publics mondiaux et aux opportunités économiques, sociales et environnementales.

Le dernier domaine d’intervention qui me semble essentiel, c’est celui de la jeunesse. L’éducation est le ciment de notre République, comme l’a réaffirmé le Président de la République en faisant de la jeunesse et de l’éducation la grande priorité de son mandat. Or, que constatons-nous ? Lorsqu’il s’agit du développement des autres, nous sommes de plus en plus absents. À force de répondre à la nouveauté, à force de courir après ce qui est populaire, ce qui donne des résultats à court terme, peut-être avons-nous oublié les fondamentaux.

Quand je parle de la jeunesse et de l’éducation, je ne pense pas uniquement à l’éducation de base, même s’il reste encore beaucoup à faire dans ce domaine, notamment en matière de formation des maîtres ; c’est d’ailleurs tout l’enjeu de la pleine mise en œuvre du fonds de solidarité prioritaire « 100 000 professeurs pour l’Afrique », à laquelle je veillerai. Je pense aussi, et surtout, à la formation professionnelle, qui fait tant défaut dans de nombreux pays, alors même qu’elle constitue une priorité absolue en raison de leur démographie, des millions de jeunes entrant chaque année sur le marché du travail. Quand je parle de la jeunesse et de l’éducation, je pense aussi à la formation à la citoyenneté, à la sensibilisation aux droits des femmes, aux problématiques environnementales ou encore à l’hygiène.

On ne pourra pas remédier aux plus grands maux de notre temps si nous ne combattons pas leur racine, à savoir l’ignorance : ce n’est pas l’ancienne conseillère d’éducation populaire et de jeunesse qui parle, c’est la républicaine. À travers l’éducation, ce sont des valeurs qui sont inculquées. Ces valeurs sont d’autant mieux transmises qu’elles le sont en français. C’est l’un des points de convergence majeurs de mes deux périmètres d’action, la francophonie et le développement. Sachez-le, les Anglo-Saxons ne s’y sont pas trompés : ils investissement massivement dans l’éducation. Cela peut paraître paradoxal quand on sait que le boom démographique annoncé concerne avant tout l’Afrique francophone. D’ores et déjà, 60 % de la population francophone a moins de 30 ans. Les projections annoncent 800 millions de locuteurs francophones en 2050, dont plus de 80 % vivront en Afrique. C’est un véritable enjeu pour notre langue, pour nos valeurs, pour notre pays.

L’autre évolution mondiale majeure qui affecte l’aide au développement, c’est la sortie de la pauvreté de millions de femmes et d’hommes. Cette tendance s’est accélérée depuis les années quatre-vingt, notamment grâce à l’émergence de pays comme la Chine et l’Inde. En 1990, 47 % de la population mondiale vivait avec moins de 1, 25 dollar par jour ; en 2010, ce taux était passé à 22 %. Cependant, les progrès enregistrés au niveau mondial ne doivent pas masquer les disparités toujours existantes, voire croissantes, tant entre les pays, avec la persistance d’un groupe de pays nettement moins avancés, qu’au sein de certains pays, y compris à revenus intermédiaires, où persistent des inégalités criantes. Ce sont ainsi 1, 2 milliard d’hommes et de femmes qui continuent de vivre dans l’extrême pauvreté ; une personne sur huit dans le monde est toujours chroniquement sous-alimentée.

C'est pourquoi la concentration de l’aide constitue l’un des principes directeurs de notre politique de développement, comme le rappelle l’article 4 du projet de loi. Ainsi, 85 % de l’effort financier sera consacré à l’Afrique subsaharienne et aux pays des rives sud et est de la Méditerranée. Au moins 50 % des subventions de l’État et les deux tiers de celles de l’AFD viendront soutenir les secteurs sociaux des seize pays pauvres prioritaires.

Toujours dans un souci de concentration des moyens, la France établit des partenariats différenciés. Pour éviter le saupoudrage, nous interviendrons non pas dans tous les secteurs de l’aide au développement d’un pays donné, mais dans un nombre limité de secteurs, définis conjointement avec le pays partenaire en fonction de ses besoins.

Nous intervenons également dans les pays en crise. Nos interventions au Mali et en République centrafricaine l’ont montré : la France veut être aux côtés de ces pays non seulement, lorsque cela est nécessaire, dans les phases d’action militaire, mais aussi dans les phases de prévention, d’aide humanitaire et de reconstruction, pour que son action s’inscrive pleinement dans la logique du continuum urgence-reconstruction-développement.

Cependant, la France ne peut pas tout faire toute seule. Notre action vise à montrer la voie, pour mobiliser d’autres bailleurs sur des sujets primordiaux et créer un effet de levier. C’est tout le sens de la disposition de ce projet de loi tendant à permettre à l’AFD de porter des fonds multibailleurs. L’intervention dans les pays à revenus intermédiaires se concentrera avant tout sur la préservation des biens publics mondiaux, en promouvant dans ces pays une croissance verte et solidaire via des prêts peu ou pas concessionnels tout en veillant à un meilleur partage des richesses et à la lutte contre la corruption.

Les inquiétudes sur l’utilisation de ressources publiques pour financer des projets dans des pays tels que ceux d’Asie du Sud-Est sont légitimes. C’est pourquoi l’intervention dans les très grands émergents se fera, quant à elle, à coût nul pour l’État, au sein de partenariats. N’oublions pas que ces pays constituent des alliés potentiels dans l’action collective mondiale, ainsi que des marchés importants pour nos entreprises. Nous devons y promouvoir l’expertise technique française.

Bien entendu, toutes ces évolutions, qu’elles soient thématiques ou géographiques ou qu’elles concernent la multiplication des acteurs, ne sont pas sans incidence sur le financement de l’aide au développement. Comment pourrait-on imaginer le contraire ? J’invite donc à la plus grande prudence ceux qui ne prennent pour référence qu’un seul indicateur, soumis à des biais méthodologiques, comme celui de l’OCDE. Nous n’avons pas à rougir. L’aide au développement est multiple ; son financement ne saurait être uniforme.

Nombreux sont ceux qui regrettent l’absence de programmation budgétaire dans ce projet de loi. Comme vous le savez, il relève de la catégorie des lois de programmation déterminant les objectifs de l’action de l’État, prévue par le vingtième alinéa de l’article 34 de la Constitution. L’assemblée générale du Conseil d’État a rappelé, en décembre dernier, que, malgré leur intitulé, les lois d’orientation et de programmation ne sont pas soumises à l’obligation de comporter des éléments de programmation budgétaire. Par souci de cohérence avec le triennum budgétaire, il est apparu plus judicieux que les orientations et lignes programmatiques présentées dans le projet de loi s’appuient chaque année sur les moyens inscrits dans les lois de finances.

Les financements publics demeurent une source financière importante. Le projet de loi réaffirme la nécessité de maintenir des financements publics élevés. Il mentionne l’objectif international de 0, 7 % du revenu national brut dédié à l’aide publique au développement. Comme l’a rappelé le chef de l’État en clôturant les Assises du développement et de la solidarité internationale, la France reprendra une trajectoire ascendante vers ses engagements internationaux dès que la situation économique le permettra.

Mais nous devons aussi encourager le recours à d’autres sources de financement. Je pense bien entendu aux investissements privés ; c’est tout l’enjeu de la RSE. Je l’ai déjà souligné, faire participer les entreprises à l’amélioration des conditions de vie est un enjeu majeur. Il y a aussi les transferts d’argent des diasporas, qui constituent une manne financière importante. L’examen du texte en commission des affaires étrangères a permis de l’enrichir en encadrant et en facilitant ces transferts ; cela représente une vraie avancée. Je remercie les corapporteurs, MM. Peyronnet et Cambon, d’avoir pris cette initiative.

Néanmoins, il faut le reconnaître, le financement doit venir aussi et surtout des pays partenaires eux-mêmes.

La mobilisation des ressources nationales est un enjeu fondamental et la France aide au renforcement effectif des capacités administratives des pays à faibles revenus. On estime que les flux illicites de capitaux sortant de ces pays sont dix fois supérieurs à l’aide reçue de l’ensemble des bailleurs internationaux. Partant de ce constat, l’article 4 du projet de loi prévoit que la France soutient la lutte contre l’opacité financière et les flux illicites de capitaux pour favoriser la mobilisation de leurs ressources par les pays en développement.

Au-delà des instruments de financement traditionnels, publics ou privés, la France contribue à la recherche de nouvelles ressources pour le développement, telles que la taxe sur les billets d’avion, la taxe sur les transactions financières ou encore la facilité internationale de financement pour la vaccination. Notre pays cherche constamment à innover pour offrir une aide substantielle aux pays les plus vulnérables.

Mesdames, messieurs les sénateurs, ne l’oublions pas, au-delà des mots, au-delà des concepts et des chiffres, ce qui importe, c’est d’offrir un soutien aux populations qui ont besoin de notre aide. Malgré toutes les évolutions que je viens de vous présenter, une chose n’a pas changé : la détermination de la France à lutter contre la pauvreté, à favoriser un développementéconomique plus durable, un développement humain plus harmonieux. Le principe de solidarité a forgé, depuis plus d’un siècle, notre modèle de société. Or, comme le disait si justement Léon Bourgeois, la loi de solidarité est universelle, la dette de l’homme envers les autres hommes n’a pas de frontières.

La crise économique est difficile et il est indispensable de réaliser des économies, mais ce n’est pas une raison pour céder aux sirènes populistes qui prônent un repli sur soi. Quelles que soient les difficultés, notre République doit continuer et continuera ses efforts en faveur du développement. C’est le message de Manuel Valls, comme c’était celui de Jean-Marc Ayrault.

Quel plus beau symbole, au lendemain d’une victoire des populismes en France et en Europe, que ce projet de loi, ouvert et humaniste ? Les Français ne s’y trompent pas, qui restent très majoritairement favorables à une poursuite déterminée de notre politique en faveur du développement.

Mais pour que ce soutien demeure, pour que leurs espoirs ne soient pas vains, notre action doit être irréprochable. Elle doit être efficace, cohérente et transparente. C’est l’ambition de ce projet de loi, c’est l’ambition du Gouvernement, c’est mon ambition.

Ce texte constitue une première étape de la refondation de notre politique de solidarité internationale. C’est une loi pour les Français ; elle est de celles qui contribuent à faire la grandeur de la République. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, corapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Peyronnet

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, mes chers collègues, le Sénat examine donc aujourd’hui le premier projet de loi d’orientation et de programmation relatif à la politique de développement. Longtemps demandé par les différents rapporteurs qui se sont succédé, ce texte répond à une exigence démocratique : le Parlement doit pouvoir débattre des grandes orientations d’une politique publique qui, selon la méthodologie de calcul de l’OCDE, représente un montant de près de 10 milliards d’euros par an. Je vous remercie d’avoir insisté sur ce point, madame la secrétaire d’État.

Ce projet de loi répond aussi à une exigence démocratique en ce que les débats parlementaires se tiennent en public, en toute transparence. Cela constitue un aboutissement logique du travail de concertation exemplaire mené depuis deux ans par le Gouvernement, qui a réuni, entre novembre 2012 et mars 2013, des Assises du développement et de la solidarité internationale ayant permis de débattre largement de la politique de développement avec l’ensemble des acteurs intéressés.

Ce projet de loi traduit également la nécessité de s’adapter à un monde en mutation. Depuis une dizaine d’années, les progrès sont spectaculaires dans le monde, même s’ils demeurent disparates et fragiles.

Alors que nous arrivons à l’échéance prévue pour les objectifs du millénaire pour le développement fixés en 2000 par 189 chefs d’État et de Gouvernement, le rapport annuel de l’ONU de 2013 dresse un bilan encourageant, évoquant des progrès significatifs sur un grand nombre de cibles, par exemple la réduction de moitié du nombre d’individus vivant dans l’extrême pauvreté et de la proportion de personnes n’ayant pas un accès durable à une source d’eau potable améliorée. Mon collègue corapporteur Christian Cambon évoquera ultérieurement cette question majeure.

En octobre dernier, la commission des affaires étrangères a notamment mis en avant le décollage impressionnant de l’Afrique, dont le taux de croissance économique a été particulièrement élevé durant les dix dernières années. Les changements y semblent structurels. Pour autant, cette croissance reste inégalement répartie sur le continent et entre les populations. Avec 400 millions de personnes vivant avec moins de 1, 25 dollar par jour, l’Afrique est ainsi confrontée à un terrible paradoxe : la pauvreté recule, mais le nombre de pauvres augmente. En outre, les situations de fragilité peuvent rapidement dégénérer en crises aiguës, comme c’est le cas actuellement au Mali ou en République centrafricaine.

La réalisation globale de nombreux objectifs du millénaire pour le développement sera également permise par l’apparition de ce que l’on appelle communément les « très grands émergents ». Aujourd’hui, le produit intérieur brut de la Chine, qui a triplé en dix ans, est trois fois supérieur à celui de notre pays !

Bien sûr, ces pays connaissent encore une richesse nationale par habitant bien inférieure à celle des pays développés et demandent davantage une expertise ou une valeur ajoutée intellectuelle qu’une aide budgétaire. En outre, ils mettent eux-mêmes progressivement en place des politiques qui peuvent s’apparenter à des actions de coopération envers les pays les plus pauvres. Si les chiffres doivent être regardés avec précaution en raison des incertitudes statistiques, l’OCDE estime que la Chine a dépensé 2, 8 milliards de dollars en 2011 en aide publique au développement. De même, l’Arabie saoudite a versé 5 milliards de dollars en 2011 et les Émirats arabes unis la même somme en 2013.

L’intervention de ces nouveaux acteurs révèle plus globalement l’apparition d’un ensemble varié de bailleurs de fonds, publics et privés, dont les modalités d’intervention diffèrent, par de nombreux aspects, de celles qui sont généralement applicables dans les pays de l’OCDE.

C’est donc dans un contexte différent que la France doit dorénavant penser et mettre en œuvre sa politique de développement et de solidarité internationale. Tel est l’objet de ce projet de loi, que vous avez présenté de façon suffisamment exhaustive, madame la secrétaire d’État, pour que je ne me croie pas obligé d’y revenir.

C’est pourquoi mon collègue Christian Cambon et moi-même nous concentrerons sur les lacunes que nous avons pu identifier – c’est un peu la loi du genre ! – et sur les principales modifications apportées par la commission.

Le projet de loi est fondé sur une logique de « partenariats différenciés » pour adapter les instruments utilisés par la France aux besoins et à la situation des pays partenaires et sur l’idée de concentrer notre aide au bénéfice des pays pauvres prioritaires de l’Afrique et de la Méditerranée.

Or les objectifs affichés en termes de concentration ne constituent pas une avancée particulière par rapport à la situation existante.

Surtout, le projet de loi n’évoque aucunement l’équilibre financier entre les différents instruments utilisés. Subventionner un projet ou prêter de l’argent pour sa réalisation n’est pourtant pas la même chose. Nous estimons depuis plusieurs années que les montants actuels, pour ce qui est appelé dans le jargon les « dons-projets », ne sont plus cohérents avec les ambitions géographiques proclamées. À quoi sert-il d’afficher une concentration des subventions sur les pays pauvres prioritaires alors que le montant total des subventions est inférieur à 600 millions d’euros par an ? Avec une aide publique au développement de 9, 4 milliards d’euros en 2012, la France n’a consacré que 256 millions d’euros aux subventions aux pays pauvres prioritaires, soit 2, 7 % de l’ensemble de notre aide.

Certes, l’Assemblée nationale a demandé un rapport sur cette question, mais nous ne pouvons que regretter le décalage persistant entre un discours volontariste et des moyens effectivement déployés qui ne sont pas en adéquation.

Bien sûr, plusieurs problèmes sont à la source de cette forme de désenchantement que les acteurs rencontrent sur le terrain. J’en citerai deux : la notion d’aide publique au développement, telle que calculée par l’OCDE, qui intègre des enveloppes trop variées et qui sont parfois éloignées d’une aide de terrain ; le choix de la France de verser des sommes importantes via l’aide multilatérale, que ce soit par le biais de l’Union européenne ou de fonds verticaux, en particulier ceux concernant la santé, ce qui représente une aide peu visible, sur laquelle il faudrait peut-être réfléchir.

J’en viens maintenant aux principales modifications apportées par la commission.

Nous avons d’abord souhaité mettre en avant le rôle et la complémentarité de l’ensemble des acteurs, notamment les collectivités territoriales, la société civile et les entreprises. Par exemple, sur notre initiative, le champ de la loi Oudin-Santini a été étendu au secteur des déchets ménagers.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Peyronnet

Il s’agit de permettre aux collectivités, dans un cadre juridique sécurisé et fléché, de mener des actions internationales dans un secteur où les collectivités locales françaises ont une expertise forte, et qui représente un enjeu essentiel pour la plupart des pays partenaires. Ceux-ci sont en effet confrontés à une prolifération anarchique des déchets, ce qui est dramatique pour les populations, pour l’environnement et pour la santé. Les montants consacrés à ces actions seront plafonnés à hauteur de 1 % du produit de la taxe ou de la redevance d’enlèvement des ordures ménagères. Nous verrons quel sort sera réservé aux amendements portant sur ce point.

Par ailleurs, la commission a adopté une profonde réforme du dispositif de l’expertise technique internationale. En novembre 2012, nous avions approuvé le rapport de notre collègue Jacques Berthou, que je salue, dénonçant l’inadaptation des outils de la France en la matière. Envoyer des experts français auprès des pays partenaires pour mettre en place l’administration des douanes, réformer les collectivités territoriales, adopter des normes techniques en matière environnementale ou sanitaire ou encore développer des socles de protection sociale constitue un enjeu économique et politique primordial. Ces projets déterminent souvent les procédures ou les normes que le pays en question appliquera dans les années à venir ; c’est donc un investissement essentiel pour l’influence française dans le monde.

Or le dispositif français est complètement éparpillé entre de très nombreux acteurs. Depuis des années, tous les gouvernements sont conscients de ce problème, mais rien ne se passe. L’an dernier, une nouvelle étude a bien été commandée, mais sa remise a été suivie de discussions interministérielles picrocholines qui ne permettent pas vraiment d’être optimiste quant à la possibilité de trouver les voies d’une réforme ambitieuse et courageuse.

Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, il est de l’honneur du Parlement de créer les conditions d’une telle réforme ; la commission l’a fait en soutenant l’initiative de Jacques Berthou, ce dont je me félicite.

Nous avons donc prévu la fusion de six organismes en un seul pour renforcer l’efficacité du dispositif français dans la concurrence internationale en créant un véritable « label France » et pour mutualiser les moyens. Pour autant, cette réforme doit préserver la richesse de notre expertise par « métier », qui fait la force de la France. C’est pourquoi la nouvelle agence doit être vue comme un holding s’occupant des tâches transversales et répondant aux appels d’offres internationaux. Toutefois, les départements thématiques qui la composeront devront conserver une large autonomie, en lien avec les acteurs publics ou privés les plus concernés.

Ces deux exemples structurants – la coopération des collectivités territoriales et l’expertise technique – montrent que notre volonté a été de renforcer le caractère normatif du projet de loi, dans un souci d’efficacité et de pragmatisme.

Ayant présenté ce « demi-rapport », je vais maintenant laisser la parole à mon collègue Christian Cambon. §

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, mes propos s’inscriront bien sûr dans le droit fil de l’intervention de M. Peyronnet, à qui je tiens à rendre hommage, ainsi qu’à M. le président Carrère, qui a souhaité maintenir ce qui devient une belle tradition de la commission des affaires étrangères en associant majorité et opposition pour l’élaboration de ce rapport. Cela donne un bel exemple de ce que pourrait être le travail du Parlement sur de nombreux autres sujets.

Jean-Claude Peyronnet et moi-même travaillons de manière tout à fait consensuelle sur la politique de développement depuis plusieurs années maintenant, et nous portons ici la parole de la commission unanime. Il me revient de compléter les propos de mon collègue en soulignant les quelques lacunes que nous avons identifiées dans ce projet de loi et les regrets qu’elles nous inspirent.

Je relèverai tout d’abord l’absence de programmation financière, objet principal de nos critiques. Le Parlement commence à avoir une certaine habitude des lois de programmation : lois de programmation pluriannuelle des finances publiques ou lois de programmation militaire. Or, contrairement à ces textes, le projet de loi qui nous est soumis et dont le titre comporte pourtant le mot « programmation » ne contient aucun élément financier.

Certes, l’Assemblée nationale a réussi, de haute lutte, à insérer dans le rapport annexé – et non dans la partie normative – le rappel de l’engagement international de la France de consacrer 0, 7 % de son revenu national brut à l’aide publique au développement. Cet objectif pose, par ailleurs, un certain nombre de problèmes ou de questions, notamment quant au contenu de l’aide publique au développement ; Jean-Claude Peyronnet ayant évoqué cet aspect, je n’y reviendrai pas.

Les contraintes pesant sur les finances publiques rendent certes toute programmation incertaine, mais le Gouvernement en a établi une à l’automne dernier pour la mission « Défense » avec la loi de programmation militaire. Je n’ose d’ailleurs imaginer que l’on puisse revenir sur celle-ci.

Ajoutée à l’absence de réflexion sur l’équilibre entre aide bilatérale et aide multilatérale et entre les différents instruments utilisés par la France, comme cela a été mentionné tout à l’heure, cette absence de programmation financière limite la crédibilité des objectifs fixés. De manière symptomatique, durant nos auditions, on nous a beaucoup parlé des projets –supposés ? – du Gouvernement de diminuer les crédits de coopération en 2014…

L’autre lacune importante de ce projet de loi a trait au pilotage et à l’évaluation.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

L’éparpillement du pilotage est le motif de critiques récurrentes, et malheureusement consensuelles, de la politique française de développement. La Cour des comptes parlait même à ce propos, en 2012, d’un « caractère singulier » de la France par rapport aux autres grands donateurs comme les États-Unis, l’Allemagne ou le Royaume-Uni, qui ont mis en place des dispositifs d’évaluation beaucoup plus performants.

Naturellement, tant le ministère des affaires étrangères que celui de l’économie et des finances ont toute légitimité, dans leurs champs de compétences respectifs, pour participer pleinement à la politique de développement. Les ministères « sectoriels », comme, par exemple, ceux de la santé ou de l’environnement, en sont également, à l’évidence, des acteurs.

Cependant, la double tutelle historique de Bercy et du ministère des affaires étrangères se conjugue avec d’autres facteurs pour aboutir in fine à une organisation peu efficace, caractérisée par la faiblesse des concertations, la présence d’un opérateur autonome, puissant mais hybride du fait de son statut d’établissement bancaire, la difficulté pour l’État de correctement distinguer les rôles de stratège et d’opérateur et, enfin, l’éparpillement des acteurs français dans les pays partenaires.

Au total, la Cour des comptes relevait d’ailleurs que les coûts de gestion du système français sont plus élevés que ceux que l’on constate dans d’autres pays. Or le présent projet de loi ne contient pas d’élément nouveau à cet égard, hormis la réactivation du comité interministériel de la coopération internationale et du développement, le CICID, qui ne s’était pas réuni, en effet, entre 2009 et 2013.

Cependant, une telle instance composée de ministres réunis à intervalles irréguliers sous la présidence du premier d’entre eux ne peut guère tenir lieu de « pilote »… Par exemple, il aurait été intéressant que le Gouvernement s’engage aussi à donner plus de poids et de force au secrétariat du CICID, instance administrative beaucoup plus resserrée, et donc plus efficace. Nous militons donc pour un changement profond dans les pratiques et dans l’organisation administrative de la politique de développement, afin d’améliorer son efficacité et sa cohérence.

En ce qui concerne l’évaluation, la rédaction initiale du projet de loi était également particulièrement timide. Alors qu’il existe aujourd’hui trois services d’évaluation distincts, rattachés aux affaires étrangères, à Bercy et à l’AFD, le projet de loi se contentait de prévoir une programmation pluriannuelle conjointe de ces trois services. Aussi avons-nous prévu d’aller nettement plus loin, et ce de deux manières.

D’une part, nous proposons de regrouper ces services en un seul pour mutualiser les moyens, diminuer les frais de gestion et assurer la cohérence des travaux menés. Comment mieux coordonner des travaux qu’en instaurant un service unique ?

D’autre part, nous avons prévu de détacher ce service des donneurs d’ordres. Il est tout de même étrange – et typiquement français – que les services d’évaluation, même si on organise leur autonomie, travaillent au sein de la même structure que les services qui mettent en œuvre la politique elle-même. La séparation des acteurs constitue une condition essentielle pour une bonne évaluation.

Un autre axe de travail de notre commission a consisté à souligner la nécessité de mieux articuler les actions de l’ensemble des bailleurs de fonds internationaux. Jean-Claude Peyronnet a évoqué l’évolution du contexte mondial, avec l’apparition de nouveaux financeurs, publics ou privés, et le projet de loi aurait dû davantage prendre en compte cette nouvelle donne. Concrètement, la commission a, ici aussi, renforcé le caractère normatif du texte, en adoptant deux dispositifs structurants.

En premier lieu, sur l’initiative du Gouvernement et avec notre complet soutien, la commission a autorisé l’AFD à gérer des fonds de dotation, dits « fonds multibailleurs », qui sont alimentés par des sources diverses au niveau international et gérés par un opérateur unique. Le recours à ce type de fonds est particulièrement adapté dans des pays en crise, comme le Mali ou la Centrafrique, où la concentration de l’aide est une nécessité impérieuse et où le nombre d’acteurs capables de mettre effectivement en œuvre cette aide ne peut qu’être limité.

Parallèlement, lorsqu’elle n’est pas la mieux positionnée, la France ne doit pas s’interdire de verser des aides à des fonds gérés par d’autres opérateurs. L’amendement adopté par la commission autorise donc l’AFD à confier des crédits à des fonds multibailleurs gérés par d’autres opérateurs qu’elle.

En second lieu, la commission a autorisé les banques des pays en développement à commercialiser en France, dans des conditions prudentielles strictes, des produits financiers permettant de financer des projets d’investissement sur place. Cette disposition, déjà en vigueur dans plusieurs pays européens, vise à faciliter les transferts d’argent des migrants, ce qui est très important au regard des sommes élevées aujourd’hui en jeu en la matière.

Avant de conclure, je souhaiterais dire quelques mots de la coopération dans le domaine de l’eau, sujet qui me tient particulièrement à cœur. Si les indicateurs mondiaux se sont nettement améliorés, l’accès à une eau réellement potable reste le grand défi socioéconomique, sanitaire et environnemental de notre temps. L’approche doit nécessairement être globale et articulée avec les autres secteurs d’intervention pour atteindre des objectifs divers : accès à l’eau potable et à l’assainissement pour tous, gestion qualitative et quantitative de la ressource, répartition équitable entre les différents usages, prévention des risques et des catastrophes, gouvernance…

Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, ce texte était attendu et, clairement, il nous déçoit. Le Gouvernement avait l’occasion de poser les principes fondateurs d’une grande politique publique que nous préconisons depuis de nombreuses années. Or le message est complètement brouillé, trop souvent dilué dans le verbiage. Ce texte ressemble beaucoup plus à un catalogue de bonnes intentions, à une pétition de principe, qu’à une loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

Ce projet de loi répond très peu, c’est le moins que l’on puisse dire, à l’objectif constitutionnel de clarté et d’intelligibilité de la loi. Vous n’en êtes pas responsable, madame la secrétaire d’État. Je tiens au contraire à saluer la manière dont vous avez repris ce texte, en respectant un calendrier extrêmement contraignant. Ces critiques ne vous sont donc pas personnellement destinées.

Ce texte doit être considéré comme une étape. En tout état de cause, les orientations devront nécessairement en être révisées à la suite du sommet de septembre 2015, qui définira – du moins l’espérons-nous ! – de nouveaux objectifs de développement intégrant pleinement les aspects liés au développement durable.

Par ailleurs, de manière générale, nous ne pouvons qu’être surpris par le calendrier du projet de loi, même si, comme l’a rappelé Jean-Claude Peyronnet, nous avons réclamé la présentation d’un tel texte. En effet, son article 10 prévoit que la loi aura une validité de cinq ans alors que, dans un an, le monde se fixera de nouveaux objectifs…

Qui plus est, nous sommes également saisis, en ce moment même, du nouveau contrat d’objectifs et de moyens de l’AFD, qui a été préparé cet hiver, soit avant l’adoption de cette loi ! J’estime personnellement que le Gouvernement anticipe anormalement sur le vote du Parlement : cette proposition de contrat se réfère d’ailleurs au « projet » de loi, alors qu’elle devrait découler de la loi elle-même. Que se passera-t-il, par exemple, si le Parlement modifie sensiblement le projet de loi présenté par le Gouvernement ? Il est vrai que le parlementarisme rationalisé limite les risques de cet ordre…

Telles sont les observations que je souhaitais faire sur ce projet de loi, à la suite de Jean-Claude Peyronnet. Bien évidemment, la commission des affaires étrangères a néanmoins souhaité saluer l’effort que représente ce premier texte de programmation dans le domaine de la politique de développement et a adopté celui-ci à l’unanimité.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, nous vivons donc aujourd’hui une première. En effet, c’est la première fois que le Parlement est amené à se prononcer sur ce que doivent être les orientations de la politique de développement et de solidarité internationale de la France.

Cette innovation législative, tout comme le changement d’appellation du ministère – la « coopération » faisant place au « développement » –, marque un changement d’époque : une page est tournée, le temps de la Françafrique est révolu.

Je tiens à saluer l’action de Pascal Canfin, à qui nous devons ce projet de loi, ainsi que celle de son successeur, Mme Girardin, qui s’est beaucoup investie, depuis son arrivée au ministère, pour défendre ce texte important. Nous sommes ici en présence d’un bel exemple de continuité de conviction dans l’action gouvernementale.

Notre politique d’aide au développement rencontre des difficultés : ce constat est unanime et ancien. Le manque de pilotage et de débat collectif est manifeste ; un récent rapport de la Cour des comptes l’a très bien analysé.

Cette politique dépend en effet à la fois du ministère des affaires étrangères, de Bercy et de l’Agence française de développement. Le comité interministériel chargé d’assurer la coordination entre ces instances ne s’est pas réuni une seule fois entre 2006 et 2009. On déplore en conséquence une dispersion des aides, voire un saupoudrage.

De même, malgré l’émergence, en 2009, de la notion de partenariats différenciés en fonction des types de pays, l’aide n’est toujours pas suffisamment concentrée sur l’Afrique subsaharienne, tout particulièrement sur le pourtour du Sahel, où nous voyons bien aujourd’hui les conséquences politiques des déstabilisations liées à la pauvreté et au sous-développement.

L’absence de hiérarchisation des objectifs et le manque d’évaluation a posteriori sont également préjudiciables à l’efficacité de cette politique. Le projet de loi, rédigé après la convocation d’Assises du développement et de la solidarité internationale rassemblant tous les acteurs et une réunion du CICID, vise donc à remédier à ces difficultés.

Les objectifs de la politique de développement sont clarifiés et hiérarchisés. Deux priorités transversales sont définies : le développement durable et l’égalité entre les femmes et les hommes. Dix secteurs d’intervention sont ciblés, et les pays sont regroupés en zones géographiques. Une priorité claire est donnée à la recherche de cohérence entre la politique de développement et les autres politiques publiques, mais aussi, au sein de l’aide, entre l’aide bilatérale et l’aide multilatérale.

Une autre avancée importante réside dans la reconnaissance du rôle des acteurs non étatiques. L’action décentralisée des collectivités territoriales est enfin reconnue et encouragée. Le texte reconnaît également le rôle des organisations non gouvernementales et, grande première, il fait valoir l’importance de l’action du secteur privé, dans le cadre clair de la responsabilité sociale et environnementale, notion à laquelle la commission du développement durable a rappelé son attachement, car elle lui paraît plus précise que celle de responsabilité sociétale ; j’aurai l’occasion d’y revenir au cours du débat.

La commission du développement durable se félicite que l’AFD, contributeur principal de la politique d’aide au développement de la France, se trouve renforcée par le projet de loi et voie son cadre d’action précisé, avec des objectifs ambitieux en matière de développement durable.

Il ne s’agit pas ici d’une simple déclaration d’intention, et le texte se veut précis sur plusieurs points. Par exemple, le projet de loi prévoit que l’AFD ne pourra plus financer de projets de recherche, d’achat, de promotion ou de multiplication des semences génétiquement modifiées. C’est là un point important, sur lequel nous reviendrons.

À l’heure où le Parlement s’est prononcé contre la mise en culture des organismes génétiquement modifiés en France, il convient d’assurer une réelle cohérence des politiques menées en la matière à l’égard des pays du Sud, en veillant à ne pas exporter au Sud des pratiques que nous refusons chez nous.

Le texte prévoit également l’interdiction de soutenir des projets ayant pour conséquence la déforestation, l’accaparement des terres et des ressources naturelles au détriment des populations locales.

Un cadre d’intervention transversal climat-développement est aussi défini : chaque année, 50 % des financements de l’AFD dans les pays tiers devront comporter des co-bénéfices au titre du climat dans l’ensemble des secteurs pertinents, y compris l’énergie. Ce sont de vraies avancées, en particulier dans la perspective de la conférence sur le climat que la France accueillera en décembre 2015.

Nous reviendrons sur ces questions au cours du débat, mais il est d’ores et déjà évident que la cohérence des positions françaises sera scrutée à la loupe par les autres pays avant cette conférence Paris Climat 2015. Nous devons donc y être particulièrement attentifs.

La commission du développement durable a également été sensible au fait que le projet de loi souligne l’importance des financements innovants. Au-delà des instruments de financement traditionnels, publics ou privés, il est nécessaire d’encourager la recherche de nouvelles ressources pour la politique de développement, notamment par le biais de taxes affectées. Depuis 2012, la France met en œuvre à titre national une taxe sur les transactions financières, dont le produit est alloué pour une large part au financement d’actions de développement, telles que la lutte contre les grandes pandémies, la protection de l’environnement et la lutte contre le changement climatique.

Le présent débat est l’occasion de rappeler l’extrême importance de cet enjeu des financements innovants ; je compte, madame la secrétaire d’État, sur votre détermination à défendre ce dossier. En effet, ces derniers mois, les discussions se sont progressivement embourbées au niveau européen, du fait de l’opposition politique de certains États, comme le Royaume-Uni. Un accord, en date du 20 mai dernier, semble être de nature à relancer le dispositif, avec une entrée en vigueur dans dix pays à compter de 2016, mais il faut rester vigilants et souligner encore que cette taxe doit permettre d’apporter un financement significatif aux politiques d’aide au développement.

J’insiste ici sur l’importance que revêtiront, demain, les financements « climat ». Ils seront au cœur de la négociation, à Paris, tant sont étroitement liés développement et lutte contre le changement climatique.

L’absence de programmation financière est au cœur des critiques des corapporteurs, que je rejoins. L’objectif de 0, 7 % du revenu national brut, qui remplit bien des discours, ne remplit pas, pour autant, les caisses de l’aide au développement ! Je suis convaincu que, si nous voulons tendre vers cet objectif, il sera absolument nécessaire d’additionner les financements du développement et les nouveaux financements « climat ». C’est aujourd’hui un enjeu absolument essentiel.

La commission des affaires étrangères a établi son texte fin avril. Ses membres ont réalisé un travail fourni et collégial, que je salue, sous la conduite de deux corapporteurs d’appartenances politiques différentes.

Elle a clarifié la structure du projet de loi, grâce à quoi les nouvelles priorités de la politique de développement ressortent nettement. Elle a également introduit de nouveaux dispositifs normatifs, en particulier le « 1 % déchets ». Les collectivités et leurs groupements pourront financer des actions internationales de coopération et de développement dans le secteur des déchets, dans la limite de 1 % du produit de la taxe ou de la redevance d’enlèvement des ordures ménagères.

Le même dispositif existe pour l’eau et l’assainissement depuis la loi Oudin-Santini de 2005. L’expertise des collectivités en matière de services publics locaux est ainsi reconnue. Je ne peux m’empêcher de rappeler que c’était l’une des trente propositions formulées dans le rapport sur le rôle des collectivités territoriales dans la lutte contre le changement climatique et dans la mobilisation en vue de Paris Climat 2015 que j’avais rédigé avec Michel Delebarre et qui a été remis en septembre 2013 au ministre Pascal Canfin.

Ce combat était mené de longue date par Michel Delebarre et par certains réseaux, comme Cités Unies France. Je ne sais combien de fois les amendements déposés pour le faire aboutir sont tombés sous le coup de l’article 40 de la Constitution. Quoi qu’il en soit, l’entêtement a payé, et nous pouvons espérer l’adoption de cette mesure aujourd’hui.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

J’en viens maintenant aux amendements soutenus par la commission du développement durable afin d’améliorer le texte. Ces amendements peuvent être classés selon cinq grands objectifs.

Premier objectif : nous souhaitons rappeler que le développement durable comprend un volet culturel. Depuis la déclaration de Rio de 1992 sur l’environnement et le développement, de nombreuses voix se sont élevées pour affirmer que le développement durable repose non pas sur trois piliers, mais sur quatre. Ce point figurait notamment dans un texte très important, adopté il y a une dizaine d’années : l’Agenda 21 de la culture, dit « de Barcelone ». Le texte de la Conférence Rio + 20 souligne lui aussi cet enjeu de la culture dans le cadre du développement durable. Nous avons donc proposé, avec le soutien de la commission des affaires étrangères, d’inscrire ce pilier culturel à l’article 1er.

Je présenterai également, dans le même esprit, un amendement fixant, parmi les objectifs de la politique de développement, la préservation du patrimoine matériel et immatériel des pays bénéficiaires de l’aide, ainsi que de leur diversité culturelle. Le rapport présentait de ce point de vue un certain déséquilibre, n’évoquant que très peu la dimension culturelle du développement. C’était d’autant plus regrettable que le Gouvernement compte désormais un secrétariat d’État chargé à la fois du développement et de la francophonie.

Deuxième objectif : il convient de reconnaître le rôle des sociétés civiles et de souligner l’importance de leur coopération et de leur dialogue pour construire un développement harmonieux et durable. Vous-même avez insisté dans votre propos introductif, madame la secrétaire d’État, sur l’importance de prendre en compte l’ensemble des acteurs.

Je présenterai, à ce titre, un amendement visant à intégrer les retours d’expérience des bénéficiaires de l’aide dans l’évaluation réalisée. Cet amendement s’appuie sur l’important travail réalisé par la mission commune d’information du Sénat sur l’action extérieure de la France en matière de recherche pour le développement, présidée par Henri de Raincourt, et sur le rapport d’information de Kalliopi Ango Ela. Un dialogue égalitaire entre sociétés du Nord et sociétés du Sud passe aussi par le partage de l’évaluation de l’action.

Troisième objectif, lié au précédent : rappeler que la politique française doit s’inscrire, comme l’a dit M. Cambon, dans le cadre des agendas des Nations unies, avec les objectifs du millénaire pour le développement et, surtout, les objectifs de développement durable, dont le principe a été adopté en juin 2012, lors de la Conférence Rio + 20.

Vous le savez, les Nations unies devront adopter la liste de ces objectifs de développement durable en septembre 2015 à New York. C’est une négociation importante, en lien avec la négociation sur le climat. Il n’est pas imaginable de conclure un accord ambitieux à Paris en décembre si nous n’obtenons pas un accord dynamique sur les objectifs de développement durable à New York en septembre. Il est important que la France ait une stratégie cohérente en la matière et que le présent projet de loi s’inscrive clairement dans le cadre de ces grands objectifs onusiens.

Quatrième objectif : amplifier la reconnaissance du rôle des collectivités territoriales dans le développement. C’est aujourd’hui essentiel, tant leur action est importante, précieuse sur nombre de territoires, nourrie aussi de cultures communes entre élus locaux du Nord et du Sud. Les questions sont parfois posées dans des termes très proches, quels que soient les territoires concernés.

Je proposerai, dans ce cadre, de reconnaître l’intérêt de la capacité de prêt direct de l’AFD à des collectivités du Sud. L’AFD est la seule banque de développement à pouvoir consentir des prêts directs à des collectivités du Sud : soulignons cet atout français ! Il est essentiel de s’appuyer sur les collectivités territoriales, du Nord comme du Sud, car c’est par elles – nombre d’entre nous en sont convaincus – que passera la définition d’un nouvel équilibre mondial.

Pour finir, je propose de revenir sur la suppression, par la commission des affaires étrangères, de la notion de responsabilité sociale et environnementale, au profit de celle de responsabilité sociétale. La commission du développement durable soutient le retour à la mention de la responsabilité sociale et environnementale, car cette notion est plus précise et correspond au décret de 2012, ainsi qu’aux critères des agences de notation internationales.

Notre commission souhaite également que l’on en revienne à la rédaction initiale de l’alinéa du rapport annexé concernant les concours apportés par la France aux énergies fossiles, qui fixe comme objectif de réduire progressivement ces soutiens. Il ne faut évidemment pas restreindre cette ambition au seul cadre de la politique de développement. Il nous faut viser, de manière générale, une réduction des soutiens aux énergies carbonées, en cohérence avec les positions affirmées par le ministre Laurent Fabius dans le cadre de la préparation de la Conférence Paris Climat 2015, ainsi qu’avec la politique de transition énergétique engagée par le Gouvernement.

C’est là un point très important, car les autres pays regarderont avec attention si notre action nationale et internationale est cohérente avec le discours généreux que nous tenons dans le cadre de la négociation sur le climat.

Telles sont, mes chers collègues, résumées en quelques mots, les grandes lignes de mon rapport sur un texte innovant et ambitieux, et les propositions d’amendement soutenues par la commission du développement durable, qui a émis, par ailleurs, un avis favorable à l’adoption de ce projet de loi. §

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Monsieur le président, madame le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, nous sommes entre nous, ce matin, pour examiner ce texte important. Nous allons donc pouvoir nous parler franchement !

La France consacre aujourd’hui quelque 10 milliards d’euros par an, tous modes de financement confondus, à l’aide au développement. Ces dernières années, néanmoins, ce sont surtout les critiques qui ont dominé le débat national sur ce sujet, critiques portant sur de multiples aspects, par exemple la visibilité ou la cohérence. Les rapporteurs s’en étant déjà fait l’écho, je n’y reviendrai pas.

Ces constats, nous les connaissons, les critiques aussi. Ce qui nous manque, ce sont les solutions et les outils.

En effet, ce qui fait défaut à nos politiques, cela a été dit à plusieurs reprises, ce sont les évaluations et les bilans, surtout à mi-parcours, en cette période de disette financière.

Je me suis rendue, la semaine dernière, au Fonds monétaire international et à la Banque mondiale. J’ai appris à cette occasion que la Banque mondiale venait de mettre en place un outil permettant d’interrompre en moins de six mois un programme en cas de dysfonctionnement des aides. Disposons-nous, madame le secrétaire d’État, d’un outil de cet ordre ? Si tel n’est pas le cas, pensez-vous pouvoir en mettre un en place ? Puisque le présent texte est un projet de loi d’orientation, orientons-le dans le bon sens ab initio. Cela nous évitera de devoir y revenir, d’autant que le Sénat a été privé, ces deux dernières années, de l’examen de la loi de finances, …

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

… qui constitue pour nous, en règle générale, la seule occasion de débattre des voies et moyens.

Ayant été vice-présidente de la commission d’enquête sur le rôle des banques et des acteurs financiers dans l’évasion des capitaux, je souhaiterais insister fortement sur les problèmes de corruption, en évoquant notamment les prix de transfert, qui font l’objet d’un amendement déposé par mes soins. Avec le président de ladite commission d’enquête, François Pillet, et sur l’initiative de notre excellent collègueÉric Bocquet, qui en fut le rapporteur, nous avons fait vœu de revenir sur ces questions chaque fois que nous en aurions l’occasion : je saisis donc celle qui m’est offerte aujourd’hui.

Les prix de transfert sont un moyen, pour des sociétés du même groupe, de faire de l’évasion fiscale et d’appauvrir les pays de production en se vendant les unes aux autres des biens, des marchandises ou des prestations de toute nature.

Pour illustrer mon propos, je prendrai d’abord l’exemple de la société minière suisse Glencore, implantée en Zambie. Un contrôle a estimé à 174 millions de dollars la perte fiscale pour l’État zambien. Première tricherie : surévaluation des coûts de production ; deuxième tricherie : sous-évaluation des volumes de production ; troisième tricherie : contravention au principe de « pleine concurrence » de l’OCDE par la manipulation des prix de transfert.

Autre exemple, celui de SABMiller, brasserie implantée au Ghana. Dans un rapport publié en 2010, ActionAid a révélé le schéma des versements réalisés par des brasseries africaines de SABMiller à des filiales implantées dans des paradis fiscaux. L’entreprise SABMiller a indiqué en réponse qu’elle ne se livrait à « aucune pratique fiscale agressive », mais l’enquête a permis de mettre en évidence les quatre tricheries suivantes : versement à une société située aux Pays-Bas d’une redevance en échange de l’utilisation de la marque, le manque à gagner pour le Ghana s’élevant à 248 800 euros ; versement pour des frais de gestion à une filiale implantée en Suisse, le manque à gagner pour le Ghana atteignant 189 000 euros ; enregistrement des services d’approvisionnement à l’île Maurice, le manque à gagner pour le Ghana étant estimé à 793 000 euros ; sous-capitalisation, le manque à gagner pour le Ghana dépassant 1, 2 million d’euros.

Le problème des prix de transfert recoupe donc nos préoccupations. Il est très important que la loi d’orientation et de programmation donne déjà aux multinationales qui travaillent dans les pays que nous aidons un indice de notre intention de contrôler les prix de transfert et de lutter contre la corruption.

Ce sujet semblait un peu technique lorsque j’ai présenté mon amendement en commission. Cependant, madame le secrétaire d'État, je compte beaucoup sur vos services pour qu’ils parviennent à vous convaincre, durant la suspension de nos travaux pour le déjeuner, de l’intérêt d’adopter ce remarquable amendement ! §

J’en terminerai avec la question des prix de transfert en soulignant que le premier exportateur de bananes au monde est non pas un pays d’Amérique latine ou d’Afrique, mais bien l’île de Jersey, où les quatre entreprises leaders du secteur localiseraient 48 % de leur chiffre d’affaires !

C’est un vrai sujet, sur lequel la France pourrait jouer un rôle moteur. Aucune convention internationale n’a encore été prévue par l’OCDE. La pratique des prix de transfert est absolument légale et ne constitue pas une fraude. Il faut la contrôler. Nous avons déjà eu l’occasion d’aborder ce thème lors d’un très intéressant débat sur l’efficacité des conventions fiscales internationales.

J’attire l’attention du Gouvernement sur l’importance de mettre en place des coopérations en matière fiscale et bancaire. Il existe déjà un certain nombre de « jumelages » entre nos services, notamment la direction générale des finances publiques, et ceux d’autres pays, tels l’Algérie, l’Albanie ou le Cameroun. Cela fait aussi partie du soutien logistique et de l’aide au développement que nous pouvons apporter à ces pays : on peut être mère Teresa en faisant de la fiscalité ! Des accords de coopération ont également été conclus avec des administrations étrangères. Dans ce domaine aussi, la marge de progression est très importante.

Comme à l’habitude, ce projet de loi d’orientation et de programmation est pavé de bonnes intentions. Le doyen Vedel disait du plan qu’il parlait au présent ou au futur de l’indicatif, parfois au conditionnel, jamais à l’impératif : il en va de même du texte que nous examinons aujourd'hui.

Concernant les collectivités territoriales, il est vrai qu’elles ont un rôle extrêmement important à jouer. L’Île-de-France, suivie par l’Alsace, a été la première région française à prendre une délibération contre les paradis fiscaux. La région a voté une mesure contraignante, introduisant une transparence avec un reporting par pays, dispositif qui est de nature à faire apparaître la réalité des activités des entreprises et si la contribution fiscale est juste au regard de la richesse produite. Dans un autre ordre d’idées, toutefois, M. Peyronnet a cité, en commission, deux régions françaises qui travaillent avec des régions chinoises voisines l’une de l’autre sans jamais se coordonner entre elles…

En conclusion, on ne peut s’opposer à un tel texte d’orientation. Le groupe UDI-UC votera donc ce projet de loi. Néanmoins, je souhaite attirer l’attention sur la nécessité de mener une action plus coordonnée et plus volontariste sur des points détachables d’une aide financière totalement paramétrée. En effet, l’aide au développement, ce n’est pas seulement de l’argent, des moyens techniques, de l’aide administrative : elle relève aussi d’un comportement un peu plus éthique de nos entreprises et de nos banques travaillant dans les pays concernés, par exemple en matière de prix de transfert.

Au lendemain d’une journée électorale sombre, remettre un peu d’éthique dans la gestion de l’aide publique au développement permettra que celle-ci soit mieux comprise par nos concitoyens. Faute de quoi, ceux-ci finiront par se demander pourquoi, depuis le temps que nos collectivités creusent des puits au Mali, autant de terroristes continuent d’en sortir… §

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Billout

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, ces deux dernières années, nos interventions militaires au Mali et en Centrafrique, comme l’activité de notre diplomatie dans cette région du continent africain, ont eu pour toile de fond la problématique de la politique de développement à mener dans ces pays.

En effet, l’origine des crises et des conflits dans cette partie du monde est bien souvent liée à la pauvreté des populations. C’est dire l’importance du rôle des politiques d’aide au développement pour remédier aux causes de ces crises et conflits !

La paix et la sécurité n’adviennent pas spontanément. Le développement économique, social et culturel des sociétés en est le terreau. De ce point de vue, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui est fondamental.

Jusqu’à présent, les questions liées à la politique d’aide au développement étaient l’apanage de l’exécutif, qui ne soumettait cette politique au contrôle parlementaire qu’à l’occasion de trop rares débats généraux ou lors de l’examen des projets de loi de finances.

Que le Parlement puisse être désormais associé à la définition et au contrôle des politiques en matière d’aide au développement est donc une première dans notre pays.

J’ajoute que, avec les Assises du développement et de la solidarité internationale, l’élaboration de ce projet de loi a fait l’objet d’une large concertation entre les autorités publiques, la société civile, les ONG et les collectivités territoriales. Le recours à cette méthode est suffisamment rare, de la part de l’exécutif, pour être souligné.

Par ailleurs, la politique d’aide au développement a été, à juste titre, fréquemment critiquée dans des rapports parlementaires ou par la Cour des comptes, pour son opacité, son absence de cohérence, et donc son manque de lisibilité et son inefficacité. C’est à tous ces défauts que ce texte tend à remédier ; je salue la logique qui l’inspire.

La recherche d’une plus grande efficacité par la concentration de l’aide et la mise en place de partenariats différenciés selon les besoins et la situation des pays partenaires est empreinte de bon sens. Elle peut produire des résultats positifs, à condition qu’elle soit sous-tendue par une véritable volonté politique.

Je ne doute pas que le Gouvernement ait cette volonté, ni que celle-ci soit au service d’une conception de l’aide au développement différente de celle des gouvernements précédents. Je pense en particulier au changement qui doit prévaloir dans nos relations avec les pays africains, lesquels, au travers de ce texte, font légitimement l’objet d’une attention et d’une aide prioritaires.

De la même façon, la recherche d’une mise en cohérence de la politique de développement avec l’ensemble des politiques publiques, le renforcement de la transparence et l’évaluation des aides accordées sont des principes forts que j’approuve pleinement.

Enfin, les collectivités territoriales étant devenues des acteurs majeurs de l’aide au développement, de l’aide humanitaire et des actions de coopération, ce projet de loi reconnaît leur rôle et sécurise leurs choix et leurs activités sur le terrain à l’étranger.

Le texte institue notamment une coordination nécessaire entre l’État et les collectivités et élargit le champ de compétence de ces dernières à la question des déchets ménagers. Toutefois, dans la perspective de la future réforme territoriale, je m’interroge sur la portée réelle d’une telle reconnaissance.

En effet, avec la suppression de la clause de compétence générale, la baisse et la réforme de la dotation globale de fonctionnement, les 11 milliards d'euros d’économies supplémentaires demandés aux collectivités territoriales, je crains fort que ces affirmations ne restent sans portée et que ces grands principes ne soient inapplicables.

C’est sans doute là la grande faiblesse de ce texte. Certes, il s’agit d’une loi d’orientation et de programmation, qui, conformément à sa vocation, doit se limiter à définir et à affirmer des orientations et des principes généraux dont l’application est par ailleurs détaillée dans un rapport annexé n’ayant pas, notons-le, de véritable valeur normative. Néanmoins, l’absence de toute programmation financière dans le projet de loi obère lourdement la mise en œuvre concrète d’une politique d’aide au développement différente de celles qui ont été menées précédemment.

Cette absence d’engagements précis me laisse sceptique. J’estime que, sans moyens financiers pour les mettre en œuvre, les objectifs et le cadre de travail fixés par ce projet de loi seront voués à n’être que des vœux pieux. Il faut parler clairement : certes, les efforts à produire en faveur de l’aide au développement ne sont pas tous d’ordre financier, mais ils se mesurent aussi en grande partie à l’aune d’engagements financiers concrets.

Or la réalité, c’est que notre pays ne cesse de réduire les budgets qu’il consacre à l’aide publique au développement. Je rappelle que, selon les estimations fournies par l’OCDE, les crédits de la mission « Aide publique au développement » ont diminué de 10 % en 2013 et de 6 % dans la loi de finances pour 2014.

Les années précédentes, parmi les engagements de l’Agence française de développement, le montant des prêts bonifiés et des subventions accordés était en baisse, de même que celui des dons aux pays les plus pauvres, africains pour la plupart. Un rapport budgétaire de la commission des affaires étrangères du Sénat s’en était inquiété.

Avec ce projet de loi, le Gouvernement se donne-t-il les moyens d’inverser cette tendance ? Ce devrait pourtant être à la portée d’un grand pays comme le nôtre. Observons l’action du Royaume-Uni, qui mène une politique d’austérité plus stricte encore que celle que nous connaissons : en 2013, les Britanniques ont dépassé l’objectif de 0, 7 % du revenu national brut alloué à l’aide publique au développement, et il en ira de même cette année.

Pour sa part, l’Union européenne, bien qu’elle peine à atteindre les objectifs qu’elle s’est fixés pour 2015, a continué ces deux dernières années à augmenter son aide au développement, malgré les effets de la crise financière. Je relativiserai cependant l’ampleur de cet effort, eu égard à la façon dont le projet de taxe sur les transactions financières, laquelle était censée financer le développement des pays du Sud, a été récemment vidé de sa substance par le conseil des ministres européens, et ce avec l’approbation du Gouvernement français…

Au-delà des aspects budgétaires, le projet de loi souffre également de quelques faiblesses, qui amoindriront malheureusement sa portée. Je pense tout particulièrement à l’insuffisance des dispositions qui seraient mises en œuvre pour lutter contre l’opacité des transactions financières dans ce secteur d’activité et contre l’évasion fiscale que pratiquent certaines entreprises. Je regrette profondément que les règles d’utilisation par l’AFD des places financières dites « offshore » ne soient pas plus strictement encadrées.

Notre collègue Nathalie Goulet l’a particulièrement bien illustré : ces différents aspects posent concrètement la question d’un contrôle plus efficace des sociétés multinationales, a fortiori lorsqu’elles sont soutenues par l’Agence française de développement – laquelle, soulignons-le, est essentiellement alimentée par de l’argent public.

C’est notamment dans cet esprit que nous souhaitons amender le texte, en imposant aux entreprises ce qu’on appelle en franglais le reporting par pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Billout

Dans le même ordre d’idées, je regrette que les références précises à la responsabilité non seulement fiscale, mais aussi sociale des entreprises aient été diluées au sein de l’expression beaucoup plus générale de « responsabilité sociétale ».

Au total, madame la secrétaire d’État, je vous avoue que, à la suite de la grande consultation que furent les Assises du développement, ce texte nous laisse un peu sur notre faim. Après l’espoir qu’avait fait naître, dans de nombreux domaines, l’élection présidentielle, il apparaît comme l’occasion manquée – là aussi ! – d’une profonde refonte de notre aide publique au développement.

Nous sommes nombreux à le dire, notre politique d’aide au développement n’est pas à la hauteur des enjeux. Elle est enjolivée, gonflée artificiellement par une série de mécanismes, telles les réductions de dettes. Il aurait notamment fallu procéder à une véritable réorientation de la vocation de l’AFD, qui privilégie des prêts concessionnels et finance trop souvent des projets sur la base de la rentabilité qu’elle peut en attendre.

C’est dans ce contexte que le monde de l’action humanitaire a pu légitimement s’inquiéter, lors de la première constitution du gouvernement de Manuel Valls, de l’absence de ministre chargé du développement et du rattachement du commerce extérieur au ministère des affaires étrangères. Comme l’avait déclaré un collectif d’organisations non gouvernementales, cet épisode révélait « qu’une étape supplémentaire serait franchie, mettant ainsi les intérêts des acteurs privés au cœur de la stratégie française à l’étranger, au détriment des impératifs en matière de gestion des biens communs mondiaux, d’amélioration des conditions de vie et de respect des droits des populations du Sud ».

Reste que le projet de loi contient quelques avancées, que nous ne sous-estimons pas. Aussi, malgré ses insuffisances sur des questions fondamentales, le groupe communiste, républicain et citoyen, en fonction des résultats de la discussion à venir, dont nous espérons qu’elle contribuera à améliorer ce texte, pourrait l’adopter.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste . – Mme Nathalie Goulet applaudit également.

Debut de section - Permalien
Annick Girardin, secrétaire d'État

Monsieur le président, en application de l’article 44, alinéa 6, du règlement du Sénat, le Gouvernement demande la réserve de l’examen de l’article 2.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Quel est l’avis de la commission sur cette demande de réserve ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Il n’y a pas d’opposition ?...

La réserve est ordonnée.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi tendant au développement, à l’encadrement des stages et à l’amélioration du statut des stagiaires.

La liste des candidats établie par la commission des affaires sociales a été publiée conformément à l’article 12 du règlement.

Je n’ai reçu aucune opposition.

En conséquence, cette liste est ratifiée, et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire :

Titulaires : Mme Annie David, M. Jean-Pierre Godefroy, Mme Catherine Génisson, M. Ronan Kerdraon, Mme Catherine Deroche, M. René-Paul Savary, Mme Françoise Férat.

Suppléants : Mme Jacqueline Alquier, M. Gilbert Barbier, Mmes Françoise Boog, Marie-Thérèse Bruguière, MM. Jean Desessard et Jacky Le Menn, Mme Michelle Meunier.

Il va également être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à lutter contre les fraudes et les abus constatés lors des détachements de travailleurs et la concurrence déloyale.

La liste des candidats établie par la commission des affaires sociales a été publiée conformément à l’article 12 du règlement.

Je n’ai reçu aucune opposition.

En conséquence, cette liste est ratifiée, et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire :

Titulaires : Mmes Annie David, Anne Emery-Dumas, MM. Claude Jeannerot, Jacky Le Menn, Jean Bizet, Jean-François Husson, Jean-Marie Vanlerenberghe.

Suppléants : Mme Jacqueline Alquier, MM. Gilbert Barbier, Jean Desessard, Mme Catherine Génisson, MM. Gérard Longuet, René-Paul Savary, Mme Patricia Schillinger.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen de la proposition de loi organique relative à la nomination des dirigeants de la SNCF, déposée sur le bureau de l’Assemblée nationale le 10 avril 2014.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente-cinq.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à douze heures trente-cinq, est reprise à quatorze heures trente-cinq.