Séance en hémicycle du 23 juin 2014 à 16h00

Résumé de la séance

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La séance

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La séance est ouverte à seize heures cinq.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Le compte rendu intégral de la séance du jeudi 19 juin 2014 a été publié sur le site internet du Sénat.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen, d’une part, de la proposition de loi relative aux taxis et aux voitures de transport avec chauffeur et, d’autre part, des deux propositions de loi relatives à la sécurisation des transactions relatives à la zone d’aménagement concerté du quartier de Gerland (Lyon).

Ces trois propositions de loi ont été déposées sur le bureau de l’Assemblée nationale le lundi 23 juin 2014.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

M. le président du Sénat a reçu le rapport annuel 2013 du fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

Il a été transmis à la commission des affaires sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le vendredi 20 juin 2014, qu’en application de l’article 61–1 de la Constitution la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur les dispositions de l’article 226–19 du code pénal (Atteintes aux droits de la personne résultant des fichiers ou des traitements informatiques) combinées aux dispositions de l’article L. 1223–3 du code de la santé publique (Établissements de transfusion sanguine) (2014–412 QPC).

Le texte de cette décision de renvoi est disponible à la direction de la séance.

Acte est donné de cette communication.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courriers en date du vendredi 20 juin 2014, deux décisions du Conseil relatives à des questions prioritaires de constitutionnalité portant sur :

- le 2° du 1 de l’article 109, le 6° de l’article 112, le 8 ter de l’article 150-0 D et le second alinéa de l’article 161 du code général des impôts (Régime fiscal applicable aux sommes ou valeurs reçues par l’actionnaire ou l’associé personne physique dont les titres sont rachetés par la société émettrice) (n° 2014–404 QPC) ;

- le deuxième alinéa du paragraphe I de l’article L. 5211–6–1 du code général des collectivités territoriales (Répartition des sièges de conseillers communautaires entre les communes membres d’une communauté de communes ou d’une communauté d’agglomération) (n° 2014–405 QPC).

Acte est donné de ces communications.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

L’ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, visant à répartir les responsabilités et les charges financières concernant les ouvrages d’art de rétablissement des voies (proposition n° 559, texte de la commission n° 640, rapport n° 639).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d’État.

Debut de section - Permalien
Frédéric Cuvillier

Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les infrastructures de transport sont essentielles pour répondre aux besoins de mobilité de nos concitoyens et renforcer la compétitivité de notre pays. Pourtant, leur gestion dans les territoires peut parfois être source de difficultés pour les collectivités locales.

Le texte qui est aujourd’hui examiné en deuxième lecture par la Haute Assemblée permettra de progresser dans ce domaine. Il s’agit de définir un cadre permettant de répondre aux difficultés nées des divergences de vues, sur l’entretien des franchissements d’infrastructures, entre l’État ou ses établissements publics, d’une part, et les collectivités territoriales, d’autre part.

Lorsqu’il y a franchissement d’une infrastructure par une autre, la jurisprudence est constante : elle impose au propriétaire de la voie rétablie d’entretenir à ses frais l’ouvrage d’art nécessaire au franchissement, sauf convention contraire.

Ce principe s’applique à toutes les infrastructures – routes, chemins de fer, canaux – quel que soit le schéma de superposition entre les deux voies et quels que soient les maîtres d’ouvrage de la nouvelle infrastructure qui justifie la réalisation de l’ouvrage d’art.

Cette situation est à l’origine de nombreuses difficultés sur les territoires. Le cas des petites communes rurales traversées par une autoroute ou par une ligne à grande vitesse et qui doivent supporter les charges liées à l’entretien du pont nécessaire pour maintenir une route communale est souvent cité en exemple. Il est évident que les montants en jeu et les capacités techniques nécessaires sont souvent hors de portée pour ces collectivités.

La représentation nationale a ainsi légitimement souhaité se saisir de ce sujet pour apporter des réponses concrètes à ces situations. Mme Évelyne Didier, qui avait évoqué ce sujet dès notre première rencontre, a ainsi déposé une proposition de loi en ce sens en juillet 2011, adoptée par le Sénat en janvier 2012. Le parcours parlementaire de cette proposition de loi s’étant poursuivi avec persévérance et opiniâtreté, celle-ci a ensuite été examinée par l’Assemblée nationale le 22 mai dernier.

Le Gouvernement sait l’attachement de l’ensemble des parlementaires à trouver une solution. Il souhaite lui aussi définir un cadre clair pour résoudre les situations problématiques pour les collectivités, notamment les plus fragiles. C’est le sens de l’action gouvernementale : apporter des réponses concrètes aux problèmes rencontrés par nos concitoyens et par leurs territoires. C’est la raison pour laquelle nous soutenons le principe de cette proposition de loi.

Lors de l’examen du texte à l’Assemblée nationale, il y a un mois, le Gouvernement a proposé plusieurs amendements permettant de faire évoluer le dispositif initial et d’atteindre aujourd’hui un point d’équilibre qui permet de répondre à l’ensemble des préoccupations. Je tiens à rappeler brièvement les principaux équilibres du texte qui va être examiné par la Haute Assemblée.

En premier lieu, la proposition de loi pose le principe de l’existence d’une convention de gestion pour toute nouvelle infrastructure de transport – alinéa 6. Elle définit également son contenu – alinéas 7 à 10.

Les travaux parlementaires ont été l’occasion de préciser ce point. Ils ont confirmé le principe de référence selon lequel le gestionnaire de la voie nouvelle prend en charge l’ensemble des dépenses liées à la structure de l’ouvrage d’art. Mais, si ce principe doit en effet guider la répartition des charges, il est nécessaire de laisser aux partenaires une certaine souplesse dans la conduite des discussions.

Personne ne doute que ce principe devra être appliqué tel quel pour les petites collectivités auxquelles j’ai fait référence précédemment et qui ont par conséquent un statut particulier tenant compte de leur surface financière, de leurs difficultés d’ingénierie. Toutefois, il ne faut pas exclure la possibilité d’adapter ce principe en fonction des spécificités propres des collectivités. Je pense à leur capacité financière, à leur capacité technique ou encore à l’intérêt qu’elles retirent de la réalisation de la nouvelle infrastructure de transport. Une petite commune rurale ne peut pas être traitée de la même manière qu’un conseil général : ce ne serait ni compréhensible ni juste.

Au-delà de la question des ouvrages neufs se pose bien entendu la question du traitement des ouvrages existants. Je tiens à rappeler qu’on dénombre environ 12 000 franchissements pour le réseau ferroviaire, 2 000 pour le réseau routier non concédé et encore 2 500 pour les voies navigables.

La généralisation immédiate aux ouvrages existants des dispositions applicables aux ouvrages neufs serait insoutenable pour l’État et ses opérateurs.

Elle serait insoutenable d’un point de vue budgétaire, dans le contexte de redressement des comptes publics que nous avons engagé : ce serait plusieurs dizaines, voire centaines de millions d’euros par an supplémentaires à prélever sur les budgets consacrés aux infrastructures de transport. Nous peinons déjà à trouver les ressources financières. Vous mesurez bien la nécessité que les règles soient applicables mais aussi soutenables financièrement. Pour ce faire, elles doivent prendre en compte la réalité budgétaire et laisser suffisamment de temps pour se préparer à la prise en compte de ces dispositifs nouveaux.

Elle serait en outre insoutenable d’un point de vue technique étant donné le nombre d’ouvrages concernés : il faut donc identifier les situations les plus urgentes qui devront être traitées.

Le texte qui va être examiné prévoit ainsi un recensement des ouvrages d’art de rétablissement des voies pour lesquels il n’existe aucune convention en vigueur. Le secrétaire d’État chargé des transports identifiera ceux des ouvrages recensés dont les caractéristiques, notamment techniques et de sécurité, justifient l’établissement d’une telle convention.

Enfin, les situations faisant l’objet d’un contentieux doivent également trouver une issue rapide. Des dispositions permettant le règlement prioritaire de ces situations ont été introduites dans le texte législatif.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à remercier tout particulièrement Mme Évelyne Didier et M. le rapporteur, Christian Favier, du travail constructif qu’ils ont mené et des échanges qu’ils ont eus avec le Gouvernement et ses services sur ce texte.

Je ne doute pas que l’examen qui va s’engager aboutira à l’adoption de ce texte de bon sens qui, en apportant une réponse rapide et efficace, permet de mettre fin à des situations difficiles sur le terrain, sources d’inquiétude pour les élus locaux, tout en s’inscrivant dans une démarche pragmatique et responsable. §

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Favier

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, le Sénat est appelé à examiner, en deuxième lecture, la proposition de loi visant à répartir les responsabilités et les charges financières concernant les ouvrages d’art de rétablissement des voies de notre collègue Mme Evelyne Didier, adoptée par l’Assemblée nationale le 22 mai dernier.

Le 17 janvier 2012, en première lecture, notre Haute Assemblée avait adopté à l’unanimité ce texte qui vise à répondre à la question de la répartition des charges de gestion d’un ouvrage de rétablissement d’une voie de communication coupée à l’occasion de la réalisation d’une infrastructure de transport.

Sans entrer dans les détails, je rappellerai seulement que les principes régissant cette question ont été définis par une jurisprudence ancienne et constante du Conseil d’État, selon laquelle les ouvrages d’art de rétablissement de voies interrompues par la construction d’une infrastructure de transport nouvelle sont incorporés à l’infrastructure dont ils relient les deux parties. Ainsi, il revient donc aux collectivités territoriales d’assurer l’entretien des ouvrages d’art de rétablissement des voies.

Pourtant, force est de constater que de nombreuses collectivités ignorent les obligations qui leur incombent. Et face aux contraintes que la gestion d’un ouvrage d’art de rétablissement des voies fait peser sur leur budget, elles peuvent être parfois amenées à réduire, voire à interdire, l’utilisation de leur voirie afin de préserver la sécurité des utilisateurs.

Rappelons également que les projets de réalisation d’une infrastructure de transport coupant une voirie déjà existante, comme ceux qui visent à effectuer des travaux de rétablissement, sont, la plupart du temps, imposés par l’État à la collectivité territoriale, laquelle ne dispose souvent d’aucun pouvoir de décision en la matière.

Pour répondre à cette injustice et aux lourdes difficultés rencontrées par nos collectivités, en particulier les plus petites d’entre elles, cette proposition de loi pose un nouveau principe général de répartition des responsabilités et des charges entre les collectivités territoriales et les gestionnaires des infrastructures de transport nouvelles, selon lequel les charges et responsabilités seraient réparties entre, d’une part, les collectivités territoriales à qui incomberaient la prise en charge et la gestion des trottoirs, du revêtement routier et des joints qui en assurent la continuité et, d’autre part, les gestionnaires de l’infrastructure de transport nouvelle pour la prise en charge de la surveillance, de l’entretien et de la reconstruction de la structure de l’ouvrage et de l’étanchéité de l’ensemble de ce dernier.

La prise en compte des particularités de chaque ouvrage d’art relèverait d’une convention entre les deux parties. Les conventions déjà signées continueraient de s’appliquer mais seraient, en cas de dénonciation, renégociées selon le principe général que je viens d’énoncer. S’agissant des situations de litige, en l’absence de convention, il reviendrait aux deux parties d’en conclure une dans un délai de trois ans.

En première lecture, il y a deux ans, nous avions, sur ma proposition, procédé à des améliorations rédactionnelles et à une réorganisation des dispositions de la proposition de loi, afin de conforter le cadre protecteur proposé pour les collectivités territoriales.

La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire de l’Assemblée nationale a adopté seize amendements rédactionnels ou de précision, afin de renforcer et de clarifier ce nouveau principe de répartition des charges.

En séance publique, l’Assemblée nationale a adopté – M. le secrétaire d’État vient de le rappeler – huit amendements du Gouvernement. L’un d’entre eux visait à préciser que la répartition des charges devrait tenir compte de plusieurs facteurs : la volonté du gestionnaire de la voie affectée de supporter seul les charges de surveillance, d’entretien et de réparation pour des motifs de sécurité de son infrastructure, la capacité contributive du gestionnaire de l’infrastructure de transport nouvelle, la capacité contributive de la collectivité dont la voie est affectée…

Il est également prévu que la médiation du préfet devrait être précédée, en cas de désaccord entre les deux parties sur la conclusion d’une convention de répartition des charges, d’un avis préalable de la chambre régionale des comptes.

Ces amendements visaient également à permettre aux collectivités territoriales ayant engagé une action contentieuse avant le 1er juin 2014 de trouver, via la conclusion d’une convention, une solution négociée avec l’État ou l’un de ses établissements publics, ainsi qu’à établir un recensement des ouvrages afin d’en connaître le nombre exact – le chiffre évoqué d’environ 17 000 ouvrages concernés mérite d’être affiné –, la répartition et l’état général.

Pour ne pas retarder la mise en œuvre de cette proposition de loi et malgré un certain nombre de restrictions apportées par l’Assemblée nationale, je vous propose d’accepter les modifications adoptées qui tendent à renforcer et à conforter le nouveau principe de répartition des charges liées aux ouvrages d’art de rétablissement des voies.

L’entrée en vigueur rapide de cette proposition de loi permettrait aux élus locaux de se saisir pleinement de ces nouvelles dispositions, ce qui les aiderait à mettre fin, pour certaines d’entre elles, à plusieurs années de conflits avec les opérateurs de l’État.

La commission des lois, qui a examiné cette proposition de loi le 18 juin dernier, l’a adoptée à l’unanimité et a donné un avis conforme que je vous invite à suivre.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste . – M. Yvon Collin applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de René Vandierendonck

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, chère Évelyne Didier, mes chers collègues, il est peu de dire que cette proposition de loi était attendue par les collectivités territoriales concernées.

Je suis heureux que cinq ans d’un combat opiniâtre et de négociations qui l’étaient tout autant soient aujourd’hui récompensés, puisque la question de la répartition des responsabilités et des charges financières entre, d’une part, les collectivités les territoriales et, d’autre part, l’État et ses opérateurs – Réseau ferré de France, ou RFF, Voies navigables de France, ou VNF, et SNCF – a alimenté nombre de débats localement.

Je rappelle, comme d’autres, que l’on dénombre aujourd’hui au moins 12 000 franchissements pour le réseau ferroviaire, 2 000 pour le réseau routier non concédé et encore 2 500 pour les voies navigables. Je n’ai même pas inclus à ce dernier chiffre les ouvrages de franchissement du canal Seine-Nord.

Debut de section - Permalien
Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État

Effectivement !

Debut de section - PermalienPhoto de René Vandierendonck

Et pour une grande majorité d’entre eux, il n’existe pas de convention de gestion entre les collectivités et les gestionnaires de ces infrastructures.

L’enjeu est donc extrêmement important pour les collectivités territoriales, surtout à une époque de raréfaction de la ressource et de réforme territoriale. Il n’est pas neutre non plus pour les départements, puisque plusieurs milliers de ponts porteraient aujourd’hui des routes départementales au-dessus du réseau routier national – environ 1 000 –, au-dessus de voies ferrées – environ 2 500 – ou de canaux – environ 1 250.

À l’heure actuelle – nous l’avons tous rappelé –, une jurisprudence très ancienne, très protectrice des intérêts de l’État, prévaut et est appliquée ne varietur. Il s’agit du fameux arrêt du Conseil d’État de 1906 qui dispose que la collectivité propriétaire de la voie portée est entièrement responsable de l’ouvrage et doit en assurer l’entretien, la réfection, le renouvellement et garantir la sécurité des tiers.

Nous sommes là devant une situation quelque peu étonnante : un gestionnaire de transport, RFF ou VNF, par exemple, décide de créer une ligne qui vient couper des voies existantes et laisse ensuite les ouvrages de rétablissement à la charge des collectivités !

Or de nombreux ouvrages d’art reconstruits après la Seconde Guerre mondiale arrivent aujourd’hui en fin de course. Des ouvrages plus récents, réalisés pour les lignes à grande vitesse, commencent également à montrer des signes d’usure. Beaucoup de petites communes sont donc en danger pénalement et financièrement, puisqu’elles ne disposent pas des moyens nécessaires. Oserai-je le dire, dans un certain nombre de cas – il ne s’agit pas d’une hypothèse d’école – elles ne sont même pas au courant de l’étendue exacte de leurs responsabilités !

Debut de section - PermalienPhoto de René Vandierendonck

La gestion de ces ouvrages est très lourde et les conséquences financières et pénales afférentes sont importantes. Il fallait y remédier. Cette proposition de loi apporte une solution pragmatique, issue d’une négociation au cours de laquelle Mme Didier a su faire preuve d’une opiniâtreté que je tiens une nouvelle fois à saluer.

Je tiens également à rappeler – la réalité est rarement hémiplégique

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Didier

Je suis également à l’origine de ce groupe de travail !

Debut de section - PermalienPhoto de René Vandierendonck

C’est vrai, madame Didier, c’est vous qui êtes à l’origine de la sensibilisation à cette question.

Je me souviens, monsieur le président de la commission des lois, que, dans un raccourci dont vous avez le secret, vous avez dit, lors d’un débat sur les normes, qu’une bonne manière de restreindre ces dernières serait de poser en principe que le prescripteur soit le payeur. Cette logique est en quelque sorte rétablie à travers ce texte, ce qui me paraît de bonne administration publique.

Les modifications apportées au texte sur proposition du Gouvernement ont le mérite de la franchise en cette période financièrement très contrainte. Elles permettent de sauvegarder l’essentiel.

S’agissant des nouvelles infrastructures, l’Assemblée nationale a maintenu les principes adoptés au Sénat : d’une part, le renvoi à une convention pour répartir les charges de surveillance, d’entretien, de réparation et de renouvellement des ouvrages – il s’agit d’un point très positif, surtout pour les communes dont j’ai parlé qui ignorent l’étendue et l’existence de leurs obligations – ; d’autre part, – nouvelle règle de référence – l’obligation, pour les gestionnaires de la nouvelle infrastructure, d’assumer l’ensemble des charges relatives à la structure de l’ouvrage d’art. À cet égard, vous avez négocié pied à pied sur les notions d’entretien, d’étanchéité. Reste à la charge des collectivités territoriales la chaussée et la voirie, c’est-à-dire le trottoir et le revêtement routier. Cette nouvelle règle de référence constitue, à mes yeux et aux yeux de beaucoup de collectivités territoriales, une disposition essentielle du texte.

Toutefois, le Gouvernement a tenu, dans la négociation, à apporter une certaine souplesse et a adapté ce principe en fonction des spécificités propres des parties à la convention, au regard notamment de leurs capacités financières – cela a été rappelé par M. le secrétaire d’État – ou encore de l’intérêt direct que peut retirer la collectivité concernée de la réalisation de la nouvelle infrastructure de transport.

Beaucoup de contentieux étant en cours et nombre de ces questions encore pendantes, il a également été prévu de recourir à la médiation en cas de désaccord sur l’élaboration de la convention avant saisine des juges compétents. Là encore, il me semble que procéder ainsi c’est faire preuve de sagesse.

Concernant les ouvrages de rétablissement déjà existants, largement majoritaires et auxquels s’attachent de nombreux enjeux financiers, l’Assemblée nationale a complété le dispositif. D’une part, pour les ouvrages ne faisant l’objet d’aucune convention – il y en a beaucoup –, a été prévu, sur la proposition du Gouvernement, un recensement – c’est une première –, qui doit être fait avant le 1er juin 2018. Ce recensement – qui nous offrira, à mon avis, son lot de découvertes et de surprises – permettra de hiérarchiser les urgences et donc d’établir un plan pluriannuel d’investissement permettant de dresser un calendrier d’intervention.

D’autre part, pour les situations litigieuses en cas de convention existante, les travaux de l’Assemblée nationale ont été guidés par la volonté de trouver une réponse dans des délais relativement rapides.

Merci, madame Didier, d’avoir tenu bon sur ce dernier point et d’avoir fait en sorte que l’existence de recours ne vienne pas endiguer la nécessité d’accorder de justes priorités, notamment l’existence d’une procédure transactionnelle pour désamorcer des contentieux, dont certains sont déjà anciens.

En conclusion, après l’adoption, il y a quelques jours, de la proposition de loi permettant la création de sociétés d’économie mixte à opération unique, voici un deuxième texte qui reconnaît les collectivités territoriales et assouplit très sérieusement leurs modalités d’intervention. Je tiens donc à remercier une nouvelle fois Évelyne Didier – j’ai déjà eu l’occasion de le faire en commission des lois –, ainsi que M. le secrétaire d’État. Ces dispositions étaient attendues depuis des décennies, notamment par votre serviteur ; je ne peux que vous dire bravo !

Applaudissements sur les travée s du groupe socialiste, du groupe CRC et du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

M. Yvon Collin . Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, chère Évelyne Didier, comme l’ont montré les débats au Sénat puis à l’Assemblée nationale, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui en deuxième lecture fait l’objet d’un consensus, qui va de la majorité à l’opposition, en passant par l’Association des maires de France, chose assez rare pour être soulignée !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

En matière d’ouvrages de franchissement - ponts, ouvrages de soutènement et tunnels -, la solution dégagée par la jurisprudence impose au propriétaire de la voie portée d’entretenir l’ouvrage, sauf convention contraire. Les ouvrages d’art attenant à une voirie constituent une dépendance de la route qu’ils supportent, car ils sont nécessaires à la conservation et à l’exploitation de celle-ci.

Il en résulte que le propriétaire est aussi le gestionnaire de la voie portée, et qu’il est tenu de prendre toutes les mesures nécessaires pour maintenir l’ouvrage en bon état d’entretien et pour assurer la sécurité à l’égard des tiers.

Par exemple, un pont dont la maîtrise d’ouvrage a été assurée par l’État, mais qui relie deux parties d’une voirie départementale, doit être entretenu par le conseil départemental, propriétaire de la voie principale et donc responsable en cas de dommage.

Les différentes interventions et débats sur ce texte, tant au Sénat qu’à l’Assemblée nationale, ont montré qu’il n’est pas rare de voir de petites communes renoncer à l’entretien de ponts pourtant dangereux, par peur de voir leur responsabilité engagée, y compris au pénal pour le maire. Il n’est pas rare, non plus, que des collectivités ignorent, par le jeu des transferts de compétences, qu’elles sont propriétaires d’un ouvrage.

La difficulté est toujours la même ; la décentralisation toujours plus importante et le transfert de compétences vers les collectivités ont conduit à des transferts de charges parfois trop rapides.

Ces transferts de compétences et de charges, monsieur le secrétaire d’État, n’ont pas toujours été accompagnés des moyens financiers correspondants. En 2014, dans mon département, la surveillance des ouvrages d’art, régulièrement assurée par les agents de la direction de la voirie et de l’aménagement et des subdivisions départementales, a été complétée par des investigations faisant appel à des techniques spécialisées, comme le contrôle des fondations par plongeurs et l’auscultation des superstructures à l’aide d’instruments de laboratoire. C’est du sérieux !

Je n’entrerai pas dans le débat sur le désengagement financier de l’État ; je rappellerai seulement que, conformément aux annonces faites par le Gouvernement, notamment dans le cadre du pacte de confiance et de responsabilité entre l’État et les collectivités territoriales, l’enveloppe normée des concours de l’État aux collectivités territoriales a diminué de 1, 5 milliard d’euros en 2014. Les collectivités les plus fragiles, les petites communes rurales par exemple, ne disposent plus des moyens d’assurer leur mission de service public d’entretien de ces ouvrages d’art. Comment le pourraient-elles, M. Favier l’a souligné dans son excellent rapport, quand une remise en état peut coûter jusqu’à un million d’euros, soit la moitié ou plus de leur budget d’équipement ? Le coût de surveillance et d’entretien annuel, quant à lui, va de 2 000 à 4 000 euros. L’enjeu financier global est donc de l’ordre de plusieurs dizaines de millions d’euros par an pour la surveillance et l’entretien, et de centaines de millions d’euros par an pour les travaux de renouvellement.

À ce handicap financier, il faut ajouter un handicap technique, puisque ces communes sont en position de faiblesse face à des établissements publics comme Réseau ferré de France, RFF, qui disposent d’équipes d’ingénierie importantes. En application de la révision générale des politiques publiques, la circulaire du 10 avril 2008 a arrêté pour la fin de l’année 2011 le recentrage de l’action de l’État auprès des collectivités sur de simples missions d’expertise et mis fin aux prestations techniques concurrentielles.

Le texte que nous nous préparons à adopter – le suspense n’est pas insoutenable

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

Le texte introduit, en outre, l’obligation pour les parties, de signer une convention, ainsi que la possibilité d’une médiation en cas de conflit sur l’élaboration de la convention.

Par ailleurs, une disposition utile a été introduite à l’Assemblée nationale, visant à faire procéder, avant le 1er juin 2018, à un recensement des ouvrages d’art de rétablissement des voies pour lesquels s’applique pleinement la jurisprudence du Conseil d’État, en l’absence de convention.

Enfin, les situations faisant l’objet d’un contentieux pourront également trouver une issue rapide. Compte tenu du nombre d’ouvrages concernés, proche de 17 000, le texte introduit des dispositions permettant aux collectivités engagées dans un contentieux de dégager rapidement une solution négociée avec l’État ou l’un de ses établissements publics, « sous réserve de désistement commun aux instances en cours ».

Il appartiendra au préfet de saisir la chambre régionale des comptes pour qu’elle examine l’économie générale de la convention et ses conséquences financières.

Pour conclure, parce qu’il semble, monsieur le secrétaire d’État, que nous ayons trouvé un équilibre entre le souhaitable et le possible – objectif que nous cherchons toujours à atteindre –, le groupe du RDSE dans son ensemble adoptera cette proposition de loi.

Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe-André Frassa

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous sommes donc réunis pour l’adoption en seconde lecture de la proposition de loi visant à répartir les responsabilités et les charges financières concernant les ouvrages d’art de rétablissement des voies, texte essentiel à nos communes, notamment les plus petites, et indispensable à nos finances publiques.

La jurisprudence administrative actuelle rend les communes propriétaires des ouvrages d’art situés sur leur territoire.

Le débat porte sur la responsabilité de mise en œuvre des obligations relatives à la sécurité, à la surveillance et à l’entretien de la structure. La réglementation en vigueur oblige nos communes à assumer un fardeau bien trop lourd, les coûts pouvant s’élever à plusieurs millions d’euros par an. Cette charge est manifestement disproportionnée, d’autant que les ressources des communes ne cessent d’être contraintes et réduites. Nous nous devons donc de tirer les conséquences de la situation et d’agir en leur nom. Déjà, en 2009, nous avions travaillé sur la question de la domanialité des ouvrages d’art, mais l’occasion nous a manqué d’approfondir la réflexion.

Il n’existe, à ce jour, pas de recensement précis du nombre d’ouvrages d’art en France, mais les experts estiment qu’il en existe près de 17 000 sur tout le territoire. Les communes sur lesquelles ils sont implantés n’ont guère d’autre choix que de procéder aux dépenses obligatoires afin d’assurer la sécurité des utilisateurs, ce qui les oblige à sacrifier certaines politiques communales pour équilibrer leur budget, sauf à se désengager tout à fait de la gestion de ces ouvrages et interdire la circulation !

Dès lors, les conseils municipaux se trouvent en porte à faux à l’égard de leurs concitoyens. En réalité, mes chers collègues, les communes n’ont pas les moyens de faire face à ces dépenses. Mais pourquoi donc les maires n’effectuent-ils pas les réparations nécessaires à la circulation sur de tels ouvrages d’art ? Tout simplement parce que les ressources leur manquent !

Cela considéré, nous devons saisir l’occasion offerte par l’examen de la présente proposition de loi pour établir une répartition équitable des responsabilités et des charges financières relatives aux ouvrages d’art de rétablissement des voies.

Le texte prévoit notamment d’instaurer une obligation de conclure une convention pour les parties concernées. Il s’agit non pas de désengager purement et simplement les communes, mais de responsabiliser davantage – à juste titre – le maître d’ouvrage.

Les communes ne décident généralement pas de l’installation d’une telle structure ; je pense qu’il est donc anormal qu’elles en assument seules la charge. C’est logiquement qu’il doit revenir au maître d’ouvrage, porteur du projet de construction, de garantir la surveillance, l’entretien ou la réfection des ouvrages d’art dont il est à l’initiative.

Par ailleurs, au regard de la diversité des cas existants, la voie contractuelle me semble être la bonne option.

La proposition de loi prévoit également la possibilité de régler les conflits par voie de médiation du préfet, lui-même chargé de saisir la chambre régionale des comptes pour une répartition proportionnée et experte. L’intervention d’un tiers, extérieur au conflit, est souvent le moyen d’apaiser les tensions entre les parties et de trouver une solution objective. En outre, nous éviterons au maximum les recours auprès de juridictions déjà fortement engorgées.

Dès lors, afin de garantir la sécurité de nos concitoyens tout en préservant la santé financière et juridique de nos communes, le groupe UMP soutiendra la présente proposition de loi.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Didier

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je tiens avant toutes choses à remercier tous ceux qui ont eu à mon endroit des mots sympathiques.

Si je travaille sur le sujet qui nous occupe depuis le début de l’année 2009, je le dois au maire de Vandières, en Meurthe-et-Moselle, qui m’avait interpellée sur cette question. J’ai alors sollicité le secrétaire d’État chargé des transports de l’époque, Dominique Bussereau, qui a eu l’intelligence d’accepter la création d’un groupe de travail. Voilà comment tout est parti.

Depuis lors, nous avons beaucoup travaillé avec les services administratifs, ainsi que, tout récemment, avec le ministère. Je ne dis pas que nous étions toujours d’accord, mais j’ai trouvé en face de moi des personnes soucieuses des intérêts de l’État et des divers acteurs impliqués. Il a fallu convaincre ! Ce fut un travail de longue haleine, mais, aujourd’hui, le résultat est là, et nous pourrons bientôt nous en féliciter.

Reste que la jurisprudence va encore évoluer, peut-être dans un sens différent. Dans tous les cas, elle sera plus conforme au principe du « décideur-payeur ».

Le texte que nous examinons aujourd’hui en deuxième lecture, adopté en première lecture dans cet hémicycle en janvier 2012, est donc le fruit d’un travail commencé en 2009. Autant dire qu’il était temps de conclure !

Il était temps, en effet, d’élaborer un cadre législatif clair pour la répartition des charges impliquées par la surveillance, l’entretien, la réparation et le renouvellement des ouvrages d’art rétablissant les voies de communication coupées par des infrastructures de transport nouvelles.

Lors de la construction d’une voie ferrée, d’une voie navigable ou encore d’une autoroute, le gestionnaire est souvent amené à construire des ouvrages d’art afin de rétablir la continuité des voies préexistantes ainsi interrompues. Dans la plupart des cas, la collectivité propriétaire de la voie n’a aucune alternative et se trouve contrainte, par la suite, sous l’effet de la jurisprudence, de supporter les charges qui en découlent.

Du moins telle est la situation surtout depuis le transfert de la compétence des routes. On a souvent oublié de le dire, en effet, ce « paquet cadeau » contenait aussi, sans que cela soit vraiment annoncé, le transfert de la compétence des ponts, ce que les collectivités n’ont découvert que progressivement. C’est ainsi que nous avons dû faire face à des cas particulièrement préoccupants.

Le poids financier qui résulte de cette situation est tel que beaucoup de communes ne peuvent y faire face de manière satisfaisante. Rappelons que le coût d’un ouvrage d’art est estimé entre 600 000 euros et un million d’euros, et que le coût moyen de surveillance et d’entretien, quand la situation n’est pas compliquée, est compris entre 2 000 et 4 000 euros par an. C’est une bombe à retardement, un véritable problème de sécurité publique qui se pose.

Les différents travaux et auditions que nous avons menés depuis cinq ans ont démontré qu’il n’était pas souhaitable de remettre en cause la domanialité ni le droit de propriété des collectivités sur ces ouvrages. Il est néanmoins tout à fait possible de rompre avec la jurisprudence actuelle, défavorable à nos collectivités, et de décider d’une répartition des charges plus juste et plus équitable. N’est-ce pas celui qui décide de modifier l’existant pour ses propres besoins qui doit payer ? Cela semble de bon sens !

Aussi, nous proposons ce principe de référence clair : la prise en charge par le gestionnaire de la nouvelle infrastructure de l’ensemble des frais relatifs à la structure de l’ouvrage d’art. Une convention devra prévoir les modalités de répartition des charges des opérations de surveillance, d’entretien, de réparation et de renouvellement de l’ouvrage, ainsi que les conditions de sa remise en pleine propriété à la collectivité territoriale et d’ouverture à la circulation. C’est le compromis que nous avons trouvé avec le Gouvernement. Merci Nancy…

Il s’agit là d’un principe simple et équitable.

Mes chers collègues, le bon sens a visiblement prévalu au sein de nos deux assemblées parlementaires ; je m’en félicite. En effet, comme vous le savez, le texte a obtenu jusqu’à présent l’approbation sur toutes les travées.

C’est pourquoi j’espère vraiment un vote conforme aujourd’hui, bien que la proposition de loi ait effectivement subi – M. le rapporteur l’a souligné – quelques modifications suite à son passage à l’Assemblée nationale, notamment avec les amendements gouvernementaux.

Ainsi que M. le secrétaire d’État vient de le rappeler, le Gouvernement s’est prononcé très clairement en faveur du principe de base que je viens d’énoncer ; c’est déjà là une véritable avancée.

Par ailleurs, il a fallu accepter des compromis ; les amendements ont été longuement débattus avec le secrétariat d’État aux transports, qui était en relation permanente avec toutes les parties prenantes.

Ainsi, la possibilité d’adapter le principe de base en fonction des spécificités de chaque situation, et notamment des capacités financières et techniques des collectivités concernées, a été introduite.

En outre, pour les franchissements existants, le texte initial prévoyait la possibilité pour l’une ou l’autre des parties de dénoncer les conventions existantes et d’en conclure de nouvelles sur la base du principe de référence ; et, pour les ouvrages ne bénéficiant encore d’aucune convention, en cas de litige, les parties avaient la possibilité de signer un tel document dans un délai de trois ans. Or, nous le savons aujourd’hui, le réseau ferroviaire compte environ 12 000 ouvrages d’art, les voies navigables en dénombrent 2 500 et le réseau routier non concédé, 2 000.

Le Gouvernement est donc revenu sur ces dispositions, qui risquaient de rendre très vite la situation insoutenable en termes financiers et techniques pour l’État et ses opérateurs.

La nouvelle version du texte prévoit d’identifier et de traiter les situations les plus urgentes, c'est-à-dire les ouvrages d’art faisant l’objet de contentieux, ainsi que ceux pour lesquels il n’existe aucune convention en vigueur et dont les caractéristiques techniques et de sécurité justifient l’établissement d’un tel document.

Certes, le texte remanié ne va pas aussi loin que nous l’aurions souhaité au départ. Cependant, la proposition de loi que nous allons, je l’espère, adopter aujourd’hui a le mérite de sécuriser nos communes en établissant un cadre législatif clair : il est explicitement énoncé que c’est aux gestionnaires des nouvelles infrastructures de transport de prendre en charge les dépenses liées à la structure des ouvrages d’art. C’était là notre objectif. En tous les cas, le texte s’appliquera à tous les ouvrages futurs. Aux collectivités d’être vigilantes ! Au moins seront-elles toutes informées, puisque le dispositif s’applique normalement dès l’enquête préalable.

Comme je l’ai indiqué tout à l’heure, le maire de Vandières, en Meurthe-et-Moselle, m’alertait voilà cinq ans sur le sujet. Dominique Bussereau, alors secrétaire d’État aux transports, avait su répondre à ma demande en mettant en place un groupe de travail.

Aujourd’hui, ce sont vos services qui nous ont été d’une aide précieuse, monsieur le secrétaire d’État. Le processus a été mené à son terme en associant jusqu’au bout les parties prenantes. L’Association des maires de France et l’Assemblée des départements de France nous ont apporté leur entier soutien tout au long de ce travail de réflexion.

Je souhaite remercier ici toutes les personnes qui ont travaillé sur le dossier. Je pense notamment à mes collaborateurs, pour lesquels les ouvrages d’art n’ont désormais plus aucun secret !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Didier

Car je ne doute pas, mes chers collègues, que le texte fera l’objet d’un conforme à l’issue de nos débats. Il a su dépasser les clivages politiques, et je m’en félicite. Est-il parfait ? Certes, non ! Mais il a le mérite de substituer à un principe devenu obsolète un autre principe, plus équitable : qui décide paie !

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Didier

Je conclus en évoquant le décret en Conseil d’État qui doit venir préciser les modalités d’application du texte.

En tant qu’auteur de la proposition de loi, et étant particulièrement attachée au règlement du problème dont nous discutons, je vous demande d’indiquer ici, monsieur le secrétaire d’État, que les parlementaires seront étroitement associés à la rédaction du décret. Je compte sur vous, car, nous le savons, le diable peut se cacher dans les détails !

Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste, ainsi que sur les travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

Je rappelle que, en application de l’article 48, alinéa 5, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets ou propositions de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux assemblées du Parlement n’ont pas encore adopté un texte identique.

En conséquence, sont irrecevables les amendements ou articles additionnels qui remettraient en cause les articles adoptés conformes, de même que toute modification ou adjonction sans relation directe avec une disposition restant en discussion.

(Non modifié)

Le chapitre III du titre II du livre Ier de la deuxième partie du code général de la propriété des personnes publiques est complété par une section 5 ainsi rédigée :

« Section 5

« Rétablissement de voies de communication rendu nécessaire par la réalisation d’une infrastructure de transport

« Art. L. 2123-9. – I. – Le dossier d’enquête préalable à la déclaration d’utilité publique d’une nouvelle infrastructure de transport expose les principes relatifs aux modalités de rétablissement des voies interrompues ou affectées ainsi qu’aux obligations futures concernant les ouvrages d’art de rétablissement incombant à chaque partie.

« Les caractéristiques des ouvrages de rétablissement des voies tiennent compte, dans le respect des règles de l’art, des besoins du trafic supporté par la voie affectée, définis par les gestionnaires de ces voies, et des modalités de la gestion ultérieure.

« II. – Lorsque, du fait de la réalisation d’une nouvelle infrastructure de transport, la continuité d’une voie de communication existante est assurée par un ouvrage dénivelé, la superposition des ouvrages publics qui en résulte fait l’objet d’une convention entre le gestionnaire de l’infrastructure de transport nouvelle et le propriétaire de la voie existante.

« Cette convention prévoit les modalités de répartition des charges des opérations de surveillance, d’entretien, de réparation et de renouvellement de l’ouvrage, ainsi que les conditions de sa remise en pleine propriété à la collectivité territoriale et d’ouverture à la circulation.

« Pour la répartition des contributions respectives des parties à la convention, le principe de référence est la prise en charge par le gestionnaire de la nouvelle infrastructure de l’ensemble des charges relatives à la structure de l’ouvrage d’art.

« Toutefois, les parties à la convention adaptent ce principe en fonction de leurs spécificités propres, notamment de leur capacité financière, de leur capacité technique ou encore de l’intérêt retiré par la réalisation de la nouvelle infrastructure de transport.

« 1° et 2°

Supprimés

« III. – Les I et II s’appliquent aux infrastructures de transport nouvelles dont l’enquête publique est ouverte postérieurement au premier jour du sixième mois suivant la promulgation de la loi n° … du … visant à répartir les responsabilités et les charges financières concernant les ouvrages d’art de rétablissement des voies.

« IV. –

Supprimé

« Art. L. 2123-10. – En cas d’échec de la négociation relative à la signature de la convention prévue au II de l’article L. 2123-9, la partie la plus diligente peut demander la médiation du représentant de l’État dans le département, qui consulte l’ensemble des parties et saisit pour avis la chambre régionale des comptes dans un délai d’un mois.

« Si cette médiation n’aboutit pas ou en l’absence de recours à une médiation, l’une ou l’autre des parties peut saisir le juge administratif.

« Art. L. 2123-11. – I. – Les dispositions des conventions conclues antérieurement à la promulgation de la loi n° … du … précitée prévoyant les modalités de gestion d’un ouvrage de rétablissement de voies continuent à s’appliquer.

« I bis. – Lorsque la surveillance, l’entretien, la réparation ou le renouvellement d’un ouvrage d’art de rétablissement de voies qui relève ou franchit les réseaux routiers, ferroviaires et fluviaux de l’État et de ses établissements publics fait l’objet d’un recours formé avant le 1er juin 2014 par une collectivité territoriale devant la juridiction compétente, les parties établissent une convention nouvelle, conformément au II de l’article L. 2123-9 et à l’article 2123-10, sous réserve de désistement commun aux instances en cours.

« II. – Le ministre chargé des transports fait procéder, avant le 1er juin 2018, à un recensement des ouvrages d’art de rétablissement des voies qui relèvent ou franchissent les réseaux routiers, ferroviaires et fluviaux de l’État et de ses établissements publics et pour lesquels il n’existe aucune convention en vigueur.

« Le ministre chargé des transports identifie ceux des ouvrages dont les caractéristiques, notamment techniques et de sécurité, justifient l’établissement d’une convention nouvelle. Celle-ci est établie conformément au II de l’article L. 2123-9 et à l’article L. 2123-10.

« Art. L. 2123-12. – Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application de la présente section. »

L'article 1 er est adopté.

(Suppression maintenue)

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Personne ne demande la parole pour explication de vote sur l’ensemble de la proposition de loi ?...

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l'ensemble de la proposition de loi visant à répartir les responsabilités et les charges financières concernant les ouvrages d’art de rétablissement des voies.

La proposition de loi est définitivement adoptée.

Applaudissements.

Debut de section - Permalien
Frédéric Cuvillier

Mesdames, messieurs les sénateurs, je me réjouis de l’adoption de cette proposition de loi.

Certes, compte tenu du climat qui a présidé aux débats parlementaires, nous avions pressenti que le vote final ne soulèverait pas d’énormes difficultés. Mais il fallait tout de même que le processus législatif – il fut long – aille à son terme.

Le dispositif adopté ménage la possibilité d’aborder rapidement les quelques problèmes – ils ne sont pas si nombreux -, qui demeurent en suspens, tout en sortant de l’insécurité financière et juridique à laquelle les maires et élus locaux sont confrontés, comme cela a été rappelé. En outre, le texte organise l’action publique dans le temps, ce qui permettra de programmer les investissements nécessaires.

Madame Didier, en vous écoutant, je songeais que, étant aussi élu local, j’allais pouvoir concilier deux principes. Vous le savez, les élus locaux, qui sont toujours très sourcilleux quant à leurs capacités de décider, notamment dans le cadre des financements croisés, invoquent souvent le principe : qui paie décide. Et voilà que, s’adressant à l’État, ils lui disent désormais : qui décide paie !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

M. Yvon Collin. Cela marche dans les deux sens !

Nouveaux sourires.

Debut de section - Permalien
Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État. En effet, monsieur le sénateur. Je pourrai donc toujours m’adapter selon la situation qui sera la mienne et profiter de l’une ou l’autre des deux formules ; c’est tout de même très confortable !

Mêmes mouvements.

Debut de section - Permalien
Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État

Concernant le décret d’application, madame Didier, nous ferons en sorte, avant de saisir le Conseil d'État – je me tourne vers mes collaborateurs – de vous présenter le document dans les meilleurs délais. Cela nous permettra de ne pas prendre de retard et de faire entrer rapidement en vigueur un texte législatif qui sécurise les élus locaux.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à seize heures cinquante, est reprise à dix-sept heures cinq.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale (texte de la commission n° 585 rectifié, rapport n° 584).

Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, corapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Peyronnet

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous arrivons aujourd’hui au terme de l’examen d’un projet de loi dont nous réclamions l’inscription à l’ordre du jour depuis plusieurs années.

Le conseil des ministres a adopté ce projet de loi le 11 décembre 2013, l’Assemblée nationale s’est prononcée le 10 février dernier en première lecture, puis le Sénat le 26 mai. Le Gouvernement a ensuite décidé de convoquer une commission mixte paritaire, qui s’est réunie le 4 juin.

Dans un climat tout à fait consensuel, la commission mixte paritaire a abouti à un texte qui reprend de facto la rédaction du Sénat, puisque les dix modifications apportées sont, assez largement, d’ordre rédactionnel. Un seul sujet a véritablement fait l’objet de discussions - la politique d’évaluation - et, sur ce point également, c’est le texte du Sénat qui a prévalu.

La commission mixte paritaire a ainsi reconnu le très important travail que notre assemblée a collectivement réalisé sur ce texte. Je crois que nous pouvons nous en féliciter et ne pas bouder notre plaisir de voir le travail sénatorial ainsi reconnu.

C’est d’autant plus vrai que le Sénat avait sensiblement – pour ne pas dire profondément – modifié le texte tel qu’il nous avait été transmis par l’Assemblée nationale. En effet, 79 amendements avaient été adoptés en commission et 39 en séance publique. Ces chiffres illustrent notre volonté d’améliorer la qualité du texte, d’une part, en simplifiant et clarifiant sa rédaction, d’autre part, en l’enrichissant des dispositions normatives qui lui faisaient défaut.

Quelles sont les principales modifications adoptées par le Sénat et finalement approuvées par la commission mixte paritaire ?

Une première série de modifications visait à simplifier, clarifier ou conforter les dispositions du projet de loi.

Nous avons ainsi ajouté la composante culturelle du développement durable dans la mise en œuvre de la politique de développement.

Nous avons privilégié la notion de « responsabilité sociétale », pour élargir explicitement aux questions de droits de l’homme et de gouvernance la responsabilité sociale et environnementale.

Sur cette question, nous avons aussi clarifié les missions de l’Agence française de développement, l’AFD, en lui fixant des objectifs qu’elle est capable d’atteindre en toute légitimité vis-à-vis de nos partenaires étrangers.

Nous avons également demandé au Gouvernement de conduire une politique d’influence dans les enceintes internationales pour promouvoir le droit français en matière de transparence et de responsabilité.

Par ailleurs, nous avons souligné que l’action humanitaire était partie prenante de la politique de développement.

Nous avons tenté de mieux formaliser le pilotage de cette politique, notamment en ce qui concerne la nécessaire coordination entre les ministères et l’actualisation dans le temps de ses orientations.

Nous avons affirmé et reconnu le rôle et la complémentarité de l’ensemble des acteurs impliqués, notamment les collectivités territoriales, la société civile et les entreprises, et avons inscrit dans le texte l’existence du nouveau Conseil national du développement et de la solidarité internationale.

Nous avons estimé que le rapport rendu par le Gouvernement au Parlement tous les deux ans sur la politique de développement devait être enrichi, tout en fondant en un seul, par souci de simplification, les deux exercices initialement prévus.

Dans le rapport annexé au projet de loi, nous avons mis en avant, sur proposition des sénateurs écologistes, en particulier Leila Aïchi, la situation des pays en grande difficulté climatique.

Nous avons autorisé l’AFD à financer des projets de recherche dans le domaine des semences génétiquement modifiées.

Nous avons insisté sur la nécessité de mettre en place une approche globale et coordonnée pour les pays du Sahel.

Nous avons aussi affirmé le principe de la cohérence entre la politique de développement et la place des outre-mer dans leur environnement régional, ainsi que l’intérêt de s’appuyer sur les collectivités ultramarines pour bénéficier de leur expertise.

Toutefois, si l’idée générale est tout à fait intéressante, je souligne une difficulté, puisque cet alinéa du texte prévoit que les porteurs de projets devront informer la « collectivité ultramarine concernée », sans pour autant mentionner laquelle, ce qui peut poser des problèmes concrets de mise en œuvre du principe.

Enfin, nous avons affirmé la nécessité de réduire la fragmentation de l’aide internationale et de rationaliser le paysage multilatéral.

Avant de conclure, je tiens à rappeler que le projet de loi a été précédé d’une concertation exemplaire. Il permet ainsi de disposer d’un cadre législatif d’intervention de notre politique de développement. C’est pourquoi nous l’avions pleinement soutenu en première lecture, tant en commission qu’en séance publique.

Au terme de cette brève intervention, je laisse la parole à mon complice corapporteur, Christian Cambon, qui traitera du plus important, à savoir le renforcement du caractère normatif du texte, et ce notamment dans quatre domaines : la création d’un fonds multibailleurs, le transfert des fonds des diasporas, l’expertise internationale et l’évaluation. Il était, selon nous, nécessaire de rendre le texte véritablement efficace, alors qu’il se limitait à l’origine à un catalogue de bonnes intentions.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, au-delà du premier objectif de simplification et de clarification, dont Jean-Claude Peyronnet vient de décrire les principaux éléments, nous avons surtout voulu, en tant que corapporteurs, renforcer le caractère normatif du projet de loi.

Le Sénat a ainsi adopté quatre mesures particulièrement structurantes.

Tout d’abord, sur l’initiative du Gouvernement, nous avons autorisé l’AFD à gérer des fonds multibailleurs et à déléguer certains crédits à ce type de fonds, lorsque le besoin s’en fait sentir.

Ces fonds sont un outil essentiel pour concentrer l’aide internationale et mieux la coordonner. Ils sont particulièrement opportuns dans les pays en crise, comme le Mali ou la Centrafrique.

Monsieur le secrétaire d’État, l’AFD nous a indiqué que, seule la Centrafrique, avec le projet de « fonds Bêkou » était concernée pour le moment. Il nous semble que nous devons aller plus loin dans la réflexion avec les principaux financeurs internationaux pour mettre plus largement en œuvre l’outil de ces fonds multibailleurs.

Ensuite, nous avons souhaité faciliter le transfert de fonds des migrants, en autorisant les banques des pays en développement à commercialiser en France des produits permettant de financer des projets dans leur pays d’origine.

Par ailleurs, sur l’initiative de notre excellent collègue Jacques Berthou, qui a travaillé de longues années sur ce sujet, et avec notre entier soutien, nous avons adopté une réforme profonde et ambitieuse du dispositif français d’expertise technique.

Nous avons en effet prévu de fusionner six organismes, et ce dès le 1er janvier 2015, avant une fusion plus large, au 1er janvier 2016. Depuis vingt ans en effet, tous les rapports font le constat d’un éclatement du dispositif français, qui n’est plus adapté pour répondre aux appels d’offres internationaux, car ceux-ci présentent de plus en plus des dimensions pluridisciplinaires. Or, si elle veut mettre en œuvre une diplomatie d’influence, la France doit absolument être présente, avec les meilleures chances de succès possible, pour répondre à la demande internationale d’expertise technique.

Pour autant, nous n’avons pas souhaité créer un organe bureaucratique et centralisé. La nouvelle agence doit être prise comme un holding faisant appel aux ressources humaines là où elles sont présentes, dans le public comme dans le privé. Elle doit représenter la France au niveau international, et non étouffer les métiers qui font justement la richesse et la valeur ajoutée de notre pays.

Comme je viens de l’indiquer, cette réforme est ambitieuse, en particulier en termes de calendrier, puisqu’une première fusion doit avoir lieu dans six mois et concerner six organismes... Dans ces conditions, nous aimerions connaître les intentions du Gouvernement quant à la mise en œuvre de la réforme. Quand désignerez-vous le délégué interministériel qui doit préfigurer la nouvelle agence, monsieur le secrétaire d’État ?

Concernant l’action extérieure des collectivités locales, nous avons adopté quatre mesures.

D’abord, nous avons voulu rendre facultatives les conventions avec les collectivités locales étrangères, pour ne pas entraver la coopération, notamment en matière humanitaire.

Ensuite, nous avons étendu la loi dite « Oudin - Santini » au secteur des déchets ménagers, qui constitue à la fois un domaine d’expertise de nos collectivités, mais aussi et surtout un enjeu essentiel pour la plupart des pays partenaires, qui font face à une prolifération dramatique de ces déchets.

Par ailleurs, nous avons inscrit une obligation de déclaration par les collectivités des actions qu’elles mènent à l’international. Il ne s’agit aucunement de limiter leur libre administration, mais plutôt de faire en sorte que chaque porteur de projet puisse disposer d’un état des lieux aussi exhaustif que possible, pour éviter les doublons et favoriser les coopérations entre acteurs français.

Enfin, nous avons demandé aux collectivités locales et au Gouvernement de mener des campagnes de sensibilisation dans les écoles, les collèges et les lycées, tant il nous semble important que, sur cette thématique de la coopération et du développement, l’opinion publique soit mieux informée des efforts que la France accomplit.

Tel est, madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’essentiel des modifications apportées par le Sénat au projet de loi, puis finalement approuvées par la CMP.

Mais nous ne serions pas complets si nous n’évoquions pas la question de l’évaluation de la politique de développement, sujet qui a concentré – ô combien ! – l’essentiel des débats de la CMP.

Le Sénat a d’abord demandé que les évaluations prennent en compte les retours d’expérience des bénéficiaires de l’aide. Nous avons aussi affirmé que l’évaluation pouvait s’appuyer sur des indicateurs de résultats, qui ont une vertu pédagogique, mais qu’elle devait avant tout se fonder sur des appréciations plus qualitatives.

Ces deux points n’ont du reste pas posé de difficulté durant la CMP, contrairement à la question de l’organisation et à celle du pilotage de l’évaluation.

Le projet de loi initial ne prévoyait quasiment aucune évolution sur ce sujet, alors que l’éclatement de notre dispositif entre l’AFD, le ministère de l’économie et le ministère des affaires étrangères est souvent critiqué, et non pas seulement par les rapporteurs qui se succèdent à cette tribune depuis de nombreuses années. Il fallait, à notre sens, avancer et proposer, comme pour l’expertise, une réforme ambitieuse. C’est pourquoi le Sénat a prévu de fusionner les trois services d’évaluation existant aujourd’hui au sein d’un observatoire unique et indépendant des services qui mettent effectivement en œuvre la politique de développement.

Nous avions donc deux objectifs complémentaires : d’une part, mutualiser les moyens et rationaliser le programme d’évaluation ; d’autre part, séparer, selon la traditionnelle règle des finances publiques, l’ordonnateur du comptable, pour reprendre une analogie financière.

Ces deux objectifs ont été pleinement validés par la CMP, qui a même enrichi les travaux du Sénat, en fixant précisément la composition du futur observatoire chargé d’évaluer la politique de développement. Il sera ainsi composé de onze membres indépendants, dont deux députés et deux sénateurs désignés de manière à assurer une représentation pluraliste, et il sera présidé alternativement par un député et par un sénateur.

L’affirmation de ce principe d’indépendance de l’évaluation ne doit pas rester lettre morte. Monsieur le secrétaire d’État, le Gouvernement n’a pas déposé d’amendement sur le texte de la CMP, ce dont nous nous réjouissons, et, même si nous connaissons vos réticences sur cette question de l’évaluation, le projet de loi deviendra, dans les prochains jours, une loi de la République. Dans ces conditions, nous aimerions connaître le calendrier de mise en œuvre par le Gouvernement d’une réforme qui repose à la fois sur la création d’un observatoire indépendant et sur le regroupement des services concernés.

En conclusion, la commission mixte paritaire demande au Sénat de bien vouloir approuver le texte résultant de ses travaux, ce qui ne peut constituer qu’un exercice de cohérence avec le vote de première lecture, puisque les deux textes se ressemblent à s’y méprendre, comme l’indiquait à l’instant Jean-Claude Peyronnet, avec, et j’en suis particulièrement fier, la forte présence des améliorations que notre assemblée a apportées au texte.

Applaudissements.

Debut de section - Permalien
Harlem Désir

Madame la présidente, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis heureux de me retrouver parmi vous pour la présentation du texte définitif du projet de loi d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale. Je vous prie d’excuser ma collègue Annick Girardin, secrétaire d’État au développement et à la francophonie, qui ne peut malheureusement être présente aujourd’hui.

C’est la première fois depuis le début de la Ve République qu’un projet de loi sur le développement est présenté au Parlement, un domaine resté jusqu’ici l’apanage de l’exécutif. Ce texte marque donc un progrès démocratique important.

Voulu par le Président de la République dès le printemps 2013, lors des Assises du développement, il a été élaboré par Pascal Canfin, puis porté par Annick Girardin, avec le soutien constant de Laurent Fabius.

Ce projet de loi constitue une première étape dans la rénovation d’une politique de développement fondée sur la cohérence, l’efficacité et la transparence.

Cette rénovation, que votre assemblée a, comme le Gouvernement, souhaitée, vise à la fois un rôle renforcé du Parlement et des acteurs du développement – ONG, collectivités, entreprises – ; des objectifs clairs de la politique de développement, en particulier la promotion des droits de l’homme, la lutte contre la pauvreté et le changement climatique ; des cibles géographiques différenciées pour plus d’efficacité ; enfin, la création d’indicateurs de résultats annuels pour renforcer la visibilité des initiatives françaises et en mesurer l’efficacité et l’impact par l’évaluation.

Avec notre débat d’aujourd'hui, la procédure législative arrive donc à son terme.

Les 10 février et 26 mai derniers, l’Assemblée nationale et le Sénat ont respectivement adopté le projet de loi.

Après une réunion de la commission mixte paritaire le 4 juin, vous avez abouti à un accord.

Jeudi dernier, les députés ont adopté ce texte à une quasi-unanimité, avec une abstention.

Je tiens, au nom du Gouvernement, à saluer l’esprit constructif qui a présidé à ces débats. Avec Annick Girardin, je tiens tout particulièrement à remercier la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées et plus particulièrement les deux rapporteurs, Jean-Claude Peyronnet et Christian Cambon, ainsi que le président Jean-Louis Carrère. Je remercie également la commission du développement durable, en particulier Ronan Dantec et Raymond Vall. Il est en effet essentiel que cette politique, au cœur de l’identité et du rayonnement de notre pays dans le monde, puisse bénéficier d’un large soutien politique et dépasser les clivages partisans.

Dans cet esprit, l’examen approfondi que vous avez mené a permis d’enrichir ce texte aussi bien sur le fond que dans la forme, et les rapporteurs du Sénat ne sont effectivement pas étrangers à ce résultat.

Au-delà, le texte proposé résulte également d’une large concertation avec l’ensemble des acteurs de la solidarité internationale : les ONG, du Nord comme du Sud, les entreprises, les syndicats, les universitaires, de nombreux élus locaux. Le Gouvernement les remercie de leur implication.

Permettez-moi de revenir sur les grandes lignes de ce projet de loi, tout en soulignant les apports du Parlement, en particulier ceux du Sénat.

Avec cette loi, la France se dotera d’un cadre d’action rénové et moderne dans le domaine du développement, en apportant des réponses aux enjeux du XXIe siècle et en promouvant un développement durable et solidaire, notamment dans le cadre des négociations de l’agenda post–2015.

Ce projet de loi répond à la mobilisation d’un nombre croissant d’acteurs non étatiques. Vous avez d’ailleurs souhaité qu’un article spécifique leur soit consacré pour valoriser leur action. Le Conseil national du développement et de la solidarité internationale jouera un rôle majeur pour permettre une consultation régulière entre les divers acteurs du développement.

Ce projet de loi donne également plus de place aux collectivités territoriales en reconnaissant leurs « actions extérieures ». Le rôle de coordination de la Commission nationale de la coopération décentralisée sera renforcé et, sur l’initiative de MM. Peyronnet et Cambon, la loi Oudin-Santini sera étendue aux déchets. Ainsi, comme pour l’eau, les collectivités pourront, si elles le souhaitent, dédier 1 % du produit de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères à leurs actions extérieures. C’est une mesure normative importante.

Votre Haute Assemblée a de même introduit une plus grande reconnaissance du rôle des collectivités d’outre-mer. Désormais, elles devront être informées des projets menés dans leur environnement régional. Notre politique de développement doit pouvoir en effet s’appuyer sur leur savoir-faire et sur leurs réseaux.

Ce projet de loi institue également plus de cohérence entre les politiques publiques qui ont des effets sur les pays en développement.

Le comité interministériel de la coopération internationale et du développement, le CICID, qui rassemble tous les ministères concernés par la politique de développement, devra veiller à la cohérence de l’ensemble des politiques nationales. Pour renforcer cette cohérence, vous avez souhaité rationaliser l’expertise technique internationale, notamment grâce au regroupement des expertises aujourd’hui éparpillées dans plusieurs ministères.

Ce texte apporte aussi des réponses à la question de l’indispensable accroissement de la transparence.

C’est le cas au travers de son élaboration, réalisée dans la concertation, mais aussi par la mise en place d’une grille de trente indicateurs de résultats de l’action de la France, ainsi que par l’obligation de remettre au Parlement un rapport faisant la synthèse de la politique de développement tous les deux ans.

Le projet de loi prévoit également une évaluation indépendante de cette politique, vous y avez insisté. Sachez d’ailleurs que la présentation sur internet de tous les projets d’aide au développement de la France au Mali sera, d’ici à quelques mois, généralisée à l’ensemble des seize pays prioritaires.

Depuis de nombreuses années, vous interpelliez le Gouvernement sur le saupoudrage de l’aide. C’est pourquoi la France concentrera ses efforts en intervenant prioritairement dans seize pays et dans un nombre limité de secteurs définis conjointement avec le pays partenaire, en fonction de ses besoins.

Vous avez également souhaité préciser l’attention particulière portée par la France à la région du Sahel.

Le renforcement des partenariats différenciés permettra une meilleure prise en compte de la diversité des pays.

L’intervention dans les pays à revenu intermédiaire se concentrera avant tout sur la préservation des biens publics mondiaux, tout en veillant à un meilleur partage des richesses et à la lutte contre la corruption, qui est un obstacle majeur au développement.

Pour les pays en crise, il est désormais précisé, à votre demande, mesdames, messieurs les sénateurs, que l’action de la France se fasse selon une logique de continuum entre urgence, reconstruction et développement.

L’AFD pourra également porter des fonds multibailleurs, traduisant ainsi la mobilisation de la communauté internationale autour de thèmes prioritaires qui nous sont chers.

Ce dispositif est aussi une avancée normative portée par le Sénat.

Vous le savez, quatre domaines sont prioritaires dans la politique française de développement : premièrement, la promotion de la paix, de la stabilité, des droits de l’homme et de l’égalité entre les femmes et les hommes ; deuxièmement, l’équité, la justice sociale et le développement humain ; troisièmement, le développement économique durable et riche en emplois ; quatrièmement, la préservation de l’environnement et des biens publics mondiaux.

Nous avons aussi deux priorités transversales : le genre et le climat. Il semblait utile que, pour une première loi sur le développement, ces thèmes soient précisés et formulés avec rigueur.

Enfin, je voudrais évoquer le financement.

Certains ont pu regretter l’absence de programmation budgétaire. Je le rappelle, les lois de programmation ne doivent pas nécessairement comporter des éléments budgétaires. Dans le contexte actuel, il est apparu plus judicieux de s’appuyer sur les moyens inscrits dans les lois de finances, dans le cadre triennal, auxquels le texte soumis aujourd’hui à votre vote apporte un mode d’emploi.

Toutefois – c'est là une avancée notable –, sur l’initiative du Parlement, l’objectif international de 0, 7 % du revenu national brut dédié à l’aide publique au développement a été repris. C'est absolument essentiel.

Comme l’a rappelé le Président de la République, la France reprendra une trajectoire ascendante vers ses engagements internationaux dès que la situation économique le permettra.

Mais nous devons encourager d’autres sources de financement. La France joue un rôle leader dans le domaine des financements innovants et, depuis 2012, une partie de la taxe sur les transactions financières est affectée au développement.

Le financement du développement passe aussi par la mobilisation des ressources nationales.

Notre pays soutient la lutte contre l’opacité financière et les flux illicites de capitaux. Les diasporas contribuent également au financement du développement et, encore une fois sur votre initiative, ces transferts d’argent seront facilités, pour éviter qu’une grande partie ne soit captée par des commissions bancaires exorbitantes. C’est un élément normatif qu’il ne faut pas négliger.

Enfin, il est crucial d’amener les entreprises à être plus responsables et à transformer le développement économique en progrès social. Ainsi, le texte rappelle que la France promeut le renforcement des critères de la responsabilité « sociétale » des entreprises, pour reprendre ce terme qui recouvre tout à la fois la responsabilité sociale et la responsabilité environnementale, auprès des pays partenaires et des autres bailleurs de fonds.

Il souligne la volonté de la France d’encourager les sociétés françaises à mettre en œuvre les principes directeurs de l’OCDE et ceux qui ont été adoptés par le Conseil des droits de l’homme des Nations unies. Les entreprises doivent donc mettre en place des procédures de gestion des risques pour identifier, prévenir, empêcher et atténuer les dommages sur l’environnement et les atteintes aux droits de l’homme.

Grâce au Sénat, la possibilité existe désormais de soutenir les initiatives des entreprises dans les pays en développement dont la mission explicite est d’avoir un impact social ou environnemental.

Les entreprises se mobilisent de plus en plus pour le développement : nous devons innover pour les encourager et les accompagner dans cette démarche.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi qui est aujourd'hui soumis à votre approbation permet, dans toutes ses dimensions, de rendre notre politique de développement plus efficace, plus cohérente et plus transparente.

Cependant, gardons-nous d’oublier l’essentiel : notre soutien aux populations qui en ont le plus besoin. Pour être la plus utile possible auprès des pays que nous aidons, la France se devait de mettre de l’ordre dans sa politique de développement, de réaffirmer ses objectifs, d’identifier des priorités et de rationaliser certains dispositifs.

C’est ce que prévoit ce projet de loi.

Le Parlement a joué tout son rôle et, au nom du gouvernement de Manuel Valls, je vous en suis particulièrement reconnaissant. Car, à l’heure où la tentation du repli sur soi ne cesse de monter et où les égoïsmes nationaux peuvent parfois s’exprimer, il est indispensable que la Haute Assemblée réaffirme le rôle international de la France et sa solidarité dans un monde bien troublé.

Cette solidarité a construit notre République et contribué au rayonnement de notre pays : elle fait sa grandeur et sa fierté. Cette solidarité peut recueillir un large consensus dans cet hémicycle, à droite comme à gauche, parce qu’elle est universelle et qu’elle contribue à bâtir un monde où il fait mieux vivre, un monde plus humain. Voilà le message que la France veut porter aujourd'hui !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du RDSE et de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, messieurs les corapporteurs, mes chers collègues, nous arrivons au terme de l’examen d’un projet de loi fondateur pour l’aide publique au développement.

Ce texte, bien que faiblement normatif – cela a été dit et ce sera répété –, consacrera dans notre droit la politique de solidarité internationale de la France. Il permet également, et nous sommes nombreux à l’avoir souligné, d’associer le Parlement à la définition du cadre général de l’aide publique au développement.

C’est une première très opportune, car ce sont près de 7 milliards d’euros qui sont engagés chaque année par l’État à ce titre. Ce projet de loi répond donc ainsi, monsieur le secrétaire d’État, à une exigence démocratique, celle du contrôle des dépenses publiques. J’y suis naturellement sensible en tant que rapporteur spécial du budget de l’aide publique au développement.

Le texte contient, bien sûr, de nombreuses autres avancées. Au-delà des grands principes et des enjeux majeurs de l’aide publique au développement, rappelés à l’article 1er et au sein du rapport annexé à l’article 2, plusieurs dispositifs adoptés permettront de mieux garantir l’efficacité et la transparence de l’aide publique au développement.

Je pense, notamment, à la logique de partenariats différenciés, qui aboutira à la concentration géographique mais aussi sectorielle tant attendue, et si nécessaire pour répondre à la fragmentation de l’aide. C’était une recommandation forte de la Cour des comptes, et je me réjouis qu’elle ait été entendue.

Le système actuel d’évaluation des politiques d’aide au développement est également critiqué pour sa dispersion et son manque d’indépendance. La commission des affaires étrangères du Sénat a fait preuve d’audace, et nous l’avons majoritairement suivie, en proposant le détachement du nouveau service d’évaluation des trois donneurs d’ordre principaux. La commission mixte paritaire a beaucoup discuté des nouvelles dispositions introduites à l’article 4 bis et dans le rapport annexé, en particulier en raison du statut juridique de l’AFD, mais la rédaction commune finalement adoptée devrait répondre aux attentes.

Les députés se sont également rangés à la volonté du Sénat de regrouper les divers organismes chargés de l’expertise internationale pour répondre, là encore, au problème de l’éclatement, source de gaspillages et de doublons inutiles. Je rejoins complètement, pour ma part, ce projet de mutualisation, qui rapprochera d’ailleurs notre dispositif de celui que connaissent plusieurs pays européens.

Concernant les autres grandes mesures du texte, je me félicite de l’accord presque parfait trouvé par la commission mixte paritaire.

Le texte final conserve ainsi les apports nets du Sénat, ce dont nous nous réjouissons, s’agissant notamment de la possibilité donnée à l’AFD de gérer des fonds multibailleurs, l’encouragement au migrant banking ou encore l’extension au secteur des déchets de la loi dite « Oudin-Santini ».

La commission mixte paritaire a conservé la notion de « responsabilité sociétale », voulue par les sénateurs en remplacement de celle de « responsabilité sociale et environnementale », un dispositif essentiel que l’Assemblée nationale avait d’ailleurs largement complété. Tous bouleversés par le drame du Rana Plaza, au Bangladesh, nous sommes nombreux à avoir manifesté un grand intérêt pour ce principe, qui doit, en effet, être au cœur de la politique de développement.

Nos collègues députés ont insisté pour que soient visés les acteurs publics et privés. Je partage ce souci, car, si les entreprises ne contribuent pas suffisamment au progrès social, il n’empêche qu’elles sont devenues le premier moteur du développement.

À cet égard, je rappellerai que le rapport sur les perspectives économiques en Afrique commandé par la Banque africaine, l’OCDE et le PNUD, publié le mois dernier, indique que les investissements directs étrangers seraient de l’ordre de 80 milliards de dollars cette année. Ces IDE devanceraient désormais les transferts monétaires officiels des migrants, estimés à 67, 1 milliards de dollars, et l’aide publique au développement, qui est actuellement de 55, 2 milliards de dollars. La question de la RSE, la responsabilité sociétale des entreprises, est donc très prégnante.

Enfin, mes chers collègues, les membres du RDSE sont satisfaits du sort réservé à plusieurs de leurs amendements, ces dispositions ayant été maintenues dans le texte de la commission mixte paritaire. Je pense, par exemple, à celui qui vise à soutenir les organisations procédant à des investissements dans des entreprises ou des projets de pays en développement avec la mission explicite d’avoir un impact sociétal. Je rappellerai aussi ceux qui avaient reçu l’avis éclairé du Gouvernement sur la prise en compte, dans la définition des politiques de développement concernant les outre-mer, de leur environnement régional.

Mes chers collègues, le RDSE a apporté son soutien au projet de loi en première lecture, un soutien largement partagé sur l’ensemble des travées. C’est donc sans surprise, et sans états d’âme, que nous l’approuverons aussi dans sa rédaction issue de la CMP.

Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe socialiste et de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Leila Aïchi

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, messieurs les corapporteurs, mes chers collègues, nous concluons aujourd’hui les débats sur le projet de loi d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale. Pour la première fois, les parlementaires ont pu débattre de questions essentielles concernant l’action de la France à l’étranger.

En effet, la mise en cohérence, l’encadrement et le contrôle des pratiques de la France dans ce domaine étaient un impératif auquel la France ne pouvait plus, en tant que puissance européenne et mondiale, se soustraire.

Il s’agissait là de tenter de tourner définitivement la page d’années de coopérations opaques, déséquilibrées et intéressées. Nous devons, en effet, nous adapter au contexte mondialisé d’aujourd’hui en tenant compte non seulement de la multiplicité des acteurs en présence, mais aussi de l’interdépendance entre les enjeux politiques, sociaux, environnementaux, financiers et économiques. C’est en ce sens que le présent projet de loi constitue une avancée.

Il était en effet nécessaire, face aux défis multidimensionnels d’aujourd’hui, de mettre en place des partenariats différenciés. Nous faisons face à des problématiques très différentes dans les pays pauvres « prioritaires », les pays en crise ou en sortie de crise et les « très grands émergents ».

Nous devons donc adapter notre action en fonction de chaque situation, et mettre en place des programmes ciblés et adaptés, ce d’autant plus que l’aide publique au développement française s’est réduite de près de 10 % en 2013.

La recherche de cohérence, mise en avant par le Gouvernement, se devait d’être le point central de ce projet de loi. Nos différentes politiques sectorielles doivent systématiquement prendre en compte leur impact sur le développement et le respect des droits de l’homme. Nous nous réjouissons donc que ce principe apparaisse dans le projet de loi, afin d’éviter que les valeurs que nous prônons ne soient déconstruites par des intérêts commerciaux et des comportements prédateurs.

Au-delà des principes, il aurait été essentiel de présenter une partie programmatique, afin de lier chaque programme à des moyens de financement précis. Plus encore, un texte programmatique aurait permis de concrétiser la marche vers l’objectif des Nations unies de 0, 7 % du revenu national brut.

L’absence de volet budgétaire laisse planer le doute quant à l’exécution de la politique de développement dans les prochaines années.

Au sujet du pilotage de l’aide, alors que l’objectif de transparence était mis en avant, force est de constater que, tout au long des débats, l’Agence française de développement semble avoir bénéficié d’un passe-droit. Nous regrettons en effet que son fonctionnement n’ait pas été encadré strictement à l’occasion de ce projet de loi. Or, si nous voulons être crédibles auprès de la société civile et des ONG, nous devons exercer un contrôle beaucoup plus strict sur notre politique d’aide au développement. À terme, nous devrions imaginer une nouvelle organisation de notre aide.

En outre, nous devons impérativement imposer des mesures contraignantes à toutes les entreprises opérant dans les pays bénéficiaires. Il aurait été important de se montrer plus ambitieux et rigoureux en matière de responsabilité sociale et environnementale.

Trop souvent par le passé, et encore aujourd’hui, les convoitises commerciales et l’impératif de compétitivité des entreprises ont conduit à toutes sortes de dérives, notamment sociales, environnementales et sanitaires. La France doit bannir ce genre de comportements et permettre la mise en place de mécanismes juridiques contraignants pour les maisons mères comme pour leurs filiales. Or ces éléments, pourtant essentiels, n’ont pas recueilli de consensus au sein du Parlement.

Enfin, je reviendrai sur l’aspect environnemental. Je me réjouis, en effet, que le projet de loi mette en avant cette dimension du développement. Tout développement doit être durable. Nous ne le rappellerons jamais assez, mais la prégnance du changement climatique sur le développement est un fait avéré.

À ce titre, l’inscription des « pays en grande difficulté climatique » dans la politique de développement est une avancée notable, qui permet à la France de jouer un rôle pionnier à l’échelle internationale.

Je tiens une nouvelle fois à rappeler que les pays en grande difficulté climatique ne sont pas nécessairement les pays les plus pauvres et les plus fragiles : par exemple, les Philippines ou encore le Vietnam sont parmi les pays les plus exposés aux risques climatiques. Nous devons donc considérer les problèmes climatiques comme des risques de déstabilisation et de fragilisation majeurs, au même titre qu’une crise politique ou économique.

Bien évidemment, les pays les plus fragiles sont particulièrement vulnérables aux stress hydriques, nourriciers et énergétiques, dans la mesure où ils n’ont pas les moyens d’y faire face. C’est pourquoi il était important d’inscrire la problématique environnementale dans la liste des priorités sectorielles visées par notre politique de développement.

Cela dit, en tant qu’écologiste, je regrette l’absence d’engagements clairs et forts de la France en amont de la prochaine conférence des parties de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques.

Nous ne devons pas céder à la facilité ou remettre à plus tard les engagements que nous pourrions et devrions prendre dès à présent. Il y va de la réussite de la COP-21 !

À cet égard, il aurait été important d’inscrire clairement dans la loi que la France avait pour objectif la réduction progressive de ses soutiens publics aux énergies fossiles de manière générale et de ne pas restreindre cet engagement à la seule politique de développement.

Monsieur le secrétaire d'État, les écologistes voteront, bien évidemment, en faveur de ce projet de loi, qui, nous le reconnaissons, constitue une avancée significative pour notre politique de développement. Toutefois, nous devons nous garder de tout sentiment d’accomplissement et bien plutôt considérer ce texte comme une première étape vers une définition plus ambitieuse, innovante et, surtout, exemplaire de notre politique de développement.

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Didier

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, messieurs les corapporteurs, mes chers collègues, en première lecture, le Sénat a sensiblement amélioré la rédaction du projet de loi d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale. Pour l’essentiel, cette amélioration a consisté en une restructuration du texte lui-même, en une clarification de sa rédaction et en un léger renforcement de son caractère normatif.

Parmi les apports majeurs de notre Haute Assemblée à ce texte, il faut sans doute compter l’efficacité accrue du pilotage et de l’évaluation de la politique d’aide au développement. Nous avions également adopté le principe d’une profonde réforme de l’expertise technique, en rassemblant les différents opérateurs dans une agence unique.

Comme l’ont exposé nos deux rapporteurs, Jean-Claude Peyronnet et Christian Cambon, nous avons également enrichi ce texte sur d’autres aspects, sur lesquels je ne reviendrai pas, puisqu’ils ont rencontré l’accord de nos collègues de l’Assemblée nationale. Quelques divergences secondaires ont également été aplanies.

En revanche, le sujet des modalités de l’évaluation des politiques menées par l’Agence française de développement, l’AFD, par un organisme indépendant regroupant des services existants et celui du renforcement du contrôle du Parlement sur cet organisme ont fait l’objet d’une discussion plus poussée, mais elle a débouché sur un accord.

En effet, nous nous sommes entendus sur le mode de gouvernance d’un observatoire qui ne soit pas, selon l’expression familière, une « usine à gaz » et qui puisse être efficace.

Ce sujet n’est pas mineur : je dirais même qu’il est l’un des piliers de ce texte, au-delà de l’objectif poursuivi. Dans cette affaire, il est important que le Parlement puisse y voir clair dans l’activité de l’AFD, car, ce qui est également en jeu, c’est l’amélioration d’une des principales fonctions du Parlement : le contrôle de l’utilisation de l’argent public. C’est d’autant plus important que le domaine de l’aide au développement est resté pendant longtemps d’une grande opacité.

D’une façon générale, la question du contrôle parlementaire sur les politiques d’aide au développement est fondamentale. Jusqu’à présent, le Parlement devait se contenter du seul vote du budget de la mission « Aide publique au développement » – lorsque le débat avait lieu… Or cette mission représente à peine un tiers de l’aide totale, qui s’élève à 9, 3 milliards d’euros et prend aussi bien en compte des annulations de dette, l’accueil des étudiants étrangers ou bien encore le secteur humanitaire.

Nous savons tous combien il est difficile d’avoir une vue d’ensemble sur une politique éclatée, entre l’aide bilatérale, l’aide transitant par l’Union européenne et les programmes internationaux, surtout quand entrent en jeu de multiples opérateurs, publics et privés, précisément très peu contrôlés.

Après avoir mentionné les aspects positifs du texte, je relèverai quelques-unes de ses faiblesses, qui risquent d’en atténuer la portée.

Je pense, en particulier, à l’insuffisance des dispositions qui devraient être mises en œuvre pour lutter contre l’opacité des transactions financières dans ce secteur d’activité et contre l’évasion fiscale que pratiquent certaines entreprises. À cet égard, je regrette que les modalités d’utilisation par l’AFD des places financières dites « offshore » ne soient pas plus strictement encadrées.

Ces différents aspects posent concrètement la question d’un contrôle plus efficace des sociétés multinationales, a fortiori lorsque ces dernières sont soutenues par l’AFD, qui, soulignons-le, est en grande partie alimentée par de l’argent public.

Dans le même ordre d’idées, je regrette aussi que les références précises à la responsabilité fiscale, mais aussi sociale et environnementale des entreprises aient été diluées au sein de l’expression, beaucoup plus générale, de « responsabilité sociétale ».

Nous aurions également dû procéder à une véritable réorientation de la vocation de l’AFD, qui privilégie des prêts concessionnels et finance trop souvent des projets sur la base de la rentabilité qu’elle peut en attendre. Je souhaite que cette exigence trouve sa place dans le prochain contrat d’objectifs et de moyens qui sera signé entre l’État et l’AFD.

Enfin, l’absence de toute programmation financière dans le projet de loi handicape lourdement la possibilité de mettre en œuvre concrètement une politique d’aide au développement véritablement différente. Il est évident que, sans moyens financiers pour les réaliser, les objectifs et le cadre de travail fixés par le présent texte risquent fort de demeurer des vœux pieux !

Certes, les efforts à produire en faveur de l’aide au développement ne sont pas tous d’ordre financier, mais ils se mesurent aussi en grande partie à l’aune d’engagements concrets. Or la réalité est que notre pays ne cesse de réduire les budgets qu’il consacre à ce secteur.

Ces dernières années, parmi les engagements de l’AFD, le montant des prêts bonifiés et des subventions accordés était en baisse et celui des dons aux pays les plus pauvres, africains pour la plupart, connaissait une diminution, ainsi que s’en était d’ailleurs inquiétée notre commission dans un rapport budgétaire.

Au final, s’il est pétri de bonnes intentions, le projet de loi laisse une impression d’occasions manquées : il ne procède pas à la profonde refonte de l’aide publique au développement que nous souhaitions tous à gauche. Cela dit, dans les limites que je viens d’indiquer, il présente des avancées que nous ne sous-estimons pas et que nous apprécions comme telles. Nous voterons donc le projet de loi d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale, dans la rédaction proposée par la commission mixte paritaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, messieurs les corapporteurs, chers et chères collègues, alors que nous en sommes parvenus à l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale, je veux dire que ce texte a au moins un mérite : celui d’exister. S’il n’en avait qu’un, ce serait celui-là !

En effet, pour la première fois, l’aide publique au développement aura sa loi de programmation. Le groupe UMP s’en félicite, car l’étape législative que constitue ce texte répond à une demande de tous les acteurs de l’aide publique au développement, qu’il s’agisse des ONG ou des parlementaires de toutes les sensibilités. Depuis très longtemps, nous attendions qu’un texte puisse définir clairement notre politique d’aide envers les pays les plus pauvres de la planète.

Mes chers collègues, objectivement, nous pouvons nous réjouir de la version du texte résultant des travaux de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat.

Sans vouloir être désagréable à l’égard de nos amis députés, force est de constater qu’après son examen à l’Assemblée nationale le projet de loi ressemblait à un catalogue de bonnes intentions… À cet égard, les modifications que lui a apportées notre commission lui donnent une plus grande cohérence législative et marquent des avancées concrètes. C'est la raison pour laquelle je tiens, au nom du groupe UMP, à saluer le travail accompli par nos deux rapporteurs, Christian Cambon et… notre collègue qui siège à ses côtés au banc des commissions. §On peut affirmer que le texte a été largement « rebâti ». Cette nouvelle architecture législative lui a permis d’être plus lisible, plus pertinent et plus cohérent.

Mes chers collègues, il n’est pas question cet après-midi de refaire le débat que nous avons déjà eu le 26 mai dernier. Toutefois, je souhaite attirer votre attention sur les points qui nous paraissent importants.

Nous retiendrons que ce texte consacre pleinement le rôle des collectivités locales, ce qui tient particulièrement à cœur aux membres de cette assemblée ! Désormais, les démarches de coopération seront simplifiées pour les collectivités, et mieux articulées entre elles. En outre, elles ne seront plus systématiquement soumises à la signature d’une convention – pour l’heure, en cas de crise humanitaire ou de catastrophe, les collectivités françaises sont parfois dans l’incapacité de signer une convention avec un homologue officiel, du fait même de la situation de crise.

Par ailleurs, je tiens à saluer la disposition du texte qui prévoit la transmission d’un rapport des collectivités territoriales à la Commission nationale de la coopération décentralisée : ce rapport sera l’occasion de dresser un bilan exhaustif de l’action des collectivités, de mieux coordonner leurs projets et d’en assurer un meilleur suivi par les ambassades. Mes chers collègues, il s’agit là d’un gage d’efficacité important, quand on sait que le défi de l’aide publique au développement française réside aussi dans son évaluation a posteriori ! Cet état des lieux permettra également à l’exécutif de savoir qui fait quoi, et au profit de qui.

Enfin, sur ce même sujet, je me félicite que le projet de loi prévoie une extension de la loi dite « Oudin-Santini » au secteur des déchets – c’est ce que l’on appelle également le « 1 % déchets ». Jusqu’à présent, les collectivités pouvaient engager des actions de coopération dans les secteurs de l’eau, de l’assainissement et de l’énergie. Or, face aux dangers liés à la prolifération des déchets – organiques et chimiques –, à l’impact nocif de ces derniers sur l’environnement et aux lourdes conséquences sanitaires qui en découlent, il paraissait important de pouvoir ouvrir un nouveau champ d’intervention aux collectivités.

Cette nouvelle possibilité permettra aussi aux collectivités françaises d’apporter leur expertise dans un domaine où la France est en pointe. Mes chers collègues, l’aide publique au développement est aussi un domaine dans lequel la France doit faire face à la concurrence ! Dès lors, les enjeux relatifs à l’expertise internationale doivent également être pris en compte.

À cet égard, les avancées du texte sur la création de l’Agence française d’expertise technique internationale, l’AFETI, nous semblent positives.

L’AFETI regroupera désormais les opérateurs publics de l’expertise et sera placée sous la double tutelle du Quai d’Orsay et de Bercy. Nous savons que, dans ce domaine, nous perdons des marchés en raison de structures trop mineures pour répondre à certains appels d’offres.

Désormais, l’AFETI sera conçue comme une holding et assurera les fonctions transversales des opérateurs, alors que des départements thématiques, dont les responsables seraient nommés sur proposition des ministres compétents, maintiendraient le lien avec le vivier des experts des opérateurs actuels.

Toutefois, si ce regroupement offre l’occasion d’une meilleure lisibilité de l’expertise française à l’international, comme le ferait un « label », il faudra rester vigilant quant au fonctionnement, afin d’éviter les situations de concurrence entre les anciens opérateurs et les administrations d’origine.

Mes chers collègues, l’élu des Français de l’étranger que je suis se réjouit tout particulièrement de l’article relatif au migrant banking. En effet, ce dispositif permettra de développer des produits d’épargne ou des opérations de crédit ayant pour objectif le financement d’investissements dans des pays en développement, ce que prônent beaucoup de mes collègues représentant les Français de l’étranger. Ce système existant d'ores et déjà chez certains États membres de l’Union européenne, il était temps que la France modifie le titre Ier du livre III de son code monétaire et financier, surtout quand on sait que le micro-crédit permet l’émergence de bon nombre de projets de développement.

Concernant le financement, je tiens à saluer la possibilité offerte à l’AFD de gérer des fonds de dotation ou des fonds dits « multibailleurs », lesquels permettent la mise en commun de financements divers, avec une gestion unique ou resserrée. Cette initiative repose sur des constats concrets : dans les pays en crise ou fragiles, les fonds de ce type, encore appelés « fonds Bêkou », sont particulièrement adaptés dans la mesure où peu d’acteurs ont les capacités humaines et techniques d’intervenir dans des circonstances d’urgence. En réalité, ces fonds permettent une concentration de l’aide et participent donc à son efficacité.

Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, pour toutes ces raisons, et au regard du formidable travail de fond réalisé par nos deux rapporteurs, le groupe UMP ne s’opposera pas à ce projet de loi. Néanmoins, il s’abstiendra, car il regrette que ce texte soit coupé de toute réalité financière. Il est dommageable, pour une loi de programmation, de ne comporter aucune trajectoire budgétaire ! Au reste, la position de notre groupe est cohérente, puisque nous nous étions déjà abstenus lors de l’examen du projet de loi en première lecture.

Toutefois, à titre personnel, avec mes collègues Christian Cambon et Jacques Gautier, me semble-t-il, je voterai ce texte, qui a le mérite d’exister. C’est le premier du genre ; il nous appartient de l’enrichir pour le crédibiliser financièrement.

Applaudissements sur certaines travées de l'UMP et du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Roger

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous voici parvenus au terme du processus législatif devant conduire à l’adoption de ce projet de loi.

La commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale, qui s’est réunie le 4 juin dernier, a adopté un texte commun sans difficulté, avec, me semble-t-il, une grande volonté d’efficacité.

C’est l’occasion pour moi d’observer, avec d’autres, que le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire ne diffère guère de celui qui avait été adopté par la Haute Assemblée le 26 mai dernier, ce dont je me réjouis. Cela prouve que les deux assemblées parlementaires peuvent travailler efficacement et en harmonie.

Ce constat me donne l’occasion de saluer de nouveau le travail de Pascal Canfin, naguère ministre délégué chargé du développement, et d’Annick Girardin, qui lui a succédé en tant que secrétaire d'État chargée du développement et de la francophonie, ainsi que celui de nos deux corapporteurs.

La commission mixte paritaire est parvenue à un accord sur l’évaluation, les députés et les sénateurs partageant une même volonté de disposer d’un système d’évaluation des politiques menées obéissant à deux critères : l’impartialité des évaluations et la garantie de leur indépendance. La création, par un amendement en commission mixte paritaire, d’un observatoire de la politique de développement et de solidarité internationale, chargé de mutualiser et de rationaliser les évaluations des programmes menés par la France, répond à ce double objectif.

Concernant l’expertise, je me réjouis à mon tour que les députés n’aient pas souhaité revenir sur l’article 8 bis, dont notre collègue Jacques Berthou est à l’initiative. Le Sénat a adopté une profonde réforme de l’expertise technique, avec le regroupement de six organismes dès le 1er janvier 2015, avant une fusion plus large au 1er janvier 2016.

Depuis vingt ans, tous les rapports constataient l’éclatement du dispositif français, inadapté pour répondre aux appels d’offres internationaux, qui favorisent les structures importantes et pluridisciplinaires. Parfois, notre pays n’est pas assez compétitif, alors que l’expertise est un enjeu essentiel en termes d’influence. Aussi la France avait-elle besoin de se doter d’un opérateur public dominant susceptible de fédérer ses offres, afin de les rendre plus visibles et lisibles sur la scène internationale.

Je suis également satisfait que la commission mixte paritaire ait maintenu l’avancée que constitue l’extension de la loi Oudin-Santini aux déchets ménagers. Cette disposition, que le Sénat a fait adopter, permet de flécher un secteur d’intervention de la politique de développement dans lequel les collectivités disposent d’une expertise reconnue par tous.

Le groupe socialiste du Sénat a également fait voter un amendement obligeant les établissements scolaires à mener des campagnes de sensibilisation sur le thème de la coopération et du développement, encore trop mal connu de nos concitoyens.

Enfin, la commission mixte paritaire a fait le choix de conserver la rédaction du Sénat concernant la reconnaissance du concept de « pays en grande difficulté climatique » au sein des politiques de développement et de solidarité. Je m’en réjouis personnellement, car l’exposition des pays aux effets du dérèglement climatique est désormais un paramètre à prendre en compte. Aussi était-il important qu’il soit reconnu dans la loi.

La préservation de l’environnement et des biens publics mondiaux est un sujet essentiel. Le dérèglement climatique est l’une des plus grandes menaces pour le développement des pays les plus vulnérables. Il est de notre responsabilité de nous assurer que ces pays ont la possibilité de choisir un mode de développement écologiquement soutenable et sont en mesure de s’adapter aux effets du changement climatique.

Pour toutes les raisons exposées, les membres du groupe socialiste se réjouissent de ce travail législatif exemplaire et de l’apport essentiel du Sénat. Nous voterons bien entendu les conclusions de la commission mixte paritaire, qui constituent l’aboutissement de ce processus.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et du RDSE, ainsi que sur certaines travées de l’UMP.

Debut de section - Permalien
Harlem Désir

Je tiens tout d’abord à remercier l’ensemble des orateurs qui se sont exprimés.

Permettez-moi de répondre plus particulièrement à la question de M. le corapporteur Christian Cambon et d’autres intervenants sur la mise en œuvre de la réforme de l’expertise technique internationale et de la réforme de l’évaluation.

S’agissant du premier point, la réforme des opérateurs de l’expertise technique internationale était attendue, ainsi que plusieurs orateurs l’ont souligné. Elle est maintenant en marche grâce au travail de fond de la Haute Assemblée, qui a su proposer une démarche ambitieuse et opérationnelle.

À cet égard, je veux rendre hommage aux corapporteurs, à l’ensemble de la commission des affaires étrangères, présidée par Jean-Louis Carrère, qui nous ont permis d’avancer sur un facteur essentiel d’influence à l’international, ainsi que l’a rappelé M. Roger.

Cette réforme ambitieuse sera désormais inscrite dans la loi ; il convient maintenant de la traduire en actes. Je tiens à vous dire aujourd'hui que le Gouvernement est déterminé à avancer rapidement.

Dès la promulgation de la loi, un délégué interministériel à l’expertise internationale sera nommé, sur proposition des ministres des affaires étrangères et de l’économie. Le Gouvernement, en particulier Laurent Fabius et Annick Girardin, sera attentif à ce qu’il conduise ses travaux dans un esprit d’écoute et d’efficacité et avec une grande détermination.

Écoute, car toutes les parties prenantes devront être associées. Je pense aux ministères concernés, mais aussi aux personnels des opérateurs et aux partenaires sociaux, ainsi qu’au secteur privé.

Efficacité, car notre objectif est d’aboutir à un dispositif pertinent, praticable, agile, économe.

La mesure de la réussite en la matière sera simple, elle a d’ailleurs été évoquée : serons-nous capables de gagner des parts de marché dans les appels d’offres des grands bailleurs de fonds à l’issue de cette réforme ? Nous pensons que la France peut apporter une expertise de grande valeur…

Debut de section - Permalien
Harlem Désir, secrétaire d'État

… et qu’elle doit donc progresser en termes de parts de marché.

Détermination, aussi, car les enjeux sont importants et le calendrier est très resserré. Le Gouvernement veillera donc à tenir les assemblées parlementaires régulièrement informées de la mise en œuvre de cette réforme.

S’agissant maintenant du second point, la réforme du dispositif d’évaluation des politiques de développement constitue une autre avancée. Elle prend tout son sens dans le contexte de cette loi, centrée sur l’exigence de transparence et d’efficacité : une politique qui n’est pas évaluée convenablement ne peut pas être efficace.

Le Gouvernement est, là aussi, déterminé à avancer pour garantir le principe d’indépendance des évaluations, auquel vous avez montré, mesdames, messieurs les sénateurs, votre attachement, en mettant en place, dans les meilleurs délais, l’observatoire créé par la loi.

Le dispositif issu des travaux de la commission mixte paritaire nécessite toutefois un travail sur ces modalités de mise en œuvre, un travail qui est d’ores et déjà en cours au sein des services concernés. Sur ce sujet également, le Gouvernement tiendra le Parlement étroitement informé de l’avancée de ses travaux.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du RDSE, ainsi que sur certaines travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Comme quoi, il faut toujours connaître le nom de ceux qui nous entourent, sauf à avoir sous les yeux un paperot, comme on dit en bon gascon !

Tout cela pour souligner, mes chers collègues, qu’un binôme de rapporteurs appartenant à des familles politiques différentes, voire, parfois, quelque peu opposées, peut donc contribuer à améliorer un texte et, même, à le rendre recevable par l’ensemble d’entre nous.

(Sourires.) Vous le voyez, quand on se mêle de politique dans mon département, les choses évoluent avec célérité !

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Pour ma part, je tiens à rendre hommage à nos collègues de l’Assemblée nationale. Même si je partage votre avis quant à l’avancée que représente la version finale qui nous est proposée par rapport à la rédaction du texte qui nous a été soumise en première lecture, je tiens à souligner l’état d’esprit constructif de nos collègues députés lors de la commission mixte paritaire : ils ont accepté les propositions, certes argumentées, de nos deux corapporteurs. D’ailleurs, je vous ferai observer, non sans une pointe de malice, que je n’en doutais pas, puisque, outre l’intelligence de Mme la présidente de la commission des affaires étrangères, Élisabeth Guigou, le rapporteur de ce texte, Jean-Pierre Dufau, a cette autre qualité d’être député des Landes… §

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

M. Yvon Collin. C’est le centre du monde !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères. Non, simplement celui de la corrida !

Mêmes mouvements.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Sans vouloir embarrasser nos amis de l’UMP – loin de moi cette idée, et je salue le vote de nos trois collègues ! –, je veux redire à leur endroit que, en plein débat politique, avant une élection présidentielle, ce budget avait été voté par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Je le sais bien, mais, par votre intermédiaire, je m’adresse ici, en quelque sorte, à la hiérarchie du groupe UMP, qui s’abstient. Je regrette cette position.

Certes, les conclusions de la commission mixte paritaire vont être adoptées ici aussi à la quasi-unanimité, mais, si nous voulons donner de la force à l’action publique et à l’action politique, la meilleure façon de solidifier la République et d’empêcher les dérives extrêmes, c’est, me semble-t-il, de montrer à nos concitoyens que, sur des sujets importants, nous sommes capables de nous rassembler. Et je crois que nous avons tous cette volonté !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur celles du RDSE et de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

Au moment de conclure ce débat, je voudrais en premier lieu remercier le président Jean-Louis Carrère, qui nous a fait confiance, à Jean-Claude Peyronnet et à moi-même, selon une méthode désormais éprouvée au sein de cette commission.

Je voudrais aussi le rassurer sur l’UMP et lui conseiller, à titre amical, de faire comme moi et de ne pas tenter de comprendre toutes les subtilités internes de ce parti, qui parfois nous échappent aussi !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

Je veux aussi vous remercier, monsieur le secrétaire d’État, et remercier à travers vous Mme Girardin, ainsi que M. Canfin, qui a beaucoup œuvré pour ce texte.

Je remercie également notre équipe administrative qui nous a permis d’accomplir ce travail. J’ai bien entendu une pensée pour un ancien collaborateur de la commission, qui est ici présent, mais sur un autre banc, et qui a alimenté pendant de longues années notre maturation de ce projet. Il nous a sans doute permis d’être plus productifs dans ce débat. Je tiens aussi à remercier son successeur pour le travail extraordinaire qu’il a accompli. Bien qu’il ait en quelque sorte pris le débat en marche, son aide attentive, sous l’autorité du chef de service de la commission des affaires étrangères, nous aura été particulièrement précieuse.

M. le président de la commission des affaires étrangères applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

Je remercie bien entendu nos collègues de la commission des affaires étrangères, qui nous ont toujours accompagnés, et toujours soutenus.

Enfin, je me tourne vers mon compère Jean-Claude Peyronnet, qui siège peut-être pour la dernière fois au banc des commissions, puisqu’il ne briguera pas de nouveau mandat.

Je me suis beaucoup appuyé sur son expérience personnelle, et je veux aujourd’hui lui témoigner mon admiration, et mon amitié, aussi, car j’ai eu beaucoup de plaisir à rédiger ce rapport avec le parlementaire plein de sagesse qu’il est.

Au-delà des divergences, souvent superficielles, que nous pouvons avoir, nous démontrons que des hommes de bonne volonté peuvent travailler ensemble sur de grands sujets.

J’espère que tu seras fier, cher Jean-Claude, de laisser une petite trace dans ce beau travail parlementaire auquel nous avons eu la chance d’apporter ensemble notre contribution !

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire.

Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, le Sénat, lorsqu’il examine après l’Assemblée nationale le texte élaboré par la commission mixte paritaire, se prononce par un seul vote sur l’ensemble du texte en ne retenant que les amendements présentés ou acceptés par le Gouvernement.

Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire :

TITRE IER

ORIENTATIONS DE LA POLITIQUE DE DÉVELOPPEMENT ET DE SOLIDARITÉ INTERNATIONALE DE LA FRANCE

Chapitre IER

Objectifs de la politique de développement et de solidarité internationale

La France met en œuvre une politique de développement et de solidarité internationale qui a pour objectif général de promouvoir un développement durable dans les pays en développement, dans ses composantes économique, sociale, environnementale et culturelle.

Cette politique participe activement à l’effort international de lutte contre la pauvreté, la faim et l’insécurité alimentaire et de réduction des inégalités sociales et territoriales, en favorisant un développement économique équitable et riche en emplois, en consolidant l’agriculture vivrière et familiale, en préservant les biens publics mondiaux, en luttant contre le changement climatique, ses effets et l’érosion de la biodiversité et en promouvant la paix durable, la stabilité, les droits de l’homme et la diversité culturelle.

La politique de développement et de solidarité internationale respecte et défend les libertés fondamentales. Elle contribue à promouvoir les valeurs de la démocratie et de l’État de droit, l’égalité entre les femmes et les hommes ainsi que la responsabilité sociétale, les socles de protection sociale et le travail décent. Elle contribue à lutter contre les discriminations. Elle œuvre pour développer et renforcer l’adhésion à ces valeurs dans les pays et régions partenaires par la voie du dialogue et de la coopération, en appuyant les mécanismes de bonne gouvernance, en particulier sur le plan local, et en favorisant notamment le renforcement des États et des capacités de la puissance publique. Elle veille à ce que les personnes en situation de pauvreté puissent être en capacité d’exercer leurs droits et participent activement aux programmes et projets de développement. Elle concourt à la politique étrangère de la France et à son rayonnement culturel, diplomatique et économique. Elle accorde une attention particulière à la francophonie et participe à la cohésion politique et économique de l’espace francophone.

Elle veille à assurer la continuité entre les phases d’urgence, de reconstruction et de développement. L’action humanitaire, qui vise à secourir les populations vulnérables, s’inscrit pleinement dans la politique de développement et de solidarité internationale.

La politique de développement et de solidarité internationale respecte et promeut les principes et les normes internationaux, notamment en matière de droits de l’homme, de protection sociale, de développement et d’environnement. La France promeut en particulier les principes directeurs sur l’extrême pauvreté et les droits de l’homme adoptés par le Conseil des droits de l’homme de l’Organisation des Nations unies.

Le rapport fixant les orientations de la politique de développement et de solidarité internationale, annexé à la présente loi, est approuvé. Le cas échéant, ces orientations sont actualisées dans les conditions fixées au rapport annexé, après consultation du Conseil national du développement et de la solidarité internationale et des commissions permanentes compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat.

Chapitre II

Cohérence et complémentarité

Une cohérence est recherchée entre les objectifs de la politique de développement et de solidarité internationale et ceux des autres politiques publiques susceptibles d’avoir un impact dans le domaine du développement, en particulier les politiques commerciale, agricole, fiscale, migratoire, sociale ou les politiques relatives aux droits des femmes, à la recherche et à l’enseignement supérieur, à l’éducation, à la culture, à la santé, à l’environnement, à l’énergie et à la lutte contre le changement climatique, à la paix et à la sécurité, à l’économie sociale et solidaire ou aux outre-mer.

La France reconnaît le rôle et la complémentarité de l’ensemble des acteurs impliqués dans la politique de développement et de solidarité internationale, notamment les collectivités territoriales, les organisations de la société civile et les entreprises.

Il est créé, auprès du ministre chargé du développement, un Conseil national du développement et de la solidarité internationale qui a pour fonction de permettre une concertation régulière entre les différents acteurs du développement et de la solidarité internationale sur les objectifs, les orientations, la cohérence et les moyens de la politique française de développement. Lors de sa première installation, sa composition comprend autant de femmes que d’hommes.

Les collectivités territoriales ont développé de nombreuses actions internationales, notamment fondées sur leur expertise dans la gestion des services publics locaux ou l’aménagement du territoire. Elles apportent une plus-value concrète en cohérence avec les priorités françaises.

Les organisations de la société civile, tant du Nord que du Sud, disposent également d’une expérience, d’une expertise et d’une implication fortes dans la politique de développement et de solidarité internationale.

Les entreprises participent à la politique de développement et de solidarité internationale à la fois par leur implantation dans les pays partenaires et par les actions spécifiques qu’elles mettent en place pour contribuer au développement de ces pays. Les entreprises françaises sont notamment présentes dans des secteurs prioritaires d’intervention comme la santé, l’agriculture, le développement des territoires, l’environnement et l’énergie ou l’eau et l’assainissement.

La France recherche la complémentarité entre les composantes bilatérale et multilatérale de sa politique de développement et de solidarité internationale.

Elle a pour objectif une meilleure harmonisation et coordination des actions de l’ensemble des bailleurs de fonds. Elle promeut notamment la programmation conjointe de l’aide apportée par l’Union européenne et ses États membres.

Dans les institutions multilatérales de développement dont elle est partie prenante, la France défend les priorités, les objectifs et les principes de sa politique de développement et de solidarité internationale énoncés dans la présente loi.

Chapitre III

Efficacité et principes

Afin d’assurer son efficacité, la politique de développement et de solidarité internationale repose sur la concentration géographique et sectorielle des aides et sur la prévisibilité des ressources publiques. Elle évite la dispersion de l’aide.

Elle est fondée sur une logique de partenariats différenciés présentés dans le rapport annexé à la présente loi. L’allocation des ressources et la détermination des instruments publics utilisés tiennent compte des besoins des pays partenaires, de leur évolution, de leurs capacités d’absorption et de l’impact attendu de l’aide.

Conformément aux engagements que la France a souscrits au niveau international, la politique de développement et de solidarité internationale met en œuvre les principes d’alignement sur les priorités politiques et les procédures des pays partenaires et de subsidiarité par rapport à la mobilisation de leurs ressources et capacités propres. Pour favoriser cette mobilisation, la France soutient la lutte contre la corruption, l’opacité financière et les flux illicites de capitaux.

La politique de développement et de solidarité internationale de la France est fondée sur un principe de gestion transparente qui nécessite une évaluation indépendante continue.

La politique de développement et de solidarité internationale prend en compte l’exigence de la responsabilité sociétale des acteurs publics et privés. La France promeut cette exigence auprès des pays partenaires et des autres bailleurs de fonds.

Dans le cadre de cette exigence de responsabilité sociétale, les entreprises mettent en place des procédures de gestion des risques visant à identifier, à prévenir ou à atténuer les dommages sociaux, sanitaires et environnementaux et les atteintes aux droits de l’homme susceptibles de résulter de leurs activités dans les pays partenaires.

La France encourage les sociétés ayant leur siège sur son territoire et implantées à l’étranger à mettre en œuvre les principes directeurs énoncés par l’Organisation de coopération et de développement économiques à l’intention des entreprises multinationales et les principes directeurs sur les entreprises et les droits de l’homme adoptés par le Conseil des droits de l’homme de l’Organisation des Nations unies.

Le groupe Agence française de développement intègre la responsabilité sociétale dans son système de gouvernance et dans ses actions. Il prend des mesures destinées à évaluer et maîtriser les risques environnementaux et sociaux des opérations qu’il finance et à promouvoir la transparence financière, pays par pays, des entreprises qui y participent. Son rapport annuel d’activité mentionne la manière dont il prend en compte l’exigence de responsabilité sociétale.

(Supprimé)

La politique de développement et de solidarité internationale favorise le développement des échanges fondés sur le commerce équitable et contribue au soutien des initiatives d’économie sociale et solidaire et du micro-crédit dans les pays partenaires.

L’Agence française de développement est autorisée à gérer, notamment sous la forme de fonds de dotation mentionnés à l’article 140 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, de conventions particulières ou sous toute autre forme juridique ou contractuelle appropriée, des fonds publics et privés dans le cadre d’opérations financées par l’Union européenne, des institutions ou organismes internationaux, des collectivités publiques, des États étrangers, des établissements de crédit et banques de développement et des institutions publiques ou privées. Elle peut également confier la gestion de fonds aux mêmes entités que celles mentionnées à la première phrase dans le cadre de conventions particulières passées avec elles.

I. – Le titre Ier du livre III du code monétaire et financier est complété par un chapitre VIII ainsi rédigé :

« Chapitre VIII

« Offre d’opérations de banque à des personnes physiques résidant en France par des établissements de crédit ayant leur siège social dans un État figurant sur la liste des États bénéficiaires de l’aide publique au développement et qui n’est pas partie à l’accord sur l’Espace économique européen

« Art. L. 318-1. – Les établissements de crédit ayant leur siège social dans un État figurant sur la liste des États bénéficiaires de l’aide publique au développement établie par le Comité d’aide au développement de l’Organisation de coopération et de développement économiques et qui n’est pas partie à l’accord sur l’Espace économique européen ne peuvent, sur autorisation préalable de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, offrir à des personnes physiques résidant en France des opérations de banque que dans les conditions fixées au présent chapitre.

« Art. L. 318-2. – Pour délivrer l’autorisation prévue à l’article L. 318-1, dans des délais fixés par arrêté du ministre chargé de l’économie, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution vérifie que les conditions suivantes sont remplies :

« 1° L’établissement de crédit mentionné à l’article L. 318-1 est soumis dans l’État de son siège à des conditions de supervision équivalentes à celles qui existent en France ;

« 2° Une convention a été conclue entre l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution et l’autorité compétente de l’État du siège, conformément aux dispositions de l’article L. 632-13 ;

« 3° Les opérations de banque proposées sont des opérations équivalentes à celles mentionnées à l’article L. 311-1 et que l’établissement mentionné à l’article L. 318-1 propose à sa clientèle dans l’État de son siège ;

« 4° L’établissement de crédit mentionné à l’article L. 318-1 a conclu une convention avec un établissement de crédit ou une société de financement agréé en France ou avec une succursale établie en France d’un établissement de crédit ayant son siège dans un État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou encore avec une succursale établie en France d’un établissement de crédit ayant son siège dans un État qui n’est pas partie à l’accord sur l’Espace économique européen et qui a conclu avec la France une convention prévoyant un échange d’informations en matière fiscale, pour y commercialiser des opérations de banque qu’il réalise dans l’État de son siège. Un arrêté du ministre chargé de l’économie précise les stipulations devant figurer dans la convention conclue entre les établissements. Il précise notamment le type d’opérations de banque qui peuvent être offertes ;

« 5° Les opérations de banque sont intégralement exécutées dans l’État du siège de l’établissement de crédit mentionné à l’article L. 318-1.

« Art. L. 318-3. – La commercialisation des opérations de banque par l’une des personnes mentionnées au 4° de l’article L. 318-2 est soumise aux dispositions du code de la consommation et du présent code en matière de publicité, de démarchage, d’information précontractuelle et aux dispositions des chapitres Ier et II du titre VI du livre V du présent code ainsi qu’aux dispositions européennes directement applicables en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme.

« Art. L. 318-4. – Les établissements de crédit mentionnés à l’article L. 318-1 communiquent chaque année à l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, dans des conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l’économie, un rapport sur les opérations effectuées dans le cadre du présent chapitre.

« Art. L. 318-5. – L’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution peut retirer l’autorisation mentionnée à l’article L. 318-1 dans les cas suivants :

« 1° Si l’une ou plusieurs des conditions prévues à l’article L. 318-2 ne sont plus remplies ;

« 2° Si l’établissement de crédit mentionné à l’article L. 318-1 ou l’une des personnes mentionnées au 4° de l’article L. 318-2 a fait l’objet d’une condamnation pénale ou d’une sanction disciplinaire pour manquement aux obligations relatives à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme ou aux dispositions de l’article L. 318-3. »

II. – Au premier alinéa de l’article L. 511-3 du même code, après la référence : « L. 511-2 », sont insérés les mots : « ou régies par le chapitre VIII du titre Ier du livre III ».

III. – Le C du II de l’article L. 612-20 du même code est complété par un 4° ainsi rédigé :

« 4° Les établissements de crédit mentionnés à l’article L. 318-1 acquittent, au moment du dépôt de leur demande d’autorisation, une contribution forfaitaire fixée par arrêté du ministre chargé de l’économie, dans la limite de 10 000 €. »

IV. – Les modalités d’application du présent article sont fixées par arrêté du ministre chargé de l’économie.

(Supprimé)

TITRE III

EXPERTISE INTERNATIONALE

[Pour coordination]

Les opérateurs de l’expertise technique internationale contribuent, le cas échéant dans le cadre de conventions passées avec l’État, à la mise en œuvre des priorités, des objectifs et des principes de la politique de développement et de solidarité internationale de la France énoncés à la présente loi, dans le respect des mandats et objectifs spécifiques de ces institutions.

Le chapitre IV du titre Ier de la loi n° 2010-873 du 27 juillet 2010 relative à l’action extérieure de l’État est ainsi rédigé :

« Chapitre IV

« Agence française d’expertise technique internationale

« Art. 12. – I. – Il est créé un établissement public à caractère industriel et commercial, dénommé : “Agence française d’expertise technique internationale”, placé sous la tutelle du ministre des affaires étrangères et du ministre chargé de l’économie et soumis au chapitre Ier du présent titre.

« II. – L’Agence française d’expertise technique internationale concourt à la promotion de l’assistance technique et de l’expertise internationale publique françaises à l’étranger. Elle contribue notamment au développement de l’expertise technique internationale et à la maîtrise d’œuvre de projets de coopération sur financements bilatéraux et multilatéraux. Elle inscrit son action dans le cadre de la politique extérieure de coopération au développement, d’influence et de diplomatie économique de la France. Elle intervient dans le cadre des orientations stratégiques définies par l’État. Elle opère sans préjudice des missions des organismes privés compétents en matière d’expertise et de mobilité internationales. Elle intervient en concertation étroite avec tous les opérateurs, qu’ils soient publics ou privés. Elle établit des conventions-cadres avec les ministères et les organismes concernés par la mise à disposition ou le détachement d’experts publics. Ses modalités d’organisation et de fonctionnement sont fixées par décret en Conseil d’État.

« III. – Il est créé un délégué interministériel à la coopération technique internationale, nommé par décret, pour une durée de trois ans renouvelable, sur proposition du ministre des affaires étrangères et du ministre chargé de l’économie. Il est chargé de la mise en place effective au 1er janvier 2015 de l’Agence française d’expertise technique internationale par fusion de l’établissement public à caractère industriel et commercial “France expertise internationale”, du groupement d’intérêt public “Assistance au développement des échanges en technologies économiques et financières”, du groupement d’intérêt public “Ensemble pour une solidarité thérapeutique hospitalière en réseau”, du groupement d’intérêt public “International”, du groupement d’intérêt public “Santé protection sociale internationale” et de l’association “Agence pour le développement et la coordination des relations internationales”.

« IV. – L’Agence française d’expertise technique internationale se substitue à l’établissement public à caractère industriel et commercial, aux groupements d’intérêt public et au groupement d’intérêt économique mentionnés au III à la date d’effet de leur dissolution et, au plus tard, le 1er janvier 2015 dans tous les contrats et conventions que chacun d’entre eux a passés pour l’exécution de ses missions. À la date d’effet de leur dissolution, leurs biens, droits et obligations sont transférés de plein droit et en pleine propriété à l’Agence française d’expertise technique internationale, sans perception d’impôts, de droits ou de taxes.

« V. – L’Agence française d’expertise technique internationale est substituée à l’établissement public à caractère industriel et commercial, aux groupements d’intérêt public et au groupement d’intérêt économique mentionnés au III à la date d’effet de leur dissolution et, au plus tard, le 1er janvier 2015 pour les personnels titulaires d’un contrat de droit public ou de droit privé conclu avec l’un de ces organismes en vigueur à cette date. Elle leur propose un contrat régi par le code du travail. Ce contrat reprend les clauses substantielles du contrat dont les agents étaient titulaires antérieurement au transfert, en particulier celles qui concernent la rémunération.

« Les agents concernés disposent d’un délai de trois mois pour accepter les modifications de leur contrat qui leur sont proposées à la suite du transfert d’activité. En cas de refus de ces agents, l’Agence française d’expertise technique internationale procède à leur licenciement dans les conditions prévues par les textes qui leur sont applicables. Les salariés dont le contrat de travail est transféré demeurent à titre transitoire régis par la convention ou l’accord collectif qui leur est applicable. La convention nationale applicable à l’Agence française d’expertise technique internationale leur devient applicable dès que les adaptations nécessaires ont fait l’objet d’un accord ou, au plus tard, quinze mois après leur transfert.

« L’Agence française d’expertise technique internationale a vocation à rassembler au 1er janvier 2016 l’ensemble des opérateurs spécialisés de coopération technique, selon des modalités adaptées à leurs missions et statuts. Elle assure l’ensemble des fonctions transversales des opérateurs et comprend des départements thématiques. Elle dispose d’un fonds d’intervention pouvant prendre la forme d’un fonds de dotation.

« VI. – Le délégué interministériel à la coopération technique internationale préside le conseil d’administration de l’Agence française d’expertise technique internationale. Il siège au conseil d’administration des organismes rattachés à l’agence. Il est chargé de la coordination stratégique et opérationnelle des actions publiques de coopération technique.

« VII. – Le directeur général de l’agence assure la direction exécutive de l’agence. Il est nommé pour une durée de trois ans renouvelable, sur proposition du ministre des affaires étrangères et du ministre chargé de l’économie. Les responsables des départements thématiques sont nommés par le directeur général sur proposition des ministères concernés.

« VIII. – Il est créé auprès de l’Agence française d’expertise technique internationale un comité d’orientation relatif au développement de l’expertise technique publique et privée, comprenant notamment des représentants des ministères, des organismes, des entreprises intervenant dans le domaine de l’expertise technique internationale et des représentants des collectivités territoriales. Ce comité est présidé par le délégué interministériel à la coopération technique internationale. Il est organisé en sous-comités thématiques qui participent à la définition de la stratégie de chaque département thématique de l’agence en lien avec les ministères concernés. Les présidents des sous-comités sont nommés par le délégué interministériel à la coopération technique internationale sur proposition des ministères concernés. Sa composition et ses règles d’organisation et de fonctionnement sont fixées par décret. »

TITRE IV

ACTION EXTÉRIEURE DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

I. – La première partie du code général des collectivités territoriales est ainsi modifiée :

1° L’intitulé du chapitre V du titre unique du livre Ier est ainsi rédigé : « Action extérieure des collectivités territoriales » ;

2° L’article L. 1115-1 est ainsi rédigé :

« Art. L. 1115-1. – Dans le respect des engagements internationaux de la France, les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent mettre en œuvre ou soutenir toute action internationale annuelle ou pluriannuelle de coopération, d’aide au développement ou à caractère humanitaire.

« À cette fin, les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent, le cas échéant, conclure des conventions avec des autorités locales étrangères. Ces conventions précisent l’objet des actions envisagées et le montant prévisionnel des engagements financiers. Elles entrent en vigueur dès leur transmission au représentant de l’État dans les conditions fixées aux articles L. 2131-1, L. 2131-2, L. 3131-1, L. 3131-2, L. 4141-1 et L. 4141-2. Les articles L. 2131-6, L. 3132-1 et L. 4142-1 leur sont applicables. » ;

3° Après l’article L. 1115-1-1, il est inséré un article L. 1115-1-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 1115-1-2. – Les communes, les établissements publics de coopération intercommunale et les syndicats mixtes compétents en matière de collecte et de traitement des déchets des ménages au sens de l’article L. 2224-13 ou percevant la taxe ou la redevance d’enlèvement des ordures ménagères peuvent mener, dans la limite de 1 % des ressources qui sont affectées aux budgets de ces services et dans le cadre de l’article L. 1115-1, des actions de coopération, d’aide au développement ou à caractère humanitaire dans les domaines de la collecte et du traitement des déchets des ménages. » ;

4° L’article L. 1115-6 est ainsi rédigé :

« Art. L. 1115-6. – Il est créé une Commission nationale de la coopération décentralisée qui établit et tient à jour un état de l’action extérieure des collectivités territoriales. Elle favorise la coordination entre l’État et les collectivités territoriales et entre les collectivités territoriales et peut formuler toute proposition relative à l’action extérieure des collectivités territoriales. Les collectivités territoriales et leurs groupements transmettent à la commission les informations nécessaires à l’accomplissement de ses missions. » ;

5° L’intitulé du chapitre II du titre II du livre VIII est ainsi rédigé : « Action extérieure des collectivités territoriales ».

II. – À la première phrase du II de l'article L. 1822-1 du même code, le mot : « premier » est remplacé par le mot : « second ».

III. – Les actions d’aide au développement que mettent en œuvre les collectivités territoriales s’inscrivent dans le cadre de l’article 1er de la présente loi.

IV. – Des campagnes d’information sur la solidarité internationale des territoires sont mises en place conjointement par le ministère chargé de l’éducation nationale et les collectivités territoriales dans les écoles, les collèges et les lycées afin de sensibiliser dès le plus jeune âge l’ensemble de la population sur les actions extérieures des collectivités territoriales.

TITRE V

MISE EN ŒUVRE, ÉVALUATION ET RAPPORT

I. – La politique de développement et de solidarité internationale fait l’objet d’évaluations régulières sur la base d’une programmation pluriannuelle qui est communiquée aux commissions permanentes compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat.

II. – Le Gouvernement transmet tous les deux ans aux commissions permanentes compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat ainsi qu’au Conseil national du développement et de la solidarité internationale et à la Commission nationale de la coopération décentralisée un rapport faisant la synthèse de la politique de développement et de solidarité internationale conduite par la France dans les cadres bilatéral et multilatéral. Ce rapport présente en particulier la synthèse des évaluations réalisées en application du I, les modalités d’utilisation des différents instruments de la politique de développement et de solidarité internationale, l’équilibre entre les subventions, les autres dons et les prêts, ainsi que les activités de l’Agence française de développement et l’utilisation de son résultat. Il présente également l’activité de l’ensemble des organismes européens et multilatéraux œuvrant en matière de développement et auxquels la France contribue ou dont elle est partie. Ce rapport est débattu publiquement à l’Assemblée nationale et au Sénat.

III. – Le III de l'article 44 de la loi de finances rectificative pour 1998 (n° 98-1267 du 30 décembre 1998) est abrogé.

IV. – La présente loi fixe les objectifs et les orientations de la politique de développement et de solidarité internationale pour une période de cinq ans, à l’issue de laquelle elle sera révisée. La présente loi s’applique jusqu’à l’entrée en vigueur de la nouvelle loi de programmation.

RAPPORT FIXANT LES ORIENTATIONS DE LA POLITIQUE DE DÉVELOPPEMENT ET DE SOLIDARITÉ INTERNATIONALE

(ANNEXE À L’ARTICLE 2)

TABLE DES MATIÈRES

Préambule

1. Objectifs et priorités de la politique de développement et de solidarité internationale de la France

1.1. Finalité de la politique de développement et de solidarité internationale de la France

1.2. Priorités transversales

1.3. Secteurs d’intervention

1.4. Priorités géographiques : des partenariats différenciés

1.5. Pilotage de la politique de développement et de solidarité internationale : le processus de révision des priorités sectorielles et géographiques

2. Cohérence, efficacité et transparence de la politique de développement

2.1. La cohérence des politiques sectorielles de la France s’inscrit dans un cadre européen

2.2. Efficacité de la politique de développement et de solidarité internationale

2.3. Transparence et redevabilité de la politique de développement et de solidarité internationale

3. Les leviers d’action de la politique de développement et de solidarité internationale de la France

3.1. L’intervention de l’État

3.2. Les interactions avec les acteurs non étatiques

4. Le financement du développement

4.1. Instruments publics de financement du développement

4.2. Le renforcement des ressources domestiques

4.2 bis. Financements privés en faveur du développement

4.3. Les financements innovants

Annexe 1 : Liste des sigles et des abréviations

Annexe 2 : Matrice des indicateurs de résultats

Préambule

Un contexte mondial en profonde mutation qui impose un renouvellement des enjeux du développement

Ces deux dernières décennies ont été marquées par des progrès majeurs en matière de développement. Des centaines de millions de femmes et d’hommes ont ainsi pu sortir de la pauvreté en Asie, en Afrique et en Amérique latine. Une partie du monde en développement est aujourd’hui en émergence ou au seuil de l’être. Pour autant, deux défis considérables se posent aujourd’hui. D’une part, d’importants progrès restent à faire dans de nombreux pays car ce mouvement positif est loin d’être homogène. La sécurité alimentaire et nutritionnelle d’un milliard d’êtres humains n’est toujours pas assurée. Les enfants en sont les premières victimes (165 millions d’enfants de moins de cinq ans souffrent de retards de croissance). Certains États continuent de dépendre largement de l’aide internationale pour leur financement. Les inégalités entre pays et entre individus au sein de chaque pays se sont accrues. D’autre part, et dans le même temps, l’émergence de certains pays en développement bouleverse les équilibres économiques et politiques internationaux. Cette émergence représente un progrès, mais entraîne de fait une pression sur l’environnement, les ressources naturelles disponibles et le climat, chaque jour plus forte, qui nécessite de repenser collectivement les modes de vie et de consommation.

La politique de développement de la France a pour objectif général de promouvoir un développement durable dans les pays en développement, dans ses quatre composantes économique, sociale, environnementale et culturelle. Elle s’inscrit ainsi pleinement dans la fusion des agendas du développement (Objectifs du millénaire pour le développement – OMD) et du développement durable (Objectifs du développement durable – ODD), dont les futurs objectifs seront définis en 2015 par les Nations unies. L’élimination de la pauvreté et la garantie à tous d’une vie décente ne pourront être atteintes sans un renforcement de la gouvernance mondiale, ainsi qu’une transition vers des modèles de développement, de consommation et de production plus durables. Dans un monde en forte croissance démographique, aux ressources naturelles limitées et engagé dans un effort pour maintenir le réchauffement climatique sous le seuil des 2 °C, il s’agit de favoriser l’épanouissement d’une société inclusive, fondée sur les droits humains, un cadre de vie décent et durable pour chacun. C’est ainsi que la mondialisation pourra contribuer au progrès de nos sociétés et à la sauvegarde d’un écosystème planétaire viable.

La politique de développement et de solidarité internationale de la France a pour ambition une mondialisation mieux maîtrisée et porteuse de valeurs humanistes. Sa vocation première, lutter contre la pauvreté et les inégalités pour aider le sixième de l’humanité, dont une majorité de femmes, qui vit encore dans l’extrême pauvreté, à en sortir et éviter que ceux qui en sont sortis y tombent à nouveau, est réaffirmée.

Les instruments

L’aide française est mise en œuvre à travers divers instruments (dons, prêts, annulations de dette…) qu’il faut tous mobiliser de façon adaptée aux besoins de nos partenaires. Tel est l’objectif des partenariats différenciés qui s’inscrivent dans la recherche de nouveaux équilibres géographiques et sectoriels.

Ainsi, dans les pays les plus pauvres, l’aide publique au développement (APD) doit contribuer au financement de politiques publiques essentielles, notamment dans les secteurs sociaux. Elle joue également un rôle de catalyseur des autres sources de financement, là où le potentiel de mobilisation des ressources fiscales et le recours aux marchés financiers demeurent encore limités et insuffisants, dans le financement des infrastructures et l’appui au développement du secteur privé notamment.

À l’inverse, dans les pays émergents, la dépendance à l’APD est faible. La valeur ajoutée de l’intervention de la France repose sur l’expertise, la capacité à agir en faveur de la préservation des biens publics mondiaux et la recherche de solutions partagées à des défis communs.

L’APD, qui représente 0, 2 % du revenu mondial, ne peut à elle seule répondre aux défis du développement ; l’enjeu que représente la mobilisation d’autres ressources que l’aide est donc essentiel.

Dans cette perspective, la France souhaite continuer à favoriser l’accroissement des ressources fiscales des pays en développement, par le biais d’un soutien renforcé aux administrations fiscales, ainsi que l’investissement privé, local et international.

La France promeut également la mise en place de financements innovants en s’appuyant principalement sur des activités liées à la mondialisation, à l’instar de la taxe sur les transactions financières qu’elle a introduite à titre national et dont elle a affecté une partie des recettes au développement. Ces financements innovants ont un caractère additionnel aux ressources traditionnelles. La France plaide auprès des États membres de l’Union européenne pour qu’une part significative du produit de la future taxe européenne soit consacrée à la solidarité internationale.

L’interconnexion croissante des enjeux nationaux et internationaux conduit désormais à rechercher des réponses globales, en s’assurant qu’elles soient respectueuses du développement de tous les pays du monde. Dans une perspective universelle, la France entend favoriser l’émergence de politiques publiques globales, notamment par son action dans les enceintes internationales (organisations des Nations unies, institutions de Bretton Woods, G8 et G20) et par sa participation à de nombreux fonds verticaux. Sa politique de développement et de solidarité internationale s’inscrit aussi dans une dynamique européenne, nécessaire à la mise en cohérence de ses actions à titre national avec celles menées par l’Union européenne, premier pourvoyeur d’APD dans le monde.

La méthode

La politique française de développement implique tous les acteurs du développement dans leur diversité : administrations et opérateurs publics, fondations, collectivités territoriales, entreprises, y compris celles de l’économie sociale et solidaire, associations, syndicats, organisations non gouvernementales et établissements d’enseignement supérieur, de recherche et de formation. Le Gouvernement fait désormais du soutien, de la consultation et de la coordination avec ces acteurs issus de la société civile une priorité de sa politique de développement et de solidarité internationale. Le Conseil national du développement et de la solidarité internationale (CNDSI), espace de dialogue politique et instance de mise en cohérence des actions de développement, a été créé à cette fin.

L’optimisation de l’impact des interventions de la politique de développement et la valorisation des ressources publiques utilisées sont essentielles, tant pour les pays bénéficiaires que pour les contribuables français. La politique de développement vise en conséquence à l’efficacité la plus grande, grâce à l’utilisation souple des instruments disponibles, à la prise en compte de la performance des projets soutenus et à l’évaluation indépendante de leurs résultats et de leur impact.

La France s’engage à faire de la transparence de son aide une priorité. Conformément aux conclusions du forum de haut niveau de Busan de 2011 sur l’efficacité de l’aide, qui visent à l’établissement d’un standard commun, elle améliore le nombre et la qualité des informations sur son aide publiées sur les sites gouvernementaux. Elle lance également des projets pilotes destinés à publier en temps réel les informations sur les projets qu’elle finance, à l’instar de celles qu’elle a commencé de publier sur ses activités au Mali.

La transparence de l’aide passe également par une meilleure redevabilité. Depuis 2013, la France produit annuellement des indicateurs de résultats ex post de l’aide bilatérale et multilatérale. Les documents qui permettent d’informer les parlementaires (en particulier le document de politique transversale « Politique française en faveur du développement ») et la société civile sont revus dans le même esprit. Les résultats des évaluations menées par les principales structures pilotant l’aide au développement de la France, ainsi que la mise en œuvre de la stratégie présentée dans le présent rapport, sont également rendus plus accessibles et plus lisibles.

La transparence de l’aide passe également par une meilleure traçabilité et par la mise en place de dispositifs destinés à lutter contre la corruption. Ainsi, la France veille à ce que ces aides ne soient pas utilisées par les récipiendaires à des fins contraires aux objectifs de paix, de démocratie et de droits de l’homme. Elle s’efforce également de prévenir les risques de détournement, de corruption, de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme.

Les organismes et autorités en charge de l’aide au développement pourront suspendre sans délai tout programme et toute action en cas de violations manifestes des principes généraux énoncés dans la présente loi et dans ses annexes.

De nombreuses autres politiques publiques ont des effets importants sur les pays en développement. L’efficacité de la politique de développement et de solidarité internationale dépend donc fortement de l’articulation entre cette politique et l’ensemble des politiques nationales et européennes (commerce, agriculture, santé, migrations, fiscalité, recherche et enseignement supérieur, éducation, lutte contre le changement climatique, sécurité, outre-mer…). Cette cohérence doit donc être systématiquement recherchée.

Afin de donner toute l’efficacité à la politique de la France, il est important que la société française et les acteurs publics et privés du développement et de la solidarité internationale expriment et portent une vision globale et explicite de leurs interventions. De ce point de vue, il est nécessaire de formaliser une continuité entre les phases d’urgence, de reconstruction et de développement, basée sur des actions de réduction et de prévention des risques liés aux crises, sur des mesures de renforcement de la résilience des populations et des territoires, sur le dialogue entre l’ensemble des acteurs et sur la mise en place d’outils flexibles et adaptés.

1. Objectifs et priorités de la politique de développement et de solidarité internationale de la France

1.1. Finalité de la politique de développement et de solidarité internationale de la France

La France met en œuvre une politique de développement et de solidarité internationale qui a pour objectif général de promouvoir un développement durable dans les pays en développement, tout en participant à l’effort international de lutte contre la pauvreté extrême et de réduction des inégalités.

Pour tenir compte du niveau de développement de chacun de ses partenaires et des priorités liées à sa géographie, son histoire, sa culture et sa langue, la France fait le choix d’une politique de développement et de solidarité internationale reposant sur des partenariats différenciés.

Cette politique se décline dans quatre grands domaines simultanément :

– Promotion de la paix, de la stabilité, des droits de l’homme et de l’égalité entre les femmes et les hommes : la liberté et la protection des individus comme le développement économique et social à long terme des pays partenaires ne peuvent être assurés que dans une démarche fondée sur la reconnaissance de droits et le renforcement de l’État de droit. La France y attache une importance particulière ;

– Équité, justice sociale et développement humain : les Objectifs du millénaire pour le développement ont contribué à mobiliser la communauté internationale en faveur d’un accès universel à un socle de services sociaux essentiels : alimentation, éducation, santé, eau potable, assainissement, habitat décent. Des progrès importants ont été réalisés, principalement alimentés par la croissance économique des pays eux-mêmes mais également grâce à l’appui de la communauté internationale. Mais il reste à trouver les voies et moyens de généraliser et de rendre pérennes ces acquis car les défis restent nombreux. La France rappelle l’importance de l’éducation et de la formation tout au long de la vie dans le processus de développement et l’aspect central du bien-être et des droits des individus ainsi que de l’intérêt supérieur de l’enfant parmi les objectifs de développement ;

– Développement économique durable et riche en emplois : la France place le développement économique des pays partenaires au cœur de sa politique de développement et de solidarité internationale. Elle considère que l’amélioration des infrastructures dans les secteurs de l’eau, de l’énergie ou des transports notamment, le renforcement de l’intégration régionale et le développement du secteur privé, en particulier des petites et moyennes entreprises et petites et moyennes industries (PME-PMI) et des entreprises de taille intermédiaire (ETI), des entreprises de l’économie sociale et solidaire (associations et coopératives notamment), de l’économie circulaire, ainsi que d’un secteur financier performant et inclusif pour tous sont des outils essentiels. Une croissance verte et solidaire reste, particulièrement dans les pays en développement, un moteur essentiel du progrès social. L’enjeu est de promouvoir une croissance de qualité, créatrice d’emplois, fondée sur un juste équilibre entre capital physique, humain et naturel et qui ne se traduise pas par un dumping social ou écologique. La politique de développement doit ainsi favoriser une convergence des normes économiques, sociales et environnementales qui contribue à améliorer les conditions de vie des populations des pays en développement et qui préserve le tissu économique et social des pays bénéficiant déjà de normes sociales et environnementales de bon niveau ;

– Préservation de l’environnement et des biens publics mondiaux : limiter à 2 °C l’augmentation des températures mondiales afin d’éviter de graves dérèglements climatiques, lutter contre l’érosion de la biodiversité et la désertification, veiller à la protection des milieux naturels et des écosystèmes terrestres et marins, améliorer la protection contre les risques sanitaires et environnementaux, prévenir l’émergence et la propagation des maladies contagieuses et améliorer la stabilité financière mondiale constituent aujourd’hui des enjeux collectifs majeurs. Ces biens publics mondiaux ne sont aujourd’hui correctement pris en charge ni par les marchés, ni par les États parce que les investissements que nécessite leur préservation ne profitent pas exclusivement à ceux qui les ont consentis et ne génèrent pas nécessairement de bénéfice marchand. Ils appellent donc de la part de la communauté internationale des solutions de gouvernance et de financement innovantes.

1.2. Priorités transversales

La promotion de l’autonomisation des femmes et l’intégration systématique des problématiques de genre dans les actions menées par les acteurs de l’aide et les pays partenaires ainsi que la lutte contre le changement climatique sont des priorités transversales de la politique d’aide au développement de la France.

– Les femmes sont des actrices essentielles du développement. Les inégalités de genre et le non-respect du droit des femmes sont une composante structurante de la pauvreté. Les femmes font face à des difficultés spécifiques et à des discriminations de genre, dans tous les domaines.

Pour mettre les droits des femmes au cœur de la politique de développement, le Gouvernement a adopté, lors du comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) du 31 juillet 2013, une nouvelle stratégie « genre et développement » pour la période 2013-2017. Cette stratégie prévoit une prise en compte systématique d’un objectif transversal « genre » dans les procédures d’élaboration, de suivi et d’évaluation des projets : cette approche passera, en particulier dans les pays pauvres, par une révision de tous les instruments du développement ainsi que par le renforcement des capacités des agents et le soutien à la recherche. Cette stratégie prévoit que, d’ici à 2017, 50 % des projets de développement français aient comme objectif principal ou significatif l’amélioration de l’égalité entre les femmes et les hommes. Elle sera mise en œuvre par l’ensemble des ministères traitant de politique de développement et tous les opérateurs, et évaluée annuellement par le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes.

Dans les enceintes européennes et internationales, la France s’efforce de promouvoir le droit des femmes, la lutte contre les violences qui leur sont faites, l’accès universel à la planification familiale et aux droits sexuels et reproductifs, l’autonomisation des femmes, l’égalité professionnelle, l’accès des femmes à l’éducation, à la formation ainsi qu’aux responsabilités économiques, politiques et sociales.

La politique de développement et de solidarité internationale prend en compte la situation particulière des jeunes filles et leur vulnérabilité, en intégrant dans la définition et la mise en œuvre des actions leurs besoins et leurs droits, notamment en matière d’éducation, de formation professionnelle, de lutte contre les violences et de santé, y compris sexuelle.

– La lutte contre le changement climatique et le développement économique et social sont intrinsèquement liés : l’accélération du changement climatique entravera durablement le développement. L’adoption par les pays en développement, notamment les pays émergents, de modes de développement sobres en énergie fossile est devenue un enjeu majeur à la fois pour la lutte contre le changement climatique au niveau mondial et pour le développement durable de chacun d’entre eux. La France prend en compte la situation particulière des « pays en grande difficulté climatique » dans sa politique de développement et de solidarité internationale. Il apparaît crucial d’accompagner les pays les plus pauvres et les plus fragiles pour qu’ils puissent adapter leurs modes de vie et leurs économies aux effets inéluctables et déjà présents de ce changement climatique. En effet, ce sont les populations les plus pauvres qui sont les plus directement dépendantes de l’exploitation des ressources naturelles et donc les plus exposées aux évolutions que le changement climatique induit sur ces ressources. Ainsi, à travers son cadre d’intervention transversal Climat-Développement, l’Agence française de développement (AFD) vise à ce que, chaque année, 50 % de ses financements dans les pays tiers comportent des co-bénéfices « climat » dans l’ensemble des secteurs pertinents, y compris l’énergie. Enfin, la préparation de la conférence des parties de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques en 2015 sera une priorité pour la France.

1.3. Secteurs d’intervention

Prenant en considération, dans une perspective de durabilité et de développement mutuellement bénéfique, d’une part, les besoins de ses pays partenaires et, d’autre part, les objectifs de sa politique de développement, la France définit dix secteurs d’intervention. Ces derniers doivent prendre en compte, dans leurs objectifs, principes et indicateurs, les deux priorités transversales de l’APD de la France : les droits des femmes et les politiques d’égalité entre les femmes et les hommes, ainsi que la lutte contre le changement climatique.

– Santé et protection sociale

La France réaffirme l’importance qu’elle accorde au droit fondamental à la santé. Elle consacre une part significative de son effort dans le domaine du développement et de la solidarité internationale à l’amélioration des conditions de santé et de protection sociale dans les pays en développement. Plusieurs facteurs justifient cet investissement : l’accélération de la mondialisation a renforcé les risques de diffusion des grandes pandémies ; la résilience des sociétés aux chocs sanitaires est une condition de leur capacité à se développer ; c’est un secteur dans lequel la France dispose de compétences reconnues. Cette coopération doit cependant s’adapter à la double transition démographique (vieillissement) et épidémiologique (progression des maladies non transmissibles) qui affecte les pays en développement. Par ailleurs, certaines maladies tropicales touchant les populations des pays les plus pauvres sont négligées dans l’effort de recherche et développement de l’industrie pharmaceutique du fait de l’absence de marchés solvables. La santé, en tant que bien public mondial, appelle dès lors une mobilisation mondiale et coordonnée de l’ensemble des acteurs du développement international.

La France réitère son engagement à combattre les trois grandes pandémies, notamment grâce au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, à lutter contre les maladies négligées, à améliorer la santé des mères et des enfants et à promouvoir la couverture sanitaire universelle telle qu’elle a été définie par les Nations unies en décembre 2012.

L’accès de tous à la protection sociale commence par le soutien au développement des socles nationaux de protection sociale. À cet égard, le soutien et la promotion de la recommandation n° 202 du 14 juin 2012 de la Conférence générale de l’Organisation internationale du travail (OIT) contribueront à concrétiser le caractère universel de la couverture sociale (santé, vieillesse, invalidité, prestations familiales...).

Dans les domaines du renforcement des systèmes de santé et de protection sociale, son action se concentrera sur les trois grands enjeux suivants :

– l’amélioration de la santé sexuelle, reproductive, maternelle, néonatale et infantile, ainsi que les politiques de population dans les pays prioritaires d’Afrique subsaharienne ;

– l’adaptation des systèmes de santé et de protection sociale à l’accroissement des maladies chroniques et des problèmes de santé découlant de l’élévation des niveaux de vie et du vieillissement ;

– le renforcement de la surveillance épidémiologique et de la capacité des pays à agir sur les déterminants environnementaux et sociaux de la santé.

– Agriculture, sécurité alimentaire et nutritionnelle

La lutte contre la sous-nutrition est une des priorités de la politique de développement et de solidarité internationale. La France promeut une agriculture familiale, productrice de richesses et d’emplois, soutenant la production vivrière et respectueuse des écosystèmes et de la biodiversité. Elle soutient des initiatives permettant à l’agriculture de jouer pleinement son rôle : adoption de politiques agricoles cohérentes, renforcement de l’intégration régionale, structuration des marchés agricoles, développement de filières, accès des petits producteurs aux certifications environnementales volontaires disponibles sur le marché international, appui aux organisations paysannes ainsi que le renforcement de l’autonomie des paysans, la recherche de l’accès équitable à l’eau, la transition des agricultures familiales vers une intensification agro-écologique, la sécurisation de l’accès au foncier, notamment pour les femmes et les petits producteurs, la lutte contre les accaparements de terres et de ressources et la lutte contre la dégradation et la pollution des terres. En matière de pêche, la France agit pour renforcer l’aide à la gestion durable des pêcheries des pays en développement et à la protection des milieux et ressources marines, notamment par la mise en place de réserves halieutiques et d’aires marines protégées. Elle cherche à développer une évaluation européenne systématique et publique de la mise en œuvre et des effets des volets sociaux et environnementaux des accords de pêche.

L’aide bilatérale a pour finalité d’améliorer durablement la sécurité alimentaire et nutritionnelle des ménages ruraux et urbains, principalement en Afrique subsaharienne, par un soutien aux exploitations agricoles familiales, aux filières, en particulier vivrières et d’élevage, et aux politiques agricoles, alimentaires et nutritionnelles, en intégrant les enjeux de développement durable et de souveraineté alimentaire. À ce titre, les interventions contribueront :

à l’amélioration de la gouvernance sectorielle de la sécurité alimentaire, tant en ce qui concerne les politiques agricoles, rurales que nutritionnelles ;

au développement économique et social des territoires ruraux et à la conservation de leur capital naturel ;

à une croissance soutenue, riche en emplois, durable et inclusive des filières agricoles.

En cohérence avec ces orientations, l’AFD ne finance pas l’achat, la promotion ou la multiplication de semences génétiquement modifiées. Elle ne soutient pas de projets ayant pour finalité ou conséquence la déforestation de forêts primaires, l’accaparement des terres incompatible avec un développement local équitable ou la privation des ressources naturelles des populations autochtones.

– Éducation et formation

L’éducation, notamment des filles, est un droit humain fondamental au cœur des processus de développement. Une éducation et une formation de qualité sont des facteurs puissants de transformation sociale et contribuent à la réduction des inégalités sociales et territoriales, à un développement économique durable, à l’épanouissement des personnes, à l’exercice de la citoyenneté et à la promotion de la démocratie et de l’État de droit. L’éducation est aussi un outil de sensibilisation, de prévention et de formation aux droits humains, aux enjeux de développement durable et aux enjeux transversaux et sociétaux tels que la santé, l’environnement ou la lutte contre toutes les formes de discriminations.

Une des caractéristiques des pays bénéficiaires de la politique de développement est la jeunesse de leur population. Encore plus pour ces pays, les jeunes représentent l’avenir et doivent pouvoir bénéficier d’investissements forts à tous les niveaux pour permettre leur inclusion sociale, économique et politique. C’est pourquoi la France fait de l’éducation et de la formation accessibles à tous sans aucune discrimination une des priorités de sa politique de développement et de solidarité internationale. Dans ce cadre, un effort particulier dans le domaine de la formation professionnelle initiale et continue dans les pays concernés aura un effet de levier sur la création d’emplois, mais aussi sur la capacité de ces pays à s’adapter au contexte de mondialisation des échanges et de multiplication des crises économiques, sanitaires et climatiques.

La politique française d’aide au développement et de solidarité internationale doit aider à la mise en œuvre de politiques d’éducation et de formation efficaces, à même de garantir l’acquisition des connaissances et la maîtrise des compétences nécessaires au développement autonome des populations et à leur pleine insertion économique, sociale et citoyenne dans la société. À ce titre, l’accès et le maintien des filles à l’école représentent un facteur fondamental de développement. Cette politique doit aussi contribuer aux objectifs de l’Éducation pour tous, en priorisant le soutien à l’éducation de base incluant les premiers niveaux du secondaire, l’importance du continuum éducatif de la petite enfance à la formation tout au long de la vie, le rôle primordial des équipes pédagogiques dans la dispense d’une éducation de qualité, notamment pour les populations marginalisées ou vulnérables. La France contribue également à ces objectifs à travers sa politique d’accueil et de formation d’étudiants étrangers sur son territoire. La politique de promotion et de soutien de la langue française est également un vecteur de la politique de développement.

– Secteur privé et responsabilité sociétale

Le secteur privé contribue à la création de richesses, d’emplois, de revenus, de services et de biens. La politique de développement et de solidarité internationale encourage l’action des entreprises, en particulier les PME-PMI et les entreprises de taille intermédiaire. Le développement des PME, l’accroissement des flux d’investissement et le renforcement des cadres réglementaires nécessaires, tant pour encourager que pour encadrer le développement de l’entreprenariat privé, représentent autant d’enjeux majeurs. La politique de développement et de solidarité internationale favorise les conditions d’une croissance riche en emplois, inclusive et durable.

Le Point de contact national pour la mise en œuvre des principes directeurs de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) à l’intention des entreprises multinationales (PCN) a élaboré des recommandations pour une conduite responsable dans la filière textile-habillement. Le PCN est chargé de la promotion de ces recommandations et pourra être saisi des conditions de mise en œuvre des principes directeurs dans tout autre secteur d’activité pertinent. Dimension transversale de l’action du Gouvernement, la responsabilité sociétale est pleinement intégrée dans la politique de développement et de solidarité internationale qui met en œuvre des actions permettant d’accompagner les pays partenaires et les acteurs publics et privés pour une meilleure prise en compte de cette exigence.

Le Gouvernement mandate la plateforme nationale d’actions globales pour la responsabilité sociétale des entreprises pour mener la réflexion sur des mesures visant à une meilleure responsabilisation des entreprises multinationales et des donneurs d’ordre vis-à-vis de leur filiales, sous-traitants et fournisseurs situés dans les pays en développement.

Celle-ci étudiera également la possibilité de renforcer le devoir de vigilance incombant aux entreprises dans le cadre de leurs activités, de celles de leurs filiales et de leurs sous-traitants afin de prévenir les dommages sociaux, sanitaires et environnementaux qui peuvent en résulter.

La France s’efforce également de promouvoir cette démarche auprès de l’ensemble des partenaires du développement dans les enceintes internationales ou européennes. Elle soutient le renforcement des exigences sociétales dans les processus de passation des marchés publics, dans le cadre des réformes en cours au sein des institutions financières multilatérales et dans un cadre bilatéral.

Pour répondre à l’objectif transversal d’égalité entre les femmes et les hommes de l’aide publique au développement, la France soutient l’entrepreneuriat féminin et l’accès des femmes aux responsabilités économiques et sociales.

La France soutient l’essor et la promotion des entreprises de l’économie sociale et solidaire (ESS), acteurs devenus incontournables de la politique de développement. Les coopératives, mutuelles, associations, fondations et entreprises sociales, qui sont les principaux acteurs de l’ESS, placent l’individu au cœur du développement et apportent, le plus souvent, des réponses au plus près des besoins locaux, appuyant l’émergence d’une solidarité citoyenne. Afin de prolonger cette dynamique, la France encouragera l’émergence d’entreprises coopératives transnationales. Ceci peut s’exprimer particulièrement dans un objectif de développement de filières communes entre les acteurs économiques du Nord et du Sud.

La France soutient également le développement de l’économie circulaire, s’inscrivant dans le cadre du développement durable, qui concrétise l’objectif de produire des biens et des services tout en limitant la consommation et le gaspillage des matières premières, de l’eau et des sources d’énergie afin de passer progressivement à un modèle de création de valeur, positive sur les plans social, économique et environnemental. L’économie circulaire privilégie un modèle centré sur l’utilisation locale des ressources disponibles et les circuits courts partout où cela est possible.

La France promeut également les libertés syndicales et l’amélioration du dialogue social. Elle reconnaît que les syndicats constituent des acteurs du développement.

– Développement des territoires

Le développement urbain et le développement rural sont décisifs pour l’avenir de la planète. Ils ne peuvent être traités indépendamment l’un de l’autre compte tenu de leur interconnexion croissante. La France promeut ainsi une planification urbaine et territoriale qui intègre les interactions entre territoires urbains, périurbains et ruraux. Particulièrement engagée en faveur du développement des territoires, la France s’est notamment vue confier par le programme des Nations unies pour les établissements humains (ONU-Habitat) un rôle de chef de file pour la mise en œuvre des « lignes directrices internationales sur la décentralisation et l’accès aux services de base pour tous » (eau, assainissement, traitement des déchets, énergie, transports, communications, école primaire, santé et sécurité publique) approuvées par le conseil d’administration d’ONU-Habitat en 2007 et en 2009. Elle est aussi chef de file européen pour l’élaboration de lignes directrices internationales sur la planification urbaine et territoriale.

Les villes sont aujourd’hui au cœur des enjeux du réchauffement climatique et de la surexploitation des ressources naturelles. Mais des solutions d’ordre institutionnel et technique peuvent aujourd’hui être apportées afin de faire face au défi environnemental. L’approche française du développement urbain durable privilégie ainsi quatre grands objectifs :

faire des collectivités locales le catalyseur de la démocratie de proximité et de la concertation entre tous les acteurs du développement local ;

participer au renforcement des capacités des collectivités territoriales ;

améliorer les conditions de vie et la productivité urbaine ;

contribuer à un aménagement des territoires urbains qui préserve l’environnement et les autres biens publics mondiaux, notamment par l’investissement dans des infrastructures urbaines durables qui intègrent les enjeux d’adaptation aux changements climatiques, de réduction des émissions de gaz à effet de serre, des impacts environnementaux à long terme et une meilleure gestion des ressources.

En écho à la stratégie dans le domaine de la sécurité alimentaire, l’approche du développement rural favorisera les trois axes stratégiques suivants :

accompagner des politiques agricoles nationales et régionales concertées ;

investir pour une agriculture, moteur de croissance inclusive et durable ;

soutenir l’intégration des territoires ruraux dans les échanges économiques nationaux, régionaux et internationaux.

– Environnement et énergie

Une complète prise en compte des questions environnementales dans la politique de développement est une condition nécessaire à la pérennisation des projets de lutte contre la pauvreté. La France contribue activement aux négociations internationales dans le cadre de diverses conventions des Nations unies telles que la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, adoptée à New York, le 9 mai 1992, la convention sur la diversité biologique, adoptée à Nairobi, le 22 mai 1992, la convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification dans les pays gravement touchés par la sécheresse et/ou la désertification, en particulier en Afrique, adoptée à Paris, le 17 juin 1994, ainsi qu’au sein des différents accords multilatéraux sur l’environnement. Elle concourt à leur mise en œuvre à travers, notamment, sa participation au Fonds pour l’environnement mondial (FEM) et son outil de coopération bilatérale en matière d’environnement, le Fonds français pour l’environnement mondial (FFEM). L’AFD contribue également au financement de la protection de l’environnement dans les pays tiers, conformément aux engagements pris dans ses documents stratégiques pertinents, en particulier dans son cadre d’intervention transversal Climat-Développement, son cadre d’intervention transversal Biodiversité et son cadre d’intervention sectoriel Sécurité alimentaire en Afrique subsaharienne.

S’agissant de la lutte contre l’érosion de la biodiversité, deux axes prioritaires ont été définis pour la coopération bilatérale : accroître les surfaces et améliorer la gestion des territoires ayant statut d’aires protégées terrestres et marines et intégrer la protection et la restauration de la biodiversité dans l’ensemble des politiques sectorielles susceptibles d’avoir un impact sur son avenir.

La politique de développement et de solidarité internationale de la France dans le secteur de l’énergie s’inscrit dans le cadre de stratégies globales de lutte contre la pauvreté, de promotion de la croissance verte et de protection des biens publics mondiaux. Elle est étroitement liée à son action dans le domaine de la lutte contre le changement climatique et s’articule aujourd’hui autour de trois grands objectifs : améliorer l’accès à des services énergétiques performants ; développer les énergies renouvelables ; améliorer l’efficacité énergétique, conformément aux objectifs de l’initiative « Énergie durable pour tous » (SE4ALL) du Secrétaire général des Nations unies.

Trois axes prioritaires et un appui transversal aux politiques énergétiques durables et aux acteurs du secteur ont été définis :

prioriser les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique ;

réduire la fracture énergétique et développer l’accès en zones rurales et suburbaines ;

sécuriser et renforcer les systèmes énergétiques ;

renforcer les politiques énergétiques durables et les capacités des acteurs.

La France a pour objectif de réduire progressivement les concours apportés dans le cadre de sa politique de développement et de solidarité internationale aux énergies fossiles et de porter cette position dans l’ensemble des banques multilatérales de développement. Plus généralement, en matière énergétique, la France poursuit le financement de projets, notamment de recherche, qui ont pour but l’amélioration des rendements et de l’efficacité énergétiques dans un souci de protection de l’environnement. Dans cette perspective, elle publiera d’ici deux ans une stratégie fondée sur une évaluation de l’impact environnemental et économique de ses soutiens financiers dans le domaine énergétique. D’ores et déjà, l’AFD ne finance pas de projets de centrales à charbon, à l’exception des centrales incluant un dispositif opérationnel de captage et de stockage de dioxyde de carbone.

– Eau et assainissement

L’accès à l’eau et à l’assainissement soulève des défis d’ordre sanitaire et environnemental, mais aussi en matière de réduction de la pauvreté ou d’égalité entre les femmes et les hommes. L’OMD visant à réduire de moitié le pourcentage de la population qui n’a pas accès de façon durable à l’eau potable devrait être atteint d’ici à 2015 mais environ 800 millions de personnes ne bénéficient toujours pas d’un accès à l’eau potable satisfaisant. Et la situation est encore plus préoccupante pour l’assainissement où cette composante de l’OMD ne sera certainement pas atteinte. De plus, les pressions quantitatives et qualitatives sur la ressource en eau augmentent avec la croissance démographique, l’évolution des régimes alimentaires et la croissance urbaine. Les changements climatiques devraient renforcer ces tensions en entraînant une répartition encore plus inégale de la ressource. Dans quinze ans, un tiers de la population mondiale pourrait vivre dans des régions en situation de stress hydrique.

Dans le domaine de l’eau et de l’assainissement, trois priorités sont retenues :

appuyer la définition de cadres sectoriels nationaux clairs et efficaces, comprenant des normes de qualité de l’eau ;

garantir l’exploitation et la gestion des ressources en eau de manière durable pour les utilisateurs ;

soutenir des services d’eau et d’assainissement performants et durables.

– Gouvernance et lutte contre la corruption

Les mouvements démocratiques au sud de la Méditerranée et les évolutions politiques en Afrique ont illustré récemment l’interdépendance entre gouvernance et développement. La France a mis l’accent sur ce lien, lors de sa présidence du G8 en 2011, en promouvant un pilier relatif à la gouvernance dans le partenariat de Deauville et en mentionnant les droits de l’homme et la gouvernance démocratique dans la déclaration conjointe G8/Afrique.

Par ailleurs, la transparence comptable, le respect des règles fiscales et la lutte contre l’évasion fiscale constituent des éléments indispensables pour promouvoir une contribution effective des entreprises et des États au développement des populations.

Pour avancer dans ce domaine, il est indispensable de renforcer les capacités administratives des partenaires et d’accorder l’attention nécessaire à l’accroissement de la qualité des ressources humaines des administrations nationales. C’est ainsi qu’il sera possible d’accompagner le développement des infrastructures et des cadres législatifs et réglementaires, ainsi que leur mise en œuvre, et de favoriser la présence des investisseurs.

S’agissant de la gouvernance financière, deux engagements ont été pris dans le cadre du G8 et du G20 :

la promotion de la transparence dans les industries extractives, illustrée notamment par l’adhésion de la France à l’initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE) ;

l’appui à la mobilisation des ressources domestiques pour le financement du développement, concrétisé par la poursuite de l’appui de la France au renforcement des capacités des administrations fiscales, grâce en particulier à l’initiative de l’OCDE « inspecteurs des impôts sans frontières » pour lutter contre la fraude et l’évasion fiscales internationales dans les pays en développement.

La lutte contre la corruption est également un élément essentiel à la mise en place d’États légitimes et efficaces pour assurer un développement durable. La France, signataire dans ce domaine de plusieurs conventions internationales, poursuit cet objectif.

La France s’engage à promouvoir la signature et la ratification des instruments juridiques internationaux de lutte contre la corruption auprès de ses partenaires.

– Mobilité, migration et développement

La politique de développement et la politique migratoire doivent être en cohérence. La France reconnaît le rôle des migrations dans le développement des pays partenaires, les migrants étant des acteurs à part entière du développement en y contribuant par leurs apports financiers, techniques et culturels.

L’articulation entre politique migratoire et politique de développement s’inscrit dans l’approche globale des migrations adoptée par le Conseil européen, en 2005, et mise en œuvre depuis lors par l’Union européenne, concernant, notamment, l’immigration légale, la lutte contre l’immigration irrégulière et la promotion de la contribution des migrants au développement de leur pays d’origine.

Sur ce dernier volet, la France appuie le renforcement du potentiel de solidarité et d’investissement des migrants ainsi que l’accroissement des capacités des pays partenaires à intégrer la migration dans leurs stratégies de développement. Cette approche a vocation à s’appliquer à tous les pays concernés.

– Commerce et intégration régionale

L’insertion progressive des pays en développement dans le commerce mondial constitue pour la France une priorité. Dans cette perspective, elle promeut la conclusion d’accords commerciaux bilatéraux fondés sur le juste échange et visant une meilleure insertion dans le commerce régional et international, des politiques d’aide au commerce et de facilitation des échanges, un soutien aux efforts de l’Union européenne en faveur du multilatéralisme via l’Organisation mondiale du commerce (OMC), une meilleure prise en compte des spécificités des pays les moins avancés (PMA) et des efforts attendus de la part des grandes économies émergentes dans le cadre du cycle de Doha. Compte tenu de l’importance d’une différenciation entre pays en développement, la France œuvre au renforcement du système de préférences généralisées en ciblant les pays qui en ont le plus besoin.

En la matière, la France a pris plusieurs engagements internationaux :

– Au sommet du G20 de Séoul des 11 et 12 novembre 2010, il a été décidé de progresser vers l’accès au marché sans droits de douane ni quotas pour les PMA et de maintenir, au-delà de 2011, les niveaux d’aide au commerce qui tiennent compte de la moyenne des années 2006 à 2008 ;

– Respecter les engagements financiers dans le domaine de l’aide au commerce. Accords de partenariat économique (APE) : au-delà de l’accès au marché accordé aux pays en développement dans le cadre du système des préférences généralisées de l’Union européenne, la France reste attachée à faire des APE un instrument au service du développement. Elle favorise une meilleure prise en compte des préoccupations de ses partenaires africains dans la négociation des APE régionaux afin que ces accords portent leurs fruits en termes d’intégration régionale et de développement.

1.4. Priorités géographiques : des partenariats différenciés

Le monde en développement connaît des disparités croissantes avec l’émergence de nouvelles puissances économiques et politiques, le dynamisme d’un grand nombre de pays d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine et la persistance d’États en situation de crise ou de vulnérabilité. Afin de faire le meilleur usage des ressources qu’elle consacre au développement et à la solidarité internationale, la France doit tirer les conséquences de cette hétérogénéité en adaptant ses objectifs et ses modalités d’intervention aux enjeux propres à chaque catégorie de pays. C’est pour répondre à cet objectif et tenir compte des priorités liées à sa géographie, son histoire, sa culture et sa langue, que la France met en œuvre des partenariats différenciés avec quatre catégories de pays. Dans ce cadre, la France définira, conjointement avec chacun de ses partenaires, trois secteurs de concentration prioritaire parmi les dix évoqués ci-dessus.

Les pays pauvres prioritaires

La France concentre son effort de solidarité en subventions et dons sur un nombre limité de pays pauvres prioritaires dont la liste a été établie par le CICID le 31 juillet 2013(1). Dans ces pays, la France mobilise ses instruments bilatéraux et multilatéraux au bénéfice de l’ensemble des objectifs de sa politique de développement, notamment : les OMD, le développement économique, la gouvernance démocratique, l’État de droit et la préservation du capital environnemental. La France consacre une attention particulière aux pays du Sahel qui nécessitent une approche globale et coordonnée de la part de l’ensemble des bailleurs de fonds. Pour atteindre ces objectifs, au moins la moitié des subventions de l’État seront concentrées dans les pays pauvres prioritaires. De son côté, l’AFD concentrera sur ces pays les deux tiers des subventions qu’elle verse.

L’Afrique et la Méditerranée

L’État concentrera au moins 85 % de son effort financier en faveur du développement en Afrique subsaharienne et dans les pays voisins du Sud et de l’Est de la Méditerranée.

– Les pays d’Afrique subsaharienne demeurent la priorité de la France. Cette région reste la dernière région du monde où la question du sous-développement se pose à l’échelle du continent. Elle rassemble la plupart des pays les plus mal classés au regard de l’indice du développement humain. Dans le même temps, l’économie de la plupart des pays du continent a fortement progressé. L’Afrique subsaharienne enregistre ainsi sur les dix dernières années un taux de croissance économique moyen largement supérieur à celui des pays de l’OCDE. L’analyse de moyen-long terme, au-delà des phénomènes conjoncturels, semble confirmer qu’un processus vertueux de croissance est enclenché dans un grand nombre de pays pauvres : accélération de la croissance économique, supérieure à la croissance démographique et autorisant une augmentation du revenu par habitant ; amélioration sensible de la stabilité macro-économique (baisse de l’endettement extérieur, décélération de l’inflation, réduction des déficits budgétaires et externes) ; forte réduction du taux de conflictualité et enracinement des processus démocratiques. Le partage de la langue française avec la majorité des pays d’Afrique subsaharienne est un atout que la France valorise dans le cadre de son action en faveur du développement de la région. La France interviendra dans tous les secteurs opportuns et mobilisera toute la gamme des instruments dont elle dispose – dons, aides budgétaires, prêts bonifiés ou non, souverains et non souverains, prises de participations, garanties et autres financements innovants – pour répondre de manière adaptée aux besoins de ces pays.

– Les pays du voisinage Sud et Est de la Méditerranée : cette région représente un enjeu essentiel, tant pour l’Europe que pour la France. Elle est confrontée à des défis sociaux et économiques importants : les Nations unies prévoient, d’ici vingt ans, 60 millions de jeunes supplémentaires à employer et donc à former, 75 millions de nouveaux urbains à accueillir, dans un environnement fragile et aux portes de l’Europe ; les bouleversements politiques en cours appellent un accompagnement et un effort accru en faveur du renforcement de la gouvernance ; la préservation de l’environnement, et en particulier de la mer Méditerranée, doit être assurée. La création d’un espace de stabilité politique et de prospérité économique, ainsi que la gestion concertée, entre les deux rives de la Méditerranée, de tous ces défis sont donc nécessaires. La politique de développement de la France visera à renforcer les tissus productifs locaux et le capital humain, à promouvoir la création d’emplois et l’aménagement du territoire, dans une perspective de durabilité, de développement mutuellement bénéfique et de co-localisation. La plupart de ces partenaires étant des pays à revenus intermédiaires, les concours financiers de l’État seront prioritairement des prêts, complétés par des actions en matière de formation comme de coopération culturelle, scientifique et technique. Conformément à la volonté marquée par le Président de la République de développer une « Méditerranée des projets », les interventions s’inscriront dans une logique euro-méditerranéenne, notamment en faveur de l’intégration régionale, et mobiliseront toutes les initiatives pertinentes : politique de voisinage de l’Union européenne, Union pour la Méditerranée, Assemblée parlementaire de la Méditerranée, dialogue 5+5 et partenariat de Deauville.

Les pays en crise et en sortie de crise ou en situation de fragilité

S’ils ne font pas partie des pays pauvres prioritaires, ces pays bénéficient d’une attention particulière. La prévention sera privilégiée à chaque fois que possible et, en cas de crise ouverte, une attention particulière sera apportée à la coordination de notre action : entre civils et militaires, entre acteurs publics et non gouvernementaux, entre la phase humanitaire et celle de retour au développement.

Les interventions de la France dans ce groupe de pays répondront prioritairement à leurs besoins en matière de développement humain, économique et d’approfondissement de l’État de droit et s’articuleront avec le rôle majeur de l’Union européenne dans la réponse aux crises et dans le soutien aux efforts des pays et des organisations régionales pour maintenir la paix. Des instruments souples, principalement des subventions, seront utilisés.

Le reste du monde

Dans le reste du monde, notamment l’Asie, l’Amérique latine et les Caraïbes, qui comptent majoritairement des pays à revenus intermédiaires à croissance rapide ou émergents, il s’agira d’aller au-delà du concept de l’aide qui n’est plus adapté à leur situation : la France aura pour objectif de rechercher des solutions partagées à des défis communs et d’associer ces pays à la coopération internationale en appui aux pays les plus pauvres. La France y interviendra pour promouvoir une « croissance verte et solidaire », en y favorisant notamment des partenariats économiques.

Le partenariat avec les « très grands émergents », qui mobilisera les acteurs français dans leur diversité, est essentiel pour renforcer le dialogue et préparer ensemble les négociations internationales sur les enjeux partagés. Il se fera sans coût financier pour l’État (hors expertise technique).

Les actions en matière de gouvernance démocratique, droits de l’homme, protection de l’enfance, égalité entre les femmes et les hommes et assistance technique seront, quant à elles, possibles dans l’ensemble des pays d’intervention.

Dans un monde en mouvement, où la situation de chaque pays évolue rapidement, le secrétariat du CICID réexaminera chaque année les partenariats différenciés.

1.5. Pilotage de la politique de développement et de solidarité internationale

En cohérence avec les principes généraux affirmés dans la présente loi, les orientations de la politique de développement et de solidarité internationale peuvent être actualisées, en tant que de besoin et après consultation du CNDSI et des commissions permanentes compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat, par le CICID qui rassemble, sous la présidence du Premier ministre, l’ensemble des ministres concernés. Dans les six mois suivant le Sommet de l’ONU prévu en septembre 2015, le CICID actualise ces orientations pour tenir compte des objectifs qui succèderont aux objectifs du millénaire pour le développement.

Le ministère des affaires étrangères, le ministère chargé de l’économie et des finances, l’AFD, ainsi que les autres ministères et opérateurs de l’État susceptibles de mettre en place des actions de développement et de solidarité internationale veillent constamment à ce que les actions qu’ils mènent dans leurs champs de compétences respectifs soient cohérentes avec les autres actions menées par l’État. Le CICID fixe le cadre général des interventions de l’État et l’articulation entre les différentes politiques et les différents acteurs. À cette fin, il se réunit annuellement.

L’affectation des moyens de l’aide est encadrée par les partenariats différenciés. Au sein de chaque catégorie de partenariats, la répartition des ressources et le choix des modalités d’intervention selon les pays sont effectués en prenant en compte les besoins mais également les capacités des pays. Le CICID a, par ailleurs, décidé de lancer une étude sur la faisabilité d’un dispositif d’allocation de l’aide qui permette de mieux tenir compte des efforts des pays partenaires en matière de performance économique et de gouvernance.

La mesure de la qualité des interventions et l’appréciation de leurs résultats est une exigence démocratique, tant en France, à l’égard du Parlement et de la société civile, que vis-à-vis des populations et des autorités des pays bénéficiaires. Cette analyse des résultats est également indispensable pour améliorer la pertinence et l’efficacité des opérations, responsabiliser les acteurs chargés de leur mise en œuvre et permettre d’apprendre des expériences passées.

Les services d’évaluation de l’aide aujourd’hui placés auprès de la direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats du ministère des affaires étrangères, de la direction générale du Trésor du ministère de l’économie et des finances et de l’AFD seront regroupés dans un organisme unique, indépendant de ces acteurs et ayant accès à l’ensemble des informations lui permettant d’exercer sa mission. Cet observatoire de la politique de développement et de solidarité internationale permettra à la fois une mutualisation et une rationalisation des moyens et une évaluation neutre des programmes menés par la France. Il comprend onze membres, désignés pour un mandat de trois ans, renouvelable. à l’exception du collège parlementaire qui désigne deux députés et deux sénateurs de manière à assurer une représentation pluraliste, les sept autres collèges du CNDSI délèguent chacun un membre pour siéger au sein de l’observatoire, qui est présidé alternativement par un député et un sénateur. Ses travaux doivent également, à terme, permettre de mieux définir ex ante la pertinence de ces programmes. Cet observatoire transmet son programme pluriannuel de travail aux commissions permanentes compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat. Le rapport mentionné à l’article 10 de la présente loi inclut une synthèse des évaluations qu’il réalise.

En outre, en conformité avec les engagements de la Déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide au développement du 2 mars 2005, la France a renforcé depuis 2008 les évaluations conjointes avec ses partenaires européens et internationaux.

Parmi les éléments contribuant aux évaluations menées aux niveaux national et international et dans un souci de transparence et de pédagogie, des indicateurs de résultats ex post de l’aide bilatérale et multilatérale, dont ceux présentés dans l’annexe 2 du présent rapport, permettent de mieux suivre les résultats obtenus. Les résultats de ces indicateurs sont complétés annuellement et publiés dans le rapport bisannuel transmis par le Gouvernement au Parlement. La pertinence des indicateurs est régulièrement évaluée par le CNDSI et la Commission nationale de la coopération décentralisée qui peuvent proposer de les modifier. Les indicateurs mentionnés dans la stratégie « genre et développement » contribuent également à l’évaluation de la politique de développement et de solidarité internationale.

Les évaluations de la politique de développement et de solidarité internationale veillent à prendre en compte les retours d’expérience des bénéficiaires de l’aide.

Les résultats des principales organisations multilatérales auxquelles la France contribue font également l’objet de rapports réguliers au regard de leur impact sur les secteurs jugés prioritaires par la France.

Le Gouvernement transmet tous les deux ans au Parlement un rapport sur la politique de développement et de solidarité internationale ; il est également transmis au CNDSI et à la Commission nationale de la coopération décentralisée. Il vise à apprécier de manière globale la politique menée par la France en la matière. Pour cela, il comprend en particulier : la synthèse des évaluations réalisées au cours des deux années précédentes ; les résultats des indic

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je donne la parole à M. Robert del Picchia, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

(Sourires.) J’en profite pour le remercier à mon tour de l’ensemble du travail qu’il a accompli au Sénat.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

En réalité, ayant déjà eu l’occasion d’expliquer mon vote, je tenais plutôt à m’excuser auprès de Jean-Claude Peyronnet, que je n’ai pas cité lors de mon intervention à la tribune : c’est que, l’espace d’un instant, j’avais oublié son prénom ! Mais il ne fait guère de doute que ce texte et donc le prénom de notre collègue resteront dans l’histoire ! §

Debut de section - Permalien
Harlem Désir

Je voudrais à mon tour remercier Jean-Claude Peyronnet, Christian Cambon et l’ensemble des sénatrices et des sénateurs. Ce texte restera effectivement dans l’histoire, car c’est la première fois qu’un projet de loi sur la politique de développement de la France est ainsi soumis au Parlement.

Je m’associe bien entendu à l’hommage que vient de rendre Christian Cambon à Jean-Claude Peyronnet, mais je voudrais aussi remercier l’ensemble des groupes.

En effet, sur un sujet comme celui-ci, qui concerne la voix de la France dans le monde et les objectifs de notre politique en direction des pays en développement, il est important que les groupes puissent se rassembler, par-delà les clivages partisans habituels, même s’il subsiste quelques points de débat.

Au nom d’Annick Girardin, de Laurent Fabius et du gouvernement de Manuel Valls tout entier, je renouvelle nos remerciements à la Haute Assemblée, pour avoir contribué à l’élaboration d’un texte qui rendra notre politique de développement plus efficace, plus cohérente, mieux évaluée et plus conforme aux valeurs que nous défendons dans le monde.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Personne ne demande plus la parole ?...

Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix l’ensemble du projet de loi d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire.

Le projet de loi est définitivement adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Mes chers collègues, l’ordre du jour de cet après-midi étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente, pour le débat préalable à la réunion du Conseil européen des 26 et 27 juin 2014.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-huit heures quinze, est reprise à vingt-et-une heures trente-cinq, sous la présidence de M. Jean-Pierre Raffarin.