Mission d'information Gestion de l'eau

Réunion du 28 mars 2023 à 14h40

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • agences de l'eau
  • eau
  • réseaux
  • usage

La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Gillé

Merci d'avoir répondu à notre invitation pour échanger sur l'eau dans le cadre de la mission d'information transpartisane, constituée à l'initiative du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, et dont je suis le rapporteur.

Notre objectif est d'entendre les experts et les parties prenantes du « grand » comme du « petit » cycle de l'eau, pour évaluer la pertinence de la politique de l'eau telle qu'elle est actuellement pilotée et financée dans le contexte du changement climatique. Nos travaux devraient se dérouler jusqu'à mi-juillet.

Dans ce temps court, nous sommes preneurs de votre retour d'expérience, de votre analyse et de vos propositions pour nous aider à répondre à quelques questions fondamentales : les objectifs de la politique de l'eau sont-ils adaptés ? Les instruments juridiques, organisationnels, réglementaires, ou encore financiers de la politique de l'eau sont-ils efficaces ? Le cadre fixé par les grandes lois sur l'eau de 1964, 1992 et 2006 doit-il évoluer ? Quels sont les changements à apporter pour mieux gérer l'eau sur notre territoire ?

S'agissant plus précisément des collectivités locales, estimez-vous que les objectifs de la politique publique de l'eau sont clairs et bien hiérarchisés ? Le rôle de l'État est-il suffisamment lisible et identifié par les élus locaux ? La répartition des responsabilités entre acteurs institutionnels est-elle intelligible ? La territorialisation des enjeux liés à l'eau est-elle, selon vous, perfectible ? Comment améliorer la cohérence entre les échelons de gestion administrative et les périmètres hydrologiques ? Les relations entre les collectivités territoriales et les agences de l'eau sont-elles de bonne qualité et fondées sur une confiance réciproque ?

Au-delà de la santé, de la salubrité publique, de la sécurité civile et de l'alimentation en eau potable de la population, la gestion durable et équilibrée de la ressource en eau vise à concilier un grand nombre d'objectifs, parfois contradictoires à l'échelle d'un territoire donné. Les collectivités territoriales font-elles face à des difficultés particulières pour atteindre simultanément l'ensemble de ces objectifs ? Compte tenu de la raréfaction croissante des ressources, la conciliation des usages vous paraît-elle correctement assurée en cas de tension hydrique ? Si ce n'est pas le cas, quelles modifications législatives, réglementaires ou administratives convient-il d'envisager pour prévenir et résoudre les conflits d'usages ?

Debut de section - Permalien
Christian Métairie, maire d'Arcueil, coprésident de la commission « transition écologique » de l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité

Je précise d'emblée que je suis un élu, représentant de l'Association des maires de France, et non un expert de l'eau à proprement parler. À ce titre, et bien que vos questions s'adressent à tous les niveaux de collectivité territoriale, je me contenterai de répondre au nom du bloc communal, me faisant le relais de l'association à chaque fois qu'un point de vue institutionnel a été arrêté sur l'une ou l'autre de vos interrogations.

Notons tout d'abord que la question de l'eau s'impose de plus en plus dans le débat public. Je citerai l'exemple du plan « Eau », qui est vraiment au coeur de l'actualité, et que le ministre de la transition écologique devrait présenter jeudi prochain.

Pour l'ensemble des maires de France, les enjeux relatifs à la gestion de l'eau sont de plus en plus importants. Hélas, on est conduits à apporter des réponses dans l'urgence alors que les solutions à proposer pour mieux gérer l'eau sont de long terme. La prise de conscience de la problématique de l'eau est d'autant plus difficile que la très grande majorité des Français a aujourd'hui un accès facile à une eau de bonne qualité. Au quotidien, les usagers de l'eau s'adressent en priorité à leur maire en cas de pénurie. Les autres niveaux de collectivités ne sont pas autant sollicités. Or les communes ne sont pas associées à la gestion des agences de l'eau...

Debut de section - Permalien
Christian Métairie, maire d'Arcueil, coprésident de la commission « transition écologique » de l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité

C'est un simple constat : les départements, par exemple, sont associés à la gouvernance des agences de l'eau qui jouent un rôle essentiel de régulation, d'accompagnement financier et de réglementation ; ce n'est en revanche pas le cas du bloc communal. Il pourrait s'agir là d'une piste à creuser.

Face à une très grande diversité de situations - quoi de commun entre Paris et ses 2 millions d'habitants et certaines communes isolées ? -, nous plaidons pour une forme de souplesse, pour une adaptation des règles à respecter et des découpages institutionnels, lesquels ne recoupent pas forcément les bassins hydrographiques d'aujourd'hui. Il convient de favoriser une répartition des compétences adaptée à cette disparité.

Si, jusqu'à récemment, l'eau était une compétence strictement municipale, sa gestion était exercée en réalité au niveau intercommunal, situation assez logique, car le bon sens conduit naturellement à une forme de coopération et de solidarité entre communes. À cet égard, la réglementation actuelle pose question. Nous sommes favorables à davantage de souplesse, dans un cadre clairement défini, pour tenir compte des structures intercommunales existantes. Cela permettrait d'apporter la meilleure réponse possible à une problématique très différente selon les territoires. Les communes auront leur place à trouver dans ce nouveau paysage institutionnel : elles ont sans doute un rôle prédominant à jouer en termes de communication et de sensibilisation sur le thème de l'eau, la difficulté à laquelle nous faisons face étant que nous consommons davantage que ce que nous sommes en mesure de produire.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Gillé

Vous avez raison, les citoyens doivent devenir les coacteurs de la gestion de l'eau.

Les agences de l'eau sont pour la plupart organisées à l'échelle des comités de bassin ; elles disposent même parfois d'une délégation départementale. Souhaiteriez-vous une plus grande différenciation de leurs interventions selon les territoires ?

Que pensez-vous de la volonté de certaines collectivités de développer les interconnexions pour sécuriser leurs ressources en eau, dynamique qui suppose d'encourager les accords entre les maîtres d'ouvrage concernés ? Quel est par ailleurs votre point de vue sur la baisse de la participation financière des agences de l'eau en faveur du renouvellement des réseaux ?

Debut de section - Permalien
Christian Métairie, maire d'Arcueil, coprésident de la commission « transition écologique » de l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité

L'implication des maires dans la gouvernance des agences de l'eau permettrait à ces dernières de porter un regard un peu différent sur certains besoins exprimés par les élus locaux. Elles fixent une orientation générale, qui permet de mener à bien les travaux de sécurisation des réseaux ; elles jouent un autre rôle très important, celui de financer les projets des collectivités dans un cadre pluriannuel, certes judicieux, mais quelque peu restrictif, car certaines initiatives peuvent prendre fin du jour au lendemain. Malheureusement, les agences définissent parfois un cadre trop rigide, qui ne permet pas toujours de tenir compte de problématiques locales. Je peux le comprendre, mais je le regrette. Je précise enfin que nous prônons la souplesse, mais que cela ne signifie pas pour autant que nous sommes en faveur du laisser-faire.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Gillé

Quelle est votre appréciation de l'intercommunalisation de l'eau et de l'assainissement prévue par le législateur d'ici à 2026 ? Souhaiteriez-vous que la souplesse perdure ?

Debut de section - Permalien
Christian Métairie, maire d'Arcueil, coprésident de la commission « transition écologique » de l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité

Je suis pour une souplesse contrôlée. Nous ne sommes pas opposés à une clarification des compétences, mais il faut réglementer de manière différenciée, au moins pour ce qui est du calendrier. Afin que les choses se passent au mieux et que cette réforme soit acceptée par les élus, il serait peut-être judicieux de revenir sur le caractère obligatoire du transfert de compétences et de maintenir la majorité des deux tiers requise jusqu'ici.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Gillé

Selon quelles modalités les réseaux sont-ils généralement administrés par les collectivités ? Comment jugez-vous ces différents modes de gestion : gestion au travers d'une délégation ou d'une concession de service public, régie, affermage ? Quelles sont vos préconisations en la matière ?

Debut de section - Permalien
Christian Métairie, maire d'Arcueil, coprésident de la commission « transition écologique » de l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité

L'AMF ne peut pas donner son point de vue sur un sujet qui relève de la libre administration des collectivités locales ; en revanche, il nous semble primordial que les collectivités publiques, quel que soit le mode de gestion retenu, aient une bonne maîtrise du service rendu. Durant plusieurs dizaines d'années, la question de l'eau a été fortement délaissée par les élus. Les communes ont alors souvent délégué cette compétence, soit à des syndicats intercommunaux, soit à des délégataires. Bref, elles ne s'en sont pas suffisamment préoccupées, tout simplement parce qu'il n'y avait pas de pénurie à déplorer. La situation a changé : sécheresses et pollutions incitent les collectivités à s'emparer de nouveau de cette problématique pour garantir un meilleur contrôle de cette ressource à leurs administrés.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Gillé

Estimez-vous que les communes disposent des instruments et de l'ingénierie suffisante pour évaluer et contrôler la gestion des ressources en eau ? Quel regard portez-vous sur les agences de l'eau à ce titre ? Certains départements ont mis en place des structures d'accompagnement, afin d'aider les collectivités : sont-elles appréciées des communes ?

Debut de section - Permalien
Christian Métairie, maire d'Arcueil, coprésident de la commission « transition écologique » de l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité

Les situations sont très disparates. Certaines collectivités, dont la taille critique est suffisante, exercent sans difficulté leurs missions d'évaluation et de contrôle du service local de l'eau. D'autres communes et intercommunalités de petite taille n'ont en revanche ni les compétences ni l'ingénierie qui leur permettraient de le faire. D'une manière générale, il serait intéressant de créer des outils d'évaluation communs à toutes les collectivités pour les aider à améliorer leurs actions dans ce domaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Gillé

À l'avenir, les aides publiques pourraient dépendre de la qualité de l'évaluation et de la prospective des maîtres d'ouvrage, ainsi que d'une évaluation de leurs capacités financières. Qu'en pensez-vous ?

Debut de section - Permalien
Christian Métairie, maire d'Arcueil, coprésident de la commission « transition écologique » de l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité

En règle générale, pour une collectivité, quelle qu'elle soit, les besoins d'investissement dans les réseaux d'assainissement et d'eau potable sont très importants, d'autant plus que les problèmes sont souvent traités avec retard, parce que les réseaux sont enterrés et les fuites difficiles à repérer. Il conviendrait d'améliorer le suivi des réseaux et de mieux accompagner les collectivités, notamment les plus petites, pour plus d'efficacité. Pour conclure sur ce point, je dirai que les subventions accordées aux communes doivent évidemment être correctement utilisées, ce qui implique une évaluation et une mesure de l'efficacité de la gestion de la ressource en eau.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

Quelles priorités l'AMF a-t-elle identifiées pour faire face aux sécheresses successives et aux pénuries d'eau, et pour répondre à la question des usages et de la qualité de l'eau ? Quels sont les écueils à éviter en termes de production et de gestion de cette ressource ?

Debut de section - Permalien
Christian Métairie, maire d'Arcueil, coprésident de la commission « transition écologique » de l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité

Chacun reconnaît aujourd'hui que la situation est grave. S'agissant de sa production, la problématique tient surtout à l'état initial de l'eau : plus celle-ci est polluée, pour différentes raisons, plus il est difficile, voire impossible pour la collectivité de la traiter - certaines nappes phréatiques sont de ce fait inutilisables aujourd'hui. Une évolution des normes régissant la qualité de l'eau serait souhaitable : il est absurde d'autoriser l'usage de certains produits, et d'imposer ensuite aux seules collectivités le traitement des cours d'eau pollués par lesdits produits, sans aucune compensation financière. Ce n'est pas aux collectivités de régler la facture. Pour notre part, nous sommes attachés au principe selon lequel l'eau paie l'eau. À cet égard, nous relevons aujourd'hui une véritable contradiction.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Gillé

Comment garantir le respect du principe selon lequel la biodiversité paie la biodiversité ainsi que la règle pollueur-payeur ?

Debut de section - Permalien
Christian Métairie, maire d'Arcueil, coprésident de la commission « transition écologique » de l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité

On pourrait imaginer un système de bonus-malus, le malus étant appliqué aux activités dont les conséquences sont négatives pour les ressources en eau, le bonus étant attribué à ceux qui font des efforts pour éviter toute forme de pollution. À mon sens, une politique efficace en matière de préservation de l'eau passe par une bonne communication et par une plus grande prise de conscience des consommateurs, car les actions individuelles ont des effets concrets sur le résultat collectif. Il faut souligner l'intérêt des différentes campagnes de sensibilisation menées ces dernières années - je pense aux messages incitant nos concitoyens à prendre une douche plutôt qu'un bain, ou à ne plus faire couler l'eau du robinet inutilement. Pour autant, cela reste insuffisant : de nombreuses initiatives restent à prendre, au niveau de la fréquence de lavage des voitures ou du nettoyage des piscines, par exemple. Il faut aussi réfléchir au possible réemploi de l'eau récupérée sur les toitures pour alimenter les réseaux sanitaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Gillé

Ces pistes sont intéressantes. Les modalités de réutilisation des eaux usées font au demeurant partie des éléments de réflexion de notre mission.

Avez-vous mené une étude sur la structure du prix des services de l'eau et de l'assainissement ? Que pensez-vous de la tarification sociale, progressive, saisonnière, en somme d'une tarification différenciée en fonction du niveau de consommation et de son usage ?

Debut de section - Permalien
Christian Métairie, maire d'Arcueil, coprésident de la commission « transition écologique » de l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité

L'AMF n'a pas encore adopté de position sur le sujet. La tarification est un levier intéressant pour obliger les usagers à consommer moins et mieux. Souvenons-nous qu'il y a cent ans un Français consommait dix litres d'eau par jour, tandis qu'il y a dix ans il en consommait cent ! Précision utile, les services publics sont eux-mêmes consommateurs d'eau : il leur appartient par conséquent de réfléchir à un usage davantage proportionné de cette ressource, pour nettoyer les rues ou arroser les stades, pour ne citer que ces exemples.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Gillé

Notre mission réfléchit à une possible amélioration de la gestion des situations de crise. Il conviendrait, selon nous, de différencier les territoires en fonction des usages et des investissements consentis.

Quel bilan tirez-vous du transfert de la compétence relative à la gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (GEMAPI) aux intercommunalités ? Plaidez-vous pour des évolutions de son financement ou de sa mise en oeuvre ?

Nous considérons qu'il faudrait davantage inscrire la gestion de l'eau dans les politiques d'urbanisme. D'après vous, les documents de planification et d'urbanisme actuels, en particulier les schémas de cohérence territoriale (SCoT), intègrent-ils suffisamment la dimension hydrologique des territoires qu'ils couvrent ? Comment améliorer la gestion du fil de l'eau dans le cadre des plans locaux d'urbanisme (PLU) et des plans locaux d'urbanisme intercommunaux (PLUi), de sorte à aboutir à une meilleure perméabilisation des sols et à une meilleure utilisation des eaux pluviales ?

Debut de section - Permalien
Christian Métairie, maire d'Arcueil, coprésident de la commission « transition écologique » de l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité

Une meilleure prise en considération des thématiques hydrologiques dans les documents d'urbanisme est en effet souhaitable, d'autant que, si l'on n'y prend pas garde, les objectifs en matière d'urbanisme et de gestion de l'eau peuvent entrer en contradiction. Je pense notamment aux schémas d'aménagement et de gestion de l'eau (SAGE) qui présentent l'intérêt de définir des règles assez précises pour être intégrées dans les PLU.

S'agissant du transfert de la GEMAPI aux intercommunalités, je n'ai pas d'avis circonstancié sur la question.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylviane Noël

L'AMF est-elle favorable à la réutilisation des eaux usées traitées ? Comment expliquez-vous la municipalisation croissante du service de l'eau ?

Debut de section - Permalien
Christian Métairie, maire d'Arcueil, coprésident de la commission « transition écologique » de l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité

La réutilisation des eaux usées est une solution de bon sens. Cela étant, cette pratique peut avoir un certain nombre de conséquences sur le fonctionnement des stations d'épuration. C'est pourquoi un travail nécessitant une réelle expertise reste à mener sur ce sujet.

Pour ce qui est des raisons de l'essor de la gestion de l'eau en régie, je ne peux que formuler une hypothèse : le souhait actuel des communes est de parvenir à mieux maîtriser leur production d'eau potable.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Gillé

Pour garantir leur approvisionnement en eau, les grandes agglomérations et les métropoles expriment le besoin de créer des solidarités de bassin, ce qui suppose de proposer des contreparties à des communes de plus petite taille : qu'en pensez-vous ?

Debut de section - Permalien
Christian Métairie, maire d'Arcueil, coprésident de la commission « transition écologique » de l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité

À l'évidence, la question de la solidarité est fondamentale en la matière : face au risque de pénurie, il faut absolument que les collectivités partagent l'eau. La question des interdépendances en termes de ressources se pose aujourd'hui avec une intensité inédite.