Séance en hémicycle du 10 mai 2023 à 15h00

Résumé de la séance

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Sommaire

La séance

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La séance est ouverte à quinze heures.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Madame la Première ministre, mesdames, messieurs les ministres, c'est avec une vive émotion que nous avons appris le décès du journaliste de l'Agence France-Presse (AFP) Arman Soldin, tué hier après-midi lors d'un bombardement dans l'Est de l'Ukraine. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mme la Première ministre et Mmes et MM. les ministres, se lèvent.)

Ce jeune homme de 32 ans risquait sa vie chaque jour au cœur du conflit pour nous informer.

Au nom du Sénat tout entier, je présente nos condoléances à sa famille et à ses proches et je veux assurer de notre soutien l'ensemble des journalistes et techniciens qui exercent leur métier dans des circonstances particulièrement difficiles pour nous informer.

C'est avec une émotion aussi vive que nous avons appris l'attaque abjecte perpétrée à la synagogue de la Ghriba, à Djerba en Tunisie, qui a coûté la vie à quatre personnes, dont l'un de nos compatriotes, Benjamin Haddad. Nos pensées vont aux familles des victimes et à leurs proches. (

La parole est à Mme la Première ministre.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. Madame la Première ministre, mesdames, messieurs les ministres, c’est avec une vive émotion que nous avons appris le décès du journaliste de l’Agence France-Presse (AFP) Arman Soldin, tué hier après-midi lors d’un bombardement dans l’est de l’Ukraine.

Debut de section - Permalien
Elisabeth Borne, Première ministre

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite à mon tour, au nom du Gouvernement, exprimer toute mon émotion et ma solidarité après le décès, hier, en Ukraine, du journaliste Arman Soldin, qui couvrait le conflit pour l'AFP.

Mes premières pensées vont à sa famille et à ses proches. Elles vont à ses collègues de l'Agence France-Presse. Elles vont à tous les journalistes.

Arman Soldin accomplissait son métier, sa passion, sa vocation. Il est tombé parce qu'il voulait faire connaître des faits. Il est tombé parce qu'il croyait que le devoir d'informer ne doit reculer devant rien. Le journalisme, la presse libre sont essentiels pour nos concitoyens et notre démocratie.

Dans cet hémicycle, à mon tour, je veux rendre hommage à Arman Soldin.

Je veux également exprimer toute mon émotion après l'attentat qui s'est déroulé en Tunisie et toute ma solidarité aux proches des victimes.

Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mme la Première ministre et Mmes et MM. les ministres, se lèvent.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Je vous remercie de vos propos, madame la Première ministre.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Ce jeune homme de 32 ans risquait sa vie chaque jour au cœur du conflit pour nous informer.

Au nom du Sénat tout entier, je présente nos condoléances à sa famille et à ses proches et je veux assurer de notre soutien l’ensemble des journalistes et techniciens qui exercent leur métier dans des circonstances particulièrement difficiles pour nous informer.

C’est avec une émotion aussi vive que nous avons appris l’attaque abjecte perpétrée à la synagogue de la Ghriba, à Djerba en Tunisie, qui a coûté la vie à quatre personnes, dont l’un de nos compatriotes, Benjamin Haddad. Nos pensées vont aux familles des victimes et à leurs proches.

Photo de Gérard Larcher

L'ordre du jour appelle les réponses à des questions d'actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Au nom du bureau du Sénat, j'appelle chacun de vous, mes chers collègues, à observer au cours de nos échanges l'une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, qu'il s'agisse du respect des uns et des autres ou de celui du temps de parole.

Photo de Gérard Larcher

La parole est à Mme la Première ministre.

Elisabeth Borne

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite à mon tour, au nom du Gouvernement, exprimer toute mon émotion et ma solidarité après le décès, hier, en Ukraine, du journaliste Arman Soldin, qui couvrait le conflit pour l’AFP.

Mes premières pensées vont à sa famille et à ses proches. Elles vont à ses collègues de l’Agence France-Presse. Elles vont à tous les journalistes.

Arman Soldin accomplissait son métier, sa passion, sa vocation. Il est tombé parce qu’il voulait faire connaître des faits. Il est tombé parce qu’il croyait que le devoir d’informer ne doit reculer devant rien. Le journalisme, la presse libre sont essentiels pour nos concitoyens et notre démocratie.

Dans cet hémicycle, à mon tour, je veux rendre hommage à Arman Soldin.

Je veux également exprimer toute mon émotion après l’attentat qui s’est déroulé en Tunisie et toute ma solidarité aux proches des victimes.

Photo de Xavier Iacovelli

Ma question s'adresse à Mme la ministre déléguée auprès du ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion et du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, chargée de l'enseignement et de la formation professionnels.

Après la réforme de l'apprentissage, le Président de la République a réaffirmé récemment aux Français son engagement de transformer la voie professionnelle.

Actuellement, dans notre pays, un tiers des lycéens sont scolarisés en lycée professionnel, soit 620 000 jeunes. Or un tiers d'entre eux n'arrive pas jusqu'au bac. Une proportion très importante de ceux qui l'obtiennent n'entre pas sur le marché du travail ; d'autres se dirigent vers des études supérieures, mais, pour la moitié d'entre eux, ne décrochent pas de diplôme.

Nous sommes donc face à une situation qui est loin d'être satisfaisante. Parallèlement, certains métiers ont du mal à recruter et ne trouvent plus de jeunes.

La souveraineté industrielle, numérique et énergétique nécessite aussi de placer le lycée professionnel au centre de nos enjeux de formation et de repenser le parcours des lycéens.

Le lycée professionnel doit donc redevenir, d'une part, un choix pour la plupart des jeunes à la recherche de métiers d'avenir et, d'autre part, une solution pour les entreprises qui doivent s'adapter aux grandes transitions économiques en cours et à venir.

En faisant évoluer l'offre de formations proposée par les lycées, nous redonnerons du sens à la valeur travail et préparerons les compétences de demain, en adéquation bien sûr avec les aspirations des jeunes, de leur temps et du monde dans lequel ils vivent.

Nos territoires, avec leurs spécificités et leurs bassins d'emploi, doivent également être associés au cœur de cette réforme. Tel devrait être le cas notamment pour la révision de la carte des formations. C'est là aussi une question d'égalité des chances.

Il est donc temps de faire en sorte que le lycée professionnel, avant d'être une filière d'excellence, devienne une véritable filière d'avenir.

Aussi, madame la ministre, quelles sont les intentions du Gouvernement concernant la réforme de la carte des formations, au vu des enjeux économiques de demain, mais aussi des spécificités de nos territoires ? §

Photo de Gérard Larcher

Je vous remercie de vos propos, madame la Première ministre.

Photo de Gérard Larcher

La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement et de la formation professionnels.

Carole Grandjean, ministre déléguée auprès du ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion et du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, chargée de l'enseignement et de la formation professionnels

Monsieur le sénateur Xavier Iacovelli, la réforme du lycée professionnel présentée par le Président de la République la semaine dernière répond à votre souhait que le lycée professionnel soit une voie de choix, une voie de réussite pour tous, pour les élèves, bien sûr, afin de les former aux compétences dont notre pays aura besoin dans le futur, comme pour les enseignants, à qui il doit offrir de bonnes conditions de travail. Tel est bien le sens que nous avons voulu donner à cette réforme.

Pour ce faire, nous lutterons contre le décrochage et accompagnerons les élèves fragiles, pour qu'ils réussissent mieux dans leur parcours scolaire. Nous favoriserons également leur insertion professionnelle et la poursuite de leurs études. Enfin, nous valoriserons, dans tout le pays, ces filières stratégiques.

Au fond, ce que nous souhaitons, c'est un changement d'image de la voie professionnelle. Il est à notre portée si nous mettons en œuvre les conditions de la réussite et si cette filière offre de réelles perspectives aux jeunes.

Nous nous apprêtons ainsi à ouvrir de nouvelles formations d'avenir, en augmentant le nombre de places dans certaines filières, notamment dans les secteurs de l'énergie, de l'écologie, du numérique, mais aussi des soins. En revanche, nous fermerons des formations dont les taux d'insertion ou de poursuite d'études réussies ne sont pas satisfaisants.

Le lycée professionnel doit devenir une filière de réussite stratégique pour la préparation des compétences de la Nation. Bien que chaque territoire soit spécifique, sept des dix métiers les plus recherchés sont communs à l'ensemble des territoires.

Nous réaliserons un investissement inédit pour accompagner l'évolution de la carte des formations. Par ailleurs, avec un milliard d'euros supplémentaires par an, nous permettrons aux lycées professionnels de travailler sur la pédagogie.

Nous investirons également, via le plan France 2030, pour améliorer les plateaux techniques, en concertation avec les régions, former les professeurs, accroître l'attractivité de ces filières et organiser une dynamique pour les lycées professionnels. §

Photo de Gérard Larcher

L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Au nom du bureau du Sénat, j’appelle chacun de vous, mes chers collègues, à observer au cours de nos échanges l’une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, qu’il s’agisse du respect des uns et des autres ou de celui du temps de parole.

Photo de David Assouline

Monsieur le ministre de l'intérieur, nous avons été choqués que vous ayez laissé se dérouler une manifestation non loin d'ici, en plein Paris, à la veille de la commémoration de la libération du joug nazi en Europe, manifestation dont les organisateurs et les participants comptent des proches de Marine Le Pen et ont menacé journalistes et badauds. Ils se réclament de l'idéologie nazie et pétainiste, appellent à abattre la République et incitent explicitement à la haine raciste et antisémite.

Nous avons ensuite été stupéfiés d'apprendre que le préfet de police, la Première ministre et des ministres avaient justifié un tel laisser-faire.

Comment ont-ils pu affirmer que cette manifestation ne constituait pas un trouble à l'ordre public et, dans le même temps, interdire des manifestations syndicales, au prétexte qu'on y faisait du bruit avec des casseroles ?

Je vous remercie, monsieur le ministre de l'intérieur – une fois n'est pas coutume ! – d'avoir recadré le Gouvernement, jusqu'à Mme la Première ministre, en ordonnant aux préfets d'interdire ce type de manifestations.

Vous le savez, le GUD, le Groupe union défense, qui était à la manœuvre lors de cette manifestation, s'est reconstitué en 2022. Avec d'autres, nous vous demandons une nouvelle dissolution de ce groupe.

Par ailleurs, comptez-vous engager des poursuites pour reconstitution de ligue dissoute ?

Photo de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Photo de Gérard Larcher

La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la citoyenneté.

Photo de Xavier Iacovelli

Ma question s’adresse à Mme la ministre déléguée auprès du ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion et du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, chargée de l’enseignement et de la formation professionnels.

Après la réforme de l’apprentissage, le Président de la République a réaffirmé récemment aux Français son engagement de transformer la voie professionnelle.

Actuellement, dans notre pays, un tiers des lycéens sont scolarisés en lycée professionnel, soit 620 000 jeunes. Or un tiers d’entre eux n’arrive pas jusqu’au bac. Une proportion très importante de ceux qui l’obtiennent n’entre pas sur le marché du travail ; d’autres se dirigent vers des études supérieures, mais, pour la moitié d’entre eux, ne décrochent pas de diplôme.

Nous sommes donc face à une situation qui est loin d’être satisfaisante. Parallèlement, certains métiers ont du mal à recruter et ne trouvent plus de jeunes.

La souveraineté industrielle, numérique et énergétique nécessite aussi de placer le lycée professionnel au centre de nos enjeux de formation et de repenser le parcours des lycéens.

Le lycée professionnel doit donc redevenir, d’une part, un choix pour la plupart des jeunes à la recherche de métiers d’avenir et, d’autre part, une solution pour les entreprises qui doivent s’adapter aux grandes transitions économiques en cours et à venir.

En faisant évoluer l’offre de formations proposée par les lycées, nous redonnerons du sens à la valeur travail et préparerons les compétences de demain, en adéquation bien sûr avec les aspirations des jeunes, de leur temps et du monde dans lequel ils vivent.

Nos territoires, avec leurs spécificités et leurs bassins d’emploi, doivent également être associés au cœur de cette réforme. Tel devrait être le cas notamment pour la révision de la carte des formations. C’est là aussi une question d’égalité des chances.

Il est donc temps de faire en sorte que le lycée professionnel, avant d’être une filière d’excellence, devienne une véritable filière d’avenir.

Aussi, madame la ministre, quelles sont les intentions du Gouvernement concernant la réforme de la carte des formations, au vu des enjeux économiques de demain, mais aussi des spécificités de nos territoires ?

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Iacovelli

Ma question s’adresse à Mme la ministre déléguée auprès du ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion et du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, chargée de l’enseignement et de la formation professionnels.

Après la réforme de l’apprentissage, le Président de la République a réaffirmé récemment aux Français son engagement de transformer la voie professionnelle.

Actuellement, dans notre pays, un tiers des lycéens sont scolarisés en lycée professionnel, soit 620 000 jeunes. Or un tiers d’entre eux n’arrive pas jusqu’au bac. Une proportion très importante de ceux qui l’obtiennent n’entre pas sur le marché du travail ; d’autres se dirigent vers des études supérieures, mais, pour la moitié d’entre eux, ne décrochent pas de diplôme.

Nous sommes donc face à une situation qui est loin d’être satisfaisante. Parallèlement, certains métiers ont du mal à recruter et ne trouvent plus de jeunes.

La souveraineté industrielle, numérique et énergétique nécessite aussi de placer le lycée professionnel au centre de nos enjeux de formation et de repenser le parcours des lycéens.

Le lycée professionnel doit donc redevenir, d’une part, un choix pour la plupart des jeunes à la recherche de métiers d’avenir et, d’autre part, une solution pour les entreprises qui doivent s’adapter aux grandes transitions économiques en cours et à venir.

En faisant évoluer l’offre de formations proposée par les lycées, nous redonnerons du sens à la valeur travail et préparerons les compétences de demain, en adéquation bien sûr avec les aspirations des jeunes, de leur temps et du monde dans lequel ils vivent.

Nos territoires, avec leurs spécificités et leurs bassins d’emploi, doivent également être associés étroitement à cette réforme. Tel devrait être le cas notamment pour la révision de la carte des formations. C’est là aussi une question d’égalité des chances.

Il est donc temps de faire en sorte que le lycée professionnel, avant d’être une filière d’excellence, devienne une véritable filière d’avenir.

Aussi, madame la ministre, quelles sont les intentions du Gouvernement concernant la réforme de la carte des formations, au vu des enjeux économiques de demain, mais aussi des spécificités de nos territoires ?

Sonia Backès, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer, chargée de la citoyenneté

Monsieur le sénateur David Assouline, nous avons tous été choqués par les images de la manifestation de ce week-end, Mme la Première ministre l'a dit, comme M. le ministre de l'intérieur.

Vous avez entendu les propos très clairs prononcés par Gérald Darmanin hier.

Photo de Gérard Larcher

La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’enseignement et de la formation professionnels.

Sonia Backès, secrétaire d'État

Le racisme et l'antisémitisme n'ont pas leur place dans la République. Désormais, toute manifestation portant de tels messages sera interdite.

La main du Gouvernement ne tremble pas quand il s'agit de combattre l'ultradroite. Ainsi, en cinq ans, douze groupuscules portant des messages à caractère raciste, antisémite ou homophobe ont été dissous. Plusieurs manifestations d'ultradroite ont été interdites ces derniers mois, à Lyon, à Montpellier et à Paris.

Dimanche prochain, la manifestation prévue à Opéra, en hommage à Jeanne d'Arc, portée par des groupuscules d'ultradroite …

Carole Grandjean

Monsieur le sénateur Xavier Iacovelli, la réforme du lycée professionnel présentée par le Président de la République la semaine dernière répond à votre souhait que le lycée professionnel soit une voie de choix, une voie de réussite pour tous, pour les élèves, bien sûr, afin de les former aux compétences dont notre pays aura besoin dans le futur, comme pour les enseignants, à qui il doit offrir de bonnes conditions de travail. Tel est bien le sens que nous avons voulu donner à cette réforme.

Pour ce faire, nous lutterons contre le décrochage et accompagnerons les élèves fragiles, pour qu’ils réussissent mieux dans leur parcours scolaire. Nous favoriserons également leur insertion professionnelle et la poursuite de leurs études. Enfin, nous valoriserons, dans tout le pays, ces filières stratégiques.

Au fond, ce que nous souhaitons, c’est un changement d’image de la voie professionnelle. Il est à notre portée si nous mettons en œuvre les conditions de la réussite et si cette filière offre de réelles perspectives aux jeunes.

Nous nous apprêtons ainsi à ouvrir de nouvelles formations d’avenir, en augmentant le nombre de places dans certaines filières, notamment dans les secteurs de l’énergie, de l’écologie, du numérique, mais aussi des soins. En revanche, nous fermerons des formations dont les taux d’insertion ou de poursuite d’études réussies ne sont pas satisfaisants.

Le lycée professionnel doit devenir une filière de réussite stratégique pour la préparation des compétences de la Nation. Bien que chaque territoire soit spécifique, sept des dix métiers les plus recherchés sont communs à l’ensemble des territoires.

Nous réaliserons un investissement inédit pour accompagner l’évolution de la carte des formations. Par ailleurs, avec un milliard d’euros supplémentaires par an, nous permettrons aux lycées professionnels de travailler sur la pédagogie.

Nous investirons également, via le plan France 2030, pour améliorer les plateaux techniques, en concertation avec les régions, former les professeurs, accroître l’attractivité de ces filières et organiser une dynamique pour les lycées professionnels.

Debut de section - Permalien
Carole Grandjean

Monsieur le sénateur Xavier Iacovelli, la réforme du lycée professionnel présentée par le Président de la République la semaine dernière répond à votre souhait que le lycée professionnel soit une voie de choix, une voie de réussite pour tous, pour les élèves, bien sûr, afin de les former aux compétences dont notre pays aura besoin dans le futur, comme pour les enseignants, auxquels il doit offrir de bonnes conditions de travail. Tel est bien le sens que nous avons voulu donner à cette réforme.

Pour ce faire, nous lutterons contre le décrochage et accompagnerons les élèves fragiles, pour qu’ils réussissent mieux dans leur parcours scolaire. Nous favoriserons également leur insertion professionnelle et la poursuite de leurs études. Enfin, nous valoriserons, dans tout le pays, ces filières stratégiques.

Au fond, ce que nous souhaitons, c’est un changement d’image de la voie professionnelle. Il est à notre portée si nous mettons en œuvre les conditions de la réussite et si cette filière offre de réelles perspectives aux jeunes.

Nous nous apprêtons ainsi à ouvrir de nouvelles formations d’avenir, en augmentant le nombre de places dans certaines filières, notamment dans les secteurs de l’énergie, de l’écologie, du numérique, mais aussi des soins. En revanche, nous fermerons des formations dont les taux d’insertion ou de poursuite d’études réussies ne sont pas satisfaisants.

Le lycée professionnel doit devenir une filière de réussite stratégique pour la préparation des compétences de la Nation. Bien que chaque territoire soit spécifique, sept des dix métiers les plus recherchés sont communs à l’ensemble des territoires.

Nous réaliserons un investissement inédit pour accompagner l’évolution de la carte des formations. Par ailleurs, avec un milliard d’euros supplémentaires par an, nous permettrons aux lycées professionnels de travailler sur la pédagogie.

Nous investirons également, via le plan France 2030, pour améliorer les plateaux techniques, en concertation avec les régions, former les professeurs, accroître l’attractivité de ces filières et organiser une dynamique pour les lycées professionnels.

Sonia Backès, secrétaire d'État

… sera interdite par la préfecture de police.

Le Gouvernement continuera de combattre de toutes ses forces et par tous les moyens légaux à sa disposition les actions à caractère antisémite et raciste portées par l'ultradroite.

manifestations d’extrême droite

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. David Assouline, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Vous n'avez pas répondu à ma question, qui était très précise.

Le GUD, quand il s'est reconstitué en 2022, déclarait : « Nous sommes un groupe qui ne cache pas son racisme ni son antisémitisme ». Ce sont ses membres qui le disent !

Vous le savez, les groupes d'ultradroite violents, qui se propagent, sont considérés comme la principale menace en Europe, dans les démocraties occidentales. On vous demande d'agir vite ! §

Applaudissements sur les travées du groupe SER.

Photo de David Assouline

Monsieur le ministre de l’intérieur, nous avons été choqués que vous ayez laissé se dérouler une manifestation non loin d’ici, en plein Paris, à la veille de la commémoration de la libération du joug nazi en Europe, manifestation dont les organisateurs et les participants comptent des proches de Marine Le Pen et ont menacé journalistes et badauds. Ils se réclament de l’idéologie nazie et pétainiste, appellent à abattre la République et incitent explicitement à la haine raciste et antisémite.

Nous avons ensuite été stupéfiés d’apprendre que le préfet de police, la Première ministre et des ministres avaient justifié un tel laisser-faire.

Comment ont-ils pu affirmer que cette manifestation ne constituait pas un trouble à l’ordre public et, dans le même temps, interdire des manifestations syndicales, au prétexte qu’on y faisait du bruit avec des casseroles ?

Je vous remercie, monsieur le ministre de l’intérieur – une fois n’est pas coutume ! – d’avoir recadré le Gouvernement, jusqu’à Mme la Première ministre, en ordonnant aux préfets d’interdire ce type de manifestations.

Vous le savez, le GUD, le Groupe union défense, qui était à la manœuvre lors de cette manifestation, s’est reconstitué en 2022. Avec d’autres, nous vous demandons une nouvelle dissolution de ce groupe.

Par ailleurs, comptez-vous engager des poursuites pour reconstitution de ligue dissoute ?

Photo de Éric Gold

Ma question s'adresse à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Monsieur le ministre, l'Assemblée nationale a voté la semaine dernière, contre l'avis du Gouvernement, l'ouverture à la très grande majorité des communes du bouclier tarifaire sur l'électricité. Aujourd'hui, seules les communes qui comptent moins de dix salariés et dont le budget est inférieur à deux millions d'euros peuvent bénéficier des tarifs réglementés de vente d'électricité.

Il n'est certainement pas pertinent d'apporter la même aide à toutes les communes, quelles que soient leur taille et leur situation financière, mais la hausse du coût de l'énergie fragilise de très nombreuses collectivités. Il ne se passe pas une semaine sans que nous rencontrions des élus démunis face à des factures dont le montant a été multiplié par deux, trois ou quatre. Selon Intercommunalités de France, la facture d'énergie a au moins doublé pour les trois quarts des intercommunalités. Il y a sans doute une cote mal taillée qu'il serait bon d'ajuster, notamment pour les collectivités les plus en difficulté.

La dotation globale de fonctionnement est repartie à la hausse après des années de gel ou de baisse, ce qui devrait donner un peu de marge aux élus locaux. Toutefois, du fait de l'augmentation de dépenses incompressibles – inflation des prix de l'énergie et hausse du point d'indice –, ils ont eu bien du mal à boucler leur budget cette année.

Une telle réalité hypothèque la capacité des élus à assurer leur mission de service public, à investir et, donc, à soutenir l'économie locale. Je rappelle que les collectivités représentent 70 % de l'investissement public. L'enjeu est donc important. Il l'est d'autant plus que, pour réduire les factures d'énergie, l'opération de rénovation énergétique des bâtiments publics, déjà entamée, doit encore être accélérée, mais elle nécessite du temps et de l'argent.

Monsieur le ministre, envisagez-vous l'extension des dispositifs existants ayant fait leurs preuves à certaines collectivités qui en sont aujourd'hui exclues ? §

Photo de Gérard Larcher

La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Photo de Gérard Larcher

La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la citoyenneté.

Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires

Monsieur le sénateur Gold, vous connaissez l'attention que nous portons aux finances des collectivités locales. Je sais à quel point il s'agit ici d'un sujet de préoccupation, sur toutes les travées.

Au 1er janvier de cette année, l'épargne brute de la totalité des collectivités locales avait progressé de 2, 2 milliards d'euros par rapport au 1er janvier de l'année précédente, même si l'on constate des disparités entre les blocs de collectivités : l'épargne des communes a augmenté de 2 %, celle des intercommunalités de 12 %, celle des départements de 5, 8 %, celle des régions de 8 %.

Ces chiffres, bien qu'ils soient agglomérés, reflètent des réalités très diverses. C'est cette diversité que nous avons voulu prendre en compte, en prévoyant 2, 5 milliards d'euros dans le cadre du soutien spécifique aux dépenses d'énergie – bouclier tarifaire et amortisseur électricité – et 520 millions d'euros pour le filet de sécurité que vous avez voté.

Nous devons à présent faire le bilan de ce dernier dispositif et calculer son taux de consommation, afin de connaître nos éventuelles disponibilités. Nous venons de l'étendre aux dépenses ferroviaires des régions. Avec Clément Beaune, nous avions repéré la nécessité de compléter ce « trou dans la raquette ».

J'évoquerai également le fonds vert, doté de 2 milliards d'euros, qui viennent s'ajouter aux 2 milliards d'euros de soutien à l'investissement. Au total, 10 476 dossiers ont été déposés. Sur les 1 300 premiers lauréats, 600 portent sur des projets de rénovation énergétique. À l'échelon national, près de 4 000 dossiers portent uniquement sur les questions de rénovation énergétique, auxquels il convient d'ajouter 2 500 dossiers concernant la rénovation de l'éclairage public.

C'est dire si la volonté des élus de continuer d'investir et d'accélérer les rénovations énergétiques et thermiques est bien une réalité !

La Première ministre a annoncé la pérennisation de ce dispositif. Je recevrai le 17 mai toutes les associations d'élus, pour faire un point à la fois sur la territorialisation de la planification écologique, mais aussi sur les difficultés que vous avez remontées. Nous définirons alors ce qu'il convient de faire dans la suite de l'année et à l'occasion des prochains rendez-vous budgétaires.

Sonia Backès

Monsieur le sénateur David Assouline, nous avons tous été choqués par les images de la manifestation de ce week-end, Mme la Première ministre l’a dit, comme M. le ministre de l’intérieur.

Vous avez entendu les propos très clairs prononcés par Gérald Darmanin hier.

Photo de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à Mme Monique de Marco, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.

Sonia Backès

Le racisme et l’antisémitisme n’ont pas leur place dans la République. Désormais, toute manifestation portant de tels messages sera interdite.

La main du Gouvernement ne tremble pas quand il s’agit de combattre l’ultradroite. Ainsi, en cinq ans, douze groupuscules portant des messages à caractère raciste, antisémite ou homophobe ont été dissous. Plusieurs manifestations d’ultradroite ont été interdites ces derniers mois, à Lyon, à Montpellier et à Paris.

Dimanche prochain, la manifestation prévue à Opéra, en hommage à Jeanne d’Arc, organisée par des groupuscules d’ultradroite, …

Photo de Monique de Marco

La réforme des lycées professionnels concerne un tiers des lycéens de notre pays.

Jeudi dernier, à Saintes, le Président de la République a présenté les détails de ce qu'il souhaite mettre en place : allongement de la durée des stages aux dépens des heures d'enseignements généraux, définition des formations par des « partenaires » et des entreprises, orientation des élèves vers les métiers en tension. Cela rejoint les propositions que vous portez depuis l'automne, madame la ministre.

La concertation n'a pas fait évoluer les grandes lignes de la réforme. Seules nouveautés : des revalorisations inconditionnelles destinées à apaiser les enseignants mobilisés contre vos propositions ont été annoncées, ainsi que le glissement vers l'apprentissage, avec la rémunération des élèves, à la charge de l'État et non pas des entreprises, entre 50 euros et 100 euros par semaine.

Beaucoup craignent aujourd'hui un rattachement pur et simple de la voie professionnelle au ministère du travail, ce qui constituerait une régression totale au regard de la mission émancipatrice du lycée.

Madame la ministre, quand assumerez-vous la contradiction, en débattant point par point devant le Parlement du contenu de cette réforme ?

Sonia Backès

… sera interdite par la préfecture de police.

Le Gouvernement continuera de combattre de toutes ses forces et par tous les moyens légaux à sa disposition les actions à caractère antisémite et raciste portées par l’ultradroite.

Photo de Gérard Larcher

La parole est à M. David Assouline, pour la réplique.

Photo de Gérard Larcher

La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement et de la formation professionnels.

Photo de David Assouline

Vous n’avez pas répondu à ma question, qui était très précise.

Le GUD, quand il s’est reconstitué en 2022, déclarait : « Nous sommes un groupe qui ne cache pas son racisme ni son antisémitisme ». Ce sont ses membres qui le disent !

Vous le savez, les groupes d’ultradroite violents, qui se propagent, sont considérés comme la principale menace en Europe, dans les démocraties occidentales. On vous demande d’agir vite !

Carole Grandjean, ministre déléguée auprès du ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion et du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, chargée de l'enseignement et de la formation professionnels

Madame la sénatrice de Marco, nul ne peut ici se satisfaire d'un statu quo, les échecs des jeunes dans les lycées professionnels étant trop nombreux. Je pense aux décrochages et aux difficultés d'insertion dans l'emploi ou lors de la poursuite d'études. Notre objectif est donc clair : zéro décrochage et un taux d'insertion de 100 %.

D'ailleurs, en 2022, le programme des écologistes prévoyait un enseignement professionnel placé au cœur de la transition écologique. Bonne nouvelle : avec cette réforme, c'est ce que nous faisons !

Nous voulons former les jeunes aux métiers qui leur ouvrent des perspectives dans le cadre des grandes transitions, que ce soit dans les secteurs de l'énergie, de l'alimentation, des mobilités douces ou du numérique, grâce à un investissement massif. Ainsi, plus d'un milliard d'euros supplémentaires par an seront affectés aux lycées professionnels. Ces crédits viendront s'ajouter au maintien des effectifs des professeurs de lycée professionnel à la rentrée prochaine, aux 400 équivalents temps plein qui renforceront les équipes des conseillers principaux d'éducation, des infirmiers et des autres personnels éducatifs, aux projets du Conseil national de la refondation (CNR) Éducation et aux investissements prévus dans le cadre du plan France 2030, notamment dans les plateaux techniques.

Dès la rentrée 2023, plus de 1 000 places seront ouvertes dans les nouvelles formations d'avenir. Dans votre territoire, madame la sénatrice, des formations supplémentaires en cybersécurité ou en biologie spécialisée seront mises en place.

Non, madame la sénatrice, le lycée professionnel n'a pas à apporter une réponse immédiate aux entreprises. Au travers de cette réforme, nous préparons l'avenir de ces jeunes, mais aussi les compétences dont notre pays aura besoin dans le futur.

Pour une réponse de plus court terme, d'autres dispositifs existent et sont déjà en vigueur, tels que le plan d'investissement dans les compétences, le compte personnel de formation (CPF), la validation des acquis de l'expérience (VAE), les plans de développement personnel.

Le Gouvernement souhaite donc faire du lycée professionnel une voie de choix, reconnue par tous et permettant la réussite des jeunes. §

Photo de Gérard Larcher

La parole est à Mme Monique de Marco, pour la réplique.

Photo de Monique de Marco

Madame la ministre, nous sommes vraiment loin du programme des écologistes ! Vous proposez d'augmenter la durée des stages au détriment des enseignements généraux, ce qui revient, à nos yeux, à accroître les inégalités entre la voie générale et les voies professionnelles.

Valoriser les stages en entreprise, c'est nier la force d'un enseignement associant formation générale et professionnelle.

Adapter les formations aux bassins d'emploi, c'est renforcer les inégalités territoriales, en rendant les lycées dépendants du tissu économique local.

Cette réforme mérite selon nous une loi dédiée et un véritable débat parlementaire. Nos lycéens valent mieux que la voie réglementaire !

Photo de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Éric Gold, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Photo de Éric Gold

Ma question s’adresse à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Monsieur le ministre, l’Assemblée nationale a voté la semaine dernière, contre l’avis du Gouvernement, l’ouverture à la très grande majorité des communes du bouclier tarifaire sur l’électricité. Aujourd’hui, seules les communes qui comptent moins de dix salariés et dont le budget est inférieur à deux millions d’euros peuvent bénéficier des tarifs réglementés de vente d’électricité.

Il n’est certainement pas pertinent d’apporter la même aide à toutes les communes, quelles que soient leur taille et leur situation financière, mais la hausse du coût de l’énergie fragilise de très nombreuses collectivités. Il ne se passe pas une semaine sans que nous rencontrions des élus démunis face à des factures dont le montant a été multiplié par deux, trois ou quatre. Selon Intercommunalités de France, la facture d’énergie a au moins doublé pour les trois quarts des intercommunalités. Il y a sans doute une cote mal taillée qu’il serait bon d’ajuster, notamment pour les collectivités les plus en difficulté.

La dotation globale de fonctionnement est repartie à la hausse après des années de gel ou de baisse, ce qui devrait donner un peu de marge aux élus locaux. Toutefois, du fait de l’augmentation de dépenses incompressibles – inflation des prix de l’énergie et hausse du point d’indice –, ils ont eu bien du mal à boucler leur budget cette année.

Une telle réalité hypothèque la capacité des élus à assurer leur mission de service public, à investir et, donc, à soutenir l’économie locale. Je rappelle que les collectivités représentent 70 % de l’investissement public. L’enjeu est donc important. Il l’est d’autant plus que, pour réduire les factures d’énergie, l’opération de rénovation énergétique des bâtiments publics, déjà entamée, doit encore être accélérée, mais elle nécessite du temps et de l’argent.

Monsieur le ministre, envisagez-vous l’extension des dispositifs existants ayant fait leurs preuves à certaines collectivités qui en sont aujourd’hui exclues ?

Photo de Jean-Pierre Grand

Dans de nombreuses villes, les manifestations du 1er mai ont dégénéré en violences contre les forces de l'ordre, le mobilier urbain et des commerces. Tel est le cas à Montpellier.

Après avoir connu, ces dernières années, pendant deux ans, tous les samedis, les exactions des Gilets jaunes – 140 manifestations en quatre ans ! –, les commerçants que j'ai rencontrés m'ont fait part de leur découragement, de leur peur et de leur colère.

Certains, qui ont eu à subir plusieurs sinistres liés aux manifestations et aux casseurs, ont vu leur contrat d'assurance résilié.

Ces commerçants retrouvent avec difficulté des compagnies d'assurances qui acceptent de les couvrir, ces dernières subordonnant le nouveau contrat à une période probatoire de deux ans sans sinistre.

Ces commerçants n'ont plus qu'un seul choix, incroyable : celui de ne pas déclarer le dernier sinistre lié aux manifestations du 1er mai s'ils veulent conserver une couverture pour des risques plus graves dans la période probatoire imposée.

Je sais combien cette situation préoccupe la chambre de commerce et d'industrie de l'Hérault et son président, qui, avec l'ensemble des commerçants, demande au Gouvernement de prendre des mesures législatives ou réglementaires afin de dissocier de toutes les autres clauses contractuelles les risques liés aux manifestations et aux casseurs.

Ces commerçants demandent que soit garanti le maintien d'une couverture assurantielle dès lors que leur responsabilité ne peut être mise en cause. Ils sont les victimes de ces sinistres à répétition ; ils n'en sont pas les responsables.

Je ne demande pas que l'État se substitue aux assureurs. Toutefois, monsieur le ministre, nous souhaiterions que le Gouvernement intègre ce problème vital pour nombre d'entre eux dans le prochain plan en faveur des commerces de proximité. §

Photo de Gérard Larcher

La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Photo de Gérard Larcher

La parole est à M. le ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications.

Photo de Christophe Béchu

Monsieur le sénateur Gold, vous connaissez l’attention que nous portons aux finances des collectivités locales. Je sais à quel point il s’agit ici d’un sujet de préoccupation, sur toutes les travées.

Au 1er janvier de cette année, l’épargne brute de la totalité des collectivités locales avait progressé de 2, 2 milliards d’euros par rapport au 1er janvier de l’année précédente, même si l’on constate des disparités entre les blocs de collectivités : l’épargne des communes a augmenté de 2 %, celle des intercommunalités de 12 %, celle des départements de 5, 8 %, celle des régions de 8 %.

Ces chiffres, bien qu’ils soient agglomérés, reflètent des réalités très diverses. C’est cette diversité que nous avons voulu prendre en compte, en prévoyant 2, 5 milliards d’euros dans le cadre du soutien spécifique aux dépenses d’énergie – bouclier tarifaire et amortisseur électricité – et 520 millions d’euros pour le filet de sécurité que vous avez voté.

Nous devons à présent faire le bilan de ce dernier dispositif et calculer son taux de consommation, afin de connaître nos éventuelles disponibilités. Nous venons de l’étendre aux dépenses ferroviaires des régions. Avec Clément Beaune, nous avions repéré la nécessité de compléter ce « trou dans la raquette ».

J’évoquerai également le fonds vert, doté de 2 milliards d’euros, qui viennent s’ajouter aux 2 milliards d’euros de soutien à l’investissement. Au total, 10 476 dossiers ont été déposés. Sur les 1 300 premiers lauréats, 600 portent sur des projets de rénovation énergétique. À l’échelon national, près de 4 000 dossiers portent uniquement sur les questions de rénovation énergétique, auxquels il convient d’ajouter 2 500 dossiers concernant la rénovation de l’éclairage public.

C’est dire si la volonté des élus de continuer d’investir et d’accélérer les rénovations énergétiques et thermiques est bien une réalité !

La Première ministre a annoncé la pérennisation de ce dispositif. Je recevrai le 17 mai toutes les associations d’élus, pour faire un point à la fois sur la territorialisation de la planification écologique, mais aussi sur les difficultés que vous avez remontées. Nous définirons alors ce qu’il convient de faire dans la suite de l’année et à l’occasion des prochains rendez-vous budgétaires.

Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de la transition numérique et des télécommunications

Monsieur le sénateur Jean-Pierre Grand, je vous prie d'excuser l'absence d'Olivia Grégoire, retenue à cette heure avec le ministre du tourisme chinois.

La situation des commerçants héraultais que vous évoquez est malheureusement la même que celle que les commerçants de Rennes, de Lille, de Lyon ou de Paris pourraient décrire.

Le Gouvernement déplore que les manifestations entraînent parfois des dégradations, mais également que ces difficultés emportent de lourdes conséquences pour les commerçants.

Concernant la couverture par les assurances, il faut distinguer le cas des dommages matériels, par exemple pour ce qui concerne les vitrines, et celui des pertes d'exploitation, lorsqu'un commerce, trop endommagé, nécessite des travaux entraînant sa fermeture.

Concernant les dommages matériels, les assureurs sont en première ligne, les conséquences des dégradations étant prises en charge dans les contrats multirisques professionnels contractés par les commerçants.

Quant à la garantie des pertes d'exploitation, elle peut être étendue aux conséquences d'autres événements que ceux qui sont prévus dans le contrat, comme les actes de vandalisme et les émeutes de manifestations, par exemple, à condition que ces événements soient intégrés au contrat.

La couverture des dégradations liées à des manifestations n'est donc pas systématique. Nous estimons la part d'artisans et de commerçants couverts en cas de perte d'exploitation à 54 %. Plus les entreprises sont grandes, plus elles sont couvertes.

Concernant la résiliation unilatérale des contrats par les assureurs, la loi prévoit une telle possibilité en cas d'aggravation du risque, mais le Gouvernement veille à ce que des délais de carence d'incidents ne soient pas demandés aux commerçants.

Enfin, je prends l'engagement, au nom de ma collègue Olivia Grégoire, d'étudier de plus près le cas très particulier que vous remontez, en lien avec la chambre de commerce et d'industrie de l'Hérault, si vous en êtes d'accord, monsieur le sénateur.

J'ajoute que l'État est et restera également présent pour accompagner les commerçants touchés. Consigne a été donnée à la Direction générale des finances publiques et aux Urssaf d'appliquer avec souplesse les modalités de remise gracieuse aux commerçants affectés par les manifestations et les dégradations.

Ces interventions exceptionnelles s'ajoutent aux actions que le Gouvernement mène au quotidien pour soutenir les commerçants de proximité. Je pense notamment au plafonnement de l'indice des loyers, ainsi qu'au déploiement du plan « Action cœur de ville » et du programme « Petites Villes de demain ».

Vous pouvez donc compter sur la mobilisation permanente du Gouvernement, sous l'autorité de la Première ministre, de Bruno Le Maire et d'Olivia Grégoire, pour soutenir les commerçants. §

Photo de Gérard Larcher

La parole est à M. Jean-Pierre Grand, pour la réplique.

Photo de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à Mme Monique de Marco, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.

Photo de Philippe Tabarot

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.

Je suis l'heureux papa d'un garçon qui fera sa rentrée en CE1 au mois de septembre prochain. §

J'avais cru naïvement le Président de la République en 2020, qui avait dit lors de son discours sur le séparatisme à Mulhouse vouloir mettre fin aux dérives des enseignements de langue et de culture d'origine, les Elco. Or cette proposition de votre ministère, transmise aux familles, prouve que tel n'est pas le cas.

En effet, qui valide le choix des enseignants, de leurs qualifications, le contenu des enseignements, pour qu'ils soient respectueux de nos valeurs républicaines, alors que nous apprenons par la presse que les contrôles sont encore et toujours inopérants ?

Pourquoi ne pas mettre fin aux risques de dérive communautariste, comme le pointaient déjà nos collègues sénateurs dès 2003 ?

Pourquoi, tout simplement, ne pas en finir avec les influences étrangères ?

Ces enseignements clivent au lieu de rassembler et, surtout, encouragent le repli communautaire. §

Monsieur le ministre, prenons-nous véritablement le bon chemin de l'intégration en dispensant aux élèves des écoles primaires l'arabe, ou encore le turc, langue d'un pays avec lequel nous ne partageons aucune frontière, peu de valeurs, et dont l'influence en France est inquiétante ?

Alors que le niveau de nos élèves est en constante diminution, ne serait-il pas préférable de nous recentrer sur l'accès aux savoirs fondamentaux et sur une seule et véritable priorité, à savoir la maîtrise de la langue française ? §

Photo de Monique de Marco

La réforme des lycées professionnels concerne un tiers des lycéens de notre pays.

Jeudi dernier, à Saintes, le Président de la République a présenté les détails de ce qu’il souhaite mettre en place : allongement de la durée des stages aux dépens des heures d’enseignements généraux, définition des formations par des « partenaires » et des entreprises, orientation des élèves vers les métiers en tension. Cela rejoint les propositions que vous portez depuis l’automne, madame la ministre.

La concertation n’a pas fait évoluer les grandes lignes de la réforme. Seules nouveautés : des revalorisations inconditionnelles destinées à apaiser les enseignants mobilisés contre vos propositions ont été annoncées, ainsi que le glissement vers l’apprentissage, avec la rémunération des élèves, à la charge de l’État et non pas des entreprises, entre 50 euros et 100 euros par semaine.

Beaucoup craignent aujourd’hui un rattachement pur et simple de la voie professionnelle au ministère du travail, ce qui constituerait une régression totale au regard de la mission émancipatrice du lycée.

Madame la ministre, quand assumerez-vous la contradiction, en débattant point par point devant le Parlement du contenu de cette réforme ?

Photo de Gérard Larcher

La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.

Pap Ndiaye, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse

Monsieur le sénateur Tabarot, tout d'abord, bonne rentrée à votre fils en septembre prochain en CE1 !

Comme vous le savez, depuis 2020 et le discours du Président de la République sur le séparatisme à Mulhouse, les enseignements internationaux de langues étrangères ont remplacé les enseignements de langues et de cultures d'origine. Ces enseignements ont été recadrés, les conditions d'exercice précisées.

Ces enseignements sont évidemment facultatifs à l'école élémentaire, du CE1 au CM2. Ils représentent une heure et demie de cours hebdomadaire en plus des enseignements obligatoires et ils concernent quatre langues : l'arabe, le turc, le portugais et l'italien. §

Photo de Gérard Larcher

La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’enseignement et de la formation professionnels.

Carole Grandjean

Madame la sénatrice de Marco, nul ne peut ici se satisfaire d’un statu quo, les échecs des jeunes dans les lycées professionnels étant trop nombreux. Je pense aux décrochages et aux difficultés d’insertion dans l’emploi ou lors de la poursuite d’études. Notre objectif est donc clair : zéro décrochage et un taux d’insertion de 100 %.

D’ailleurs, en 2022, le programme des écologistes prévoyait un enseignement professionnel placé au cœur de la transition écologique. Bonne nouvelle : avec cette réforme, c’est ce que nous faisons !

Nous voulons former les jeunes aux métiers qui leur ouvrent des perspectives dans le cadre des grandes transitions, que ce soit dans les secteurs de l’énergie, de l’alimentation, des mobilités douces ou du numérique, grâce à un investissement massif. Ainsi, plus d’un milliard d’euros supplémentaires par an seront affectés aux lycées professionnels. Ces crédits viendront s’ajouter au maintien des effectifs des professeurs de lycée professionnel à la rentrée prochaine, aux 400 équivalents temps plein qui renforceront les équipes des conseillers principaux d’éducation, des infirmiers et des autres personnels éducatifs, aux projets du Conseil national de la refondation (CNR) Éducation et aux investissements prévus dans le cadre du plan France 2030, notamment dans les plateaux techniques.

Dès la rentrée 2023, plus de 1 000 places seront ouvertes dans les nouvelles formations d’avenir. Dans votre territoire, madame la sénatrice, des formations supplémentaires en cybersécurité ou en biologie spécialisée seront mises en place.

Non, madame la sénatrice, le lycée professionnel n’a pas à apporter une réponse immédiate aux entreprises. Au travers de cette réforme, nous préparons l’avenir de ces jeunes, mais aussi les compétences dont notre pays aura besoin dans le futur.

Pour une réponse de plus court terme, d’autres dispositifs existent et sont déjà en vigueur, tels que le plan d’investissement dans les compétences, le compte personnel de formation (CPF), la validation des acquis de l’expérience (VAE), les plans de développement personnel.

Le Gouvernement souhaite donc faire du lycée professionnel une voie de choix, reconnue par tous et permettant la réussite des jeunes.

Pap Ndiaye, ministre

Afin d'éviter toute dérive communautaire ou toute influence étrangère, ce nouveau dispositif a permis d'instaurer un cadre homogène fondé sur un accord bilatéral entre les pays. Il a également permis d'imposer que les enseignants aient un niveau minimal de langue française, contrôlé dès leur entrée en fonction à un niveau B2 et d'adosser le programme d'enseignement de la langue au cadre européen de référence pour les langues. Enfin, comme vous l'indiquez, il a permis de renforcer les contrôles puisqu'un inspecteur de l'éducation nationale est missionné à cette fin dans chaque département.

Il ne s'agit donc non pas de faire une promotion particulière de ces langues, mais de permettre leur apprentissage dans le cadre de l'école républicaine et de l'éducation nationale plutôt que dans d'autres lieux, qui ne seraient pas nécessairement adéquats.

Cet enseignement, qui concerne environ 70 000 élèves, soit à peu près 1 % des enfants de l'école élémentaire, se déroule désormais dans des conditions acceptables.

Photo de Gérard Larcher

La parole est à Mme Monique de Marco, pour la réplique.

Photo de Gérard Larcher

La parole est à M. Philippe Tabarot, pour la réplique.

Photo de Monique de Marco

Madame la ministre, nous sommes vraiment loin du programme des écologistes ! Vous proposez d’augmenter la durée des stages au détriment des enseignements généraux, ce qui revient, à nos yeux, à accroître les inégalités entre la voie générale et les voies professionnelles.

Valoriser les stages en entreprise, c’est nier la force d’un enseignement associant formation générale et professionnelle.

Adapter les formations aux bassins d’emploi, c’est renforcer les inégalités territoriales, en rendant les lycées dépendants du tissu économique local.

Cette réforme mérite selon nous une loi dédiée et un véritable débat parlementaire. Nos lycéens valent mieux que la voie réglementaire !

Debut de section - PermalienPhoto de Monique de Marco

Madame la ministre, nous sommes vraiment loin du programme des écologistes ! Vous proposez d’augmenter la durée des stages au détriment des enseignements généraux, ce qui revient, à nos yeux, à accroître les inégalités entre la voie générale et les voies professionnelles.

Valoriser les stages en entreprise, c’est nier la force d’un enseignement associant formation générale et professionnelle.

Adapter les formations aux bassins d’emploi, c’est renforcer les inégalités territoriales, en rendant les lycées dépendants du tissu économique local.

Cette réforme mérite selon nous une loi spécifique et un véritable débat parlementaire. Nos lycéens valent mieux que la voie réglementaire !

Photo de Philippe Tabarot

Par ailleurs, je suis un farouche partisan de l'école libre. Pourtant, j'ai toujours été fier de dire que j'avais fait mon cursus scolaire au sein de l'école publique. J'avais le même souhait pour mes enfants, mais vous contribuez fortement, malgré des enseignants méritants, à faire de notre école un lieu de séparatisme, de communautarisme et d'échec scolaire ! §

Photo de Olivier Henno

Ma question concerne le service public postal, symbolisé par le timbre rouge, mais aussi par la voiture jaune chère à Jacques Chirac, remplacée aujourd'hui par des vélos jaunes électriques, ce dont je me félicite.

Il ne s'agit pas de nier les évolutions technologiques – internet, les mails, le numérique. En outre, elles laissent toujours de la place pour un peu de poésie : qui n'a jamais eu le cœur qui vibrait à la réception d'une lettre d'amour dans sa boîte aux lettres et à sa lecture ?

Photo de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Grand, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.

Photo de Olivier Henno

Ma question porte sur les craintes des maires concernant de nouvelles vagues de fermetures de bureaux de poste dans les communes rurales, mais aussi dans les communes de moyenne importance.

Je ne vais pas, comme Georges Marchais face à Jean-Pierre Elkabbach – vous voyez, je connais les bons auteurs ! –, poser les questions et donner les réponses. C'est moins des explications que nous attendons de votre part, monsieur le ministre, que la vision du Gouvernement sur le service public postal. §

Photo de Jean-Pierre Grand

Dans de nombreuses villes, les manifestations du 1er mai ont dégénéré en violences contre les forces de l’ordre, le mobilier urbain et des commerces. Tel est le cas à Montpellier.

Après avoir connu, ces dernières années, pendant deux ans, tous les samedis, les exactions des « gilets jaunes » – 140 manifestations en quatre ans ! –, les commerçants que j’ai rencontrés m’ont fait part de leur découragement, de leur peur et de leur colère.

Certains, qui ont eu à subir plusieurs sinistres liés aux manifestations et aux casseurs, ont vu leur contrat d’assurance résilié.

Ces commerçants retrouvent avec difficulté des compagnies d’assurances qui acceptent de les couvrir, ces dernières subordonnant le nouveau contrat à une période probatoire de deux ans sans sinistre.

Ces commerçants n’ont plus qu’un seul choix, incroyable : celui de ne pas déclarer le dernier sinistre lié aux manifestations du 1er mai s’ils veulent conserver une couverture pour des risques plus graves dans la période probatoire imposée.

Je sais combien cette situation préoccupe la chambre de commerce et d’industrie de l’Hérault et son président, qui, avec l’ensemble des commerçants, demande au Gouvernement de prendre des mesures législatives ou réglementaires afin de dissocier de toutes les autres clauses contractuelles les risques liés aux manifestations et aux casseurs.

Ces commerçants demandent que soit garanti le maintien d’une couverture assurantielle dès lors que leur responsabilité ne peut être mise en cause. Ils sont les victimes de ces sinistres à répétition ; ils n’en sont pas les responsables.

Je ne demande pas que l’État se substitue aux assureurs. Toutefois, monsieur le ministre, nous souhaiterions que le Gouvernement intègre ce problème vital pour nombre d’entre eux dans le prochain plan en faveur des commerces de proximité.

Photo de Gérard Larcher

La parole est à M. le ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications.

Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de la transition numérique et des télécommunications

En mars dernier, comme vous le savez, nous avons signé le sixième contrat de présence postale territoriale, négocié entre l'Association des maires de France (AMF), La Poste et l'État, qui définit pour la période 2023-2025 les modalités d'évolution de la présence postale dans les territoires.

Ce contrat tient compte de la période passée et de son évaluation, ainsi que des recommandations formulées dans leur rapport par vos collègues Patrick Chaize, Rémi Cardon et Pierre Louault.

Avec mes collègues Dominique Faure, Bruno Le Maire et Gabriel Attal, nous avons veillé à ce que cinq priorités soient inscrites dans ce contrat.

Nous avons tout d'abord souhaité conforter la présence postale dans un contexte – vous l'avez souligné – de baisse significative de la fréquentation des guichets, en accompagnant notamment le déploiement du dispositif France services, sur lequel veille Stanislas Guerini, dans les bureaux de poste : 17 000 points de contact sont ainsi maintenus sur le territoire.

Nous avons ensuite voulu préserver le niveau de financement à hauteur de 174 millions d'euros.

Par ailleurs, nous avons souhaité améliorer l'accessibilité horaire des bureaux de poste, qui seront ouverts plus souvent le samedi et les jours d'événements locaux.

De surcroît, nous avons voulu accompagner le développement des usages numériques et de la médiation sociale à destination des populations les plus vulnérables.

Enfin, nous avons souhaité optimiser les règles de gouvernance et de fonctionnement des commissions départementales, pour une meilleure utilisation du fonds de péréquation.

J'ajoute que les actions qui figurent dans ce contrat doivent bénéficier de manière prioritaire aux zones rurales, aux zones de montagne, aux quartiers prioritaires de la politique de la ville et aux outre-mer.

Par ailleurs, l'État a indiqué son intention de poursuivre son soutien, en complément des abattements fiscaux, au moyen d'une dotation budgétaire dont le montant sera déterminé dans le cadre des projets de loi de finances pour 2024 et pour 2025. Nous aurons donc l'occasion d'en débattre ici.

Vous le voyez, monsieur le sénateur, le Gouvernement veille à ce que la présence postale sur les territoires reste intacte. §

Photo de Gérard Larcher

La parole est à M. Olivier Henno, pour la réplique.

Photo de Gérard Larcher

La parole est à M. le ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications.

Photo de Olivier Henno

Monsieur le ministre, vos propos sont implacables, mais il est essentiel dans ce domaine de ne pas pécher par excès de rationalité.

Le service postal dans notre pays est un symbole de l'État et de sa présence territoriale.

Pour conclure, j'ai la conviction que le service public postal constitue l'antidote au déclassement, mais qu'il est aussi un facteur – pardon pour ce mauvais jeu de mots – de reconquête territoriale !

Jean-Noël Barrot

Monsieur le sénateur Jean-Pierre Grand, je vous prie d’excuser l’absence d’Olivia Grégoire, retenue à cette heure avec le ministre du tourisme chinois.

La situation des commerçants héraultais que vous évoquez est malheureusement la même que celle que les commerçants de Rennes, de Lille, de Lyon ou de Paris pourraient décrire.

Le Gouvernement déplore que les manifestations entraînent parfois des dégradations, mais également que ces difficultés emportent de lourdes conséquences pour les commerçants.

Concernant la couverture par les assurances, il faut distinguer le cas des dommages matériels, par exemple pour ce qui concerne les vitrines, et celui des pertes d’exploitation, lorsqu’un commerce, trop endommagé, nécessite des travaux entraînant sa fermeture.

Concernant les dommages matériels, les assureurs sont en première ligne, les conséquences des dégradations étant prises en charge dans les contrats multirisques professionnels contractés par les commerçants.

Quant à la garantie des pertes d’exploitation, elle peut être étendue aux conséquences d’autres événements que ceux qui sont prévus dans le contrat, comme les actes de vandalisme et les émeutes de manifestations, par exemple, à condition que ces événements soient intégrés au contrat.

La couverture des dégradations liées à des manifestations n’est donc pas systématique. Nous estimons la part d’artisans et de commerçants couverts en cas de perte d’exploitation à 54 %. Plus les entreprises sont grandes, plus elles sont couvertes.

Concernant la résiliation unilatérale des contrats par les assureurs, la loi prévoit une telle possibilité en cas d’aggravation du risque, mais le Gouvernement veille à ce que des délais de carence d’incidents ne soient pas demandés aux commerçants.

Enfin, je prends l’engagement, au nom de ma collègue Olivia Grégoire, d’étudier de plus près le cas très particulier que vous remontez, en lien avec la chambre de commerce et d’industrie de l’Hérault, si vous en êtes d’accord, monsieur le sénateur.

J’ajoute que l’État est et restera également présent pour accompagner les commerçants touchés. Consigne a été donnée à la direction générale des finances publiques et aux Urssaf d’appliquer avec souplesse les modalités de remise gracieuse aux commerçants affectés par les manifestations et les dégradations.

Ces interventions exceptionnelles s’ajoutent aux actions que le Gouvernement mène au quotidien pour soutenir les commerçants de proximité. Je pense notamment au plafonnement de l’indice des loyers, ainsi qu’au déploiement du plan « Action cœur de ville » et du programme « Petites Villes de demain ».

Vous pouvez donc compter sur la mobilisation permanente du Gouvernement, sous l’autorité de la Première ministre, de Bruno Le Maire et d’Olivia Grégoire, pour soutenir les commerçants.

Debut de section - Permalien
Jean-Noël Barrot

Monsieur le sénateur Jean-Pierre Grand, je vous prie d’excuser l’absence d’Olivia Grégoire, retenue à cette heure avec le ministre du tourisme chinois.

La situation des commerçants héraultais que vous évoquez est malheureusement la même que celle que les commerçants de Rennes, de Lille, de Lyon ou de Paris pourraient décrire.

Le Gouvernement déplore que les manifestations entraînent parfois des dégradations, mais également que ces difficultés emportent de lourdes conséquences pour les commerçants.

Concernant la couverture par les assurances, il faut distinguer le cas des dommages matériels, par exemple pour ce qui concerne les vitrines, et celui des pertes d’exploitation, lorsqu’un commerce, trop endommagé, nécessite des travaux entraînant sa fermeture.

Concernant les dommages matériels, les assureurs sont en première ligne, les conséquences des dégradations étant prises en charge dans les contrats multirisques professionnels contractés par les commerçants.

Quant à la garantie des pertes d’exploitation, elle peut être étendue aux conséquences d’autres événements que ceux qui sont prévus dans le contrat, comme les actes de vandalisme et les émeutes de manifestations, par exemple, à condition que ces événements soient intégrés au contrat.

La couverture des dégradations liées à des manifestations n’est donc pas systématique. Nous estimons la part d’artisans et de commerçants couverts en cas de perte d’exploitation à 54 %. Plus les entreprises sont grandes, plus elles sont couvertes.

Concernant la résiliation unilatérale des contrats par les assureurs, la loi prévoit une telle possibilité en cas d’aggravation du risque, mais le Gouvernement veille à ce que des délais de carence d’incidents ne soient pas demandés aux commerçants.

Enfin, je prends l’engagement, au nom de ma collègue Olivia Grégoire, d’étudier de plus près le cas très particulier que vous remontez, en lien avec la chambre de commerce et d’industrie de l’Hérault, si vous en êtes d’accord, monsieur le sénateur.

J’ajoute que l’État est et restera également présent pour accompagner les commerçants touchés. Consigne a été donnée à la direction générale des finances publiques et aux Urssaf d’appliquer avec souplesse les modalités de remise gracieuse aux commerçants affectés par les manifestations et les dégradations.

Ces interventions exceptionnelles s’ajoutent aux actions que le Gouvernement mène au quotidien pour soutenir les commerçants de proximité. Je pense notamment au plafonnement de l’indice des loyers, ainsi qu’au déploiement du plan Action cœur de ville et du programme Petites Villes de demain.

Vous pouvez donc compter sur la mobilisation permanente du Gouvernement, sous l’autorité de la Première ministre, de Bruno Le Maire et d’Olivia Grégoire, pour soutenir les commerçants.

Photo de Gérard Larcher

La parole est à M. Jean-Pierre Grand, pour la réplique.

Photo de Éric Bocquet

Ma question s'adressait à M. le ministre délégué chargé des comptes publics, mais je sais qu'il est empêché et que c'est M. le ministre Lescure, chargé de l'industrie, qui me répondra.

Le ministre Attal fut hier dans tous les médias afin de présenter son plan de lutte contre la fraude fiscale. Il a déclaré vouloir « faire payer les impôts aux ultra-riches et aux multinationales qui fraudent ». Fichtre, voilà un discours auquel nous n'avions pas été habitués depuis 2017 ! Vous étiez, en effet, plutôt sur le registre de L'hymne à l'amour.

Vous annoncez vouloir renforcer le service d'enquête judiciaire, mais dans le même temps la direction générale des finances publiques va subir 3 000 suppressions d'emplois supplémentaires d'ici à 2027.

Nous notons avec intérêt l'idée d'une COP de la fiscalité et la création d'un conseil d'évaluation, sans doute une nouvelle mouture de l'observatoire imaginé par votre illustre prédécesseur en septembre 2018, une instance qui n'a malheureusement jamais vu le jour.

Je crains, monsieur le ministre, qu'il n'y ait un angle mort majeur dans votre dispositif : les paradis fiscaux. Considérez-vous, comme Bruxelles, qu'il n'existe pas de paradis fiscal au sein de l'Union européenne ?

Souvenez-vous un peu des révélations du journal Le Monde en février 2021 dans l'affaire OpenLux. Nous y apprenions que le Luxembourg hébergeait 55 000 sociétés offshore, dont 17 000 détenues par des compatriotes français cumulant ensemble 6 500 milliards d'euros d'actifs.

On ne peut pas, à cet instant, évoquer la fraude fiscale sans parler d'évasion fiscale. Allez-vous prendre des initiatives à l'échelon européen sur ce sujet ? N'y a-t-il pas lieu de mettre sérieusement à jour la liste française des paradis fiscaux, qui comprend aujourd'hui des États aussi fondamentaux – n'y voyez aucune marque de mépris de ma part – que le Vanuatu, les Palaos et les Fidji, mais aucun État membre de l'Union européenne ?

Albert Camus disait : « Mal nommer les choses, c'est ajouter aux malheurs du monde ».

Quant aux mesures répressives, elles doivent faire trembler d'effroi les potentiels fraudeurs fiscaux, qui pourraient être déchus de leurs droits civiques.

Enfin, je n'ai pu m'empêcher de sourire en imaginant un instant le PDG d'Amazon, M. Jeff Bezos, un pinceau à la main, en train de repeindre les murs de la perception d'Armentières, dans le Nord, dans le cadre d'une peine de travaux d'intérêt général !

Photo de Jean-Pierre Grand

M. Jean-Pierre Grand. Je vais me faire le porte-parole de nos concitoyens. Je veux dire avec calme ce que je ressens sur le terrain : le peuple ne supporte plus ces manifestations violentes. Aujourd’hui remonte du terrain un sentiment d’exaspération. Nous sommes en République, beaucoup l’ignorent.

Photo de Gérard Larcher

La parole est à M. le ministre délégué chargé de l'industrie.

Roland Lescure, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l'industrie

Monsieur le sénateur Éric Bocquet, vous l'avez indiqué, Gabriel Attal est retenu avec Bruno Le Maire à l'Assemblée nationale pour un débat d'orientation des finances publiques.

Il m'a donc chargé de vous répondre, non pas sur l'air de L'hymne à l'amour – je n'ai ni le talent ni la voix d'Édith Piaf –, mais pour vous remercier en son nom du travail que vous réalisez depuis longtemps sur la question que vous soulevez aujourd'hui.

Photo de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Philippe Tabarot, pour le groupe Les Républicains.

Roland Lescure, ministre délégué

Vous avez été le rapporteur d'une commission d'enquête au Sénat en 2012. Vous avez participé à toutes les réunions du groupe de travail lancé par Gabriel Attal en ce début d'année. Vous avez également été un membre extrêmement actif de la commission d'enquête du Sénat qui a travaillé durant l'année 2022. Ces travaux nous ont inspirés, notamment sur l'idée d'une COP fiscale, qui permettra de parfaire les relations et le travail de coopération à l'échelon international pour traquer la fraude fiscale là où elle se trouve.

Depuis six ans, le Gouvernement a fait des choses sur ce sujet.

Photo de Philippe Tabarot

Ma question s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.

(Bravo ! et applaudissements sur de nombreuses travées.) À l’instar de milliers de familles des Alpes-Maritimes, j’ai été invité à étudier la proposition de l’inspection académique de permettre à mon fils de bénéficier de cours en arabe, en turc ou en portugais, dans le cadre des enseignements internationaux avec les pays dits « partenaires ».

Roland Lescure, ministre délégué

Si les multinationales sont désormais taxées à un niveau minimal dans le monde, c'est grâce à la détermination du gouvernement français, qui a porté ce sujet à l'échelon international. Nous continuerons à le faire dans le cadre de cette COP fiscale.

Par ailleurs, nous allons renforcer les moyens domestiques pour traquer la fraude fiscale, 1 500 agents supplémentaires étant prévus d'ici à la fin du quinquennat. Nous allons aussi disposer de moyens nouveaux et modernes pour traquer les flux, y compris les flux des personnes, pour nous assurer que celles et ceux qui ne résident pas légalement en France n'y passent pas trop de temps.

De plus, nous allons aussi travailler sur la symétrie des relations entre l'administration et les contribuables. Quand un contribuable commet une erreur, il paie des intérêts de retard. Il est important que l'administration en fasse autant à l'égard des contribuables qui auraient eux-mêmes souffert d'une erreur.

Comme vous pouvez le constater, monsieur le sénateur, le Gouvernement ne mégote pas sur les moyens tant à l'échelon national qu'à l'échelon international. Nous continuons à lutter contre l'optimisation fiscale, voire contre la fraude fiscale. À cette fin, nous souhaitons augmenter les moyens que nous y consacrons et nous allons le faire ! §

Photo de Philippe Tabarot

Je suis l’heureux papa d’un garçon qui fera sa rentrée en CE1 au mois de septembre prochain. §

J’avais cru naïvement le Président de la République en 2020, qui avait dit lors de son discours sur le séparatisme à Mulhouse vouloir mettre fin aux dérives des enseignements de langue et de culture d’origine, les Elco. Or cette proposition de votre ministère, transmise aux familles, prouve que tel n’est pas le cas.

En effet, qui valide le choix des enseignants, de leurs qualifications, le contenu des enseignements, pour qu’ils soient respectueux de nos valeurs républicaines, alors que nous apprenons par la presse que les contrôles sont encore et toujours inopérants ?

Pourquoi ne pas mettre fin aux risques de dérive communautariste, comme le pointaient déjà nos collègues sénateurs dès 2003 ?

Pourquoi, tout simplement, ne pas en finir avec les influences étrangères ?

Ces enseignements clivent au lieu de rassembler et, surtout, encouragent le repli communautaire.

Photo de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à Mme Marta de Cidrac, pour le groupe Les Républicains.

Photo de Philippe Tabarot

Monsieur le ministre, prenons-nous véritablement le bon chemin de l’intégration en dispensant aux élèves des écoles primaires l’arabe, ou encore le turc, langue d’un pays avec lequel nous ne partageons aucune frontière, peu de valeurs, et dont l’influence en France est inquiétante ?

Alors que le niveau de nos élèves est en constante diminution, ne serait-il pas préférable de nous recentrer sur l’accès aux savoirs fondamentaux et sur une seule et véritable priorité, à savoir la maîtrise de la langue française ?

Photo de Marta de Cidrac

Ma question s'adresse à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Monsieur le ministre, promulguée en février 2020, la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire (Agec), fixe dans son article 66 les objectifs de collecte que la France doit atteindre en matière de recyclage des bouteilles en plastique.

Elle indique également les étapes à suivre pour pouvoir évaluer cette trajectoire. Surtout, elle précise que, en concertation avec les parties prenantes, notamment les collectivités, le Gouvernement peut définir après la publication du bilan de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), prévu et attendu en 2023, et après évaluation des impacts environnementaux et économiques, les modalités d'une éventuelle mise en œuvre de la consigne.

Tel était le préalable indispensable à toute décision sur la consigne, que l'on y soit favorable ou non. Or, sans attendre les résultats de l'étude de l'Ademe, vous avez lancé votre propre évaluation dès janvier, monsieur le ministre. Cette méthode interpelle, vous en conviendrez. Vous enjambez sans égard les engagements pris et fixés dans la loi, …

Photo de Gérard Larcher

La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.

Pap Ndiaye

Monsieur le sénateur Tabarot, tout d’abord, bonne rentrée à votre fils en septembre prochain en CE1 !

Comme vous le savez, depuis 2020 et le discours du Président de la République sur le séparatisme à Mulhouse, les enseignements internationaux de langues étrangères ont remplacé les enseignements de langues et de cultures d’origine. Ces enseignements ont été recadrés, les conditions d’exercice précisées.

Ces enseignements sont évidemment facultatifs à l’école élémentaire, du CE1 au CM2. Ils représentent une heure et demie de cours hebdomadaire en plus des enseignements obligatoires et ils concernent quatre langues : l’arabe, le turc, le portugais et l’italien.

Photo de Marta de Cidrac

…laissant planer le doute sur vos intentions réelles.

Les parties prenantes, particulièrement les élus, s'inquiètent et s'interrogent, surtout au regard des investissements lourds engagés dans leur territoire en faveur de la transition écologique.

Ma question, monsieur le ministre, est simple : quelles sont franchement vos intentions ? §

Photo de Gérard Larcher

La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires

Madame la sénatrice de Cidrac, je m'adresse autant à la sénatrice qu'à la présidente du groupe d'études Économie circulaire.

La loi anti-gaspillage prévoit le lancement obligatoire, au premier semestre de 2023, d'une concertation par le Gouvernement. Celle-ci a été engagée par la secrétaire d'État Bérangère Couillard le 30 janvier dernier. Il s'agit d'une concertation : aucune décision n'a été prise, car il existe en réalité des disparités dans notre pays. Ces dernières doivent nous interpeller.

L'objectif de la loi anti-gaspillage est d'atteindre un taux de recyclage des bouteilles en plastique de 77 % en 2025 et de 90 % en 2029. Pour les emballages plastiques, le seuil est fixé à 50 % de recyclage en 2025 et à 55 % en 2029. Nous sommes à 60 % pour les bouteilles en plastique, pour un objectif de 77 % dans deux ans. Et nous sommes à seulement 25 % pour les emballages plastiques, l'objectif étant 50 % dans deux ans.

Pour autant, derrière ces chiffres, se cachent d'énormes disparités. La région Île-de-France et la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, par exemple, sont aux alentours de 40 % pour les bouteilles en plastique contre une moyenne de 60 %.

À l'inverse, la Bretagne et les Pays de la Loire sont à plus de 70 %. Un département comme la Haute-Saône a même déjà atteint 90 % de recyclage des bouteilles en plastique.

Pap Ndiaye

Afin d’éviter toute dérive communautaire ou toute influence étrangère, ce nouveau dispositif a permis d’instaurer un cadre homogène fondé sur un accord bilatéral entre les pays. Il a également permis d’imposer que les enseignants aient un niveau minimal de langue française, contrôlé dès leur entrée en fonction à un niveau B2 et d’adosser le programme d’enseignement de la langue au cadre européen de référence pour les langues. Enfin, comme vous l’indiquez, il a permis de renforcer les contrôles puisqu’un inspecteur de l’éducation nationale est missionné à cette fin dans chaque département.

Il ne s’agit donc non pas de faire une promotion particulière de ces langues, mais de permettre leur apprentissage dans le cadre de l’école républicaine et de l’éducation nationale plutôt que dans d’autres lieux, qui ne seraient pas nécessairement adéquats.

Cet enseignement, qui concerne environ 70 000 élèves, soit à peu près 1 % des enfants de l’école élémentaire, se déroule désormais dans des conditions acceptables.

Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires

La concertation vise, à la fois, dans le cadre de groupes de travail nationaux, à examiner comment faire plus et mieux et à profiter du retour des collectivités locales. Ces dernières ont avancé une première série de propositions le 18 avril dernier. Nous en attendons une deuxième le 24 mai prochain. Dans l'intervalle, le rapport de l'Ademe, qui sera publié d'ici à quelques jours, viendra compléter ce processus de concertation.

Aucune décision, je le répète, n'a été prise. Je sais les investissements réalisés par les collectivités locales. Ce qui nous importe, c'est d'être efficace. Or il existe aujourd'hui un enjeu de souveraineté : nos filières de recyclage et de réemploi doivent pouvoir bénéficier de plastique. Il existe par ailleurs un enjeu budgétaire pour les collectivités locales.

De surcroît, il existe un enjeu de justice, à savoir que tout le monde paie les malus à l'échelon européen pour les kilos de plastiques non recyclables utilisés, que l'on soit dans une région qui réalise des efforts ou dans une région qui n'en fait pas. Il existe aussi des disparités assez saisissantes à l'échelle des grandes villes, qui permettent de mesurer à quel point ce ne sont pas nécessairement ceux qui parlent le plus d'écologie qui font le plus de recyclage ! §

Photo de Gérard Larcher

La parole est à M. Philippe Tabarot, pour la réplique.

Photo de Gérard Larcher

La parole est à Mme Marta de Cidrac, pour la réplique.

Photo de Philippe Tabarot

M. Philippe Tabarot . Monsieur le ministre, alors que j’habite à 40 kilomètres de l’Italie, l’italien ne m’a pas été proposé.

Photo de Marta de Cidrac

Monsieur le ministre, je vous remercie de nous avoir rappelé tous les objectifs chiffrés de la loi Agec.

Vous l'avez souligné, certaines régions et certains départements s'inscrivent tout à fait dans la bonne trajectoire, et ce sans consigne, ce qui laisse supposer que nous avons aussi d'autres moyens pour parvenir à atteindre nos objectifs.

Quoi qu'il en soit, monsieur le ministre, l'enjeu environnemental de la loi Agec n'est pas suffisamment défendu. Vous avez évoqué l'enjeu économique, mais il existe également un véritable enjeu de pouvoir d'achat pour les Français. Nous devons avoir ces considérations-là à l'esprit.

Enfin, je me félicite que le Sénat ait pris la décision d'instituer une mission d'information relative à la consigne pour recyclage ou réemploi sur les emballages, qui débute ses travaux. Nous menons un grand nombre d'auditions et nous voyons bien que la consigne est très loin de susciter un consensus.

J'espère, monsieur le ministre, que lors de votre rencontre avec les associations d'élus, …

Photo de Philippe Tabarot

Par ailleurs, je suis un farouche partisan de l’école libre. Pourtant, j’ai toujours été fier de dire que j’avais fait mon cursus scolaire au sein de l’école publique. J’avais le même souhait pour mes enfants, mais vous contribuez fortement, malgré des enseignants méritants, à faire de notre école un lieu de séparatisme, de communautarisme et d’échec scolaire !

Photo de Marta de Cidrac

Mme Marta de Cidrac. … vous tiendrez compte des quatorze propositions qui vous ont été faites.

Photo de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Olivier Henno, pour le groupe Union Centriste.

Photo de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Photo de Olivier Henno

Ma question concerne le service public postal, symbolisé par le timbre rouge, mais aussi par la voiture jaune chère à Jacques Chirac, remplacée aujourd’hui par des vélos jaunes électriques, ce dont je me félicite.

Il ne s’agit pas de nier les évolutions technologiques – internet, les mails, le numérique. En outre, elles laissent toujours de la place pour un peu de poésie : qui n’a jamais eu le cœur qui vibrait à la réception d’une lettre d’amour dans sa boîte aux lettres et à sa lecture ?

Photo de Franck Montaugé

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'inflation s'est installée durablement à un haut niveau dans notre société.

De très nombreux Français vivent au quotidien une austérité de fait, qui affecte sensiblement leur pouvoir de vivre.

Alors que les défis environnementaux et sociaux sont immenses, le rétablissement des comptes publics ne doit pas se faire au détriment de l'action publique, celle de l'État comme celle des collectivités, qui sont en première ligne auprès de nos concitoyens.

Au terme de l'année 2023, l'inflation se sera traduite par une perte, à euros constants, de plus de 1 milliard pour la seule dotation globale de fonctionnement (DGF). L'inflation est très supérieure à 10 % pour le panier du maire, et elle va durer.

À ce niveau, vous ne pouvez pas laisser l'action publique locale s'affaiblir durablement.

Dans ce contexte, les élus constatent que les filets de sécurité et autres amortisseurs ont des limites.

En matière d'investissement, des préfectures enregistrent des taux de réalisation d'à peine 60 % sur le cycle de mandat et rendent des crédits. Il n'est pas normal que des collectivités renoncent à l'action pour cause de capacité d'autofinancement dégradée par la conjoncture ou de complexité administrative de gestion des dossiers.

Par exemple, une gestion différente des dossiers éligibles à la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) devrait être proposée par le Gouvernement pour soutenir les projets des élus locaux.

Madame la ministre, quelles mesures structurelles et durables envisagez-vous de prendre pour préserver, voire pour restaurer, les capacités de fonctionnement et d'investissement de nos collectivités locales ?

Photo de Olivier Henno

Ma question porte sur les craintes des maires concernant de nouvelles vagues de fermetures de bureaux de poste dans les communes rurales, mais aussi dans les communes de moyenne importance.

Je ne vais pas, comme Georges Marchais face à Jean-Pierre Elkabbach – vous voyez, je connais les bons auteurs ! –, poser les questions et donner les réponses. C’est moins des explications que nous attendons de votre part, monsieur le ministre, que la vision du Gouvernement sur le service public postal.

Photo de Gérard Larcher

La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.

Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité

Dans la ruralité, que vous connaissez bien, monsieur le sénateur, la DGF de 94 % de nos communes a augmenté.

Photo de Gérard Larcher

La parole est à M. le ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications.

Jean-Noël Barrot

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de l ’ économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de la transition numérique et des télécommunications. Je vous remercie, monsieur le sénateur Henno, de votre question et de votre témoignage, qui sentait bon le vécu !

Dominique Faure, ministre déléguée

Ces hausses de DGF s'ajoutent à l'ensemble des mesures décidées en loi de finances pour 2023 pour soutenir les finances des collectivités territoriales. Je pense au bouclier tarifaire, à l'amortisseur électricité, au filet de sécurité, au maintien des dotations d'investissement à leur plus haut niveau, à la création du fonds vert et à la revalorisation des bases de fiscalité locale à hauteur de 7 %.

Jean-Noël Barrot

En mars dernier, comme vous le savez, nous avons signé le sixième contrat de présence postale territoriale, négocié entre l’Association des maires de France (AMF), La Poste et l’État, qui définit pour la période 2023-2025 les modalités d’évolution de la présence postale dans les territoires.

Ce contrat tient compte de la période passée et de son évaluation, ainsi que des recommandations formulées dans leur rapport par vos collègues Patrick Chaize, Rémi Cardon et Pierre Louault.

Avec mes collègues Dominique Faure, Bruno Le Maire et Gabriel Attal, nous avons veillé à ce que cinq priorités soient inscrites dans ce contrat.

Nous avons tout d’abord souhaité conforter la présence postale dans un contexte – vous l’avez souligné – de baisse significative de la fréquentation des guichets, en accompagnant notamment le déploiement du dispositif France services, sur lequel veille Stanislas Guerini, dans les bureaux de poste : 17 000 points de contact sont ainsi maintenus sur le territoire.

Nous avons ensuite voulu préserver le niveau de financement à hauteur de 174 millions d’euros.

Par ailleurs, nous avons souhaité améliorer l’accessibilité horaire des bureaux de poste, qui seront ouverts plus souvent le samedi et les jours d’événements locaux.

De surcroît, nous avons voulu accompagner le développement des usages numériques et de la médiation sociale à destination des populations les plus vulnérables.

Enfin, nous avons souhaité optimiser les règles de gouvernance et de fonctionnement des commissions départementales, pour une meilleure utilisation du fonds de péréquation.

J’ajoute que les actions qui figurent dans ce contrat doivent bénéficier de manière prioritaire aux zones rurales, aux zones de montagne, aux quartiers prioritaires de la politique de la ville et aux outre-mer.

Par ailleurs, l’État a indiqué son intention de poursuivre son soutien, en complément des abattements fiscaux, au moyen d’une dotation budgétaire dont le montant sera déterminé dans le cadre des projets de loi de finances pour 2024 et pour 2025. Nous aurons donc l’occasion d’en débattre ici.

Vous le voyez, monsieur le sénateur, le Gouvernement veille à ce que la présence postale sur les territoires reste intacte.

Debut de section - Permalien
Jean-Noël Barrot

En mars dernier, comme vous le savez, nous avons signé le sixième contrat de présence postale territoriale, négocié entre l’Association des maires de France (AMF), La Poste et l’État, qui définit pour la période 2023-2025 les modalités d’évolution de la présence postale dans les territoires.

Ce contrat tient compte de la période passée et de son évaluation, ainsi que des recommandations formulées dans leur rapport par vos collègues Patrick Chaize, Rémi Cardon et Pierre Louault.

Dominique Faure, Bruno Le Maire, Gabriel Attal et moi-même avons veillé à ce que cinq priorités soient inscrites dans ce contrat.

Nous avons tout d’abord souhaité conforter la présence postale dans un contexte – vous l’avez souligné – de baisse significative de la fréquentation des guichets, en accompagnant notamment le déploiement du dispositif France Services, sur lequel veille Stanislas Guerini, dans les bureaux de poste : 17 000 points de contact sont ainsi maintenus sur le territoire.

Nous avons ensuite voulu préserver le niveau de financement à hauteur de 174 millions d’euros.

Par ailleurs, nous avons souhaité améliorer l’accessibilité horaire des bureaux de poste, qui seront ouverts plus souvent le samedi et les jours d’événements locaux.

De surcroît, nous avons voulu accompagner le développement des usages numériques et de la médiation sociale à destination des populations les plus vulnérables.

Enfin, nous avons souhaité optimiser les règles de gouvernance et de fonctionnement des commissions départementales, pour une meilleure utilisation du fonds de péréquation.

J’ajoute que les actions qui figurent dans ce contrat doivent bénéficier de manière prioritaire aux zones rurales, aux zones de montagne, aux quartiers prioritaires de la politique de la ville et aux outre-mer.

Par ailleurs, l’État a indiqué son intention de poursuivre son soutien, en complément des abattements fiscaux, au moyen d’une dotation budgétaire dont le montant sera déterminé dans le cadre des projets de loi de finances pour 2024 et pour 2025. Nous aurons donc l’occasion d’en débattre ici.

Vous le voyez, monsieur le sénateur, le Gouvernement veille à ce que la présence postale sur les territoires reste intacte.

Dominique Faure, ministre déléguée

À cet égard, je rappelle que, pour 2023, la somme des mesures prévues pour les collectivités a été plus importante qu'une simple indexation de la DGF sur l'inflation : 2, 8 milliards d'euros ont été inscrits en loi de finances initiale pour 2023 alors qu'une indexation sur la DGF n'aurait conduit qu'à une augmentation de 1, 1 milliard d'euros en 2023.

Cet effort significatif témoigne de la volonté du Gouvernement d'apporter un soutien continu aux communes, particulièrement à celles qui sont confrontées à des difficultés économiques et sociales. L'intégralité des conséquences de l'inflation doit faire l'objet d'un effort commun des collectivités territoriales et de l'État.

En résumé, comme l'a indiqué Christophe Béchu précédemment, bien que la situation financière des collectivités locales à la fin de l'année 2022 soit encore meilleure qu'à la fin de l'année 2021, il existe entre les situations beaucoup d'hétérogénéité

Photo de Gérard Larcher

La parole est à M. Olivier Henno, pour la réplique.

Photo de Olivier Henno

Monsieur le ministre, vos propos sont implacables, mais il est essentiel dans ce domaine de ne pas pécher par excès de rationalité.

Le service postal dans notre pays est un symbole de l’État et de sa présence territoriale.

Pour conclure, j’ai la conviction que le service public postal constitue l’antidote au déclassement, mais qu’il est aussi un facteur – pardon pour ce mauvais jeu de mots – de reconquête territoriale !

Dominique Faure, ministre déléguée

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Je suis à votre disposition, ainsi qu'à celle des communes de votre département.

Photo de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Photo de Gérard Larcher

La parole est à M. Franck Montaugé, pour la réplique.

Photo de Franck Montaugé

Je ne partage pas du tout votre analyse, madame la ministre. Nombre de collectivités vont connaître des jours très difficiles. J'ai compris, pour ma part, qu'elles seront partie intégrante du plan d'austérité que vous êtes en train de mettre en place.

À l'inverse, nous pensons que, pour répondre aux besoins des Français, les moyens des collectivités doivent être préservés à tout prix. Avec les élus locaux, nous restons dans l'attente de mesures rapidement efficaces.

Photo de Éric Bocquet

Ma question s’adressait à M. le ministre délégué chargé des comptes publics, mais je sais qu’il est empêché et que c’est M. le ministre Lescure, chargé de l’industrie, qui me répondra.

Le ministre Attal fut hier dans tous les médias afin de présenter son plan de lutte contre la fraude fiscale. Il a déclaré vouloir « faire payer les impôts aux ultra-riches et aux multinationales qui fraudent ». Fichtre, voilà un discours auquel nous n’avions pas été habitués depuis 2017 ! Vous étiez, en effet, plutôt sur le registre de L ’ hymne à l ’ amour.

Vous annoncez vouloir renforcer le service d’enquête judiciaire, mais dans le même temps la direction générale des finances publiques va subir 3 000 suppressions d’emplois supplémentaires d’ici à 2027.

Nous notons avec intérêt l’idée d’une COP de la fiscalité et la création d’un conseil d’évaluation, sans doute une nouvelle mouture de l’observatoire imaginé par votre illustre prédécesseur en septembre 2018, une instance qui n’a malheureusement jamais vu le jour.

Je crains, monsieur le ministre, qu’il n’y ait un angle mort majeur dans votre dispositif : les paradis fiscaux. Considérez-vous, comme Bruxelles, qu’il n’existe pas de paradis fiscal au sein de l’Union européenne ?

Souvenez-vous un peu des révélations du journal Le Monde en février 2021 dans l’affaire OpenLux. Nous y apprenions que le Luxembourg hébergeait 55 000 sociétés offshore, dont 17 000 détenues par des compatriotes français cumulant ensemble 6 500 milliards d’euros d’actifs.

On ne peut pas, à cet instant, évoquer la fraude fiscale sans parler d’évasion fiscale. Allez-vous prendre des initiatives à l’échelon européen sur ce sujet ? N’y a-t-il pas lieu de mettre sérieusement à jour la liste française des paradis fiscaux, qui comprend aujourd’hui des États aussi fondamentaux – n’y voyez aucune marque de mépris de ma part – que le Vanuatu, les Palaos et les Fidji, mais aucun État membre de l’Union européenne ?

Albert Camus disait : « Mal nommer les choses, c’est ajouter aux malheurs du monde ».

Quant aux mesures répressives, elles doivent faire trembler d’effroi les potentiels fraudeurs fiscaux, qui pourraient être déchus de leurs droits civiques.

Enfin, je n’ai pu m’empêcher de sourire en imaginant un instant le PDG d’Amazon, M. Jeff Bezos, un pinceau à la main, en train de repeindre les murs de la perception d’Armentières, dans le Nord, dans le cadre d’une peine de travaux d’intérêt général !

Photo de Gérard Larcher

La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’industrie.

Photo de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Cédric Vial, pour le groupe Les Républicains.

Roland Lescure

Monsieur le sénateur Éric Bocquet, vous l’avez indiqué, Gabriel Attal est retenu avec Bruno Le Maire à l’Assemblée nationale pour un débat d’orientation des finances publiques.

Il m’a donc chargé de vous répondre, non pas sur l’air de L ’ hymne à l ’ amour – je n’ai ni le talent ni la voix d’Édith Piaf –, mais pour vous remercier en son nom du travail que vous réalisez depuis longtemps sur la question que vous soulevez aujourd’hui.

Photo de Cédric Vial

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.

Monsieur le ministre, 430 000 élèves sont reconnus en situation de handicap, soit en moyenne un élève par classe.

Il est de la responsabilité de votre ministère, mais c'est aussi une question de justice sociale, d'humanité et d'honneur pour notre pays, d'accompagner au mieux ces enfants et adolescents vers plus d'autonomie et vers la réussite scolaire.

Il est vrai que ces dernières années des moyens importants ont été mis en œuvre par l'État pour favoriser leur prise en charge et leur accompagnement humain grâce au recrutement massif d'accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH). Au nombre de 135 000, ces derniers sont aujourd'hui le deuxième métier de l'éducation nationale.

Toutefois, en l'absence d'une organisation adaptée et d'une véritable approche éducative centrée sur les besoins spécifiques de ces élèves, notre système a atteint ses limites et ne permet pas de répondre aux attentes des enfants et des familles concernés. Il met même parfois l'institution scolaire en difficulté.

Dans un récent rapport que j'ai rendu au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat, nous appelons à franchir une nouvelle étape dans la mise en œuvre d'une politique d'inclusion scolaire efficace et nous formulons une vingtaine de préconisations.

Nous vous proposons de mettre en place un cadre culturel rénové et une organisation administrative profondément corrigée, en faisant de l'accessibilité pédagogique la priorité qu'elle n'aurait jamais dû cesser d'être, en prônant une prise en charge des élèves plus qualitative et continue, en améliorant les relations avec les familles, en renforçant les liens avec le secteur médico-social, ainsi qu'en respectant et en professionnalisant le beau métier d'AESH.

Alors que la Conférence nationale du handicap a créé plus de déceptions qu'elle ne suscite d'espoir, monsieur le ministre, êtes-vous prêt à travailler sur la base des propositions du Sénat à la création d'un véritable service public de l'inclusion scolaire ?

Roland Lescure

Vous avez été le rapporteur d’une commission d’enquête au Sénat en 2012. Vous avez participé à toutes les réunions du groupe de travail lancé par Gabriel Attal en ce début d’année. Vous avez également été un membre extrêmement actif de la commission d’enquête du Sénat qui a travaillé durant l’année 2022. Ces travaux nous ont inspirés, notamment sur l’idée d’une COP fiscale, qui permettra de parfaire les relations et le travail de coopération à l’échelon international pour traquer la fraude fiscale là où elle se trouve.

Depuis six ans, le Gouvernement a fait des choses sur ce sujet.

Roland Lescure

Si les multinationales sont désormais taxées à un niveau minimal dans le monde, c’est grâce à la détermination du gouvernement français, qui a porté ce sujet à l’échelon international. Nous continuerons à le faire dans le cadre de cette COP fiscale.

Par ailleurs, nous allons renforcer les moyens domestiques pour traquer la fraude fiscale, 1 500 agents supplémentaires étant prévus d’ici à la fin du quinquennat. Nous allons aussi disposer de moyens nouveaux et modernes pour traquer les flux, y compris les flux des personnes, pour nous assurer que celles et ceux qui ne résident pas légalement en France n’y passent pas trop de temps.

De plus, nous allons aussi travailler sur la symétrie des relations entre l’administration et les contribuables. Quand un contribuable commet une erreur, il paie des intérêts de retard. Il est important que l’administration en fasse autant à l’égard des contribuables qui auraient eux-mêmes souffert d’une erreur.

Comme vous pouvez le constater, monsieur le sénateur, le Gouvernement ne mégote pas sur les moyens tant à l’échelon national qu’à l’échelon international. Nous continuons à lutter contre l’optimisation fiscale, voire contre la fraude fiscale. À cette fin, nous souhaitons augmenter les moyens que nous y consacrons et nous allons le faire !

Photo de Gérard Larcher

La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.

Pap Ndiaye, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse

Monsieur le sénateur Cédric Vial, je veux d'abord vous remercier pour votre récent rapport d'information, dont je partage les constats et une bonne partie des propositions.

Vous l'avez souligné, 430 000 élèves en situation de handicap sont scolarisés en milieu ordinaire. Plus de 130 000 AESH sont employés. Le budget annuel de l'école inclusive s'élève à 3, 8 milliards d'euros. Il s'agit de chiffres importants.

Pour autant, les difficultés que vous pointez sont bien réelles. Elles ont motivé les propositions du Président de la République lors de la Conférence nationale du handicap, qui s'est tenue le 26 avril dernier, propositions très substantielles –nous aurons l'occasion d'échanger ensemble à ce sujet.

Dès la rentrée 2023, tous les enfants scolarisés, y compris ceux qui sont en milieu médico-social, bénéficieront d'un identifiant national les rattachant à l'éducation nationale et permettant de suivre leur scolarité.

Par ailleurs, nous devons progresser concernant le temps de travail des AESH. Nous avançons du côté du périscolaire avec les collectivités, mais nous proposons aussi de rapprocher les AESH de la vie scolaire et des assistants d'éducation de manière à augmenter leur temps de travail, à les attacher à un établissement et à enrichir leur métier.

Par ailleurs, nous proposons également, en amont des notifications des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) – vous connaissez les difficultés que nous rencontrons à leur sujet – ; de transformer les pôles inclusifs d'accompagnement localisés (Pial) en structures capables d'accueillir les élèves, mais également d'évaluer leurs besoins.

Nous allons également permettre aux enseignants d'investir dans l'adaptation pédagogique via la formation des équipes, la mise en place d'enseignants référents dans les écoles et l'achat de matériel pédagogique adapté.

Enfin, nous allons vers le renforcement de la coopération entre le médico-social et l'école.

En bref, monsieur le sénateur, l'ambition que je porte avec le Gouvernement pour l'avenir de l'école inclusive est très largement partagée dans votre rapport. Nous aurons l'occasion d'échanger sur ce sujet.

Photo de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à Mme Marta de Cidrac, pour le groupe Les Républicains.

Photo de Jocelyne Guidez

Ma question s'adresse à M. le ministre de la santé et de la prévention.

Dynamiques tout au long de la crise sanitaire, les collectivités ont demandé à participer plus activement à la gouvernance des agences régionales de santé (ARS) pour mieux coordonner les réponses institutionnelles sur le terrain.

Actuellement, les ARS sont présidées par un conseil de surveillance qui se réunit trimestriellement. La loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale (3DS) a prévu le remplacement de ce conseil de surveillance par un conseil d'administration.

Cette mesure vise à renforcer l'ancrage territorial de ces établissements publics, ainsi que le rôle des parlementaires, afin de corriger le fonctionnement d'une administration trop centralisée.

En tant que membre du Sénat, j'ai été désignée le 22 avril 2022 par le président Gérard Larcher pour siéger, avec voix consultative, au sein du conseil d'administration de l'ARS Île-de-France. Ma collègue Nadia Sollogoub, que j'associe à ma question, l'a été pour l'ARS Bourgogne-Franche-Comté.

N'ayant pas reçu de convocation, à l'instar de tous mes collègues sénateurs, pour participer aux réunions de cette instance, j'ai découvert à ma grande surprise que les décrets d'application organisant l'évolution de ce conseil n'ont pas été publiés à ce jour. §Par conséquent, la direction des ARS ne peut pas modifier le fonctionnement actuel.

Pour contribuer aux projets qui répondent aux besoins des territoires, notamment pour faire face au défi de la désertification médicale, les membres titulaires de ce futur conseil d'administration attendent impatiemment la publication de ces décrets.

Pourriez-vous, monsieur le ministre, m'apporter plus de précisions à ce sujet et m'indiquer votre plan d'action pour accélérer l'évolution de ces dispositions ?

Photo de Marta de Cidrac

Ma question s’adresse à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Monsieur le ministre, promulguée en février 2020, la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (Agec), fixe dans son article 66 les objectifs de collecte que la France doit atteindre en matière de recyclage des bouteilles en plastique.

Elle indique également les étapes à suivre pour pouvoir évaluer cette trajectoire. Surtout, elle précise que, en concertation avec les parties prenantes, notamment les collectivités, le Gouvernement peut définir après la publication du bilan de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), prévu et attendu en 2023, et après évaluation des impacts environnementaux et économiques, les modalités d’une éventuelle mise en œuvre de la consigne.

Tel était le préalable indispensable à toute décision sur la consigne, que l’on y soit favorable ou non. Or, sans attendre les résultats de l’étude de l’Ademe, vous avez lancé votre propre évaluation dès janvier, monsieur le ministre. Cette méthode interpelle, vous en conviendrez. Vous enjambez sans égard les engagements pris et fixés dans la loi, …

Debut de section - PermalienPhoto de Marta de Cidrac

Ma question s’adresse à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Monsieur le ministre, promulguée en février 2020, la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, dite loi Agec, fixe dans son article 66 les objectifs de collecte que la France doit atteindre en matière de recyclage des bouteilles en plastique.

Elle indique également les étapes à suivre pour pouvoir évaluer cette trajectoire. Surtout, elle précise que, en concertation avec les parties prenantes, notamment les collectivités, le Gouvernement peut définir après la publication du bilan de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), prévu et attendu en 2023, et après évaluation des impacts environnementaux et économiques, les modalités d’une éventuelle mise en œuvre de la consigne.

Tel était le préalable indispensable à toute décision sur la consigne, que l’on y soit favorable ou non. Or, sans attendre les résultats de l’étude de l’Ademe, vous avez lancé votre propre évaluation dès janvier, monsieur le ministre. Cette méthode interpelle, vous en conviendrez. Vous enjambez sans égard les engagements pris et fixés dans la loi, …

Photo de Gérard Larcher

La parole est à M. le ministre de la santé et de la prévention.

François Braun, ministre de la santé et de la prévention

Madame la sénatrice Guidez, associer plus et mieux les élus au pilotage et à la refondation de notre système de santé, c'est l'esprit même du Conseil national de la refondation (CNR) Santé, qui est décliné dans tous les territoires, en concertation avec les élus, les citoyens et les professionnels de santé.

Telle est la méthode choisie par ce gouvernement, qui a le souci de dialoguer et de respecter la concertation avec le terrain.

Je ne peux donc que souscrire aux dispositions de la loi 3DS, voire m'en réjouir, car elles nous permettront de rénover le pilotage des ARS en donnant plus de place aux élus. Leur nombre sera en effet multiplié par deux dans les nouveaux conseils d'administration.

Vous le savez, l'une de mes priorités est également de mettre en application les lois votées par le Parlement, comme en témoigne la récente mise en œuvre de la loi longtemps attendue visant à plafonner l'intérim médical.

La présidente Catherine Deroche m'a également interpellé hier sur l'absence de parution du décret que vous évoquez, et que je déplore. Je puis vous rassurer, le travail se fait à l'échelle intergouvernementale et se poursuit avec les différentes parties prenantes, mon objectif étant que ce décret soit publié dans le courant de l'été.

Photo de Marta de Cidrac

… laissant planer le doute sur vos intentions réelles.

Les parties prenantes, particulièrement les élus, s’inquiètent et s’interrogent, surtout au regard des investissements lourds engagés dans leur territoire en faveur de la transition écologique.

Ma question, monsieur le ministre, est simple : quelles sont franchement vos intentions ?

Photo de Gérard Larcher

La parole est à Mme Jocelyne Guidez, pour la réplique.

Photo de Gérard Larcher

La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Photo de Jocelyne Guidez

Mme Jocelyne Guidez . La situation est assez ubuesque. Nous avons été désignés depuis plus d'un an, mais nous ne pouvons toujours pas siéger dans ces conseils d'administration. Des élections sénatoriales vont avoir lieu en septembre : aurai-je la chance d'y siéger un jour ? Monsieur le ministre, dépêchez-vous, cela devient très urgent !

Photo de Christophe Béchu

Madame la sénatrice de Cidrac, je m’adresse autant à la sénatrice qu’à la présidente du groupe d’études Économie circulaire.

La loi anti-gaspillage prévoit le lancement obligatoire, au premier semestre de 2023, d’une concertation par le Gouvernement. Celle-ci a été engagée par la secrétaire d’État Bérangère Couillard le 30 janvier dernier. Il s’agit d’une concertation : aucune décision n’a été prise, car il existe en réalité des disparités dans notre pays. Ces dernières doivent nous interpeller.

L’objectif de la loi anti-gaspillage est d’atteindre un taux de recyclage des bouteilles en plastique de 77 % en 2025 et de 90 % en 2029. Pour les emballages plastiques, le seuil est fixé à 50 % de recyclage en 2025 et à 55 % en 2029. Nous sommes à 60 % pour les bouteilles en plastique, pour un objectif de 77 % dans deux ans. Et nous sommes à seulement 25 % pour les emballages plastiques, l’objectif étant 50 % dans deux ans.

Pour autant, derrière ces chiffres, se cachent d’énormes disparités. La région Île-de-France et la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, par exemple, sont aux alentours de 40 % pour les bouteilles en plastique contre une moyenne de 60 %.

À l’inverse, la Bretagne et les Pays de la Loire sont à plus de 70 %. Un département comme la Haute-Saône a même déjà atteint 90 % de recyclage des bouteilles en plastique.

Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.

Photo de Gérard Larcher

Le Journal officiel portant nomination de Mme Guidez et d'autres collègues est daté du 10 juin 2022.

Photo de Christophe Béchu

La concertation vise, à la fois, dans le cadre de groupes de travail nationaux, à examiner comment faire plus et mieux et à profiter du retour des collectivités locales. Ces dernières ont avancé une première série de propositions le 18 avril dernier. Nous en attendons une deuxième le 24 mai prochain. Dans l’intervalle, le rapport de l’Ademe, qui sera publié d’ici à quelques jours, viendra compléter ce processus de concertation.

Aucune décision, je le répète, n’a été prise. Je sais les investissements réalisés par les collectivités locales. Ce qui nous importe, c’est d’être efficace. Or il existe aujourd’hui un enjeu de souveraineté : nos filières de recyclage et de réemploi doivent pouvoir bénéficier de plastique. Il existe par ailleurs un enjeu budgétaire pour les collectivités locales.

De surcroît, il existe un enjeu de justice, à savoir que tout le monde paie les malus à l’échelon européen pour les kilos de plastiques non recyclables utilisés, que l’on soit dans une région qui réalise des efforts ou dans une région qui n’en fait pas. Il existe aussi des disparités assez saisissantes à l’échelle des grandes villes, qui permettent de mesurer à quel point ce ne sont pas nécessairement ceux qui parlent le plus d’écologie qui font le plus de recyclage !

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Béchu

La concertation vise, à la fois, dans le cadre de groupes de travail nationaux, à examiner comment faire plus et mieux et à profiter du retour des collectivités locales. Ces dernières ont avancé une première série de propositions le 18 avril dernier. Nous en attendons une deuxième le 24 mai prochain. Dans l’intervalle, le rapport de l’Ademe, qui sera publié d’ici à quelques jours, viendra compléter ce processus de concertation.

Aucune décision, je le répète, n’a été prise. Je sais les investissements réalisés par les collectivités locales. Ce qui nous importe, c’est d’être efficaces. Or il existe aujourd’hui un enjeu de souveraineté : nos filières de recyclage et de réemploi doivent pouvoir bénéficier de plastique. Il existe par ailleurs un enjeu budgétaire pour les collectivités locales.

De surcroît, il existe un enjeu de justice, à savoir que tout le monde paie les malus à l’échelon européen pour les kilos de plastiques non recyclables utilisés, que l’on soit dans une région qui réalise des efforts ou dans une région qui n’en fait pas. Il existe aussi des disparités assez saisissantes à l’échelle des grandes villes, qui permettent de mesurer à quel point ce ne sont pas nécessairement ceux qui parlent le plus d’écologie qui font le plus de recyclage !

Photo de Vincent Segouin

Monsieur le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, le 15 avril dernier, la Caisse des dépôts et consignations, propriétaire de nombreuses forêts, a suspendu tous ses chantiers jusqu'à nouvel ordre. La direction interdépartementale des routes, qui veille à la sûreté routière, a fait de même. Ces arrêts font suite à une décision de l'Office français de la biodiversité (OFB), qui se fonde sur l'article L. 411-1 du code de l'environnement, lequel permet d'interdire toute destruction d'habitat et de suspendre tout chantier en forêt ou sur bosquet.

Les entreprises de travaux forestiers voient leurs commandes être annulées. Chaque année, près de 200 000 chantiers de sylviculture, d'entretien et de récolte sont ouverts. Ces entreprises nous alertent, car elles se retrouvent sans activité pendant une période minimum de cinq mois, non définie, et dépendante de l'arbitrage de l'OFB. Elles seront dorénavant incapables d'exploiter les bois en milieu humide, de réaliser en sept mois les travaux annuels et de produire le besoin national en bois.

Dois-je vous rappeler, monsieur le ministre, que les entreprises du bois contribuent à la protection contre les incendies, comme nous l'avons souhaité dans le texte visant à renforcer la prévention et la lutte contre l'intensification et l'extension du risque incendie voté en avril dernier, en réponse aux sinistres importants que nous avons connus en 2022 ?

Le bois est aussi le matériau nécessaire à la construction et à la lutte contre la précarité énergétique des logements. La pénurie créera de l'inflation et contribuera à la crise du logement naissante.

Enfin, le bois est une source d'énergie renouvelable nous permettant de lutter contre la dépendance aux énergies fossiles.

Sans exploitation temporaire, les entreprises vont devoir recourir au chômage partiel, arrêter leurs investissements, voire se mettre en cessation d'activité. Seront-elles les prochaines victimes de la désindustrialisation de la France ?

De plus, l'interprétation de l'article du code de l'environnement par l'OFB, qui voit un danger dans tout chantier en forêt, me paraît abusive et éloignée de la volonté du législateur.

Monsieur le ministre, que comptez-vous faire dans un futur immédiat et de façon durable pour les entreprises du bois qui, comme toutes les autres, ne peuvent vivre sans travailler ? §

Photo de Gérard Larcher

La parole est à Mme Marta de Cidrac, pour la réplique.

Photo de Gérard Larcher

La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Photo de Marta de Cidrac

Monsieur le ministre, je vous remercie de nous avoir rappelé tous les objectifs chiffrés de la loi Agec.

Vous l’avez souligné, certaines régions et certains départements s’inscrivent tout à fait dans la bonne trajectoire, et ce sans consigne, ce qui laisse supposer que nous avons aussi d’autres moyens pour parvenir à atteindre nos objectifs.

Quoi qu’il en soit, monsieur le ministre, l’enjeu environnemental de la loi Agec n’est pas suffisamment défendu. Vous avez évoqué l’enjeu économique, mais il existe également un véritable enjeu de pouvoir d’achat pour les Français. Nous devons avoir ces considérations-là à l’esprit.

Enfin, je me félicite que le Sénat ait pris la décision d’instituer une mission d’information relative à la consigne pour recyclage ou réemploi sur les emballages, qui commence ses travaux. Nous menons un grand nombre d’auditions et nous voyons bien que la consigne est très loin de susciter un consensus.

J’espère, monsieur le ministre, que lors de votre rencontre avec les associations d’élus, …

Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires

Monsieur le sénateur Segouin, pour vous répondre, j'évoquerai non pas ce que nous allons faire, mais ce que nous avons déjà fait. Les inquiétudes que vous évoquez nous ont été remontées, et vous avez raison de les pointer, mais nous faisons face à un enjeu crucial, qui va au-delà de la question que vous posez : je veux parler de l'ensemble de la gestion forestière en France, qui peut être à la fois un moyen de réindustrialisation, de soutien à la décarbonation et de stockage de carbone.

Cette brique essentielle de la planification écologique a été précisée, sous l'autorité de la Première ministre. Ainsi, un plan prévoyant la plantation d'un milliard d'arbres, …

Photo de Marta de Cidrac

Mme Marta de Cidrac. … vous tiendrez compte des quatorze propositions qui vous ont été faites.

Christophe Béchu, ministre

… a été annoncé, lequel soulève deux problèmes dont il faut nous occuper.

Le premier, qui n'est pas l'objet de votre question, concerne les ongulés, le deuxième, que vous soulevez, a trait aux injonctions liées, d'une part, à la transposition des directives européenne Habitat et Oiseaux, et, d'autre part, aux obligations légales en matière de débroussaillement, et, plus largement, de travaux sylvicoles de récolte, d'entretien ou tout simplement d'aménagement.

Sur 200 000 chantiers sylvicoles, il y a eu quinze verbalisations cette année.

Christophe Béchu, ministre

Ce nombre est exactement le même que l'année dernière à la même époque, sans qu'il y ait eu la moindre évolution dans la réglementation.

En revanche, cette incompréhension, dont vous vous faites le porte-parole, m'est parvenue. Aussi ai-je demandé au délégué ministériel forêt-bois de réunir l'ensemble des acteurs concernés – les ONG et toutes les entreprises sylvicoles –, en liaison étroite avec le ministère de l'agriculture, compétent s'agissant de la récolte sylvicole.

Photo de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Christophe Béchu, ministre

Ses conclusions m'ont été remises à la fin du mois d'avril. Nous avons consulté les acteurs forestiers ces tout derniers jours et les propositions pour clarifier les règles leur conviennent.

J'y insiste, nous évoquons des lieux qui présentent un double enjeu : ce sont, certes, des sanctuaires de biodiversité, mais ils ont aussi vocation à être travaillés par l'homme. Concilier les deux aspects, tel est le sens des propositions que Marc Fesneau et moi rendrons publiques dans les tout prochains jours. Je le répète, celles-ci ont fait l'objet d'une consultation avec les têtes de réseau sylvicoles et les ONG afin de trouver la voie d'un compromis qui permette de tenir les deux bouts de cette chaîne absolument indispensable. §

Photo de Franck Montaugé

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’inflation s’est installée durablement à un haut niveau dans notre société.

De très nombreux Français vivent au quotidien une austérité de fait, qui affecte sensiblement leur pouvoir de vivre.

Alors que les défis environnementaux et sociaux sont immenses, le rétablissement des comptes publics ne doit pas se faire au détriment de l’action publique, celle de l’État comme celle des collectivités, qui sont en première ligne auprès de nos concitoyens.

Au terme de l’année 2023, l’inflation se sera traduite par une perte, en euros constants, de plus de 1 milliard pour la seule dotation globale de fonctionnement (DGF). L’inflation est très supérieure à 10 % pour le panier du maire, et elle va durer.

À ce niveau, vous ne pouvez pas laisser l’action publique locale s’affaiblir durablement.

Dans ce contexte, les élus constatent que les filets de sécurité et autres amortisseurs ont des limites.

En matière d’investissement, des préfectures enregistrent des taux de réalisation d’à peine 60 % sur le cycle de mandat et rendent des crédits. Il n’est pas normal que des collectivités renoncent à l’action pour cause de capacité d’autofinancement dégradée par la conjoncture ou de complexité administrative de gestion des dossiers.

Par exemple, une gestion différente des dossiers éligibles à la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) devrait être proposée par le Gouvernement pour soutenir les projets des élus locaux.

Madame la ministre, quelles mesures structurelles et durables envisagez-vous de prendre pour préserver, voire pour restaurer, les capacités de fonctionnement et d’investissement de nos collectivités locales ?

Photo de Émilienne Poumirol

Ma question s'adresse à M. le ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées.

Après des années d'immobilisme gouvernemental lors du quinquennat précédent, il aura fallu un drame pour que vous vous saisissiez du sujet de la petite enfance et des crèches.

La situation n'est pourtant pas nouvelle. Après des années de sous-investissement et de déréglementation, le constat que fait aujourd'hui l'inspection générale des affaires sociales (Igas) dans son rapport est sans appel. Elle souligne que, « sur le plan systémique, les conditions ne sont pas réunies, à ce jour, pour garantir une qualité d'accueil » dans les crèches.

L'inspection pointe à la fois la maltraitance institutionnelle qui pèse sur les professionnels, un taux d'encadrement trop faible, une formation insuffisante des professionnels, des modes de financement inadéquats, une gouvernance et un contrôle qui doivent être renforcés. Et elle va plus loin en faisant le parallèle avec la situation des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad).

En effet, elle relève dans son rapport que le secteur des crèches est également marqué par la domination de grands groupes privés à but lucratif, ce qui a conduit, ces dernières années, à « une dégradation progressive de la qualité d'accueil au profit de logiques financières ».

Après les hôpitaux, les Ephad, c'est au tour des crèches d'être délaissées par la puissance publique, et ce au profit de la logique marchande.

Monsieur le ministre, quand allez-vous enfin reformer le secteur de la petite enfance et investir pour permettre à chaque enfant d'être accueilli dans des conditions qui garantissent son développement et son bien-être ? §

Photo de Gérard Larcher

La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.

Photo de Gérard Larcher

La parole est à M. le ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées.

Dominique Faure

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l ’ intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Montaugé, pour la première fois depuis treize ans, et vous le savez bien, le Gouvernement a décidé d’une hausse exceptionnelle de 320 millions d’euros en loi de finances, qui a permis à 90 % des communes de voir leur DGF augmenter.

Jean-Christophe Combe, ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées

Madame la sénatrice Poumirol, vous avez raison, la sécurité des enfants accueillis doit être la première de nos priorités collectives. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle, dès que j'ai été nommé ministre, en juillet dernier, j'ai diligenté une mission de l'inspection générale des affaires sociales pour faire la lumière sur la situation dans les crèches et nous assurer de la robustesse des règles qui y sont appliquées, ainsi que de la qualité des contrôles. J'ai également demandé à ce que les inspecteurs nous fassent un certain nombre de propositions.

Vous avez rappelé un certain nombre de constats, mais il me semble important de préciser que la qualité de l'accueil est hétérogène dans tous les secteurs, tant dans le secteur public que dans le secteur associatif ou privé commercial. Cette hétérogénéité n'est pas l'apanage d'un seul secteur.

Beaucoup de problèmes sont dus à la pénurie de professionnels, mais aussi au manque d'intégration des connaissances sur le jeune enfant dans les projets d'établissement et dans la formation des professionnels. Enfin, le rapport met au jour les limites des contrôles qui sont assurés aujourd'hui par les services de protection maternelle et infantile (PMI) des départements.

Vous le savez, j'ai fait de la lutte contre les maltraitances une priorité de mon ministère. J'ai lancé récemment les états généraux des maltraitances. Cette lutte est le fil rouge de mon action à la tête du ministère dont j'ai la responsabilité.

Je précise par ailleurs que, la qualité et la sécurité d'accueil étant notre priorité, il n'est pas question de laisser ouvertes des crèches ou des places d'accueil en cas de manque de professionnels. La Première ministre a ainsi demandé l'été dernier à l'ensemble des préfets de fermer les crèches dans ce cas.

Enfin, sachez que j'aurai également à cœur de mettre en œuvre…

Dominique Faure

Dans la ruralité, que vous connaissez bien, monsieur le sénateur, la DGF de 94 % de nos communes a augmenté.

Jean-Christophe Combe, ministre

… les trente-neuf propositions qui ont été faites par les inspecteurs généraux des affaires sociales dans le cadre de la mise en place de la garantie d'accueil du jeune enfant.

Dominique Faure

Ces hausses de DGF s’ajoutent à l’ensemble des mesures décidées en loi de finances pour 2023 pour soutenir les finances des collectivités territoriales. Je pense au bouclier tarifaire, à l’amortisseur électricité, au filet de sécurité, au maintien des dotations d’investissement à leur plus haut niveau, à la création du fonds vert et à la revalorisation des bases de fiscalité locale à hauteur de 7 %.

Photo de Gérard Larcher

La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour la réplique.

Photo de Émilienne Poumirol

Monsieur le ministre, vous évoquez les trente-neuf propositions formulées dans ce rapport de l'Igas. Certes, la qualité de l'accueil est hétérogène tant dans le secteur public que dans le secteur privé, mais il ne faut pas oublier que les normes en matière d'encadrement ne sont pas les mêmes dans les deux cas. Or vous savez bien que le personnel représente le premier poste de dépenses des crèches.

Nous avons besoin d'actes, monsieur le ministre, et non pas d'intentions vagues et sans calendrier.

Photo de Mickaël Vallet

C’est trop ! N’en jetez plus !

Dominique Faure

À cet égard, je rappelle que, pour 2023, la somme des mesures prévues pour les collectivités a été plus importante qu’une simple indexation de la DGF sur l’inflation : 2, 8 milliards d’euros ont été inscrits en loi de finances initiale pour 2023 alors qu’une indexation sur la DGF n’aurait conduit qu’à une augmentation de 1, 1 milliard d’euros en 2023.

Cet effort significatif témoigne de la volonté du Gouvernement d’apporter un soutien continu aux communes, particulièrement à celles qui sont confrontées à des difficultés économiques et sociales. L’intégralité des conséquences de l’inflation doit faire l’objet d’un effort commun des collectivités territoriales et de l’État.

En résumé, comme l’a indiqué Christophe Béchu précédemment, bien que la situation financière des collectivités locales à la fin de l’année 2022 soit encore meilleure qu’à la fin de l’année 2021, il existe entre les situations beaucoup d’hétérogénéité

Photo de Christophe-André Frassa

Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

Il y a deux ans jour pour jour, le 10 mai 2021, notre compatriote Juan Rémy Quignolot a été arrêté à Bangui par les autorités centrafricaines, pour de prétendues atteintes à la sécurité intérieure de l'État, pour complot et espionnage.

Notre compatriote a été maintenu dans un premier temps en détention provisoire, ce qui a légitimement provoqué des tensions entre la France et la République centrafricaine. Désormais en liberté provisoire, et sous le coup d'une enquête judiciaire qui s'éternise pour d'ubuesques faits d'espionnage, il est hébergé par l'ambassadeur de France, dont je tiens ici à saluer l'aide et le soutien qu'il apporte à notre compatriote.

Juan Rémy Quignolot a entamé une grève de la faim pour dénoncer sa situation. Les allégations fantaisistes portées contre lui ne peuvent en aucun cas constituer le fondement d'une enquête judiciaire sérieuse. Pourtant, même si la France appelle à sa libération immédiate, la situation, hélas, n'évolue pas.

Ce cas relève, à bien des égards, du groupe de travail de l'ONU sur la détention arbitraire. Notre compatriote est désormais l'otage de Bangui, au cœur d'une relation délétère entre la France et la Centrafrique. Rien de plus ! Nous ne pouvons pas l'accepter !

Ce triste anniversaire doit être le dernier et la France doit tout mettre en œuvre pour que Juan Rémy Quignolot retrouve sa liberté et son pays. §

Photo de Gérard Larcher

La parole est à M. le ministre délégué chargé du commerce extérieur, de l'attractivité et des Français de l'étranger.

Dominique Faure

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Je suis à votre disposition, ainsi qu’à celle des communes de votre département.

Olivier Becht, ministre délégué auprès de la ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur, de l'attractivité et des Français de l'étranger

Monsieur le sénateur Frassa, voici ce que je peux vous répondre à ce stade, avec toutes les précautions qui conviennent dans cette situation. J'espère que vous le comprendrez.

Effectivement, M. Quignolot a été arrêté à Bangui en mai 2021. Il a été placé en détention provisoire en République centrafricaine pendant plus de seize mois. La justice centrafricaine a décidé, le 28 septembre 2022, de sa mise en liberté provisoire, afin qu'il puisse recevoir les soins médicaux nécessaires dans l'attente de son procès.

Ce que je peux vous dire, c'est que, durant sa détention provisoire, M. Quignolot a bénéficié de ce que l'on appelle la protection consulaire, prévue par la convention de Vienne du 24 avril 1963. Il a reçu, à ce titre, un certain nombre de visites consulaires. Sa situation continue d'être suivie quotidiennement à la fois à Bangui et à Paris, et les services du Quai d'Orsay sont en relation étroite avec sa famille. Ils suivent la situation et nous espérons évidemment une résolutionrapide de son cas.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Franck Montaugé, pour la réplique.

Photo de Christophe-André Frassa

Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre.

Ce que je veux, c'est que M. Quignolot sache, comme sa famille, que, loin de Bangui, il y a des gens qui se préoccupent de lui et qui mettent tout en œuvre pour qu'il revienne vers les siens le plus rapidement possible. §

Photo de Franck Montaugé

Je ne partage pas du tout votre analyse, madame la ministre. Nombre de collectivités vont connaître des jours très difficiles. J’ai compris, pour ma part, qu’elles seront partie intégrante du plan d’austérité que vous êtes en train de mettre en place.

À l’inverse, nous pensons que, pour répondre aux besoins des Français, les moyens des collectivités doivent être préservés à tout prix. Avec les élus locaux, nous restons dans l’attente de mesures rapidement efficaces.

Photo de Hugues Saury

Madame la ministre déléguée chargée des collectivités et de la ruralité, depuis de nombreuses années, pour les fêtes de Pentecôte, à Nevoy, dans le Loiret, des milliers de pèlerins issus de la communauté des gens du voyage provenant de la France entière convergent vers un terrain privé de l'association Vie et Lumière. En 2022, ils étaient plus de 30 000, et, depuis le 6 mai dernier, ils sont plus de 40 000 voyageurs dans une commune de 1 200 habitants, au sein d'un bassin de vie de 25 000 personnes autour de la petite ville de Gien.

Faute de places, des gens du voyage occupent illégalement des terrains agricoles, branchent leurs installations électriques et d'eau directement chez des particuliers, et les alentours, devenus un véritable cloaque, sont jonchés d'immondices en tout genre.

De fortes tensions sont en train d'éclater entre les habitants excédés et des gens du voyage. Cette situation pose de graves problèmes de sécurité, de salubrité et de santé publiques, d'autant que les urgences de l'hôpital de Gien sont fermées jusqu'au mois de septembre prochain, faute de personnel. Aucun des services publics n'est dimensionné pour un tel afflux.

Jusqu'à présent, les élus acceptaient le principe d'un unique rassemblement, dès lors que celui-ci respectait les capacités du terrain, soit 20 000 personnes. Ce n'est plus le cas et, depuis quelques années, un second rassemblement de gens du voyage venant de toute l'Europe est même organisé en août.

En 2015, les élus locaux et les parlementaires, dont nos collègues Sueur et Cardoux, avaient déjà alerté le Premier ministre, lequel s'était engagé à ce que l'État propose dorénavant un autre lieu pour un second rassemblement annuel. La promesse fut respectée pendant quelques années, mais elle ne tint qu'un temps. Depuis, les élus ont été promenés dans différents ministères et ont été reçus par plusieurs premiers ministres. En vain !

L'ensemble des habitants subissent au quotidien, nuisances et incivilités, et la commune de Nevoy demeure isolée.

Madame la ministre, pouvez-vous en priorité faire respecter la parole de l'État ? Comptez-vous faire preuve d'autorité pour enfin reprendre le contrôle de cette situation inadmissible ? §

Photo de Gérard Larcher

La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.

Photo de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Cédric Vial, pour le groupe Les Républicains.

Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité

Monsieur le sénateur Saury, j'ai bien conscience des difficultés que vous soulevez.

Je le sais pour avoir échangé avec Anthony Dubois, le rassemblement de Nevoy revêt une importance toute particulière pour les gens du voyage. Ce rassemblement évangélique, qui se déroule cette année du 6 au 14 mai, devait accueillir environ 20 000 personnes. Elles sont aujourd'hui plus de 40 000, comme vous l'avez indiqué, dans une commune de 1 200 habitants. Cela fait peser sur cette dernière et les services de l'État une très forte contrainte.

Je tiens à saluer l'implication des élus et des services de l'État pour que cet événement se déroule dans les meilleures conditions.

Cette surfréquentation de gens du voyage sur des terrains non prévus à cet effet pose de réels problèmes de circulation et en matière sanitaire. À cet égard, la préfète du Loiret et le Gouvernement ont pris des mesures fortes dans la perspective d'un second rassemblement au mois d'août.

J'entends les inquiétudes des riverains et des élus. Je le répète, le Gouvernement est pleinement mobilisé sur ce sujet. §Je m'engage à ce que l'ensemble des parties prenantes – élus, associations d'élus, association Vie et Lumière – soient associées pour dégager des solutions pérennes pour les années à venir, dans le respect des sensibilités de chacun.

Photo de Gérard Larcher

La parole est à M. Hugues Saury, pour la réplique.

Photo de Cédric Vial

Ma question s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.

Monsieur le ministre, 430 000 élèves sont reconnus en situation de handicap, soit en moyenne un élève par classe.

Il est de la responsabilité de votre ministère, mais c’est aussi une question de justice sociale, d’humanité et d’honneur pour notre pays, d’accompagner au mieux ces enfants et adolescents vers plus d’autonomie et vers la réussite scolaire.

Il est vrai que ces dernières années des moyens importants ont été mis en œuvre par l’État pour favoriser leur prise en charge et leur accompagnement humain grâce au recrutement massif d’accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH). Au nombre de 135 000, ces derniers sont aujourd’hui le deuxième métier de l’éducation nationale.

Toutefois, en l’absence d’une organisation adaptée et d’une véritable approche éducative centrée sur les besoins spécifiques de ces élèves, notre système a atteint ses limites et ne permet pas de répondre aux attentes des enfants et des familles concernés. Il met même parfois l’institution scolaire en difficulté.

Dans un récent rapport que j’ai rendu au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat, nous appelons à franchir une nouvelle étape dans la mise en œuvre d’une politique d’inclusion scolaire efficace et nous formulons une vingtaine de préconisations.

Nous vous proposons de mettre en place un cadre culturel rénové et une organisation administrative profondément corrigée, en faisant de l’accessibilité pédagogique la priorité qu’elle n’aurait jamais dû cesser d’être, en prônant une prise en charge des élèves plus qualitative et continue, en améliorant les relations avec les familles, en renforçant les liens avec le secteur médico-social, ainsi qu’en respectant et en professionnalisant le beau métier d’AESH.

Alors que la Conférence nationale du handicap a créé plus de déceptions qu’elle ne suscite d’espoir, monsieur le ministre, êtes-vous prêt à travailler sur la base des propositions du Sénat à la création d’un véritable service public de l’inclusion scolaire ?

Photo de Hugues Saury

Le Gouvernement fuit ses responsabilités, abandonne et livre à eux-mêmes les habitants de Nevoy. Ainsi, vous actez la totale démission de l'État pour protéger ses citoyens. §

Photo de Gérard Larcher

Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.

Notre prochaine séance de questions au Gouvernement aura lieu le mercredi 17 mai, à quinze heures.

La séance est suspendue.

Photo de Gérard Larcher

La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.

Pap Ndiaye

Monsieur le sénateur Cédric Vial, je veux d’abord vous remercier pour votre récent rapport d’information, dont je partage les constats et une bonne partie des propositions.

Vous l’avez souligné, 430 000 élèves en situation de handicap sont scolarisés en milieu ordinaire. Plus de 130 000 AESH sont employés. Le budget annuel de l’école inclusive s’élève à 3, 8 milliards d’euros. Il s’agit de chiffres importants.

Pour autant, les difficultés que vous pointez sont bien réelles. Elles ont motivé les propositions du Président de la République lors de la Conférence nationale du handicap, qui s’est tenue le 26 avril dernier, propositions très substantielles – nous aurons l’occasion d’échanger ensemble à ce sujet.

Dès la rentrée 2023, tous les enfants scolarisés, y compris ceux qui sont en milieu médico-social, bénéficieront d’un identifiant national les rattachant à l’éducation nationale et permettant de suivre leur scolarité.

Par ailleurs, nous devons progresser concernant le temps de travail des AESH. Nous avançons du côté du périscolaire avec les collectivités, mais nous proposons aussi de rapprocher les AESH de la vie scolaire et des assistants d’éducation de manière à augmenter leur temps de travail, à les attacher à un établissement et à enrichir leur métier.

Par ailleurs, nous proposons également, en amont des notifications des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) – vous connaissez les difficultés que nous rencontrons à leur sujet – ; de transformer les pôles inclusifs d’accompagnement localisés (Pial) en structures capables d’accueillir les élèves, mais également d’évaluer leurs besoins.

Nous allons également permettre aux enseignants d’investir dans l’adaptation pédagogique via la formation des équipes, la mise en place d’enseignants référents dans les écoles et l’achat de matériel pédagogique adapté.

Enfin, nous allons vers le renforcement de la coopération entre le médico-social et l’école.

En bref, monsieur le sénateur, l’ambition que je porte avec le Gouvernement pour l’avenir de l’école inclusive est très largement partagée dans votre rapport. Nous aurons l’occasion d’échanger sur ce sujet.

Debut de section - Permalien
Pap Ndiaye

Monsieur le sénateur Cédric Vial, je veux d’abord vous remercier pour votre récent rapport d’information, dont je partage les constats et une bonne partie des propositions.

Vous l’avez souligné, 430 000 élèves en situation de handicap sont scolarisés en milieu ordinaire. Plus de 130 000 AESH sont employés. Le budget annuel de l’école inclusive s’élève à 3, 8 milliards d’euros. Il s’agit de chiffres importants.

Pour autant, les difficultés que vous pointez sont bien réelles. Elles ont motivé les propositions du Président de la République lors de la Conférence nationale du handicap, qui s’est tenue le 26 avril dernier, propositions très substantielles – nous aurons l’occasion d’échanger ensemble à ce sujet.

Dès la rentrée 2023, tous les enfants scolarisés, y compris ceux qui sont en milieu médico-social, bénéficieront d’un identifiant national les rattachant à l’éducation nationale et permettant de suivre leur scolarité.

Par ailleurs, nous devons progresser concernant le temps de travail des AESH. Nous avançons du côté du périscolaire avec les collectivités, mais nous proposons aussi de rapprocher les AESH de la vie scolaire et des assistants d’éducation de manière à augmenter leur temps de travail, à les attacher à un établissement et à enrichir leur métier.

Par ailleurs, nous proposons également, en amont des notifications des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) – vous connaissez les difficultés que nous rencontrons à leur sujet –, de transformer les pôles inclusifs d’accompagnement localisés (Pial) en structures capables d’accueillir les élèves, mais également d’évaluer leurs besoins.

Nous allons également permettre aux enseignants d’investir dans l’adaptation pédagogique via la formation des équipes, la mise en place d’enseignants référents dans les écoles et l’achat de matériel pédagogique adapté.

Enfin, nous allons vers le renforcement de la coopération entre le médico-social et l’école.

En bref, monsieur le sénateur, l’ambition que je porte avec le Gouvernement pour l’avenir de l’école inclusive est très largement partagée dans votre rapport. Nous aurons l’occasion d’échanger sur ce sujet.

Photo de Pierre Laurent

L'ordre du jour appelle l'examen d'une demande de la commission des finances tendant à obtenir du Sénat, en application de l'article 5 ter de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, qu'il lui confère, pour une durée de trois mois, les prérogatives attribuées aux commissions d'enquête pour mener une mission d'information portant sur la création du fonds Marianne, la sélection des projets et l'attribution des subventions, le contrôle de leur exécution et les résultats obtenus au regard des objectifs du fonds.

Il a été donné connaissance de cette demande au Sénat lors de la séance du 3 mai dernier.

Je mets aux voix la demande de la commission des finances.

Photo de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Guidez, pour le groupe Union Centriste.

Photo de Pierre Laurent

En conséquence, la commission des finances se voit conférer, pour une durée de trois mois, les prérogatives attribuées aux commissions d'enquête pour mener cette mission d'information.

Le Gouvernement sera informé de la décision qui vient d'être prise par le Sénat.

Photo de Jocelyne Guidez

Ma question s’adresse à M. le ministre de la santé et de la prévention.

Dynamiques tout au long de la crise sanitaire, les collectivités ont demandé à participer plus activement à la gouvernance des agences régionales de santé (ARS) pour mieux coordonner les réponses institutionnelles sur le terrain.

Actuellement, les ARS sont présidées par un conseil de surveillance qui se réunit trimestriellement. La loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale (3DS) a prévu le remplacement de ce conseil de surveillance par un conseil d’administration.

Cette mesure vise à renforcer l’ancrage territorial de ces établissements publics, ainsi que le rôle des parlementaires, afin de corriger le fonctionnement d’une administration trop centralisée.

En tant que membre du Sénat, j’ai été désignée le 22 avril 2022 par le président Gérard Larcher pour siéger, avec voix consultative, au sein du conseil d’administration de l’ARS Île-de-France. Ma collègue Nadia Sollogoub, que j’associe à ma question, l’a été pour l’ARS Bourgogne-Franche-Comté.

N’ayant pas reçu de convocation, à l’instar de tous mes collègues sénateurs, pour participer aux réunions de cette instance, j’ai découvert à ma grande surprise que les décrets d’application organisant l’évolution de ce conseil n’ont pas été publiés à ce jour. §Par conséquent, la direction des ARS ne peut pas modifier le fonctionnement actuel.

Pour contribuer aux projets qui répondent aux besoins des territoires, notamment pour faire face au défi de la désertification médicale, les membres titulaires de ce futur conseil d’administration attendent impatiemment la publication de ces décrets.

Pourriez-vous, monsieur le ministre, m’apporter plus de précisions à ce sujet et m’indiquer votre plan d’action pour accélérer l’évolution de ces dispositions ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jocelyne Guidez

Ma question s’adresse à M. le ministre de la santé et de la prévention.

Dynamiques tout au long de la crise sanitaire, les collectivités ont demandé à participer plus activement à la gouvernance des agences régionales de santé (ARS) pour mieux coordonner les réponses institutionnelles sur le terrain.

Actuellement, les ARS sont présidées par un conseil de surveillance qui se réunit trimestriellement. La loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dite loi 3DS, a prévu le remplacement de ce conseil de surveillance par un conseil d’administration.

Cette mesure vise à renforcer l’ancrage territorial de ces établissements publics, ainsi que le rôle des parlementaires, afin de corriger le fonctionnement d’une administration trop centralisée.

En tant que membre du Sénat, j’ai été désignée le 22 avril 2022 par le président Gérard Larcher pour siéger, avec voix consultative, au sein du conseil d’administration de l’ARS Île-de-France. Ma collègue Nadia Sollogoub, que j’associe à ma question, l’a été pour l’ARS Bourgogne-Franche-Comté.

N’ayant pas reçu de convocation, à l’instar de tous mes collègues sénateurs, pour participer aux réunions de cette instance, j’ai découvert à ma grande surprise que les décrets d’application organisant l’évolution de ce conseil n’ont pas été publiés à ce jour. §Par conséquent, la direction des ARS ne peut pas modifier le fonctionnement actuel.

Pour contribuer aux projets qui répondent aux besoins des territoires, notamment pour faire face au défi de la désertification médicale, les membres titulaires de ce futur conseil d’administration attendent impatiemment la publication de ces décrets.

Pourriez-vous, monsieur le ministre, m’apporter plus de précisions à ce sujet et m’indiquer votre plan d’action pour accélérer l’évolution de ces dispositions ?

Photo de Gérard Larcher

La parole est à M. le ministre de la santé et de la prévention.

Photo de Pierre Laurent

L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote sur le projet de loi ratifiant les ordonnances relatives à la partie législative du livre VII du code monétaire et financier et portant diverses dispositions relatives à l'outre-mer (projet n° 540, texte de la commission n° 573, rapport n° 572).

La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.

La conférence des présidents a décidé que ce texte serait discuté selon la procédure de législation en commission prévue au chapitre XIV bis du règlement du Sénat.

Au cours de cette procédure, le droit d'amendement des sénateurs et du Gouvernement s'exerce en commission, la séance plénière étant réservée aux explications de vote et au vote sur l'ensemble du texte adopté par la commission.

François Braun

Madame la sénatrice Guidez, associer plus et mieux les élus au pilotage et à la refondation de notre système de santé, c’est l’esprit même du Conseil national de la refondation (CNR) Santé, qui est décliné dans tous les territoires, en concertation avec les élus, les citoyens et les professionnels de santé.

Telle est la méthode choisie par ce gouvernement, qui a le souci de dialoguer et de respecter la concertation avec le terrain.

Je ne peux donc que souscrire aux dispositions de la loi 3DS, voire m’en réjouir, car elles nous permettront de rénover le pilotage des ARS en donnant plus de place aux élus. Leur nombre sera en effet multiplié par deux dans les nouveaux conseils d’administration.

Vous le savez, l’une de mes priorités est également de mettre en application les lois votées par le Parlement, comme en témoigne la récente mise en œuvre de la loi longtemps attendue visant à plafonner l’intérim médical.

La présidente Catherine Deroche m’a également interpellé hier sur l’absence de parution du décret que vous évoquez, et que je déplore. Je puis vous rassurer, le travail se fait à l’échelle intergouvernementale et se poursuit avec les différentes parties prenantes, mon objectif étant que ce décret soit publié dans le courant de l’été.

Photo de Gérard Larcher

La parole est à Mme Jocelyne Guidez, pour la réplique.

Photo de Jocelyne Guidez

Mme Jocelyne Guidez . La situation est assez ubuesque. Nous avons été désignés depuis plus d’un an, mais nous ne pouvons toujours pas siéger dans ces conseils d’administration. Des élections sénatoriales vont avoir lieu en septembre : aurai-je la chance d’y siéger un jour ? Monsieur le ministre, dépêchez-vous, cela devient très urgent !

Photo de Gérard Larcher

Le Journal officiel portant nomination de Mme Guidez et d’autres collègues est daté du 10 juin 2022.

Photo de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Vincent Segouin, pour le groupe Les Républicains.

Photo de Vincent Segouin

Monsieur le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, le 15 avril dernier, la Caisse des dépôts et consignations, propriétaire de nombreuses forêts, a suspendu tous ses chantiers jusqu’à nouvel ordre. La direction interdépartementale des routes, qui veille à la sûreté routière, a fait de même. Ces arrêts font suite à une décision de l’Office français de la biodiversité (OFB), qui se fonde sur l’article L. 411-1 du code de l’environnement, lequel permet d’interdire toute destruction d’habitat et de suspendre tout chantier en forêt ou sur bosquet.

Les entreprises de travaux forestiers voient leurs commandes être annulées. Chaque année, près de 200 000 chantiers de sylviculture, d’entretien et de récolte sont ouverts. Ces entreprises nous alertent, car elles se retrouvent sans activité pendant une période minimum de cinq mois, non définie, et dépendante de l’arbitrage de l’OFB. Elles seront dorénavant incapables d’exploiter les bois en milieu humide, de réaliser en sept mois les travaux annuels et de produire le besoin national en bois.

Dois-je vous rappeler, monsieur le ministre, que les entreprises du bois contribuent à la protection contre les incendies, comme nous l’avons souhaité dans le texte visant à renforcer la prévention et la lutte contre l’intensification et l’extension du risque incendie voté en avril dernier, en réponse aux sinistres importants que nous avons connus en 2022 ?

Le bois est aussi le matériau nécessaire à la construction et à la lutte contre la précarité énergétique des logements. La pénurie créera de l’inflation et contribuera à la crise du logement naissante.

Enfin, le bois est une source d’énergie renouvelable nous permettant de lutter contre la dépendance aux énergies fossiles.

Sans exploitation temporaire, les entreprises vont devoir recourir au chômage partiel, arrêter leurs investissements, voire se mettre en cessation d’activité. Seront-elles les prochaines victimes de la désindustrialisation de la France ?

De plus, l’interprétation de l’article du code de l’environnement par l’OFB, qui voit un danger dans tout chantier en forêt, me paraît abusive et éloignée de la volonté du législateur.

Monsieur le ministre, que comptez-vous faire dans un futur immédiat et de façon durable pour les entreprises du bois qui, comme toutes les autres, ne peuvent vivre sans travailler ?

Photo de Gérard Larcher

La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Photo de Christophe Béchu

Monsieur le sénateur Segouin, pour vous répondre, j’évoquerai non pas ce que nous allons faire, mais ce que nous avons déjà fait. Les inquiétudes que vous évoquez nous ont été remontées, et vous avez raison de les pointer, mais nous faisons face à un enjeu crucial, qui va au-delà de la question que vous posez : je veux parler de l’ensemble de la gestion forestière en France, qui peut être à la fois un moyen de réindustrialisation, de soutien à la décarbonation et de stockage de carbone.

Cette brique essentielle de la planification écologique a été précisée, sous l’autorité de la Première ministre. Ainsi, un plan prévoyant la plantation d’un milliard d’arbres, …

Photo de Christophe Béchu

… a été annoncé, lequel soulève deux problèmes dont il faut nous occuper.

Le premier, qui n’est pas l’objet de votre question, concerne les ongulés, le deuxième, que vous soulevez, a trait aux injonctions liées, d’une part, à la transposition des directives européenne Habitat et Oiseaux, et, d’autre part, aux obligations légales en matière de débroussaillement, et, plus largement, de travaux sylvicoles de récolte, d’entretien ou tout simplement d’aménagement.

Sur 200 000 chantiers sylvicoles, il y a eu quinze verbalisations cette année.

Photo de Christophe Béchu

Ce nombre est exactement le même que l’année dernière à la même époque, sans qu’il y ait eu la moindre évolution dans la réglementation.

En revanche, cette incompréhension, dont vous vous faites le porte-parole, m’est parvenue. Aussi ai-je demandé au délégué ministériel forêt-bois de réunir l’ensemble des acteurs concernés – les ONG et toutes les entreprises sylvicoles –, en liaison étroite avec le ministère de l’agriculture, compétent s’agissant de la récolte sylvicole.

Photo de Christophe Béchu

Ses conclusions m’ont été remises à la fin du mois d’avril. Nous avons consulté les acteurs forestiers ces tout derniers jours et les propositions pour clarifier les règles leur conviennent.

J’y insiste, nous évoquons des lieux qui présentent un double enjeu : ce sont, certes, des sanctuaires de biodiversité, mais ils ont aussi vocation à être travaillés par l’homme. Concilier les deux aspects, tel est le sens des propositions que Marc Fesneau et moi rendrons publiques dans les tout prochains jours. Je le répète, celles-ci ont fait l’objet d’une consultation avec les têtes de réseau sylvicoles et les ONG afin de trouver la voie d’un compromis qui permette de tenir les deux bouts de cette chaîne absolument indispensable.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Béchu

Ses conclusions m’ont été remises à la fin du mois d’avril. Nous avons consulté les acteurs forestiers ces tout derniers jours et les propositions pour clarifier les règles leur conviennent.

J’y insiste, nous évoquons des lieux qui présentent un double enjeu : ce sont, certes, des sanctuaires de biodiversité, mais ils ont aussi vocation à être travaillés par l’homme. Concilier les deux aspects, tel est le sens des propositions que Marc Fesneau et moi-même rendrons publiques dans les tout prochains jours. Je le répète, celles-ci ont fait l’objet d’une consultation avec les têtes de réseau sylvicoles et les ONG afin de trouver la voie d’un compromis qui permette de tenir les deux bouts de cette chaîne absolument indispensable.

Photo de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Photo de Émilienne Poumirol

Ma question s’adresse à M. le ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées.

Après des années d’immobilisme gouvernemental lors du quinquennat précédent, il aura fallu un drame pour que vous vous saisissiez du sujet de la petite enfance et des crèches.

La situation n’est pourtant pas nouvelle. Après des années de sous-investissement et de déréglementation, le constat que fait aujourd’hui l’inspection générale des affaires sociales (Igas) dans son rapport est sans appel. Elle souligne que, « sur le plan systémique, les conditions ne sont pas réunies, à ce jour, pour garantir une qualité d’accueil » dans les crèches.

L’inspection pointe à la fois la maltraitance institutionnelle qui pèse sur les professionnels, un taux d’encadrement trop faible, une formation insuffisante des professionnels, des modes de financement inadéquats, une gouvernance et un contrôle qui doivent être renforcés. Et elle va plus loin en faisant le parallèle avec la situation des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad).

En effet, elle relève dans son rapport que le secteur des crèches est également marqué par la domination de grands groupes privés à but lucratif, ce qui a conduit, ces dernières années, à « une dégradation progressive de la qualité d’accueil au profit de logiques financières ».

Après les hôpitaux, les Ehpad, c’est au tour des crèches d’être délaissées par la puissance publique, et ce au profit de la logique marchande.

Monsieur le ministre, quand allez-vous enfin reformer le secteur de la petite enfance et investir pour permettre à chaque enfant d’être accueilli dans des conditions qui garantissent son développement et son bien-être ?

Debut de section - PermalienPhoto de Émilienne Poumirol

Ma question s’adresse à M. le ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées.

Après des années d’immobilisme gouvernemental lors du quinquennat précédent, il aura fallu un drame pour que vous vous saisissiez du sujet de la petite enfance et des crèches.

La situation n’est pourtant pas nouvelle. Après des années de sous-investissement et de déréglementation, le constat que fait aujourd’hui l’inspection générale des affaires sociales (Igas) dans son rapport est sans appel. Elle souligne que, « sur le plan systémique, les conditions ne sont pas réunies, à ce jour, pour garantir une qualité d’accueil » dans les crèches.

L’inspection pointe à la fois la maltraitance institutionnelle qui pèse sur les professionnels, un taux d’encadrement trop faible, une formation insuffisante des personnels, des modes de financement inadéquats, une gouvernance et un contrôle qui doivent être renforcés. Et elle va plus loin en faisant le parallèle avec la situation des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad).

En effet, elle relève dans son rapport que le secteur des crèches est également marqué par la domination de grands groupes privés à but lucratif, ce qui a conduit, ces dernières années, à « une dégradation progressive de la qualité d’accueil au profit de logiques financières ».

Après les hôpitaux, les Ehpad, c’est au tour des crèches d’être délaissées par la puissance publique, et ce au profit de la logique marchande.

Monsieur le ministre, quand allez-vous enfin reformer le secteur de la petite enfance et investir pour permettre à chaque enfant d’être accueilli dans des conditions qui garantissent son développement et son bien-être ?

Photo de Gérard Larcher

La parole est à M. le ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées.

Jean-Christophe Combe

Madame la sénatrice Poumirol, vous avez raison, la sécurité des enfants accueillis doit être la première de nos priorités collectives. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, dès que j’ai été nommé ministre, en juillet dernier, j’ai diligenté une mission de l’inspection générale des affaires sociales pour faire la lumière sur la situation dans les crèches et nous assurer de la robustesse des règles qui y sont appliquées, ainsi que de la qualité des contrôles. J’ai également demandé que les inspecteurs nous fassent un certain nombre de propositions.

Vous avez rappelé un certain nombre de constats, mais il me semble important de préciser que la qualité de l’accueil est hétérogène dans tous les secteurs, tant dans le secteur public que dans le secteur associatif ou privé commercial. Cette hétérogénéité n’est pas l’apanage d’un seul secteur.

Beaucoup de problèmes sont dus à la pénurie de professionnels, mais aussi au manque d’intégration des connaissances sur le jeune enfant dans les projets d’établissement et dans la formation des professionnels. Enfin, le rapport met au jour les limites des contrôles qui sont assurés aujourd’hui par les services de protection maternelle et infantile (PMI) des départements.

Vous le savez, j’ai fait de la lutte contre les maltraitances une priorité de mon ministère. J’ai lancé récemment les états généraux des maltraitances. Cette lutte est le fil rouge de mon action à la tête du ministère dont j’ai la responsabilité.

Je précise par ailleurs que, la qualité et la sécurité d’accueil étant notre priorité, il n’est pas question de laisser ouvertes des crèches ou des places d’accueil en cas de manque de professionnels. La Première ministre a ainsi demandé l’été dernier à l’ensemble des préfets de fermer les crèches dans ce cas.

Enfin, sachez que j’aurai également à cœur de mettre en œuvre…

Photo de Pierre Laurent

Avant de mettre aux voix l'ensemble du texte adopté par la commission, je vais donner la parole, conformément à l'article 47 quinquies de notre règlement, au Gouvernement, puis au rapporteur de la commission, pendant sept minutes, et, enfin, à un représentant par groupe pendant cinq minutes.

La parole est à Mme la ministre déléguée.

Jean-Christophe Combe

… les trente-neuf propositions qui ont été faites par les inspecteurs généraux des affaires sociales dans le cadre de la mise en place de la garantie d’accueil du jeune enfant.

Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur, depuis la crise financière de 2008, de très nombreuses règles ont été adoptées en matière de régulation financière, principalement à l'échelon européen.

Les dispositions du code monétaire et financier qui sont relatives à l'outre-mer se sont multipliées, à l'instar de celles qui sont applicables en métropole. Aussi, leur réorganisation et leur clarification étaient nécessaires.

Tout d'abord, l'option d'un code spécifique à l'outre-mer a été envisagée par mes services. Toutefois, dans un souci de simplification et d'intelligibilité des règles juridiques, nous avons finalement préféré une nouvelle présentation et une réécriture de la quasi-totalité des articles.

Notre objectif était de rendre plus accessible le nouveau livre VII du code monétaire et financier relatif aux outre-mer, pour répondre besoins tant des services de l'État que des usagers, en particulier ultramarins, et pour faciliter l'activité des opérateurs financiers et des entreprises.

Pour mémoire, les dispositions du projet de loi sont applicables de plein droit aux départements, régions et collectivités ultramarines relevant de l'article 73 de la Constitution – la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, La Réunion et Mayotte –, régies par le principe d'identité législative, et aux collectivités d'outre-mer relevant de l'article 74 – Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon –, dont les statuts prévoient que les lois et règlements y sont applicables de plein droit.

Pour les collectivités du Pacifique, soumises au principe de spécialité législative, relevant de l'article 74 de la Constitution – la Polynésie française et les îles Wallis et Futuna – et pour la Nouvelle-Calédonie, les lois et règlements n'y sont applicables que dans les matières relevant statutairement de la compétence de l'État et sur mention expresse. Or c'est le cas en matière bancaire et financière. Les dispositions du projet de loi y sont donc applicables, sur mention expresse.

Le projet de loi qui vous est soumis est l'aboutissement d'un travail de recodification de plus de trois ans. Il prévoit notamment la ratification des ordonnances relatives à la partie législative du code monétaire et financier.

L'ordonnance du 15 février 2022, qui a été prise sur le fondement de l'article 74-1 de la Constitution, prévoit une habilitation permanente pour étendre à l'outre-mer les dispositions législatives déjà existantes qui ressortent de la compétence de l'État, à la condition d'une ratification effective. Cela implique un vote au Parlement, dans les dix-huit mois suivant leur publication.

Le projet de loi doit donc être impérativement ratifié, sous peine de caducité, avant le 26 août 2023. C'est pourquoi ce projet de loi est examiné selon la procédure accélérée.

Les collectivités concernées ont été consultées sur un certain nombre d'articles. Je pense à la Nouvelle-Calédonie et à la Polynésie, qui l'ont été sur l'article 5, relatif au retrait de billets aux distributeurs automatiques.

Les collectivités ultramarines relevant des articles 73 et 74 de la Constitution, ainsi que la Nouvelle-Calédonie, ont été consultées sur les articles 7 et 8, relatifs à la modernisation des missions de l'Institut d'émission des départements d'outre-mer (Iedom) et de l'Institut d'émission d'outre-mer (Ieom).

Ce projet de loi, qui ratifie les ordonnances relatives à la partie législative du livre VII du code monétaire et financier et qui porte diverses dispositions relatives à l'outre-mer, vous est soumis après son examen attentif par la commission des finances. Une fois adopté, il permettra d'achever la refonte du livre VII du code monétaire et financier.

Derrière l'intitulé austère de ce texte, je suis absolument certaine que notre objectif, essentiel pour les territoires d'outre-mer, trouvera un écho favorable dans votre chambre, puisqu'il s'agit d'améliorer la lisibilité et l'intelligibilité du droit bancaire et financier.

Photo de Gérard Larcher

La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour la réplique.

Photo de Pierre Laurent

La parole est à M. Jean-François Husson, en remplacement de M. Hervé Maurey, rapporteur de la commission des finances.

Photo de Émilienne Poumirol

Monsieur le ministre, vous évoquez les trente-neuf propositions formulées dans ce rapport de l’Igas. Certes, la qualité de l’accueil est hétérogène tant dans le secteur public que dans le secteur privé, mais il ne faut pas oublier que les normes en matière d’encadrement ne sont pas les mêmes dans les deux cas. Or vous savez bien que le personnel représente le premier poste de dépenses des crèches.

Nous avons besoin d’actes, monsieur le ministre, et non pas d’intentions vagues et sans calendrier.

Photo de Jean-François Husson

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons en première lecture le projet de loi ratifiant les ordonnances relatives à la partie législative du livre VII du code monétaire et financier et portant diverses dispositions relatives à l'outre-mer, qui a été examiné selon la procédure de législation en commission.

Dans le temps qui m'est imparti, en remplacement de M. le rapporteur Hervé Maurey, dont je salue la grande implication, je rappellerai avant tout les délais d'examen particulièrement contraignants dans lesquels vous nous avez contraints à travailler. En effet, deux semaines seulement ont séparé la présentation du texte en conseil des ministres et son examen en commission !

Je ne m'attarderai pas sur les corrections formelles et techniques inscrites dans le projet de loi. Vous venez, madame la ministre, de présenter l'essentiel d'entre elles.

Les deux premiers articles modifient en profondeur la partie législative du livre VII du code monétaire et financier, qui comporte les dispositions applicables à l'outre-mer.

Tout d'abord, deux des trois ordonnances dont l'article 1er prévoit la ratification organisent la recodification du livre VII, et c'est opportun. Il est en effet devenu illisible au fil des évolutions apportées par le législateur et par la transposition du droit de l'Union européenne.

L'une de ces ordonnances a été prise sur le fondement de l'habilitation permanente, prévue à l'article 74-1 de la Constitution, lequel prévoit que les ordonnances prises sur son fondement deviennent caduques en l'absence de ratification par le Parlement dans un délai de dix-huit mois suivant leur publication. Voilà pourquoi la ratification de ces deux ordonnances nous est proposée aujourd'hui.

Ensuite, la troisième ordonnance – elle n'a rien à voir –modifie l'ordonnance du 22 décembre 2021, qui a pour objet de moderniser le cadre relatif au financement participatif. Le lien avec les outre-mer est assez ténu, puisque l'ordonnance ne concerne pas exclusivement les dispositions du code monétaire et financier qui y sont applicables. Il s'agit, en réalité, de modifier une ordonnance relative aux règles du financement participatif.

Je rappelle que nous avions voté, à l'issue de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de 2021 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne (Ddadue), une expérimentation de trois ans pour permettre aux collectivités territoriales métropolitaines et ultramarines de recourir au financement participatif obligataire pour leurs activités commerciales. Dans un souci d'encadrement d'une telle expérimentation, il était prévu qu'un arrêté précise les conditions d'éligibilité pour les collectivités territoriales. Or il n'a été publié que le 23 janvier 2023, soit plus de quinze mois après la promulgation de la loi, le 8 octobre 2021.

En outre, l'arrêté prévoit que les collectivités volontaires ne peuvent déposer leur dossier de candidature que jusqu'au 31 mars 2024. Les critères d'éligibilité sont donc particulièrement contraignants.

Alors que le législateur a voulu et voté une expérimentation de trois ans, il nous est désormais proposé une expérimentation, qui serait très strictement encadrée, d'à peine plus d'un an ! Madame la ministre, vous conviendrez qu'une telle mesure est tout à fait contraire à la volonté du Parlement.

C'est la raison pour laquelle notre commission a inscrit dans le présent projet de loi, sur l'initiative de M. le rapporteur, l'article 1er bis, qui prévoit de porter la durée totale de l'expérimentation à cinq ans, soit trois ans effectifs.

Si nous ne pouvons agir sur le contenu de l'arrêté, il convient à tout le moins de nous assurer que l'expérimentation puisse être véritablement mise en œuvre. Aussi, je compte sur vous, madame la ministre.

L'article 2 rend applicables aux collectivités du Pacifique les modifications de certains articles du code monétaire et financier intervenues après la publication des ordonnances. Sur ce point, la commission s'est contentée d'adopter un amendement rédactionnel.

Les articles 7 à 9 portent sur la modernisation des missions de l'Institut d'émission des départements d'outre-mer, société par actions simplifiée dont le capital est détenu par la Banque de France, et de l'Institut d'émission d'outre-mer, établissement public qui met en œuvre la politique monétaire dans la zone du franc Pacifique.

Les articles 7 et 8, qui apportent des modifications d'ampleur modeste aux missions de ces deux instituts, ne posent pas de difficultés. Il s'agit par exemple d'étendre leurs missions en matière d'identification et de suivi des comptes inscrits dans le fichier des comptes d'outre-mer, le Ficom.

En revanche, l'article 9 avait pour objet de donner une base législative au Ficom, équivalent du fichier national des comptes bancaires et assimilés (Ficoba) en métropole. La commission a constaté que cette disposition soulevait plusieurs difficultés. L'Ieom et l'Iedom participent conjointement, dans chacune de leurs zones géographiques respectives, à l'identification et au suivi des comptes détenus par les personnes physiques et morales sur lesquels peuvent être tirés des chèques. Il est prévu dans les articles 7 et 8 que le Ficom soit élargi aux comptes de toute nature et aux locations de coffres-forts.

La commission des finances a adopté l'amendement de suppression de l'article 9 proposé par M. le rapporteur, et ce pour trois raisons.

Premièrement, il ne semblait pas nécessaire d'apporter un fondement législatif au Ficom, dans la mesure où il n'existe rien de tel pour le Ficoba ni pour le fichier des contrats d'assurance vie, le Ficovie.

Deuxièmement, le Ficom a déjà une existence législative, qui est renforcée dans le cadre du présent projet de loi.

Troisièmement, l'encadrement des modalités d'accès n'était pas conforme à celui qui était prévu pour le Ficoba ou pour le Ficovie. L'absence d'une disposition créant ces fichiers a conduit à prévoir, pour y accéder, une habilitation expresse par la loi.

La logique aurait été inversée pour le Ficom. En effet, un arrêté devait définir les personnes ayant accès au fichier, sans habilitation législative. Or c'est le contraire qui est souhaité.

Aussi, la commission a supprimé l'article 9, en précisant expressément, par amendement, au sein des articles 7 et 8, que l'Iedom et l'Ieom peuvent renseigner conjointement le Ficom.

Pour achever la présentation des votes en commission sur ce texte, j'indique que les autres articles du projet de loi ont été adoptés sans modification. Il s'agit des articles 3 à 6, qui procèdent à diverses corrections, ainsi que des articles 10 et 11, le premier mettant à jour la numérotation des articles, le second différant l'entrée en vigueur de plusieurs dispositions.

Mes chers collègues, la commission des finances vous invite à adopter ce texte – vous l'avez compris, il est très technique, mais utile ! –, tel qu'il a été modifié lors de son examen, selon la procédure de législation en commission, le 4 mai dernier.

Madame la ministre, nous comptons sur vous pour que le sujet du financement participatif soit à l'avenir mieux traité qu'il ne l'a été jusqu'à présent.

Photo de Pierre Laurent

La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Photo de Émilienne Poumirol

Mme Émilienne Poumirol. Il est temps de mettre en place un véritable service public de la petite enfance.

Photo de Thani Mohamed Soilihi

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le présent projet de loi, examiné selon la procédure de législation en commission, ne fait pas partie de ces textes qui déchaînent les passions. Il ne donnera pas lieu à de grands affrontements politiques. Sa technicité nous oblige à la plus grande modestie.

Certains, à l'image de M. le rapporteur, ont déploré des délais d'examen réduits, mais la commission a salué le travail de fond et de réécriture. Les délais permettent au Gouvernement de demander la ratification du texte dans le délai imparti par la Constitution.

Ce texte répond avant tout à une obligation constitutionnelle de ratification de trois ordonnances. Ce sont autant d'ordonnances qui ont permis de simplifier, de corriger et de regrouper des articles de loi souvent épars et parfois privés de leur cohérence par des modifications successives.

En effet, au fil des années et des ajouts successifs, le plus difficile pour le législateur est de garder une vision d'ensemble de notre droit, afin qu'il reste simple et lisible, alors même qu'il est traversé par nombre de notions complexes et de principes parfois contradictoires.

Ce droit est avant tout un outil pratique pour l'administration, pour le juge, pour l'auxiliaire de justice et pour le justiciable. Ils doivent être en mesure de le connaître et de le comprendre pour pouvoir s'y conformer.

Trois années d'un long et fastidieux travail ont été nécessaires pour parvenir à simplifier et à corriger un droit financier souvent trop complexe.

La Commission supérieure de codification y a vu un progrès. M. le rapporteur a salué ce travail de fond, après avoir rappelé les modifications qu'il a apportées.

Ce projet de loi corrige et à simplifie notre droit, mais il protège également les lanceurs d'alerte et les épargnants. Il codifie également les obligations qui s'imposent aux établissements de crédit.

C'est pourquoi, vous l'aurez compris, mes chers collègues, notre groupe votera ce texte.

Photo de Pierre Laurent

La parole est à M. Victorin Lurel, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Photo de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Christophe-André Frassa, pour le groupe Les Républicains.

Photo de Victorin Lurel

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'examen du projet de loi visant à ratifier les ordonnances relatives à la partie législative du livre VII du code monétaire et financier et portant diverses dispositions relatives à l'outre-mer ne pose aucun problème de fond.

Je ne m'appesantirai pas sur la prolongation de l'expérimentation introduite par M. le rapporteur visant à permettre aux collectivités de recourir au financement participatif et offrant ainsi la possibilité aux collectivités territoriales de diversifier leurs sources de financement. Notre groupe y est favorable.

Tous les articles du projet de loi originel, tendant à réorganiser, à supprimer ou à coordonner certains dispositifs, pour des raisons de cohérence légistique, ne posent pas de difficultés majeures.

Tout ce travail de codification, que nous nous apprêtons à avaliser aujourd'hui, permettra, à mon sens, de rendre plus accessible notre droit, qui s'est considérablement complexifié, sous l'effet des crises financières majeures, telles que celle de 2008.

Tout ce travail de simplification facilitera surtout – c'est bien là l'essentiel – l'activité des opérateurs financiers et des entreprises outre-mer.

Ainsi, j'espère que les corrections auxquelles nous avons procédé permettront d'interroger utilement le Parlement et le Gouvernement sur l'intelligibilité et l'efficacité des lois que nous construisons pour nos concitoyens.

J'oserai même aller plus loin en suggérant d'explorer la piste, selon moi pertinente, consistant à regrouper dans un même code les principales dispositions législatives et réglementaires qui s'appliquent dans nos territoires d'outre-mer.

Voilà quelques années, l'association des chambres de commerce et d'industrie d'outre-mer (ACCIOM) avait édité un code de l'entreprise en outre-mer. D'ailleurs, il nous a été bien utile au cours de l'examen de quelques projets de loi de finances, jusqu'à ce qu'il ne cesse d'être actualisé, hélas !

Je crois que, sans porter atteinte à l'unicité de notre droit, une telle mesure permettrait de mieux user des dispositifs existants, voire de mieux les réformer.

Au-delà de ces considérations, je me permets de mettre un bémol à ce satisfecit global. Je regrette, en effet, que nous adoptions l'article 5 relatif à la tarification des retraits d'espèces dans un distributeur automatique. Il s'agit là de modifier une erreur, me rétorque-t-on. Mais pour une fois qu'une erreur a des conséquences positives sur le pouvoir d'achat des Ultramarins, j'aurais préféré que nous la préservions ! On va la supprimer, soit, mais c'est d'autant plus regrettable que l'on ignore le paysage bancaire. Peut-être va-t-on ainsi favoriser tel ou tel réseau ? L'impact de ce dispositif aurait dû être évalué.

Nous approuvons les dispositions relatives à l'Iedom et à l'Ieom, bien qu'elles soient modestes. Aussi, parler d'une véritable « modernisation des missions » de ces deux instituts me semble quelque peu exagéré… En disant cela, je pense aux déficits, aux béances devrais-je dire, statistiques à l'œuvre dans nos territoires. Ces béances nuisent à la qualité, à la mise en valeur et à l'évaluation des politiques publiques mises en place.

En somme, les décideurs politiques ultramarins sont souvent amenés à naviguer à vue. L'Ieom et l'Iedom réalisent déjà un travail précieux, notamment au travers des rapports annuels publiés pour chaque collectivité. Il me semble toutefois que nous pourrions aller plus loin, pour fournir des instruments utiles aux élus et aux acteurs locaux.

Madame la ministre, vous l'aurez compris après ces considérations de fond, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera ce texte.

Permettez-moi toutefois d'adresser au Gouvernement quelques remarques sur la méthode qu'il a employée. Non, elle n'est pas exempte de toute critique, comme cela a été pointé en commission !

Je pense tout d'abord au temps resserré dans lequel le Gouvernement nous enferme pour examiner un texte aussi technique. Ensuite, je rejoins les critiques de forme soulevées par l'assemblée de la Polynésie française, qui, à la suite de saisines multiples et urgentes du Gouvernement, et en dépit d'un accord sur le fond, a émis un avis défavorable sur le texte.

Comment voulez-vous associer pleinement les collectivités territoriales en ne laissant que moins d'une semaine aux administrations pour découvrir et analyser un texte de 300 pages et la recodification de près de 500 articles de loi ?

Eh bien, oui, la méthodologie employée par l'État continue de nuire gravement à l'intelligibilité du droit, pour reprendre les termes de nos collègues, et rend impossible, faute de temps et de concertation, l'évaluation des effets des modifications proposées.

Concertation et célérité ne sont pas antinomiques. Nous souhaitons donc que le Gouvernement améliore son action dans les outre-mer.

Pour autant, nous voterons ce texte.

Photo de Christophe-André Frassa

Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

Il y a deux ans jour pour jour, le 10 mai 2021, notre compatriote Juan Rémy Quignolot a été arrêté à Bangui par les autorités centrafricaines, pour de prétendues atteintes à la sécurité intérieure de l’État, pour complot et espionnage.

Notre compatriote a été maintenu dans un premier temps en détention provisoire, ce qui a légitimement provoqué des tensions entre la France et la République centrafricaine. Désormais en liberté provisoire, et sous le coup d’une enquête judiciaire qui s’éternise pour d’ubuesques faits d’espionnage, il est hébergé par l’ambassadeur de France, dont je tiens ici à saluer l’aide et le soutien qu’il apporte à notre compatriote.

Juan Rémy Quignolot a entamé une grève de la faim pour dénoncer sa situation. Les allégations fantaisistes portées contre lui ne peuvent en aucun cas constituer le fondement d’une enquête judiciaire sérieuse. Pourtant, même si la France appelle à sa libération immédiate, la situation, hélas, n’évolue pas.

Ce cas relève, à bien des égards, du groupe de travail de l’ONU sur la détention arbitraire. Notre compatriote est désormais l’otage de Bangui, au cœur d’une relation délétère entre la France et la Centrafrique. Rien de plus ! Nous ne pouvons pas l’accepter !

Ce triste anniversaire doit être le dernier et la France doit tout mettre en œuvre pour que Juan Rémy Quignolot retrouve sa liberté et son pays.

Photo de Pierre Laurent

La parole est à M. Éric Bocquet, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Photo de Éric Bocquet

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voici donc en train de discuter d'un texte visant à ratifier les ordonnances relatives à la partie législative du livre VII du code monétaire et financier et portant diverses dispositions relatives à l'outre-mer. Il s'agit essentiellement d'une recodification à droit constant.

Il s'agit d'un texte sans réelle ambition, hormis celle de faciliter la compréhension de la loi.

La méthode demeure inchangée, mais nous en avons l'habitude ! Alors que c'est l'usage, et en dépit d'un processus qui a duré trois années, il n'y a pas eu de réel travail avec les assemblées des territoires concernés. Nous le déplorons.

Des normes vont-elles s'abattre une nouvelle fois sur des décideurs locaux, sans qu'ils aient pu se les approprier, sans qu'aient été remises à plat certaines règles désuètes, voire inadaptées, et en l'absence de dialogue et de consensus ?

L'assemblée de Polynésie française s'est dressée contre le rapport à la démocratie entretenu par le Gouvernement, en fustigeant des saisines multiples et en urgence. Elle a été contrainte d'émettre un avis défavorable sur ce texte, car « la méthodologie employée par l'État continue de nuire gravement à l'intelligibilité du droit en matière monétaire et financière, car elle rend impossible, faute de temps et de concertation, d'évaluer les effets des modifications proposées ».

Le Sénat n'a pas bénéficié d'un traitement de faveur. Il doit, lui aussi, examiner au pas de charge un projet de loi dont il ne peut saisir l'ensemble des implications et des conséquences. Nous avons en effet eu deux semaines, en comptant l'interruption des travaux parlementaires, pour examiner un texte qui résulte de trois années de travail !

Je m'arrêterai sur deux articles, qui nous semblent poser problème, l'article 1er bis et l'article 5.

L'article 1er bis, qui a été introduit par M. le rapporteur, tente d'imposer à un gouvernement récalcitrant la pleine application d'une volonté inscrite dans la loi du 8 octobre 2021. Il s'agit de permettre aux collectivités d'émettre des obligations à des créanciers qui pourraient être des personnes morales, donc des entreprises.

Cela revient à faire financer tous les services publics choisis par les collectivités par les entreprises via une plateforme en ligne. Du reste, mon collègue Pascal Savoldelli a eu l'occasion de demander, voilà quelques jours, s'il existait de meilleurs moyens que les impôts pour financer les services publics !

M. Yvon Goutal, avocat associé et professeur des universités, résume dans La Gazette des communes les raisons qui nous obligent à nous opposer à cette idée quelque peu saugrenue.

L'affectation budgétaire des montants collectés est interdite, car elle entre en contradiction avec le principe d'universalité budgétaire. La promesse politique d'utiliser cet argent pour un investissement particulier est possible, mais elle n'est soumise à aucune contrainte juridique.

L'universalité budgétaire est la manifestation d'une solidarité. En s'acquittant de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), Total finançait les services publics de la petite enfance ou les services environnementaux. À l'avenir, Total pourrait choisir de financer un service public selon ses propres intérêts. Il en va de même pour les impôts locaux aux personnes physiques ! Vous me pardonnerez ces rudiments de finances publiques locales.

Photo de Gérard Larcher

La parole est à M. le ministre délégué chargé du commerce extérieur, de l’attractivité et des Français de l’étranger.

Olivier Becht

Monsieur le sénateur Frassa, voici ce que je peux vous répondre à ce stade, avec toutes les précautions qui conviennent dans cette situation. J’espère que vous le comprendrez.

Effectivement, M. Quignolot a été arrêté à Bangui en mai 2021. Il a été placé en détention provisoire en République centrafricaine pendant plus de seize mois. La justice centrafricaine a décidé, le 28 septembre 2022, de sa mise en liberté provisoire, afin qu’il puisse recevoir les soins médicaux nécessaires dans l’attente de son procès.

Ce que je peux vous dire, c’est que, durant sa détention provisoire, M. Quignolot a bénéficié de ce que l’on appelle la protection consulaire, prévue par la convention de Vienne du 24 avril 1963. Il a reçu, à ce titre, un certain nombre de visites consulaires. Sa situation continue d’être suivie quotidiennement à la fois à Bangui et à Paris, et les services du Quai d’Orsay sont en relation étroite avec sa famille. Ils suivent la situation et nous espérons évidemment une résolution rapide de son cas.

Photo de Éric Bocquet

De plus, le coût n'est pas intéressant, contrairement aux projections de la majorité sénatoriale. En effet, les intérêts versés aux prêteurs sont généralement supérieurs à ceux du marché bancaire et ils s'ajoutent de fait aux frais d'intermédiation des plateformes.

Donner cette responsabilité aux entreprises, c'est mettre en concurrence le système bancaire avec des entreprises, qui tiendraient en joue les finances locales. À terme, il en résulterait un désengagement budgétaire de l'État.

Il faudrait plutôt renforcer les prérogatives d'un pôle public financier, composé par la Caisse des dépôts et consignations, la Banque des territoires et la Banque postale, en lui permettant de déroger aux coûts traditionnels du crédit, indexés sur le taux du Livret A.

Par ailleurs, l'article 5 vise à revenir sur la gratuité des opérations de retrait d'espèces en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie. Le Gouvernement évoque un recentrage dans l'étude d'impact, tandis que Bercy parle, en off, d'une erreur. Que disent les assemblées concernées, si ce n'est qu'elles n'y sont pas opposées ?

C'est un signal négatif envoyé aux habitantes et aux habitants de ces territoires, qui auraient pu constater une avancée – une seule ! –, dans un contexte de diminution du nombre de distributeurs de 8, 7 % entre 2018 et 2021 en métropole, de réduction du nombre de retraits gratuits et de hausse du coût des retraits effectués dans une banque dans laquelle les comptes du débiteur ne sont pas domiciliés. Adopter cet article 5, c'est faire machine arrière !

La situation en Polynésie française est grave. Un accord triennal a été conclu entre le haut-commissaire et les banques, lequel est appliqué depuis le 1er avril de cette année. Il vise à réduire de 5, 5 % les frais bancaires.

Ces frais, qui comprennent les frais de tenue de compte, l'abonnement à la consultation des comptes, les frais de paiement et les cartes à débit immédiat restent tout de même deux fois plus élevés là-bas qu'ici en métropole ou qu'en Nouvelle-Calédonie.

Le maintien de la gratuité des opérations de retrait aurait de ce fait été un moyen de compenser l'asymétrie qui oppose les clients aux banques dans ces territoires insulaires ; merci pour eux !

Photo de Gérard Larcher

La parole est à M. Christophe-André Frassa, pour la réplique.

Photo de Christophe-André Frassa

Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre.

Ce que je veux, c’est que M. Quignolot sache, comme sa famille, que, loin de Bangui, il y a des gens qui se préoccupent de lui et qui mettent tout en œuvre pour qu’il revienne vers les siens le plus rapidement possible.

Photo de Éric Bocquet

M. Éric Bocquet. Malgré ces réserves, nous soutiendrons ce projet de loi, sans autre ambition particulière que de simplifier la loi.

Photo de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Hugues Saury, pour le groupe Les Républicains.

Photo de Jean-Michel Arnaud

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes amenés, cet après-midi, à nous prononcer en première lecture sur le projet de loi ratifiant les ordonnances relatives à la partie législative du livre VII du code monétaire et financier et portant diverses dispositions relatives à l'outre-mer, examiné suivant la procédure de législation en commission prévue par notre règlement.

Le recours à cette procédure s'est avéré une fois de plus fructueux, et je tiens à saluer la qualité du travail de notre rapporteur, dont il faut bien avouer que la tâche n'a pas été facilitée par le Gouvernement. En tant que parlementaires, nous ne pouvons pas nous satisfaire d'un délai d'examen aussi bref, à plus forte raison lorsque celui-ci empiète sur la suspension de nos travaux. Nous nous permettons d'insister sur ce point, car ce n'est pas la première fois que le travail du Parlement se trouve ainsi entravé. Vous en conviendrez, madame la ministre, là n'est pas le meilleur moyen d'assurer le bon fonctionnement de la démocratie représentative ni d'impliquer et de respecter les collectivités concernées.

J'en viens au fond du texte, essentiellement technique, mais assez touffu, et dont la plupart des dispositions ne soulèvent pas de difficultés particulières.

Je ne reviendrai pas sur les articles 3 à 8 ni même sur les articles 10 et 11, qui, procédant à des corrections purement formelles ou à des modifications extrêmement limitées, n'appellent pas de commentaires particuliers.

Les articles 1er et 2 sont, en revanche, plus substantiels.

L'article 1er – cela a été rappelé par les orateurs précédents – procède à la ratification de trois ordonnances.

Les deux premières, en date respectivement du 15 septembre 2021 et du 15 février 2022, sont prises sur la base d'une habilitation qu'avait soutenue le Sénat lors de l'examen du projet de loi Pacte. Elles permettent d'organiser de façon thématique le livre VII du code monétaire et financier, devenu abscons à la suite des modifications apportées par le droit national et par le droit européen. Le contenu de l'ordonnance a été scindé en deux par le Gouvernement afin de respecter le délai d'habilitation octroyé par le Parlement.

Ce travail de recodification fut, certes, long et fastidieux, mais il se révèle utile, en ce qu'il offre aujourd'hui davantage de clarté et une meilleure lisibilité au droit applicable aux collectivités du Pacifique.

Je partage toutefois les interrogations du rapporteur sur la méthode retenue par le Gouvernement. Nous ne pouvons que nous associer aux critiques émises par Moihara Tupana et par notre collègue Teva Rohfritsch, tous deux membres de l'Assemblée de la Polynésie française, s'agissant des saisines rectificatives multiples faites par l'exécutif dans la précipitation. Là encore, la forme trahit une impréparation du Gouvernement qui soulève quelques interrogations.

La troisième et dernière ordonnance ratifiée par l'article 1er, en date du 14 septembre 2022, a trait au financement participatif. Il est ici question de prolonger le délai de transition laissé à l'ensemble des acteurs du secteur, au-delà donc des seules collectivités ultramarines.

Saluons la prolongation de deux ans, sur l'initiative du rapporteur, de l'expérimentation visant à ouvrir le financement participatif obligataire aux collectivités territoriales. En garantissant une expérimentation effective de trois ans, l'amendement adopté en commission permet, du même coup, de respecter la volonté du Parlement exprimée en 2021 dans le cadre du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne (Ddadue).

Enfin, je me contenterai de mentionner l'article 2, bienvenu lui aussi, puisqu'il rend expressément applicables aux collectivités du Pacifique les modifications de certains articles du code monétaire et financier intervenues postérieurement à la publication des ordonnances. Ces articles touchent notamment à la protection des lanceurs d'alerte – c'est un sujet important – dans la sphère financière et au plafonnement des frais de rejet prélevés par les établissements bancaires, comme Éric Bocquet vient de l'évoquer.

Sans surprise, compte tenu de l'ensemble de ces éléments, les membres du groupe Union Centriste voteront les dispositions de ce texte tel qu'il a été amendé et adopté en commission, sur proposition notamment de notre ami et rapporteur Hervé Maurey.

Photo de Pierre Laurent

La parole est à M. Jean Louis Masson, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe.

Photo de Hugues Saury

Madame la ministre déléguée chargée des collectivités et de la ruralité, depuis de nombreuses années, pour les fêtes de Pentecôte, à Nevoy, dans le Loiret, des milliers de pèlerins issus de la communauté des gens du voyage provenant de la France entière convergent vers un terrain privé de l’association Vie et Lumière. En 2022, ils étaient plus de 30 000, et, depuis le 6 mai dernier, ils sont plus de 40 000 voyageurs dans une commune de 1 200 habitants, au sein d’un bassin de vie de 25 000 personnes autour de la petite ville de Gien.

Faute de places, des gens du voyage occupent illégalement des terrains agricoles, branchent leurs installations électriques et d’eau directement chez des particuliers, et les alentours, devenus un véritable cloaque, sont jonchés d’immondices en tout genre.

De fortes tensions sont en train d’éclater entre les habitants excédés et des gens du voyage. Cette situation pose de graves problèmes de sécurité, de salubrité et de santé publiques, d’autant que les urgences de l’hôpital de Gien sont fermées jusqu’au mois de septembre prochain, faute de personnel. Aucun des services publics n’est dimensionné pour un tel afflux.

Jusqu’à présent, les élus acceptaient le principe d’un unique rassemblement, dès lors que celui-ci respectait les capacités du terrain, soit 20 000 personnes. Ce n’est plus le cas et, depuis quelques années, un second rassemblement de gens du voyage venant de toute l’Europe est même organisé en août.

En 2015, les élus locaux et les parlementaires, dont nos collègues Sueur et Cardoux, avaient déjà alerté le Premier ministre, lequel s’était engagé à ce que l’État propose dorénavant un autre lieu pour un second rassemblement annuel. La promesse fut respectée pendant quelques années, mais elle ne tint qu’un temps. Depuis, les élus ont été promenés dans différents ministères et ont été reçus par plusieurs premiers ministres. En vain !

L’ensemble des habitants subissent au quotidien, nuisances et incivilités, et la commune de Nevoy demeure isolée.

Madame la ministre, pouvez-vous en priorité faire respecter la parole de l’État ? Comptez-vous faire preuve d’autorité pour enfin reprendre le contrôle de cette situation inadmissible ?

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Saury

Madame la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité, depuis de nombreuses années, pour les fêtes de Pentecôte, à Nevoy, dans le Loiret, des milliers de pèlerins issus de la communauté des gens du voyage provenant de la France entière convergent vers un terrain privé de l’association Vie et Lumière. En 2022, ils étaient plus de 30 000 et, depuis le 6 mai dernier, ils sont plus de 40 000 voyageurs dans une commune de 1 200 habitants, au sein d’un bassin de vie de 25 000 personnes autour de la petite ville de Gien.

Faute de places, des gens du voyage occupent illégalement des terrains agricoles, branchent leurs installations électriques et d’eau directement chez des particuliers, et les alentours, devenus un véritable cloaque, sont jonchés d’immondices en tout genre.

De fortes tensions sont en train d’éclater entre les habitants excédés et des gens du voyage. Cette situation pose de graves problèmes de sécurité, de salubrité et de santé publiques, d’autant que les urgences de l’hôpital de Gien sont fermées jusqu’au mois de septembre prochain, faute de personnel. Aucun des services publics n’est dimensionné pour un tel afflux.

Jusqu’à présent, les élus acceptaient le principe d’un unique rassemblement, dès lors que celui-ci respectait les capacités du terrain, soit 20 000 personnes. Ce n’est plus le cas et, depuis quelques années, un second rassemblement de gens du voyage venant de toute l’Europe est même organisé en août.

En 2015, les élus locaux et les parlementaires, dont nos collègues Sueur et Cardoux, avaient déjà alerté le Premier ministre, lequel s’était engagé à ce que l’État propose dorénavant un autre lieu pour un second rassemblement annuel. La promesse fut respectée pendant quelques années, mais elle ne tint qu’un temps. Depuis, les élus ont été promenés dans différents ministères et ont été reçus par plusieurs premiers ministres. En vain !

L’ensemble des habitants subissent au quotidien, nuisances et incivilités, et la commune de Nevoy demeure isolée.

Madame la ministre, pouvez-vous en priorité faire respecter la parole de l’État ? Comptez-vous faire preuve d’autorité pour enfin reprendre le contrôle de cette situation inadmissible ?

Photo de Jean Louis Masson

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en décidant de ratifier les ordonnances concernant le code monétaire et financier selon la procédure accélérée, le Sénat nous empêche de présenter des amendements en séance et même d'avoir un débat. C'est regrettable, car c'était l'occasion de remédier à l'atteinte exorbitante que ce code porte à la vie privée des clients des banques.

Si une banque suspecte un client de malversations, il est normal qu'elle alerte les services fiscaux ou la justice. En revanche, ce n'est pas à elle de conduire une enquête et encore moins d'enquêter systématiquement sur tous ses clients – même lorsqu'aucun indice ne laisse soupçonner l'existence de malversations.

Les articles L. 561-1 et suivants du code monétaire et financier obligent malheureusement les banques à s'immiscer dans la vie privée de leurs clients. Sous prétexte de lutter contre les « risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme », les banques sont tenues d'obliger leurs clients, au besoin par un chantage à la fermeture du compte, à fournir des détails relevant de leur vie privée, tels que l'état de leur patrimoine et de leurs revenus ou le but de chèques émis, même d'un très petit montant. Cela peut se comprendre pour la souscription d'un emprunt, mais certainement pas pour la simple gestion d'un compte courant, surtout lorsqu'il n'y a aucun indice suspect.

Pour parvenir à leurs fins, les banques font croire à leurs clients qu'ils ont l'obligation de répondre, alors qu'aucun texte ne le prévoit. Afin de contourner un éventuel refus, le code susvisé permet aux banques de pratiquer un chantage, en menaçant les clients de fermer leur compte. Pis, le code permet aux banques de passer outre, même lorsque la Banque de France leur a enjoint d'appliquer le droit au compte. Les conséquences pour les clients en sont exorbitantes, car on ne peut plus vivre normalement dans notre société si l'on n'a pas un compte bancaire.

Un tel abus de droit relève du chantage et de l'atteinte à la vie privée. Pis, la démarche des banques devient systématique et s'applique même en l'absence du moindre indice laissant soupçonner du blanchiment ou du terrorisme. Afin de garantir le respect de la vie privée des citoyens, il faut réagir face à ces pratiques intrusives, qui violent les règles les plus élémentaires de l'État de droit.

Il est évident qu'il faut lutter contre le blanchiment des capitaux et contre le terrorisme, mais, les banques étant des organismes privés, elles n'ont pas à se charger d'enquêtes policières ou fiscales, notamment lorsqu'il n'y a aucun indice suspect. Si les banques ont des soupçons, la seule procédure respectueuse des libertés publiques est d'alerter les services fiscaux, la justice ou Tracfin.

Je veux en profiter pour protester, en tant que représentant des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, contre le système d'examen des projets et des propositions de loi suivant la procédure de législation en commission.

En effet, on nous a fait croire qu'il y avait une forme de démocratie, puisque tous les députés…

Photo de Pierre Laurent

Votre temps de parole est écoulé, mon cher collègue.

Photo de Gérard Larcher

La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.

Photo de Jean Louis Masson

En plus, on ne nous laisse pas le temps de nous exprimer ! C'est incroyable. Non seulement les sénateurs non inscrits ne peuvent pas voter en commission parce qu'ils ne siègent pas en commission, mais nous ne pouvons pas non plus parler !

Dominique Faure

Monsieur le sénateur Saury, j’ai bien conscience des difficultés que vous soulevez.

Je le sais pour avoir échangé avec Anthony Dubois, le rassemblement de Nevoy revêt une importance toute particulière pour les gens du voyage. Ce rassemblement évangélique, qui se déroule cette année du 6 au 14 mai, devait accueillir environ 20 000 personnes. Elles sont aujourd’hui plus de 40 000, comme vous l’avez indiqué, dans une commune de 1 200 habitants. Cela fait peser sur cette dernière et les services de l’État une très forte contrainte.

Je tiens à saluer l’implication des élus et des services de l’État pour que cet événement se déroule dans les meilleures conditions.

Cette surfréquentation de gens du voyage sur des terrains non prévus à cet effet pose de réels problèmes de circulation et en matière sanitaire. À cet égard, la préfète du Loiret et le Gouvernement ont pris des mesures fortes dans la perspective d’un second rassemblement au mois d’août.

J’entends les inquiétudes des riverains et des élus. Je le répète, le Gouvernement est pleinement mobilisé sur ce sujet. §Je m’engage à ce que l’ensemble des parties prenantes – élus, associations d’élus, association Vie et Lumière – soient associées pour dégager des solutions pérennes pour les années à venir, dans le respect des sensibilités de chacun.

Photo de Jean-François Husson

C'est faux ! C'était une législation en commission !

Photo de Gérard Larcher

La parole est à M. Hugues Saury, pour la réplique.

Photo de Jean Louis Masson

Nous n'avons pas de représentants à la commission !

Photo de Hugues Saury

M. Hugues Saury. Madame la ministre, je constate que vous n’apportez aucune solution concrète pour le second rassemblement.

Photo de Pierre Laurent

Mon cher collègue, chacun connaît le temps de parole qui lui est imparti lorsqu'il monte à la tribune !

La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC . – M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.

Photo de Jean-Claude Requier

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai pas excessivement sur ce qui a déjà été dit. Il s'agit d'un projet de loi assez technique – technique ne veut pas dire mineur –, qui a été déposé par le Gouvernement pendant la suspension des travaux parlementaires en avril dernier et que la commission des finances a d'ores et déjà examiné selon la procédure de législation en commission, en présence du ministre délégué Jean-Noël Barrot. Autant dire que nous n'avons pas beaucoup eu l'occasion de nous pencher sur ce texte, dont l'examen apparaît comme une quasi-procédure simplifiée.

Qu'est-ce que ce livre VII du code monétaire et financier ? Il s'agit du dernier livre de la partie législative de ce code, qui concerne le régime spécifique applicable outre-mer.

Les territoires ultramarins se caractérisent par une diversité de statuts juridiques : les cinq départements et régions d'outre-mer, qui sont régis par le principe d'identité législative avec la métropole, à l'inverse de la Nouvelle-Calédonie, qui est une collectivité sui generis, en passant par les collectivités d'outre-mer, les anciens territoires d'outre-mer (TOM), dont le statut est défini à l'article 74 de la Constitution et qui connaissent le principe de spécificité législative.

Il convient de noter que les territoires du Pacifique – Nouvelle-Calédonie, Wallis-et-Futuna, Polynésie française – ont une autonomie plus poussée, n'appartiennent pas à l'Union européenne et ne sont pas soumis à l'ensemble de ses règles – celles qui découlent de l'espace Schengen, de l'espace TVA, de l'union douanière... – et disposent de leur propre monnaie, le franc Pacifique, dont le cours, fixé par rapport à l'euro, est d'environ 1 euro pour 120 francs Pacifique – à ne pas confondre avec l'ancienne piastre, qui avait cours à l'époque de l'Indochine !

Cette diversité de statuts juridiques se traduit dans nos textes par nombre de dispositions spécifiques aux outre-mer.

Le présent projet de loi vient d'abord ratifier trois ordonnances, dont celle du 25 février 2022, qui nécessite une ratification impérative avant l'été selon la procédure, non pas de l'article 38, mais de l'article 74-1 de la Constitution.

J'évoquerai, à cette occasion, le souvenir de l'ordonnance du 9 février 2017 sur l'application du code de commerce en Polynésie française, qui avait déjà fait l'objet d'une loi de ratification adoptée selon cette procédure en 2018. A-t-on eu depuis une évaluation de l'impact de cette ordonnance sur la concurrence et le coût de la vie en Polynésie ?

Les dispositions suivantes du projet de loi concernent largement les territoires du Pacifique. À l'article 5, je m'étonne que le retrait d'espèces en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie ne soit gratuit que dans les établissements où l'on détient des comptes, ce qui diffère de la situation en métropole. Y a-t-il une raison précise à cette situation ?

Pour le reste, je n'aurai pas de remarque particulière. La situation économique, sociale et politique en outre-mer fait régulièrement l'actualité. Il est aujourd'hui particulièrement question de la situation sécuritaire à Mayotte, avec l'opération Wuambushu, déclenchée le 24 avril dernier. La situation en Guyane est également préoccupante, avec le décès, à la fin du mois de mars, d'un gendarme du groupe d'intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) dans une opération de lutte contre l'orpaillage illégal. Sur le plan politique, les récentes élections territoriales en Polynésie ont vu la victoire du camp indépendantiste, tandis que la situation post-référendaire en Nouvelle-Calédonie n'a pas encore débouché sur une solution pérenne. Enfin, dans les Antilles, la situation sociale reste caractérisée par une certaine défiance, alimentée par des scandales comme celui du chlordécone.

Le développement socio-économique en outre-mer reste donc une priorité, dans des territoires où le niveau de vie est, en moyenne, le tiers de celui de la métropole. Les territoires ultramarins représentent pourtant une richesse incomparable, à la fois naturelle et culturelle. C'est le premier réservoir de biodiversité en France et un domaine maritime exceptionnel, qu'il convient de préserver face aux effets déjà palpables du changement climatique.

L'enjeu est de permettre le plus possible aux habitants de ces territoires d'être eux-mêmes acteurs de ce développement.

En conclusion, mis à part les quelques remarques formulées, le « groupe d'objections » ne voit pas d'objection particulière à l'adoption de ce projet de loi !

Photo de Hugues Saury

Le Gouvernement fuit ses responsabilités, abandonne et livre à eux-mêmes les habitants de Nevoy. Ainsi, vous actez la totale démission de l’État pour protéger ses citoyens.

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC . – M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.

Photo de Antoine Lefèvre

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le présent projet de loi a pour objet de ratifier plusieurs ordonnances relatives à l'outre-mer.

Nous nous méfions toujours du recours aux ordonnances, car il dépossède le Parlement de ses prérogatives législatives. Mais, en l'espèce, force est de reconnaître qu'il s'agit de dispositions très techniques, qui ne posent pas de difficultés. Nous resterons cependant extrêmement vigilants. Lors du premier quinquennat d'Emmanuel Macron, le nombre d'ordonnances avait quasiment doublé.

Les ordonnances de septembre 2021, février et septembre 2022, qu'il nous est proposé aujourd'hui de ratifier, ont un double objet.

Tout d'abord, il est proposé d'approuver la recodification du livre VII du code monétaire et financier pour améliorer sa lisibilité. Cette recodification de plus de 500 articles est le fruit d'un long travail, qui a duré trois années. Nous l'approuvons, car l'intelligibilité de la loi était remise en question pour nos compatriotes vivant outre-mer.

Il est également proposé de moderniser les missions de l'Institut d'émission d'outre-mer et de l'Institut d'émission des départements d'outre-mer. Notre groupe approuve également cette mesure.

Nous saluons le travail du rapporteur, Hervé Maurey, qui a permis une amélioration du texte. La majorité des articles ont été amendés et adoptés la semaine dernière, dans le cadre de la procédure de législation en commission.

Parmi les améliorations essentielles, il nous paraît important de souligner que, l'expérimentation visant à ouvrir le financement participatif obligatoire aux collectivités territoriales ayant pris du retard, il était nécessaire de la prolonger de deux ans, afin qu'elle s'effectue sur le temps réellement imparti, soit le délai initial de trois ans.

Par ailleurs, concernant la modernisation des missions des Instituts d'émission, la centralisation des informations d'identification des comptes de toute nature sur le même fichier, telle que la propose la commission, nous semble pertinente.

Pour l'ensemble de ces raisons, le groupe Les Républicains votera ce projet de loi, tel qu'il ressort des travaux de notre Haute Assemblée.

Photo de Gérard Larcher

Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.

Notre prochaine séance de questions au Gouvernement aura lieu le mercredi 17 mai, à quinze heures.

La séance est suspendue.

Photo de Pierre Laurent

La parole est à M. Emmanuel Capus, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.

Photo de Emmanuel Capus

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nos territoires d'outre-mer sont au cœur de la souveraineté nationale. L'actualité récente nous le rappelle tristement.

En effet, la situation à Mayotte est dramatique. L'autorité de l'État y est mise à rude épreuve, avec la complaisance d'un État étranger. Nous attendons beaucoup de l'opération Wuambushu lancée par le Gouvernement.

Paradoxalement, cette situation dramatique apporte aussi des signes d'espoir, puisqu'elle a rappelé à l'ensemble des Français l'attachement sans faille des Mahorais à la communauté nationale. L'État doit se montrer à la hauteur de ces espoirs.

L'exemple de Mayotte nous rappelle que, pour consolider l'autorité de l'État sur l'ensemble du territoire national, il faut que les lois soient appliquées partout.

Toutes proportions gardées, le projet de loi que nous examinons s'inscrit dans cette logique : garantir la bonne application des lois sur l'ensemble du territoire national. Il contient ainsi plusieurs mesures pour adapter le code monétaire et financier aux évolutions récentes.

Cela concerne principalement la ratification de trois ordonnances, prises entre septembre 2021 et septembre 2022.

Les modifications législatives apportées par ces ordonnances sont essentiellement techniques. Elles n'ont pas déchaîné de débats passionnés au sein de notre commission.

Cependant, elles n'en sont pas moins importantes. Elles parachèvent, en effet, un travail de réorganisation législative entrepris il y a plus de quatre ans, au moment de la promulgation de la loi Pacte.

Le livre VII du code monétaire et financier est ainsi réécrit de façon thématique, ce qui rendra notre droit applicable plus lisible. Cette réécriture était, de toute façon, rendue nécessaire par les récentes évolutions législatives, tant au niveau français qu'au niveau européen.

Je ne reviens pas sur la méthode retenue pour procéder à la ratification des ordonnances, mais il est vrai qu'il y a toujours quelque chose d'étonnant à présenter une réforme comme urgente alors qu'elle parachève un travail de plusieurs années… L'essentiel est que nous puissions désormais avancer.

Le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera en faveur de ce texte.

Pour conclure, mes chers collègues, je souhaite évoquer deux amendements adoptés par la commission des finances.

Le premier concerne l'article 1er bis. Ce nouvel article prévoit de prolonger l'expérimentation sur l'accès des collectivités au financement participatif.

J'ignore si le délai de publication de l'arrêté ministériel révèle quelque réticence de la part de Bercy. Ce que je crois, en revanche, c'est que nous devons donner davantage de libertés aux collectivités, et davantage de moyens aux élus locaux. Il faut faire confiance aux territoires.

Le second amendement concerne la suppression de l'article 9, qui visait à donner une base législative au fichier des comptes d'outre-mer (Ficom). J'espère que la navette parlementaire permettra de trouver la solution qui sera à la fois la plus respectueuse des libertés publiques et la plus efficace pour l'ordre public.

C'est dans cette tension, mes chers collègues, que nous parviendrons à garantir la cohésion nationale, sur l'ensemble du territoire de la République.

Photo de Pierre Laurent

M. le président. La parole est à M. Daniel Breuiller, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.

Photo de Pierre Laurent

L’ordre du jour appelle l’examen d’une demande de la commission des finances tendant à obtenir du Sénat, en application de l’article 5 ter de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, qu’il lui confère, pour une durée de trois mois, les prérogatives attribuées aux commissions d’enquête pour mener une mission d’information portant sur la création du fonds Marianne, la sélection des projets et l’attribution des subventions, le contrôle de leur exécution et les résultats obtenus au regard des objectifs du fonds.

Il a été donné connaissance de cette demande au Sénat lors de la séance du 3 mai dernier.

Je mets aux voix la demande de la commission des finances.

Photo de Daniel Breuiller

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je suis le neuvième à intervenir sur ce projet de loi, qui est un texte particulièrement technique, un texte de correction rédactionnelle et d'adaptation de fond du code monétaire et financier pour certaines collectivités d'outre-mer, pour lequel je risque de verser dans l'ultracrépidarianisme. Vous connaissez ce terme, qui qualifie un comportement consistant à donner son avis sur des sujets à propos desquels on ne possède pas de compétence crédible ou démontrée.

Je remercie d'ailleurs notre collègue Hervé Maurey pour son analyse. Il a rendu ce texte compréhensible et l'a amélioré au travers de ses amendements.

Je ne veux pas non plus prendre le risque de dire moins bien que d'autres que l'adoption de ce projet de loi est nécessaire, puisque les ordonnances, dont l'échéance est désormais très proche, doivent être consolidées.

Deux mesures contenues dans ce projet de loi appellent notre vigilance.

Tout d'abord, la nécessité de proroger de deux années supplémentaires l'expérimentation en matière de financement participatif, défendue par le rapporteur et adoptée à l'unanimité des votants de notre commission, mérite évidemment d'être retenue.

La seconde mesure est la fin de la règle de gratuité totale des retraits d'espèces par carte effectués en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française. Si la plupart des banques et leurs filiales sont représentées dans les grandes villes-métropoles, ce n'est pas toujours le cas en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie, dans les atolls, où il faut parfois aller très loin pour trouver le bon distributeur. L'avis argumenté du Conseil d'État doit se conjuguer avec la préservation du pouvoir d'achat, moins élevé pour nos concitoyens qui y résident que pour la plupart de ceux qui vivent dans l'Hexagone.

À propos des ordonnances, nous ne nions pas leur utilité sur des sujets techniques tels que celui qui nous réunit aujourd'hui. Toutefois, comme le rappelait le président de notre groupe, Guillaume Gontard, lors du débat sur le suivi des ordonnances, en février 2022, « sous le quinquennat Macron, 345 habilitations par ordonnances ont été accordées, et ce nombre a doublé en dix ans – sans doute est-ce d'ailleurs sur ce doublement qu'il faut insister… »

Les ordonnances ne doivent pas devenir un mode d'élaboration de la loi. Pas plus, au passage, selon moi, que le recours au 49.3 ou à l'article 47-1 de la Constitution. Ces modus operandi affaiblissent le Parlement, dans son pouvoir d'initiative et d'amendement.

Aussi, nous sommes déterminés à ce que ce pouvoir ne soit pas corseté lors des débats qui touchent aux sujets essentiels de la vie de nos concitoyens, comme celui des retraites, et soit peut-être moins sollicité sur des sujets dont la technicité nous éloigne parfois des problèmes les plus essentiels des Ultramarins.

Il est vrai que, quand je pense aux outre-mer, je ne pense pas en premier lieu au code monétaire et financier, même si ce sujet technique est sérieux. Je pense plutôt à la précarité qui fait rage dans nos territoires, à l'inflation qui frappe plus brutalement les portefeuilles là-bas qu'ici, à la vie chère, au manque d'emplois, à une jeunesse qui manque parfois de perspectives, autant de réalités qui sont le quotidien des habitants des outre-mer.

Lorsque je pense aux outre-mer, je pense aussi aux sargasses, à l'orpaillage illégal en Guyane, à la construction controversée de la nouvelle route du littoral à La Réunion, à la défense de la biodiversité des fonds marins, du vivant et des écosystèmes, qui figurent parmi les plus riches au monde et doivent être au cœur de nos actions dans les territoires d'outre-mer, plus encore qu'ailleurs.

Je pense également aux batailles juridiques, menées notamment par Harry Durimel, maire écologiste de Pointe-à-Pitre et par d'autres – certains siègent sur nos travées –, pour faire reconnaître les préjudices liés au chlordécone, un scandale sanitaire, social et environnemental dont l'État s'est rendu coupable et dont je ne suis pas certain que les leçons aient été tirées.

Voilà, mes chers collègues, les sujets qui me viennent à l'esprit lorsque je pense aux outre-mer. Il est nécessaire que l'État tienne ses promesses, loin des effets d'annonce auxquels il recourt parfois.

Merci au livre VII du code monétaire et financier de m'avoir permis d'évoquer, un peu par effraction – je le reconnais volontiers –, ces sujets qui nous tiennent à cœur.

Nous voterons ce texte, tel qu'il a été amendé par la commission.

Photo de Pierre Laurent

En conséquence, la commission des finances se voit conférer, pour une durée de trois mois, les prérogatives attribuées aux commissions d’enquête pour mener cette mission d’information.

Le Gouvernement sera informé de la décision qui vient d’être prise par le Sénat.

Photo de Pierre Laurent

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, le projet de loi ratifiant les ordonnances relatives à la partie législative du livre VII du code monétaire et financier et portant diverses dispositions relatives à l'outre-mer.

Photo de Pierre Laurent

L’ordre du jour appelle les explications de vote et le vote sur le projet de loi ratifiant les ordonnances relatives à la partie législative du livre VII du code monétaire et financier et portant diverses dispositions relatives à l’outre-mer (projet n° 540, texte de la commission n° 573, rapport n° 572).

La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.

La conférence des présidents a décidé que ce texte serait discuté selon la procédure de législation en commission prévue au chapitre XIV bis du règlement du Sénat.

Au cours de cette procédure, le droit d’amendement des sénateurs et du Gouvernement s’exerce en commission, la séance plénière étant réservée aux explications de vote et au vote sur l’ensemble du texte adopté par la commission.

Photo de Pierre Laurent

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

Photo de Pierre Laurent

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à garantir le respect du droit à l'image des enfants (proposition n° 396, texte de la commission n° 561, rapport n° 560).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le garde des sceaux.

Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes réunis cet après-midi pour débattre d'un sujet majeur et ô combien d'actualité : comment mieux protéger la vie privée, notamment l'image de nos enfants ?

C'est l'objet de la présente proposition de loi, portée avec conviction par M. le député Bruno Studer et, je le rappelle, adoptée à l'unanimité en première lecture par l'Assemblée nationale.

L'essor des réseaux sociaux invite à repenser les moyens de protection pour faire face aux nouvelles dérives qui mettent à mal la vie privée et l'image de nos enfants.

Avant l'âge de 13 ans, un enfant apparaît, en moyenne, sur le compte de ses parents ou de ses proches sur 1 300 photographies publiées en ligne. Dans le même temps, les parents d'enfants âgés de moins de 13 ans partagent en moyenne 71 photos et 29 vidéos par an sur les réseaux sociaux. Un cinquième des parents ont des profils Facebook publics, et la moitié partagent des photos avec des amis virtuels qu'ils ne connaissent pas vraiment.

À cette vitesse, d'ici la fin de la décennie, les informations partagées en ligne par les parents seront la première cause d'usurpation d'identité pour leurs enfants.

Que l'on ne s'y trompe pas : les images des enfants sont bel et bien des données personnelles sensibles, qui soulèvent des enjeux de pédocriminalité, d'identité numérique, d'exploitation commerciale ou encore de harcèlement.

Je veux partager avec vous le constat alarmant des auteurs de la présente proposition de loi : en 2020, près de 50 % des images qui s'échangent sur les sites pédopornographiques ont été initialement publiées par les parents.

Parallèlement, les données personnelles des enfants mises en ligne par leurs parents interrogent les notions de droit à l'oubli et, bien sûr, d'identité numérique.

Sur le long terme, mesdames, messieurs les sénateurs, les contenus publiés – même en toute bonne foi – par leurs parents pourraient porter préjudice aux enfants et compromettre, par exemple, leur crédibilité lors d'une candidature scolaire ou professionnelle.

Face à ces risques et dans l'intérêt supérieur et bien compris de l'enfant, il est nécessaire de cadrer les conditions d'exercice par les parents de leur autorité parentale en matière de vie privée et de droit à l'image de leurs enfants. Pendant la minorité de l'enfant, ce sont, en effet, les parents qui sont en charge de la protection de sa vie privée et de son droit à l'image.

La loi du 19 octobre 2020 visant à encadrer l'exploitation commerciale de l'image d'enfants de moins de seize ans sur les plateformes en ligne, dite loi Enfants influenceurs, a constitué une première étape importante dans l'exercice du droit à l'image des enfants exposés sur les réseaux sociaux. Hier même, votre assemblée votait en première lecture sur une nouvelle proposition de loi visant à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux. C'est dire si le monde de l'internet a décidément un grand besoin de régulation, pour les adultes, bien sûr, mais également pour les enfants, en particulier ceux qui n'ont aucune prétention d'être des influenceurs.

Cette proposition de loi vise donc à aller plus loin. Dans une démarche pédagogique, sans bouleverser l'état du droit, elle vise à s'assurer de la bonne utilisation par les parents de l'image de leur enfant.

L'article 1er modifie l'article 371-1 du code civil afin d'introduire la notion de « vie privée » de l'enfant dans la définition de l'autorité parentale. À ce sujet, je salue le travail de la commission qui a repositionné l'ajout de la notion de « vie privée » à la fin de l'article 371-1 du code civil : il est plus cohérent de formaliser le droit à la vie privée du mineur au sein des droits dus à sa personne.

L'article 2, en revanche, a été supprimé. La commission a fait ce choix alors qu'il me semblait présenter plusieurs intérêts. D'abord, il inscrivait dans la loi le droit à l'image, ce droit n'étant pour l'instant consacré que par la jurisprudence. Ensuite, il rendait ce droit plus visible pour les parents. Je prends néanmoins acte de la position de la commission sur cet article.

L'article 3 a également été modifié pour faire de tous les actes « relatifs à la vie privée de l'enfant » des actes non usuels. Permettez-moi d'exprimer des réserves sur cette nouvelle rédaction.

Premièrement, j'en émettrai une sur son emplacement à l'article 372-2 du code civil. Cet article a, en effet, pour objet de définir le régime juridique de l'acte usuel relatif à la personne de l'enfant et non de définir ou d'énumérer les actes relevant du régime juridique des actes non usuels. Outre que cette disposition fragilise l'économie générale de l'article 372-2, elle comporte le risque de constituer un précédent en invitant le législateur à dresser une liste des actes usuels et non usuels dans la loi. Or l'établissement d'une telle liste, qui, pour être utile, devrait être exhaustive, n'est en pratique pas possible : l'appréciation de ce qui relève d'un acte usuel ou non usuel est nécessairement casuistique. Elle nécessite donc d'être appréciée finement par un juge pour préserver au mieux l'intérêt de l'enfant.

Deuxièmement, la notion de « contenus relatifs à la vie privée de l'enfant » est trop large : elle dépasse la publication de la seule image de l'enfant, puisqu'il suffirait que la publication soit relative à la vie privée de l'enfant pour être qualifiée d'acte non usuel et nécessiter alors l'accord des deux parents. Cela induit, à mon sens, un cadre juridique trop contraignant.

Surtout, cet article complexifie et rigidifie le quotidien des familles, puisque l'accord des deux parents pourra être systématiquement exigé par les tiers pour toute diffusion de contenu relatif à la vie privée de l'enfant. Or un tel recueil ne sera pas toujours possible en pratique, par exemple en cas de conflit parental ou d'absence de l'autre parent.

Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

Troisièmement, cet article instaure surtout une hiérarchie entre les différents droits de l'enfant, au sommet de laquelle se trouverait le droit au respect de sa vie privée. Cela nous semble contestable. Le droit à la vie privée doit-il être plus protégé que le droit à la santé par exemple ? Avec cet article, l'accord des deux parents serait systématiquement exigé pour toute diffusion de « contenus relatifs à la vie privée de l'enfant », alors que, en ce qui concerne la santé de l'enfant par exemple, l'accord d'un seul des parents pourrait, dans certains cas, suffire.

Pour toutes ces raisons, je soutiendrai l'amendement de votre collègue Thani Mohamed Soilihi qui permet de rétablir le texte adopté par l'Assemblée nationale tout en l'adaptant afin de mieux protéger le droit à l'image des enfants.

L'article 4 a été supprimé par la commission : je le regrette. Le dispositif de délégation partielle de l'exercice de l'autorité parentale me semblait pourtant équilibré : il permettait de compléter utilement la réglementation existante en matière de protection des enfants, notamment en ce qui concerne l'assistance éducative.

Votre commission a introduit un nouvel article qui permet à la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) de saisir le tribunal judiciaire pour demander en référé le blocage d'un site internet en cas d'atteinte aux droits d'un mineur. Ce dispositif est intéressant, mais devra probablement être réservé aux atteintes les plus graves. Je suis également sensible à l'idée selon laquelle la saisine de la Cnil doit faire suite à la plainte d'un tiers. La navette parlementaire pourra utilement améliorer la rédaction.

Face à une exposition accrue des mineurs sur internet et à des risques provenant du foyer familial, il est indispensable de repenser la notion de droit à l'image des enfants et de responsabiliser davantage leurs parents. Je me réjouis donc des débats qui s'annoncent et, vous l'aurez compris, mesdames, messieurs les sénateurs, je soutiendrai cette proposition de loi.

Photo de Pierre Laurent

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.

Photo de Valérie Boyer

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, l'ouverture du monde numérique aux enfants est un défi majeur à la fois pour les familles et pour les pouvoirs publics, en particulier en matière d'éducation et de santé publique. Nous commençons seulement à prendre la mesure des répercussions qu'a sur la santé, le bien-être et le développement de nos enfants un accès potentiellement permanent aux contenus des réseaux sociaux ou des sites internet via les smartphones.

C'est pourquoi je regrette que ce sujet ne soit pas pris à bras-le-corps par le Gouvernement dans le cadre d'une politique publique nationale réunissant tous les acteurs pouvant agir en la matière.

Actuellement, le Sénat est invité à se prononcer sur quatre initiatives visant la protection des mineurs dans l'univers numérique. Outre cette proposition de loi, nous ont été transmises de l'Assemblée nationale, premièrement, une proposition de loi relative à la prévention de l'exposition excessive des enfants aux écrans, qui rappelle une initiative et des travaux de notre collègue Catherine Morin-Desailly en 2018, deuxièmement, une proposition de loi visant à instaurer une majorité numérique et à lutter contre la haine en ligne, dont la rapporteure pour le Sénat sera Mme Borchio Fontimp, et, troisièmement, une proposition de loi visant à encadrer l'influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux, que le Sénat a adoptée hier soir, dont Mme Amel Gacquerre était la rapporteure.

Nous ne pouvons pas continuer à légiférer ainsi, en ordre dispersé, sur des sujets variés mais tous connexes, sans vision globale. Monsieur le garde des sceaux, je pense que les Français n'attendent pas du Parlement cette façon de travailler ; ils l'attendent encore moins pour un enjeu aussi important. Ce dernier aurait nécessité que les ministres de la santé, de la justice et de l'éducation nationale, entre autres, œuvrent tous ensemble avec le Parlement. Envisager une élaboration collective aurait fait consensus. Malheureusement, nous travaillons de façon tronçonnée…

Surtout, une réponse législative n'est pas suffisante : tous les acteurs s'accordent à dire que c'est la prévention, l'éducation et la sensibilisation qui sont efficaces en la matière.

S'agissant du sujet qui nous occupe, tous les moyens devraient être mobilisés pour alerter les parents des conséquences d'une diffusion d'images ou, plus généralement, de contenus relatifs à la vie privée de leur enfant dans l'espace numérique en raison des utilisations préjudiciables qui peuvent en être faites par la suite : harcèlement scolaire, détournement sur des sites pédocriminels, usurpation d'identité, atteinte à la réputation… Malheureusement, j'en oublie.

Il est particulièrement important que la sensibilisation soit organisée par l'État de manière uniforme sur tout le territoire, car les inégalités en fonction du milieu social sont très importantes en la matière, comme l'ont rappelé la Défenseure des droits et le Défenseur des enfants, que nous avons auditionnées.

Pour ma part, je souhaite exprimer trois requêtes au Gouvernement.

Ma première demande est la réactualisation du carnet de santé, qui n'a pas été mis à jour depuis 2018 : le conseil de ne pas mettre de téléviseur dans la chambre des enfants est totalement obsolète. Il faudrait passer à autre chose, à l'heure des tablettes et des smartphones, et prévoir une information précise sur l'utilisation des écrans et sur l'exposition à ces derniers.

Utilisons ce moyen important et encore sous format papier pour faire le lien entre parents, éducateurs, école… On ne peut pas en rester à la situation actuelle ; l'information serait ainsi diffusée à tous. Il faudrait à mon avis – je l'ai mentionné – deux volets : l'un sur la consommation d'écrans par les enfants en fonction de leur âge, l'autre sur le sujet de cette proposition de loi, à savoir l'exposition des enfants et de leur vie privée sur les réseaux sociaux.

Ma collègue Alexandra Borchio Fontimp a eu la même idée, déposant des amendements en ce sens, mais, comme il s'agit d'une mesure réglementaire, elle a été déclarée irrecevable au nom de l'article 41 de la Constitution. Nous ne pouvons donc pas en discuter aujourd'hui, même dans le cadre d'un amendement d'appel, ce que je regrette. Pour cette raison, monsieur le garde des sceaux, je vous demande que cette modification soit prise en compte.

Ma deuxième demande est l'élaboration d'un véritable programme de santé publique qui permettrait à chaque âge, de la crèche en passant par la maternelle jusqu'au lycée, d'établir des critères précis sur les connaissances que les enfants doivent acquérir, par exemple les dangers auxquels ils sont exposés : exposition aux écrans, harcèlement, alimentation, drogues...

Ma troisième demande est l'insertion dans le code de la santé publique d'un livre consacré aux politiques de protection et de prévention à mener en matière de numérique, notamment sur le temps d'exposition aux écrans et sur la protection de la vie privée des enfants. Il y a plusieurs années, lorsque j'étais députée, j'avais permis, dans le cadre de l'examen de la loi portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, dite loi HPST, la création d'un livre dans le code de la santé publique sur les troubles du comportement alimentaire. Désormais, il est plus qu'urgent d'accomplir la même chose pour le numérique. Cela relève du domaine législatif, aussi, j'espère que nous pourrons bientôt nous en charger. C'est pour cela que je regrette vraiment que nous n'ayons pas examiné un texte traitant le sujet dans son ensemble.

Vous l'aurez compris, si je suis convaincue par l'objet de cette proposition de loi, ses auteurs mettant le doigt sur un phénomène certes émergent, mais préoccupant, il me semble que, pour être efficace, la réponse ne peut pas être seulement législative et sectorielle, comme proposé. Elle doit être plus globale. Cependant, la proposition de loi que nous examinons a le mérite de favoriser une prise de conscience collective sur le droit à l'image des enfants. Bruno Studer lui-même l'a décrite comme « une loi de pédagogie » à destination des parents.

Je pense que nous pouvons souscrire à cet objectif en recentrant cette proposition de loi sur l'essentiel, sans oublier que veiller au respect de la vie privée de l'enfant fait déjà partie de la mission exercée conjointement par les parents dans le cadre de l'autorité parentale, à savoir « protéger [l'enfant] dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne ». Il me semble que, puisque beaucoup d'entre nous ont été maires, nous connaissons bien ces paroles pour les avoir prononcées lors des mariages.

C'est pourquoi la commission a adopté l'article 1er qui vise à introduire la protection de la vie privée de l'enfant parmi les obligations des parents au titre de l'autorité parentale. Nous en avons préféré la rédaction initiale qui rattache la vie privée de l'enfant au « respect dû à sa personne », sans la placer sur le même plan que la sécurité, la santé et la moralité. En effet, pour assurer ces trois finalités fondamentales, les parents ont un devoir de surveillance dont le degré d'intensité varie selon l'âge, la maturité et la capacité de discernement de l'enfant. Ce devoir peut justifier une atteinte à la vie privée de l'enfant, par exemple pour vérifier avec qui il correspond ou qui il rencontre, dans le but de le protéger.

En revanche, la commission a supprimé l'article 2, qui n'est qu'une simple répétition, spécifiquement consacrée au droit à l'image, des dispositions des articles 371-1 et 372 du code civil. L'utilisation du code à des fins pédagogiques doit être limitée à l'essentiel. C'est déjà ce que vise l'article 1er.

À l'article 3, qui n'était qu'un simple rappel du droit existant, nous avons inscrit que « la diffusion au public de contenus relatifs à la vie privée de l'enfant », ce qui comprend photos et vidéos, nécessite l'« accord de chacun des parents ». Cette disposition éviterait toute divergence d'approche entre juridictions pour décider s'il s'agit d'un acte usuel ou non usuel et permettrait au parent non consentant de saisir le juge aux affaires familiales (JAF) d'une demande d'interdiction.

Il s'agirait là d'instaurer un véritable changement de paradigme pour mettre fin à l'insouciance avec laquelle les parents postent dans des proportions incroyables des photos de leur enfant sur les réseaux sociaux, comme vous l'indiquiez, monsieur le garde des sceaux. Ils seraient obligés de réfléchir ensemble avant de diffuser au public une image de leur enfant qui pourrait avoir des conséquences préjudiciables pour celui-ci. Je précise bien « au public » et non sur des réseaux privés, intrafamiliaux. Nous avons choisi une formulation large pour inclure toute information relative à la vie privée et couvrir ainsi toute situation, comme la divulgation d'un bulletin de santé.

La commission a supprimé l'article 4 qui tendait à permettre une délégation forcée de l'exercice du droit à l'image de l'enfant lorsque la diffusion de l'image de celui-ci porte gravement atteinte à sa dignité ou à son intégrité morale, ce qu'on appelle les prank. L'article ne semble en effet pas opérant : en pratique, cette délégation n'aurait que peu d'effet, puisque le parent continuerait à pouvoir filmer ou photographier l'enfant dans son quotidien et poster ces images sur les réseaux sociaux.

Par ailleurs, ce serait mettre sur le même plan des comportements de gravités très différentes, la délégation d'autorité parentale étant réservée au « désintérêt manifeste » des parents, à « l'impossibilité d'exercer tout ou partie de l'autorité parentale » ou au meurtre d'un parent par l'autre. Avouez que mettre les images à la suite serait un peu curieux.

Dans tous les cas, je rappelle que la diffusion d'images de l'enfant « port[ant] gravement atteinte à la dignité ou à l'intégrité morale de celui-ci » caractérise des carences éducatives qui peuvent justifier la saisine du juge des enfants en vue du prononcé de mesures d'assistance éducative. Il n'y a donc pas de vide juridique en la matière, ce qui nous a été confirmé lors de toutes les auditions que nous avons réalisées.

Enfin, pour compléter l'article 3 qui pose le principe d'un accord des deux parents pour publier une photo ou une vidéo d'un enfant, la commission a adopté un article 5 permettant à la Commission nationale de l'informatique et des libertés d'agir en référé dès lors qu'il y a une atteinte aux droits des mineurs en matière de données à caractère personnel, sans condition de gravité ou d'immédiateté. La Cnil pourrait sur cette base demander le blocage d'un site internet dont l'éditeur ne répondrait pas aux demandes d'effacement ou ne prouverait pas avoir l'accord des deux parents pour la publication relative à l'enfant.

Voici, mes chers collègues, le texte que je vous invite à adopter. La question de la protection des enfants est importante ; aussi, je répète mes regrets de l'examiner de cette façon, elle qui touche chaque foyer en France et concerne tous les acteurs, quels qu'ils soient, à presque tous les âges. C'est vraiment dommage. Ensemble, nous aurions établi – je le pense – un texte qui aurait été adopté à la fois par l'Assemblée nationale et par le Sénat, et par tous les groupes.

Photo de Hussein Bourgi

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la numérisation progressive de la société est inéluctable. Qu'on le déplore ou qu'on s'en réjouisse, c'est un fait qui s'impose à nous toutes et à nous tous : nous constatons la multiplication des réseaux sociaux et nous mesurons la massification de leurs usages, pour le meilleur et, parfois, pour le pire.

Nous sommes toutes et tous susceptibles d'être exposés numériquement, souvent de notre plein gré, mais parfois contre notre volonté. Il en va de même pour les mineurs, à ceci près que, en raison de leur vulnérabilité, ces derniers méritent une attention toute particulière de la part de ceux qui sont censés les protéger, à savoir leurs parents, mais aussi le législateur, qui doit prendre sa part et qui l'assume.

Cela s'est traduit ces dernières années par une multiplication d'initiatives parlementaires visant à faire évoluer notre législation et à l'adapter aux risques d'un genre nouveau. Madame la rapporteure a mis en avant les textes en question, tout à l'heure : je les citerai de nouveau.

Le 19 octobre 2020, la loi visant à encadrer l'exploitation commerciale de l'image d'enfants de moins de seize ans sur les plateformes en ligne, plus communément appelée loi sur les enfants influenceurs, a été promulguée. Elle permet aux mineurs de demander l'effacement de leurs données personnelles et des images les concernant sans l'accord préalable de leurs parents. Hier, nous étudiions la proposition de loi visant à encadrer l'influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux. Aujourd'hui, nous débattons de la proposition de loi visant à garantir le respect du droit à l'image des enfants. Le 23 mai prochain, nous devrons nous prononcer sur une autre initiative parlementaire, visant à instaurer une majorité numérique et à lutter contre la haine en ligne.

Il est à noter que tous ces textes, en tant que propositions de loi, émanent de parlementaires, en l'espèce de députés de la majorité présidentielle. Face aux dangers pouvant être causés par ce nouvel environnement numérique, il est évidemment salutaire que le législateur se saisisse de cette thématique.

Pour autant, je rejoindrai là aussi Mme la rapporteure en m'adressant à M. le garde des sceaux : une législation véritablement protectrice ne saurait se bâtir par la multiplication de petites propositions de loi, au champ et à la portée limités, dont les objectifs non coordonnés pourraient être de nature à nuire à la cohérence d'ensemble de notre droit. Ces initiatives parlementaires sont certes les bienvenues, mais force est de constater qu'elles sont partielles et parcellaires.

Une fois n'est pas coutume, il nous semble que, pour faire preuve d'efficacité face à un sujet complexe, il eût été préférable que l'exécutif présente un projet de loi transversal et global. Vous savez, monsieur le garde des sceaux, que, pour rédiger ses projets de loi, l'exécutif dispose de moyens et d'une expertise sans commune mesure avec ceux dont disposent les parlementaires, …

Photo de Hussein Bourgi

… ne serait-ce que pour l'élaboration des études d'impact.

Permettez-moi de rappeler que le dernier texte d'origine gouvernementale date de 2016 et avait été défendu à l'époque par Axelle Lemaire, secrétaire d'État chargée du numérique lors du quinquennat de François Hollande. Ces travaux de Mme Lemaire avaient abouti à l'adoption de la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique, comprenant la dernière grande avancée digitale pour les enfants, à savoir une amélioration substantielle du droit à l'oubli des mineurs sur le Net.

À l'ère des mutations numériques, 2016, c'est très loin ! Depuis, le cyberenvironnement a beaucoup évolué. Les problématiques qui y ont trait se sont encore multipliées, en particulier pour les personnes mineures. Un rapport de 2018 de Mme Rachel de Souza, commissaire à l'enfance pour le Royaume-Uni, peut nous éclairer sur l'ampleur du phénomène dont il est ici question. Selon cette étude, un enfant paraîtrait en moyenne sur 1 300 photographies publiées en ligne avant l'âge de 13 ans, sur ses propres comptes, sur ceux de ses parents ou des proches de ces derniers.

Si le fait de poster des photos d'enfants sur les réseaux sociaux peut sembler anodin de prime abord, la situation devient plus grave lorsque celles-ci sont détournées à des fins sordides. Selon les rapports du Centre national pour les enfants disparus ou exploités, qui œuvre aux États-Unis, la moitié des photographies d'enfants s'échangeant sur les réseaux pédophiles et pédopornographiques ont été à l'origine postées sur le Net par leurs parents, par leur famille ou par leurs proches. Ces publications, innocentes dans l'intention, peuvent donc être source de détournements, mais aussi de cyberharcèlement.

Aussi, face à ces risques et à ces dangers aux multiples facettes, nous devons nous interroger sur la pertinence, sur l'utilité et sur l'efficacité du texte que nous étudions aujourd'hui.

Il semble que, dans sa forme initiale, cette proposition de loi était dotée d'une portée normative limitée. En effet, ses articles 1er, 2 et 3 semblaient relativement superflus, car déjà plus ou moins satisfaits par le droit positif. Tout au plus garantissaient-ils une meilleure lisibilité de notre législation. L'article 4, relatif à la délégation partielle, sous contrainte, de l'autorité parentale, concernait principalement des cas rares, ce qui prédestinait cette mesure à être peu usitée.

En raison de ces faiblesses, le texte tel qu'il a été adopté à l'unanimité à l'Assemblée nationale pouvait davantage être considéré comme une proposition de loi déclarative, visant à sensibiliser l'opinion et notamment les parents aux risques auxquels sont exposés les enfants faisant l'objet de publications sur internet.

Déclarer, déclamer, proclamer, c'est bien ; avoir le souci de l'efficacité, c'est mieux. Je sais, madame la rapporteure, que vous avez une appréciation similaire au sujet de cette initiative parlementaire. Vous avez donc souhaité amender ce texte afin d'en garantir une meilleure application et une plus grande efficacité. Je vous en remercie.

Cependant, tous les apports et toutes les modifications effectués par la commission ne sont pas de nature à nous convaincre totalement.

Nous soutenons évidemment la suppression de l'article 2, dont l'apport n'était pas nécessaire, répétant simplement des dispositions déjà en vigueur dans le droit.

Nous nous montrons davantage circonspects quant aux réécritures des articles 1er et 3. Dans les deux cas, il semble que les rédactions choisies puissent donner lieu à interprétation et compliquer, dans la pratique, le travail du juge. Le mérite initial de ces articles était pourtant d'assurer aux professionnels du droit une plus grande clarté de notre législation.

Le nouvel article 5 suscite également quelques interrogations. Celui-ci est venu conférer au président de la Cnil, par voie de référé, le droit d'ordonner aux juridictions compétentes toute mesure nécessaire à la sauvegarde de la vie privée d'un mineur sans que soient requis des critères de gravité ou d'immédiateté, comme c'est le cas actuellement. Le concept même du référé est intrinsèquement lié au caractère urgent d'une situation : il nous semble donc contradictoire d'autoriser une procédure en référé sans que la considération d'urgence du cas d'espèce entre en ligne de compte. De grâce, ne banalisons pas la notion de référé !

Enfin, nous nous montrons plutôt défavorables à la suppression de l'article 4 de cette proposition de loi. En effet, son dispositif ayant été encadré à l'Assemblée nationale et ne devant concerner que de rares affaires, cette nouvelle mesure aurait pu trouver sa place au sein de notre arsenal législatif.

Ces doutes étant exprimés, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain soutiendra malgré tout cette initiative parlementaire. Lacunaire, ne couvrant qu'un pan extrêmement restreint de la thématique que ses auteurs souhaitent traiter, cette proposition de loi ne permettra sans doute pas à elle seule de protéger les mineurs des dangers d'internet. Elle a cependant pour mérite de mettre en lumière ces nouveaux risques liés à l'univers numérique, en particulier pour les enfants, et elle ouvrira certainement de nouveaux débats en la matière.

Aussi, je forme le vœu que le Gouvernement se saisisse pleinement de ce sujet afin que nous puissions rapidement nous doter d'une législation encore plus volontariste et plus protectrice pour toutes et pour tous. La balle est désormais dans le camp de l'exécutif. S'il juge le sujet digne d'intérêt, ce que je crois, il saura saisir l'occasion.

Photo de Cécile Cukierman

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la protection de l'enfant est une question fondamentale – cela a été rappelé – qui doit être constamment prise en compte dans nos sociétés. Rappelons que l'ambition de tout parent est d'assurer la sécurité et le bien-être de son enfant, tant sur le plan physique et émotionnel que psychologique.

Toutefois, avec l'omniprésence des écrans et des réseaux sociaux, l'exposition des enfants sur internet est un phénomène en constante augmentation. Il est de notre responsabilité de moderniser notre législation pour mieux protéger leur vie privée.

Je m'associe aux propos tenus par notre rapporteure et par M. Bourgi : nous aurions pu, au regard des enjeux qui se profilent pour les prochaines années, dans le cadre d'une semaine réservée par priorité au Gouvernement, espérer un véritable projet de loi en la matière. Celui-ci devrait appréhender de façon plus générale les défis auxquels sont confrontés nos enfants, et auxquels ils le seront plus encore à l'avenir si nous n'agissons pas.

La rapidité des développements technologiques au cours des dernières décennies a créé de nouveaux défis pour la protection des mineurs. Tout comme l'ont dénoncé la Défenseure des droits et le Défenseur des enfants dans leur dernier rapport annuel sur la protection des droits des enfants, l'utilisation généralisée des écrans et des réseaux sociaux signifie que les enfants sont plus exposés que jamais à des risques tels que le harcèlement en ligne, la cyberintimidation et la violation de leur vie privée.

Nous, parents, devons prendre conscience de ces dangers et prendre des mesures pour protéger nos enfants. Nous, législateurs, devons moderniser la loi, y compris le code civil, pour protéger la vie privée des enfants dans le contexte du développement du numérique.

Certains pourraient s'inquiéter que des changements dans la loi puissent limiter la liberté des parents d'éduquer leurs enfants comme ils l'entendent. Cependant, il convient de rappeler que l'intention des auteurs de cette proposition de loi n'est pas de restreindre cette liberté, mais plutôt de renforcer la protection des mineurs contre les risques liés à une exposition en ligne. Il est important de souligner que les atteintes à la vie privée des enfants ne sont pas toutes le fait d'intentions malveillantes. Beaucoup n'ont pas conscience des dangers que représentent les réseaux sociaux pour les plus jeunes.

Nous regrettons que la proposition de loi actuelle ne contienne pas de mesures de sensibilisation des parents. Nous devons nous assurer que les intéressés soient pleinement conscients des dangers de publier des photos ou des vidéos de leurs enfants en ligne, même si ces actions sont bien intentionnées. Nous devons les aider à comprendre les risques afin qu'ils prennent des décisions éclairées quant à la façon dont ils exposent leurs enfants.

Il est important de souligner que la protection de la vie privée et de l'image des enfants sur internet est une question qui ne peut être résolue par la législation seule. Les entreprises qui fournissent des plateformes en ligne et les réseaux sociaux ont également une responsabilité dans la protection de la vie privée des plus jeunes. Elles doivent mettre en place des politiques efficaces pour prévenir le harcèlement en ligne, la cyberintimidation et la violation de la vie privée de ce public. Elles doivent également s'assurer qu'ils ne soient pas exposés à des contenus inappropriés.

Il est crucial que nous ayons une compréhension claire et nuancée de la façon dont les enfants utilisent internet et les réseaux sociaux. Les recherches montrent qu'ils ont souvent des comportements en ligne qui peuvent les exposer à des risques, mais qu'ils sont également capables de gérer ces risques s'ils sont correctement informés. Nous devons également tenir compte des différents âges et du développement des enfants lors de l'élaboration de politiques de protection de la vie privée en ligne, parce que, inévitablement, les problématiques ne sont pas les mêmes.

En l'état, nous voterons en faveur de cette proposition de loi, mais nous demeurons convaincus qu'il reste encore beaucoup à faire.

Photo de Dominique Vérien

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, 300 millions, c'est le nombre de photographies qui sont diffusées chaque jour sur les réseaux sociaux.

Cette appétence pour le partage de contenus témoigne certainement de la capacité du numérique à créer et entretenir du lien social avec nos proches et nos moins proches. Toutefois, nul n'ignore, de nos jours, que toute notre activité en ligne, même la plus anodine, est enregistrée, analysée, décortiquée et finalement monétisée. Ces traces, que l'on croyait éphémères et restreintes, sont en réalité visibles par le plus grand nombre et pour longtemps.

En outre, on estime qu'un enfant apparaît, en moyenne, sur 1 300 photographies publiées en ligne avant l'âge de 13 ans, sur ses comptes propres, ceux de ses parents ou de ses proches. Il s'agit de l'un des principaux risques d'atteinte à la vie privée des mineurs, principalement du fait de la difficulté à contrôler la diffusion de son image.

En effet, 50 % des photographies qui s'échangent sur les forums pédopornographiques avaient été initialement publiées par les parents sur leurs réseaux sociaux. Pis, les informations diffusées sur le quotidien des enfants peuvent permettre à des individus d'identifier leurs lieux et habitudes de vie à des fins de prédation sexuelle.

Enfin, au-delà du risque pédophile, les contenus mis en ligne sont susceptibles de porter préjudice à l'enfant à long terme, sans que celui-ci puisse obtenir leur effacement définitif.

À ces questions s'ajoutent des considérations économiques. En effet, prenant exemple sur leurs aînés, il existe désormais de véritables « bébés influenceurs », comme en témoigne le succès des vidéos mettant en scène des mineurs, seuls ou avec leur famille.

Il s'agit donc d'enjeux économiques forts, à la fois pour les marques, en quête de relais auprès d'un jeune public, et pour les parents. Dès lors, ces derniers doivent assumer un double rôle : celui de gestionnaire et celui de protecteur de l'image de leur enfant.

Ces enjeux peuvent parfois donner lieu à un arbitrage délicat, car les parents peuvent entrer en conflit avec leur enfant en raison des avantages financiers, sociaux ou émotionnels que l'exploitation de l'image de l'enfant peut apporter. L'enfant peut alors être confronté à un conflit de loyauté entre ses propres aspirations et la volonté de ses parents. D'ailleurs, selon une étude, 40 % des adolescents estiment que leurs parents les exposent trop sur internet.

Enfin, l'exposition excessive des enfants au jugement de tiers sur internet et la course aux like s et autres appréciations peuvent engendrer des problèmes psychologiques, en particulier dans l'acceptation de soi et de son image. Nous voyons parfois les ravages de ce phénomène sur des adultes, alors imaginez sur des enfants… En outre, le cyberharcèlement y trouve un terreau fécond.

Vous l'aurez compris, mes chers collègues, il est utile de légiférer sur ce sujet. Or si le constat dressé apparaît inquiétant et nécessite une intervention de notre part, le texte que nous examinons privilégie nettement la pédagogie, la sensibilisation des parents et les mesures consensuelles.

Certes, la puissance publique ne doit pouvoir se substituer aux parents qu'en dernier recours, dans l'intérêt supérieur de l'enfant, mais peut-être aurait-il fallu faire preuve d'un peu plus d'ambition. En l'état, nous ne pouvons qu'espérer que ce texte suffise.

En attendant, notre commission – et je salue le travail de notre rapporteure, Valérie Boyer – a fait le choix d'enrichir et de rendre plus efficace le texte qui nous est proposé, avec pour principal objectif d'éduquer et de sensibiliser les parents.

Ainsi, l'article 1er introduit la notion de vie privée de l'enfant dans la définition de l'autorité parentale, pour mieux faire prendre conscience aux parents qu'il leur appartient d'assurer le respect de la vie privée de leur enfant dans le cadre de leur obligation de protection et de préservation de ses intérêts.

L'article 2 ne faisant que reprendre des dispositions déjà consacrées dans le code civil et précisées par l'article 1er, notre commission a choisi de le supprimer.

L'article 3 précise que la diffusion au public de contenus relatifs à la vie privée d'un enfant nécessite l'accord des deux parents, ce qui évitera toute divergence d'approche entre juridictions pour décider s'il s'agit d'un acte usuel ou non usuel. J'entends, monsieur le garde des sceaux, votre désaccord sur ce point, mais je pense qu'il n'y a aucune raison urgente de diffuser des images de son enfant et que nous avons donc le temps de demander aux deux parents leur accord pour faire une telle chose.

Enfin, l'article 5 permet à la Cnil de saisir les juridictions compétentes pour demander le blocage d'un site internet en cas d'atteinte aux droits des mineurs.

Photo de Dominique Vérien

Elle pourra ainsi agir en référé dès lors que les droits de personnes mineures sont concernés, sans condition de gravité ou d'immédiateté de l'atteinte. Tous ceux qui travaillent à protéger les enfants ne peuvent que se réjouir de cette avancée.

En conclusion, il s'agit d'un texte pédagogique et de prévention que le groupe Union Centriste votera.

Photo de Esther Benbassa

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la moitié des photographies échangées sur les réseaux pédopornographiques avaient initialement été publiées sur les réseaux sociaux par des parents, ceux-ci les croyant banales.

Mais ce n'est pas le seul danger auquel sont exposés ces enfants : mises en scène dégradantes pour faire rire, influenceurs qui font commerce de leur vie de famille… Ces pratiques favorisent le harcèlement scolaire et les problèmes liés à l'intimité, l'acceptation de soi et de son image.

Un enfant apparaît en moyenne sur 1 300 photos publiées avant l'âge de 13 ans, alors qu'il n'a pas encore la maturité nécessaire pour y consentir. Selon une étude menée en 2019, 40 % des enfants sont en désaccord avec l'utilisation que font leurs parents de leur image et, une fois adultes, ils leur demandent des comptes.

La protection de leur vie privée manque cruellement à ces enfants et la proposition de loi que nous examinons n'augure pas de progrès majeur. Certes, elle devient un devoir des détenteurs de l'autorité parentale. Pour autant, ce texte est-il suffisant pour responsabiliser les parents, de plus en plus nombreux, dont les intérêts entrent clairement en conflit avec celui de leurs enfants ?

Cette proposition de loi aurait pu suffire il y a quelques années encore, mais la situation actuelle est tout autre : l'avènement des réseaux sociaux, par-delà la simple image des enfants, conduit à exposer des comportements et de nombreux autres aspects de leur personnalité, qui pourront un jour leur porter préjudice.

Ce texte ouvre la voie à des relations conflictuelles aussi bien entre les parents et leurs enfants qu'entre les parents eux-mêmes. Le respect de la vie privée de l'enfant devant toujours rester notre priorité, des propositions complémentaires seraient nécessaires afin de mieux sensibiliser aux conséquences de cet exercice du droit à l'image.

Lorsque cette image est exploitée par des parents qui en font leur fonds de commerce, peut-être serait-il juste, par exemple, que ces enfants perçoivent une rémunération appropriée à leur majorité.

Si nous ne devons pas nous satisfaire de cette proposition de loi, elle a toutefois le mérite de poser les fondements d'une protection du droit à l'image des enfants.

Photo de Pierre Laurent

Avant de mettre aux voix l’ensemble du texte adopté par la commission, je vais donner la parole, conformément à l’article 47 quinquies de notre règlement, au Gouvernement, puis au rapporteur de la commission, pendant sept minutes, et, enfin, à un représentant par groupe pendant cinq minutes.

La parole est à Mme la ministre déléguée.

Photo de Pierre Laurent

M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère.

Olivia Grégoire

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur, depuis la crise financière de 2008, de très nombreuses règles ont été adoptées en matière de régulation financière, principalement à l’échelon européen.

Les dispositions du code monétaire et financier qui sont relatives à l’outre-mer se sont multipliées, à l’instar de celles qui sont applicables en métropole. Aussi, leur réorganisation et leur clarification étaient nécessaires.

Tout d’abord, l’option d’un code spécifique à l’outre-mer a été envisagée par mes services. Toutefois, dans un souci de simplification et d’intelligibilité des règles juridiques, nous avons finalement préféré une nouvelle présentation et une réécriture de la quasi-totalité des articles.

Notre objectif était de rendre plus accessible le nouveau livre VII du code monétaire et financier relatif aux outre-mer, pour répondre besoins tant des services de l’État que des usagers, en particulier ultramarins, et pour faciliter l’activité des opérateurs financiers et des entreprises.

Pour mémoire, les dispositions du projet de loi sont applicables de plein droit aux départements, régions et collectivités ultramarines relevant de l’article 73 de la Constitution – la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, La Réunion et Mayotte –, régies par le principe d’identité législative, et aux collectivités d’outre-mer relevant de l’article 74 – Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon –, dont les statuts prévoient que les lois et règlements y sont applicables de plein droit.

Pour les collectivités du Pacifique, soumises au principe de spécialité législative, relevant de l’article 74 de la Constitution – la Polynésie française et les îles Wallis et Futuna – et pour la Nouvelle-Calédonie, les lois et règlements n’y sont applicables que dans les matières relevant statutairement de la compétence de l’État et sur mention expresse. Or c’est le cas en matière bancaire et financière. Les dispositions du projet de loi y sont donc applicables, sur mention expresse.

Le projet de loi qui vous est soumis est l’aboutissement d’un travail de recodification de plus de trois ans. Il prévoit notamment la ratification des ordonnances relatives à la partie législative du code monétaire et financier.

L’ordonnance du 15 février 2022, qui a été prise sur le fondement de l’article 74-1 de la Constitution, prévoit une habilitation permanente pour étendre à l’outre-mer les dispositions législatives déjà existantes qui ressortent de la compétence de l’État, à la condition d’une ratification effective. Cela implique un vote au Parlement, dans les dix-huit mois suivant leur publication.

Le projet de loi doit donc être impérativement ratifié, sous peine de caducité, avant le 26 août 2023. C’est pourquoi ce projet de loi est examiné selon la procédure accélérée.

Les collectivités concernées ont été consultées sur un certain nombre d’articles. Je pense à la Nouvelle-Calédonie et à la Polynésie, qui l’ont été sur l’article 5, relatif au retrait de billets aux distributeurs automatiques.

Les collectivités ultramarines relevant des articles 73 et 74 de la Constitution, ainsi que la Nouvelle-Calédonie, ont été consultées sur les articles 7 et 8, relatifs à la modernisation des missions de l’Institut d’émission des départements d’outre-mer (Iedom) et de l’Institut d’émission d’outre-mer (Ieom).

Ce projet de loi, qui ratifie les ordonnances relatives à la partie législative du livre VII du code monétaire et financier et qui porte diverses dispositions relatives à l’outre-mer, vous est soumis après son examen attentif par la commission des finances. Une fois adopté, il permettra d’achever la refonte du livre VII du code monétaire et financier.

Derrière l’intitulé austère de ce texte, je suis absolument certaine que notre objectif, essentiel pour les territoires d’outre-mer, trouvera un écho favorable dans votre chambre, puisqu’il s’agit d’améliorer la lisibilité et l’intelligibilité du droit bancaire et financier.

Photo de Maryse Carrère

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, si chacun s'accorde à voir dans l'essor du numérique une chance, notamment pour la jeunesse – en matière d'éducation, de loisir, d'information… – il représente un défi, en cela qu'il charrie des risques n'épargnant pas les plus jeunes. Nous pensons, par exemple, au cyberharcèlement ou à la collecte de données.

Il va sans dire que la protection de l'enfance intéresse, naturellement, le Sénat – et la commission des lois en particulier – au-delà de la seule question des nouvelles technologies. En 2020, nous avons d'ailleurs rendu, Catherine Deroche, Marie Mercier, Michelle Meunier et moi-même, un rapport d'information sur l'obligation de signalement par les professionnels astreints à un secret des violences commises sur les mineurs.

Comme nous l'avions souligné dès les premières lignes de ce rapport d'information : « Les violences sur mineurs, qu'elles soient de nature physique, sexuelle ou psychologique, ou les privations qui leur sont infligées, parce qu'elles concernent les plus fragiles d'entre nous, sont devenues insupportables dans notre société. »

De plus, j'ai défendu, dans mes rapports réalisés à l'occasion de l'examen des précédentes lois de finances, une augmentation des moyens pour la protection judiciaire de la jeunesse.

L'objet de cette proposition de loi pourrait donner le sentiment d'être plus léger que les violences sur mineurs. Ce n'est évidemment pas le cas, car, d'une part, rien n'est léger quand il est question des plus jeunes et, d'autre part, l'ampleur des difficultés rencontrées avec le numérique ne doit pas être sous-estimée.

De manière générale, et avant de parler du fond, je partage les regrets exprimés par certains de mes collègues : ce texte appelle à faire davantage. Traiter le sujet des enfants et du numérique exige un travail d'envergure, mêlant un ensemble de questions particulièrement complexes touchant, au fond, toutes les générations.

D'ailleurs, la Cnil nous alerte depuis plusieurs années sur ces sujets et nous incite à prendre en compte le point de vue et les droits de l'enfant dans la conception des services et l'élaboration des réglementations.

Photo de Pierre Laurent

La parole est à M. Jean-François Husson, en remplacement de M. Hervé Maurey, rapporteur de la commission des finances.

Photo de Jean-François Husson

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons en première lecture le projet de loi ratifiant les ordonnances relatives à la partie législative du livre VII du code monétaire et financier et portant diverses dispositions relatives à l’outre-mer, qui a été examiné selon la procédure de législation en commission.

Dans le temps qui m’est imparti, en remplacement de M. le rapporteur Hervé Maurey, dont je salue la grande implication, je rappellerai avant tout les délais d’examen particulièrement contraignants dans lesquels vous nous avez contraints à travailler. En effet, deux semaines seulement ont séparé la présentation du texte en conseil des ministres et son examen en commission !

Je ne m’attarderai pas sur les corrections formelles et techniques inscrites dans le projet de loi. Vous venez, madame la ministre, de présenter l’essentiel d’entre elles.

Les deux premiers articles modifient en profondeur la partie législative du livre VII du code monétaire et financier, qui comporte les dispositions applicables à l’outre-mer.

Tout d’abord, deux des trois ordonnances dont l’article 1er prévoit la ratification organisent la recodification du livre VII, et c’est opportun. Il est en effet devenu illisible au fil des évolutions apportées par le législateur et par la transposition du droit de l’Union européenne.

L’une de ces ordonnances a été prise sur le fondement de l’habilitation permanente, prévue à l’article 74-1 de la Constitution, lequel prévoit que les ordonnances prises sur son fondement deviennent caduques en l’absence de ratification par le Parlement dans un délai de dix-huit mois suivant leur publication. Voilà pourquoi la ratification de ces deux ordonnances nous est proposée aujourd’hui.

Ensuite, la troisième ordonnance – elle n’a rien à voir – modifie l’ordonnance du 22 décembre 2021, qui a pour objet de moderniser le cadre relatif au financement participatif. Le lien avec les outre-mer est assez ténu, puisque l’ordonnance ne concerne pas exclusivement les dispositions du code monétaire et financier qui y sont applicables. Il s’agit, en réalité, de modifier une ordonnance relative aux règles du financement participatif.

Je rappelle que nous avions voté, à l’issue de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de 2021 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne (Ddadue), une expérimentation de trois ans pour permettre aux collectivités territoriales métropolitaines et ultramarines de recourir au financement participatif obligataire pour leurs activités commerciales. Dans un souci d’encadrement d’une telle expérimentation, il était prévu qu’un arrêté précise les conditions d’éligibilité pour les collectivités territoriales. Or il n’a été publié que le 23 janvier 2023, soit plus de quinze mois après la promulgation de la loi, le 8 octobre 2021.

En outre, l’arrêté prévoit que les collectivités volontaires ne peuvent déposer leur dossier de candidature que jusqu’au 31 mars 2024. Les critères d’éligibilité sont donc particulièrement contraignants.

Alors que le législateur a voulu et voté une expérimentation de trois ans, il nous est désormais proposé une expérimentation, qui serait très strictement encadrée, d’à peine plus d’un an ! Madame la ministre, vous conviendrez qu’une telle mesure est tout à fait contraire à la volonté du Parlement.

C’est la raison pour laquelle notre commission a inscrit dans le présent projet de loi, sur l’initiative de M. le rapporteur, l’article 1er bis, qui prévoit de porter la durée totale de l’expérimentation à cinq ans, soit trois ans effectifs.

Si nous ne pouvons agir sur le contenu de l’arrêté, il convient à tout le moins de nous assurer que l’expérimentation puisse être véritablement mise en œuvre. Aussi, je compte sur vous, madame la ministre.

L’article 2 rend applicables aux collectivités du Pacifique les modifications de certains articles du code monétaire et financier intervenues après la publication des ordonnances. Sur ce point, la commission s’est contentée d’adopter un amendement rédactionnel.

Les articles 7 à 9 portent sur la modernisation des missions de l’Institut d’émission des départements d’outre-mer, société par actions simplifiée dont le capital est détenu par la Banque de France, et de l’Institut d’émission d’outre-mer, établissement public qui met en œuvre la politique monétaire dans la zone du franc Pacifique.

Les articles 7 et 8, qui apportent des modifications d’ampleur modeste aux missions de ces deux instituts, ne posent pas de difficultés. Il s’agit par exemple d’étendre leurs missions en matière d’identification et de suivi des comptes inscrits dans le fichier des comptes d’outre-mer, le Ficom.

En revanche, l’article 9 avait pour objet de donner une base législative au Ficom, équivalent du fichier national des comptes bancaires et assimilés (Ficoba) en métropole. La commission a constaté que cette disposition soulevait plusieurs difficultés. L’Ieom et l’Iedom participent conjointement, dans chacune de leurs zones géographiques respectives, à l’identification et au suivi des comptes détenus par les personnes physiques et morales sur lesquels peuvent être tirés des chèques. Il est prévu dans les articles 7 et 8 que le Ficom soit élargi aux comptes de toute nature et aux locations de coffres-forts.

La commission des finances a adopté l’amendement de suppression de l’article 9 proposé par M. le rapporteur, et ce pour trois raisons.

Premièrement, il ne semblait pas nécessaire d’apporter un fondement législatif au Ficom, dans la mesure où il n’existe rien de tel pour le Ficoba ni pour le fichier des contrats d’assurance vie, le Ficovie.

Deuxièmement, le Ficom a déjà une existence législative, qui est renforcée dans le cadre du présent projet de loi.

Troisièmement, l’encadrement des modalités d’accès n’était pas conforme à celui qui était prévu pour le Ficoba ou pour le Ficovie. L’absence d’une disposition créant ces fichiers a conduit à prévoir, pour y accéder, une habilitation expresse par la loi.

La logique aurait été inversée pour le Ficom. En effet, un arrêté devait définir les personnes ayant accès au fichier, sans habilitation législative. Or c’est le contraire qui est souhaité.

Aussi, la commission a supprimé l’article 9, en précisant expressément, par amendement, au sein des articles 7 et 8, que l’Iedom et l’Ieom peuvent renseigner conjointement le Ficom.

Pour achever la présentation des votes en commission sur ce texte, j’indique que les autres articles du projet de loi ont été adoptés sans modification. Il s’agit des articles 3 à 6, qui procèdent à diverses corrections, ainsi que des articles 10 et 11, le premier mettant à jour la numérotation des articles, le second différant l’entrée en vigueur de plusieurs dispositions.

Mes chers collègues, la commission des finances vous invite à adopter ce texte – vous l’avez compris, il est très technique, mais utile ! –, tel qu’il a été modifié lors de son examen, selon la procédure de législation en commission, le 4 mai dernier.

Madame la ministre, nous comptons sur vous pour que le sujet du financement participatif soit à l’avenir mieux traité qu’il ne l’a été jusqu’à présent.

Photo de Maryse Carrère

Il nous faut aussi protéger les enfants contre l'exploitation commerciale de leurs données. De même, nous devons soutenir le rôle fondamental d'accompagnement des parents et des acteurs de l'éducation.

En effet, si les contenus par lesquels les enfants sont souvent happés sur les réseaux sociaux sont parfois un danger en soi, l'ignorance des parents et la méconnaissance de certains outils en sont d'autres.

Aussi avons-nous le sentiment que cette proposition de loi, qui va certes dans la bonne direction, est insuffisante. J'en veux pour preuve le fait que nous allons examiner dans quelques jours une proposition de loi visant à instaurer une majorité numérique et à lutter contre la haine en ligne.

Ces sujets devraient être traités d'un seul tenant, de sorte que nos rapports et nos analyses tiennent compte des dangers tentaculaires qui guettent notre jeunesse lorsqu'elle s'initie aux mondes faussement virtuels des réseaux sociaux et autres plateformes numériques.

Malgré ces regrets sur la démarche adoptée, je salue la position de notre rapporteure sur le texte que nous examinons aujourd'hui. Celle-ci s'est montrée constructive, notamment en maintenant l'article 1er, qui intègre à la définition de l'autorité parentale le respect de la vie privée de l'enfant.

Je pense que chacun a déjà, d'expérience, vu des parents partager une photo de leur enfant, livrant l'intimité de celui-ci, qui n'a pas lieu d'être exposée. Or introduire la notion de vie privée dans la définition de l'autorité parentale soulignera l'importance que les parents doivent accorder à cette question, au même titre qu'ils doivent veiller à la sécurité, à la santé ou à la moralité de leur enfant.

D'aucuns doutent qu'une telle disposition puisse produire des effets efficaces et concrets, mais elle indique la bonne démarche.

De la même manière, la nouvelle rédaction de l'article 3 semble satisfaisante : la diffusion au public de contenus relatifs à la vie privée de l'enfant devra être l'objet d'un accord de chacun des parents. J'entends toutefois vos réserves, monsieur le garde des sceaux.

Enfin, l'article 5, ajouté par notre rapporteur, permet à la Cnil d'agir en référé pour demander le blocage d'un site internet en cas d'atteinte aux droits et aux libertés d'un mineur. Il s'agit d'une bonne disposition, qui présente surtout l'intérêt de montrer combien le sujet mobilise des acteurs variés et combien il mériterait d'être élargi.

En conclusion, malgré ces quelques remarques, le groupe RDSE est favorable à cette proposition de loi.

Photo de Pierre Laurent

La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Photo de Thani Mohamed Soilihi

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le présent projet de loi, examiné selon la procédure de législation en commission, ne fait pas partie de ces textes qui déchaînent les passions. Il ne donnera pas lieu à de grands affrontements politiques. Sa technicité nous oblige à la plus grande modestie.

Certains, à l’image de M. le rapporteur, ont déploré des délais d’examen réduits, mais la commission a salué le travail de fond et de réécriture. Les délais permettent au Gouvernement de demander la ratification du texte dans le délai imparti par la Constitution.

Ce texte répond avant tout à une obligation constitutionnelle de ratification de trois ordonnances. Ce sont autant d’ordonnances qui ont permis de simplifier, de corriger et de regrouper des articles de loi souvent épars et parfois privés de leur cohérence par des modifications successives.

En effet, au fil des années et des ajouts successifs, le plus difficile pour le législateur est de garder une vision d’ensemble de notre droit, afin qu’il reste simple et lisible, alors même qu’il est traversé par nombre de notions complexes et de principes parfois contradictoires.

Ce droit est avant tout un outil pratique pour l’administration, pour le juge, pour l’auxiliaire de justice et pour le justiciable. Ils doivent être en mesure de le connaître et de le comprendre pour pouvoir s’y conformer.

Trois années d’un long et fastidieux travail ont été nécessaires pour parvenir à simplifier et à corriger un droit financier souvent trop complexe.

La Commission supérieure de codification y a vu un progrès. M. le rapporteur a salué ce travail de fond, après avoir rappelé les modifications qu’il a apportées.

Ce projet de loi corrige et simplifie notre droit, mais il protège également les lanceurs d’alerte et les épargnants. Il codifie également les obligations qui s’imposent aux établissements de crédit.

C’est pourquoi, vous l’aurez compris, mes chers collègues, notre groupe votera ce texte.

Photo de Elsa Schalck

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la protection des mineurs dans un univers numérique devenu omniprésent constitue un défi majeur pour notre société. Il s'agit d'un enjeu à la fois pour les familles, en premier lieu les parents, et pour les institutions, en matière d'éducation et de santé publique.

À l'heure où les réseaux sociaux inondent notre quotidien, plus de 300 millions de photos y étant diffusées chaque jour, et où le like est devenu une valeur de référence, le phénomène de surexposition sur internet est une réalité. Cette réalité présente de multiples dangers, souvent pas ou peu connus des parents et toujours largement sous-estimés.

Il convient de rappeler que diffuser une photo, donc la rendre publique, au vu et au su de tous, revient à s'exposer au risque qu'elle soit détournée, notamment s'il s'agit d'une photo d'enfant. Les fins de ces détournements d'images sont malheureusement nombreuses et dramatiques : harcèlement – c'est devenu un véritable fléau dans nos écoles –, exploitation commerciale, usurpation d'identité, pédocriminalité…

Je rappelle que la moitié des images qui se trouvent sur les sites pédopornographiques avaient été initialement publiées par les parents. Par ailleurs, en moyenne, avant l'âge de 13 ans un enfant apparaît sur 1 300 photographies publiées en ligne, et un tiers des enfants ont une existence sur internet avant même d'être nés.

Ces chiffres expliquent les nombreuses initiatives législatives sur ce sujet et je partage les propos de plusieurs intervenants qui m'ont précédé : il est dommage qu'elles soient examinées de manière séparée.

Pour ce qui concerne le texte qui nous intéresse aujourd'hui, je salue le travail de mon collègue alsacien Bruno Studer, qui s'était déjà mobilisé en déposant et en faisant adopter, en 2020, une proposition de loi visant à encadrer l'exploitation commerciale de l'image d'enfants de moins de seize ans sur les plateformes en ligne.

Notre droit interne et notre droit européen consacrent et protègent le droit à la vie privée. Toutefois, les textes ne concernent pas spécifiquement la vie privée des mineurs, dont la vulnérabilité doit être prise en considération. Au reste, l'examen de la jurisprudence nous démontre que cette question est déjà soumise aux juridictions, notamment en cas de conflit entre les parents.

Je salue le travail mené par la commission des lois, en particulier par notre collègue rapporteure Valérie Boyer, dont je sais l'engagement de longue date sur le sujet. Comme l'a indiqué cette dernière, la vocation de ce texte est avant tout pédagogique, afin de sensibiliser, informer et alerter les parents sur les dangers que peut présenter un tel affichage de leur enfant.

Les parents appartenant de plus en plus à une génération du tout-numérique, le partage des photos peut leur paraître anodin tant cet acte est simple et quotidien. Pourtant, un tel acte peut avoir des conséquences durables, dont nous ne mesurons pas encore pleinement la portée – il n'y a qu'à voir les questions que pose l'intelligence artificielle quant à l'exploitation et au détournement des images.

Alors oui, cette proposition de loi vaut davantage pour sa dimension pédagogique que pour son réel apport juridique. Mais voyons en ce texte une première étape, car sans pédagogie, sans explication et sans information, aucune politique publique ne peut être efficiente. C'est d'autant plus vrai que les parents sont les premiers éducateurs des enfants.

Cette proposition de loi appelle donc à une prise de conscience collective : au regard de l'ampleur du défi que constitue le respect de la vie privée à l'heure des réseaux sociaux, il appartient au Gouvernement de mener une véritable politique publique en la matière.

En ce sens, je partage l'avis de notre rapporteure, dont le travail a également permis de formuler des recommandations que je salue, notamment la création d'une page dans le carnet de santé sur l'exposition aux écrans.

Par une approche constructive du texte, la commission a choisi d'intégrer la notion de vie privée à la définition de l'autorité parentale. À cet égard, je me réjouis du retour à la rédaction initiale du texte de la proposition de loi. Cette référence explicite à la vie privée met en lumière cet enjeu, même si nous savons que son respect incombe déjà aux parents dans le cadre de l'autorité parentale.

De même, j'approuve la suppression par la commission de l'article 2, puisque le droit à l'image est d'ores et déjà exercé en commun par les deux parents, ainsi que la suppression de l'article 4, qui ouvrait une délégation forcée de l'exercice du droit à l'image, qui peut être jugée inefficace au regard de ce que peut d'ores et déjà décider le juge des enfants dans le cadre d'une mesure d'assistance éducative.

Par ailleurs, la réécriture de l'article 3 de manière à inscrire dans la loi que la diffusion de contenus relatifs à la vie privée d'un enfant nécessite l'accord des deux parents évitera des interprétations multiples sur ce qui relève ou non d'un acte usuel.

Enfin, l'article 5 permet à la Cnil d'agir en référé en cas d'atteinte aux droits des mineurs. Je salue cet ajout de la part de notre rapporteure et de la commission. En effet, il paraît important qu'une autorité comme la Cnil puisse solliciter le blocage d'un site internet qui ne répondrait pas aux demandes d'effacement.

Photo de Pierre Laurent

La parole est à M. Victorin Lurel, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Photo de Elsa Schalck

Mettre en lumière le respect de la vie privée des mineurs, c'est aussi sensibiliser les jeunes eux-mêmes. Je rappelle que 63 % des moins de 13 ans ont un compte sur un réseau social et que 80 % des parents déclarent ne pas savoir exactement ce que leurs enfants y font. Sensibiliser les parents revient donc à sensibiliser également les enfants, qui sont de futurs ou d'actuels utilisateurs des réseaux sociaux.

En conclusion, ce texte met en évidence un problème émergent, mais pourtant déjà bien ancré dans notre société, qui nécessite de trouver un point d'équilibre entre, d'une part, la liberté d'expression des parents et, d'autre part, l'intérêt supérieur des enfants.

En tout état de cause, il appelle à une prise de conscience, dans le sens d'une responsabilisation des parents, pour qu'internet reste un outil au service de l'apprentissage, de la connaissance, de la découverte et des liens entre jeunes et ne devienne pas un univers où l'exposition de l'intimité de ces derniers ouvrirait la voie à de multiples dangers.

Pour toutes ces raisons, le groupe Les Républicains votera en faveur de ce texte.

Photo de Victorin Lurel

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’examen du projet de loi visant à ratifier les ordonnances relatives à la partie législative du livre VII du code monétaire et financier et portant diverses dispositions relatives à l’outre-mer ne pose aucun problème de fond.

Je ne m’appesantirai pas sur la prolongation de l’expérimentation introduite par M. le rapporteur visant à permettre aux collectivités de recourir au financement participatif et offrant ainsi la possibilité aux collectivités territoriales de diversifier leurs sources de financement. Notre groupe y est favorable.

Tous les articles du projet de loi originel, tendant à réorganiser, à supprimer ou à coordonner certains dispositifs, pour des raisons de cohérence légistique, ne posent pas de difficultés majeures.

Tout ce travail de codification, que nous nous apprêtons à avaliser aujourd’hui, permettra, à mon sens, de rendre plus accessible notre droit, qui s’est considérablement complexifié, sous l’effet des crises financières majeures, telles que celle de 2008.

Tout ce travail de simplification facilitera surtout – c’est bien là l’essentiel – l’activité des opérateurs financiers et des entreprises outre-mer.

Ainsi, j’espère que les corrections auxquelles nous avons procédé permettront d’interroger utilement le Parlement et le Gouvernement sur l’intelligibilité et l’efficacité des lois que nous construisons pour nos concitoyens.

J’oserai même aller plus loin en suggérant d’explorer la piste, selon moi pertinente, consistant à regrouper dans un même code les principales dispositions législatives et réglementaires qui s’appliquent dans nos territoires d’outre-mer.

Voilà quelques années, l’association des chambres de commerce et d’industrie d’outre-mer (ACCIOM) avait édité un code de l’entreprise en outre-mer. D’ailleurs, il nous a été bien utile au cours de l’examen de quelques projets de loi de finances, jusqu’à ce qu’il ne cesse d’être actualisé, hélas !

Je crois que, sans porter atteinte à l’unicité de notre droit, une telle mesure permettrait de mieux user des dispositifs existants, voire de mieux les réformer.

Au-delà de ces considérations, je me permets de mettre un bémol à ce satisfecit global. Je regrette, en effet, que nous adoptions l’article 5 relatif à la tarification des retraits d’espèces dans un distributeur automatique. Il s’agit là de modifier une erreur, me rétorque-t-on. Mais pour une fois qu’une erreur a des conséquences positives sur le pouvoir d’achat des Ultramarins, j’aurais préféré que nous la préservions ! On va la supprimer, soit, mais c’est d’autant plus regrettable que l’on ignore le paysage bancaire. Peut-être va-t-on ainsi favoriser tel ou tel réseau ? L’impact de ce dispositif aurait dû être évalué.

Nous approuvons les dispositions relatives à l’Iedom et à l’Ieom, bien qu’elles soient modestes. Aussi, parler d’une véritable « modernisation des missions » de ces deux instituts me semble quelque peu exagéré… En disant cela, je pense aux déficits, aux béances devrais-je dire, statistiques à l’œuvre dans nos territoires. Ces béances nuisent à la qualité, à la mise en valeur et à l’évaluation des politiques publiques mises en place.

En somme, les décideurs politiques ultramarins sont souvent amenés à naviguer à vue. L’Ieom et l’Iedom réalisent déjà un travail précieux, notamment au travers des rapports annuels publiés pour chaque collectivité. Il me semble toutefois que nous pourrions aller plus loin, pour fournir des instruments utiles aux élus et aux acteurs locaux.

Madame la ministre, vous l’aurez compris après ces considérations de fond, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera ce texte.

Permettez-moi toutefois d’adresser au Gouvernement quelques remarques sur la méthode qu’il a employée. Non, elle n’est pas exempte de toute critique, comme cela a été pointé en commission !

Je pense tout d’abord au temps resserré dans lequel le Gouvernement nous enferme pour examiner un texte aussi technique. Ensuite, je rejoins les critiques de forme soulevées par l’assemblée de la Polynésie française, qui, à la suite de saisines multiples et urgentes du Gouvernement, et en dépit d’un accord sur le fond, a émis un avis défavorable sur le texte.

Comment voulez-vous associer pleinement les collectivités territoriales en ne laissant que moins d’une semaine aux administrations pour découvrir et analyser un texte de 300 pages et la recodification de près de 500 articles de loi ?

Eh bien, oui, la méthodologie employée par l’État continue de nuire gravement à l’intelligibilité du droit, pour reprendre les termes de nos collègues, et rend impossible, faute de temps et de concertation, l’évaluation des effets des modifications proposées.

Concertation et célérité ne sont pas antinomiques. Nous souhaitons donc que le Gouvernement améliore son action dans les outre-mer.

Pour autant, nous voterons ce texte.

Applaudissements sur des travées du groupe SER.

Photo de Pierre Laurent

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Decool.

Photo de Pierre Laurent

La parole est à M. Éric Bocquet, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Photo de Éric Bocquet

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voilà donc en train de discuter d’un texte visant à ratifier les ordonnances relatives à la partie législative du livre VII du code monétaire et financier et portant diverses dispositions relatives à l’outre-mer. Il s’agit essentiellement d’une recodification à droit constant.

Il s’agit d’un texte sans réelle ambition, hormis celle de faciliter la compréhension de la loi.

La méthode demeure inchangée, mais nous en avons l’habitude ! Alors que c’est l’usage, et en dépit d’un processus qui a duré trois années, il n’y a pas eu de réel travail avec les assemblées des territoires concernés. Nous le déplorons.

Des normes vont-elles s’abattre une nouvelle fois sur des décideurs locaux, sans qu’ils aient pu se les approprier, sans qu’aient été remises à plat certaines règles désuètes, voire inadaptées, et en l’absence de dialogue et de consensus ?

L’assemblée de Polynésie française s’est dressée contre le rapport à la démocratie entretenu par le Gouvernement, en fustigeant des saisines multiples et en urgence. Elle a été contrainte d’émettre un avis défavorable sur ce texte, car « la méthodologie employée par l’État continue de nuire gravement à l’intelligibilité du droit en matière monétaire et financière, car elle rend impossible, faute de temps et de concertation, d’évaluer les effets des modifications proposées ».

Le Sénat n’a pas bénéficié d’un traitement de faveur. Il doit, lui aussi, examiner au pas de charge un projet de loi dont il ne peut saisir l’ensemble des implications et des conséquences. Nous avons en effet eu deux semaines, en comptant l’interruption des travaux parlementaires, pour examiner un texte qui résulte de trois années de travail !

Je m’arrêterai sur deux articles, qui nous semblent poser problème, l’article 1er bis et l’article 5.

L’article 1er bis, qui a été introduit par M. le rapporteur, tente d’imposer à un gouvernement récalcitrant la pleine application d’une volonté inscrite dans la loi du 8 octobre 2021. Il s’agit de permettre aux collectivités d’émettre des obligations à des créanciers qui pourraient être des personnes morales, donc des entreprises.

Cela revient à faire financer tous les services publics choisis par les collectivités par les entreprises via une plateforme en ligne. Du reste, mon collègue Pascal Savoldelli a eu l’occasion de demander, voilà quelques jours, s’il existait de meilleurs moyens que les impôts pour financer les services publics !

M. Yvon Goutal, avocat associé et professeur des universités, résume dans La Gazette des communes les raisons qui nous obligent à nous opposer à cette idée quelque peu saugrenue.

L’affectation budgétaire des montants collectés est interdite, car elle entre en contradiction avec le principe d’universalité budgétaire. La promesse politique d’utiliser cet argent pour un investissement particulier est possible, mais elle n’est soumise à aucune contrainte juridique.

L’universalité budgétaire est la manifestation d’une solidarité. En s’acquittant de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), Total finançait les services publics de la petite enfance ou les services environnementaux. À l’avenir, Total pourrait choisir de financer un service public selon ses propres intérêts. Il en va de même pour les impôts locaux aux personnes physiques ! Vous me pardonnerez ces rudiments de finances publiques locales.

Photo de Jean-Pierre Decool

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, le développement de l'usage du numérique présente bien des avantages, notamment en permettant de conserver un lien social et familial malgré la distance géographique.

La diffusion de photographies de famille ou de vidéos sur les réseaux sociaux remplace nos anciens albums photos. Une fête de famille, des vacances, des loisirs, un événement sportif ou culturel, la fête de l'école… : tout est prétexte à partager la vie de ses enfants.

Or si la généralisation de l'usage d'internet et des réseaux sociaux dans nos vies a fait émerger de nouvelles opportunités, elle expose également nos concitoyens à de nouveaux risques et menaces que nous devons prendre en considération.

En effet, dans le cyberespace, ces photos, ces vidéos, ces renseignements personnels peuvent être visualisés et repartagés à l'insu des intéressés. Ainsi, la moitié des photographies qui s'échangent sur les forums pédopornographiques auraient été initialement publiées par les parents sur les réseaux sociaux. Ces derniers diffusent bien souvent des photos et des vidéos de leurs enfants sans penser à tous ces risques ; il est urgent de mieux les informer !

Aussi, en raison de la surexposition grandissante de l'image de l'enfant et de l'usage malveillant qui pourrait en être fait par des tiers, il semble primordial d'adapter notre arsenal juridique pour mieux appréhender l'exercice des droits des enfants dans cet environnement numérique.

La proposition de loi que nous examinons cet après-midi ne réglera pas tous les problèmes. Elle ne rendra pas non plus à certains parents le bon sens qui leur manque, mais elle permettra sensibilisation et responsabilisation des parents pour protéger les droits des enfants.

En faisant œuvre de pédagogie, elle aura le mérite de rappeler à tous que l'enfant n'est pas un objet, mais une personne titulaire de droits fondamentaux pour sa propre construction, comme le droit à l'image.

Lors de l'examen du texte en commission, des modifications utiles et pertinentes ont été apportées.

Je rejoins la position de la commission, qui a consacré de façon expresse l'obligation des parents de veiller au respect de la vie privée de leur enfant, y compris de son droit à l'image, au titre de leurs prérogatives liées à l'exercice de l'autorité parentale.

Je me réjouis également que la commission ait souhaité que la diffusion au public d'images relatives à la vie privée d'un enfant – photos ou vidéos – nécessite l'accord des deux parents.

De plus, je me félicite que la commission ait renforcé le pouvoir de la Cnil en cas d'atteinte aux droits des mineurs. Ainsi pourra-t-elle agir en demandant de bloquer un site internet dans les cas où l'éditeur ne répondrait pas aux demandes d'effacement ou ne prouverait pas avoir obtenu l'accord des deux parents pour la publication concernant l'enfant.

Monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, à l'ère de l'ultra-digitalisation, les enfants sont plus que jamais mis en danger par leur surexposition sur internet, particulièrement sur les réseaux sociaux. Il est donc nécessaire que nous nous accordions sur un texte opérant, afin de continuer à garantir à l'ensemble des mineurs une protection suffisante.

Le groupe Les Indépendants accompagnera toute démarche tendant à préserver les intérêts de l'enfant. Avec conviction, il votera en faveur de cette proposition de loi, utilement modifiée en commission.

Photo de Éric Bocquet

De plus, le coût n’est pas intéressant, contrairement aux projections de la majorité sénatoriale. En effet, les intérêts versés aux prêteurs sont généralement supérieurs à ceux du marché bancaire et ils s’ajoutent de fait aux frais d’intermédiation des plateformes.

Donner cette responsabilité aux entreprises, c’est mettre en concurrence le système bancaire avec des entreprises, qui tiendraient en joue les finances locales. À terme, il en résulterait un désengagement budgétaire de l’État.

Il faudrait plutôt renforcer les prérogatives d’un pôle public financier, composé par la Caisse des dépôts et consignations, la Banque des territoires et la Banque postale, en lui permettant de déroger aux coûts traditionnels du crédit, indexés sur le taux du Livret A.

Par ailleurs, l’article 5 vise à revenir sur la gratuité des opérations de retrait d’espèces en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie. Le Gouvernement évoque un recentrage dans l’étude d’impact, tandis que Bercy parle, en off, d’une erreur. Que disent les assemblées concernées, si ce n’est qu’elles n’y sont pas opposées ?

C’est un signal négatif envoyé aux habitantes et aux habitants de ces territoires, qui auraient pu constater une avancée – une seule ! –, dans un contexte de diminution du nombre de distributeurs de 8, 7 % entre 2018 et 2021 en métropole, de réduction du nombre de retraits gratuits et de hausse du coût des retraits effectués dans une banque dans laquelle les comptes du débiteur ne sont pas domiciliés. Adopter cet article 5, c’est faire machine arrière !

La situation en Polynésie française est grave. Un accord triennal a été conclu entre le haut-commissaire et les banques, lequel est appliqué depuis le 1er avril de cette année. Il vise à réduire de 5, 5 % les frais bancaires.

Ces frais, qui comprennent les frais de tenue de compte, l’abonnement à la consultation des comptes, les frais de paiement et les cartes à débit immédiat restent tout de même deux fois plus élevés là-bas qu’ici en métropole ou qu’en Nouvelle-Calédonie.

Le maintien de la gratuité des opérations de retrait aurait de ce fait été un moyen de compenser l’asymétrie qui oppose les clients aux banques dans ces territoires insulaires ; merci pour eux !

Photo de Mélanie Vogel

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, en 1965, le chimiste et physicien Gordon Moore théorisait que, chaque année, la complexité des semi-conducteurs – qui sont au cœur de nos ordinateurs et de nos téléphones portables – allait, à coût constant, doubler.

Jusqu'à présent, sa théorie s'est vérifiée, année après année. Cette complexification constante et à coût constant a démocratisé l'accès au numérique, au point que nous avons désormais toutes et tous des téléphones portables, des iPads – comme celui sur lequel je lis mon intervention –, des ordinateurs, qui nous permettent de tout photographier, de filmer chaque moment de la vie et de les partager en direct sur les réseaux sociaux.

Or, comme souvent, le cadre législatif ne suit guère, ou tout du moins pas assez rapidement. C'est particulièrement vrai pour ce qui concerne le droit à l'image des enfants, qui n'est plus du tout adapté à notre époque. Pour beaucoup d'individus, ce qu'ils auront fait enfants pourra être vu par tous parce que des parents ont trouvé amusant de publier, à un moment donné, une vidéo de leurs enfants sur Instagram.

Souvent, les parents n'ont pas conscience des répercussions que peut avoir la publication de telles images, notamment celle de séquences qui mettront potentiellement leurs enfants – qui n'avaient pas la maturité nécessaire pour décider de publier ou non ces images – très mal à l'aise des années plus tard et susciteront des moqueries, voire du harcèlement.

En outre, il existe un risque réel de détournement des images des mineurs, à des fins d'usurpation d'identité, de chantage, de cyberharcèlement ou de pédopornographie. En effet, les pédocriminels se nourrissent très souvent d'images qui ont été postées à la légère par des parents.

Aussi est-il évident qu'il nous faut mieux encadrer le droit à l'image des enfants dans la loi pour enfin tenir compte de la démocratisation du numérique et de l'exposition des mineurs.

C'est pourquoi le groupe écologiste soutient pleinement cette proposition de loi. Nous saluons en particulier l'introduction de la notion de vie privée dans la définition de l'autorité parentale. Si l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme consacre le droit à la vie privée et que la convention internationale des droits de l'enfant précise que ce droit s'applique bien également aux enfants, la définition de l'autorité parentale dans le droit français n'y fait à ce jour pas référence. Il était donc urgent de l'ajouter.

De plus, nous approuvons l'ajout, en commission, de l'article 5, qui prévoit que la Cnil puisse ordonner le blocage d'un site internet en cas d'atteinte aux droits et aux libertés des enfants. Actuellement, la loi prévoit ce blocage pour les atteintes subies par les mineurs et majeurs, mais uniquement si l'atteinte est grave ou immédiate. Cet assouplissement des conditions de recours pour les mineurs renforce leur protection en ligne. Je remercie donc la rapporteure de son initiative.

Cette disposition vient utilement compléter une proposition de loi qui comportait jusque-là un angle mort : au-delà des mesures visant à responsabiliser les parents, la responsabilité des opérateurs de réseaux sociaux avait été quelque peu oubliée. Pourtant, les réseaux sociaux jouent un rôle clé dans les atteintes au droit à l'image des enfants. Au bout du compte, où ces images sont-elles diffusées ? Elles ne sont pas placardées dans la rue ; elles sont publiées sur les réseaux sociaux !

En complément du droit à l'oubli, qui permet aux enfants ou aux enfants devenus majeurs de demander le retrait de ces publications – il s'agit d'un élément très important –, nous souhaitons permettre aux titulaires de l'autorité parentale de demander le retrait d'images montrant leurs enfants diffusées par des tiers.

Concrètement, le groupe écologiste demande que tout opérateur d'un réseau social mette en place un mécanisme de signalement afin que les parents puissent signaler des images de leurs enfants ayant été diffusées sans ou contre leur accord.

Enfin, je rappelle que les mineurs ne sont pas des êtres dénués d'avis. Bien sûr qu'il faut responsabiliser les parents – c'est l'objet de ce texte –, mais il ne faut pas oublier que les enfants sont doués de droits fondamentaux et, aussi, de cerveaux ! Un enfant peut être gêné par une photo et exprimer une opposition à sa publication en ligne ; il faut en tenir compte.

Ce n'est pas facile à faire : j'ai moi-même fait l'expérience de tenter d'expliquer ce qu'implique la publication d'une photo sur les réseaux sociaux à ma nièce de 6 ans. Il s'agissait d'un dessin qu'elle avait fait. Elle a fini par me répondre qu'elle n'était pas assez grande pour comprendre ce que je lui expliquais – ce qui est déjà une grande preuve de maturité.

Mais, dans la plupart des cas, les parents ne prennent pas soin de demander l'avis de leurs enfants avant de publier une image, et même lorsqu'ils le font, tous n'ont pas conscience de l'importance de cette demande ni de la manière de la formuler. C'est la raison pour laquelle nous souhaitons inscrire dans la loi le fait que les parents doivent associer leurs enfants à l'exercice du droit à leur image en fonction de leur âge et de leur degré de maturité.

Au fond, la réponse au développement du numérique doit être triple : responsabiliser les parents vis-à-vis des conséquences de la diffusion d'images, faciliter la suppression des images en ligne et associer les enfants.

Photo de Éric Bocquet

M. Éric Bocquet. Malgré ces réserves, nous soutiendrons ce projet de loi, sans autre ambition particulière que de simplifier la loi.

Photo de Pierre Laurent

M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.

Photo de Thani Mohamed Soilihi

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, l'essor du numérique et l'avènement des réseaux sociaux ont profondément révolutionné la vision que nous avons de notre image et l'usage que nous en faisons pour nous-mêmes, mais aussi pour nos enfants.

Dans ce contexte, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui tend à mieux faire respecter le droit à l'image des enfants par leurs parents, qui en sont responsables.

Cela a été répété, mais il faut le redire, à l'âge de 13 ans, un enfant a déjà en moyenne 1 300 images de lui qui circulent sur internet !

Ce comportement numérique des parents, apparemment anodin, n'est pourtant pas dénué de risques.

Ces risques sont d'abord pédocriminels, puisque 50 % des photographies qui s'échangent sur les forums pédopornographiques ont été initialement publiées par les parents sur leurs réseaux sociaux.

Ces risques sont ensuite liés à la prédation sexuelle, car les lieux fréquentés par les enfants ou les informations personnelles qu'ils livrent peuvent être identifiés sur des photos.

Des risques de cyberharcèlement, de harcèlement scolaire ou encore d'usurpation d'identité, enfin, peuvent aussi exister.

Évidemment, l'immense majorité des parents agit par naïveté. La fierté et la méconnaissance des dangers liés au partage de l'image de leur enfant sur internet les poussent parfois à l'imprudence. Quelques-uns le font par bêtise, malveillance ou profit.

C'est pourquoi il était nécessaire d'essayer de trouver un équilibre entre liberté d'expression et intérêt supérieur de l'enfant, entre sensibilisation aux risques et répression.

Ce texte, à visée pédagogique surtout, s'inscrit dans la droite ligne de plusieurs initiatives parlementaires qui ont été prises au cours des dernières années en vue de renforcer la protection du droit à l'image des enfants sur internet.

Je pense notamment à la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique, qui a reconnu aux mineurs un droit à l'oubli numérique, à la loi du 19 octobre 2020 visant à encadrer l'exploitation commerciale de l'image d'enfants de moins de seize ans sur les plateformes en ligne, grâce à laquelle les mineurs n'ont pas besoin du consentement de leurs parents pour demander l'effacement de leurs données personnelles.

Je pense également à la proposition de loi visant à instaurer une majorité numérique et à lutter contre la haine en ligne et à la proposition de loi relative à la prévention de l'exposition excessive des enfants aux écrans, toujours en cours de navette parlementaire.

Le Gouvernement s'est également engagé à accompagner les parents face aux enjeux de parentalité numérique pour prévenir les usages excessifs et inappropriés des écrans, en soutenant ces initiatives parlementaires, en lançant une campagne nationale de prévention consacrée à la parentalité numérique ou encore au travers de la création d'une plateforme d'information et d'accompagnement à la parentalité numérique.

Plus précisément, la proposition de loi qui est soumise à notre examen prévoit d'introduire dans la définition de l'autorité parentale la notion de vie privée, afin de sensibiliser les parents à l'importance qu'ils doivent accorder à cet enjeu, au même titre que la sécurité, la santé ou la moralité de leur enfant.

La commission a, en revanche, choisi de supprimer l'article 2, qu'elle a jugé redondant, et l'article 4, dont les dispositions ont été considérées comme inopérantes. Je salue à cette occasion le travail de Mme la rapporteure.

Ce texte, issu des travaux de l'Assemblée nationale, permettait aussi au juge aux affaires familiales d'interdire à un parent de publier ou diffuser toute image de son enfant sans l'autorisation de l'autre parent lorsqu'il y avait désaccord entre eux sur l'exercice des actes non usuels relevant du droit à l'image de l'enfant. Afin d'éviter une interprétation différente de la notion d'actes usuels ou non usuels entre juridictions, la commission a décidé d'inscrire dans la loi que la diffusion au public de contenus relatifs à la vie privée d'un enfant nécessiterait l'accord des deux parents et que, en cas d'atteinte aux droits des mineurs en matière de données à caractère personnel, la Cnil pourrait agir en référé.

Il nous semble important de renforcer la protection des enfants tout en évitant de rigidifier à l'excès le quotidien des familles, ce que, à notre sens, cette nouvelle rédaction risque de provoquer. Aussi, nous vous soumettrons un amendement proposant de permettre au juge d'interdire à un parent de diffuser tout contenu relatif à l'enfant sans l'autorisation de l'autre parent, sans faire référence aux actes non usuels de l'autorité parentale qui figurait dans le texte adopté par l'Assemblée nationale.

Le groupe RDPI se félicite de l'examen de ce texte qui répond à un défi sociétal actuel et accompagnera les parents dans l'exercice de leur parentalité numérique, afin d'éviter un usage abusif du droit à l'image des enfants et leur surexposition sur les plateformes sociales.

Photo de Pierre Laurent

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud, pour le groupe Union Centriste.

Photo de Else Joseph

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, le développement des réseaux sociaux et leur utilisation massive par un public jeune et moins jeune ont créé une situation d'immersion massive de nos enfants dans l'espace numérique. Nous n'avons pas fini de découvrir ce nouveau continent, qui a ses espoirs, mais aussi ses travers.

Ce n'est pas la première fois que le législateur ou les pouvoirs publics interviennent dans le champ numérique par rapport aux enfants.

Dans le passé, nous avons réagi au phénomène de cyberharcèlement ; récemment, nous l'avons fait sur les enfants influenceurs et sur la majorité numérique. On le voit, nous sommes véritablement au cœur d'une préoccupation qui touche tous les éducateurs, tous les parents.

Internet peut en effet donner le meilleur comme le pire. Le romantisme des stories ou l'innocence des likes ne doivent pas occulter ce sombre terrain de chasse pour les prédateurs et autres usagers malveillants.

Les chiffres sont terrifiants. Plus de 300 millions de photographies sont diffusées par jour sur les réseaux sociaux, 1 300 photographies par enfant sont publiées en ligne avant l'âge de 13 ans, 50 % des photographies qui s'échangent sur les forums pédopornographiques ont été initialement publiées par les parents sur les réseaux sociaux – sans oublier les nombreuses images détournées.

Dans ce souci de protéger les plus fragiles, nous devons donc préserver le droit à l'image des enfants, des enfants exposés, trop exposés.

Le respect du droit à l'image n'est au fond qu'une application des exigences de l'autorité parentale qui s'imposent aux parents au titre de l'article 371-1 du code civil, que beaucoup de ceux qui, parmi nous, ont été officiers d'état civil comme maires ou adjoints au maire connaissent.

Comme l'a rappelé la rapporteure, l'autorité parentale implique vis-à-vis de l'enfant « le respect dû à sa personne », donc le droit à la vie privée. Cette notion de vie privée de l'enfant met l'accent sur le devoir qu'ont les parents de la respecter. C'est aussi la pratique par certains parents du prank, ces canulars aux dépens de l'enfant, qui peuvent provoquer chez ce dernier des troubles psychologiques altérant l'acceptation de soi et de son image.

Photo de Jean-Michel Arnaud

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes amenés, cet après-midi, à nous prononcer en première lecture sur le projet de loi ratifiant les ordonnances relatives à la partie législative du livre VII du code monétaire et financier et portant diverses dispositions relatives à l’outre-mer, examiné suivant la procédure de législation en commission prévue par notre règlement.

Le recours à cette procédure s’est avéré une fois de plus fructueux, et je tiens à saluer la qualité du travail de notre rapporteur, dont il faut bien avouer que la tâche n’a pas été facilitée par le Gouvernement. En tant que parlementaires, nous ne pouvons pas nous satisfaire d’un délai d’examen aussi bref, à plus forte raison lorsque celui-ci empiète sur la suspension de nos travaux. Nous nous permettons d’insister sur ce point, car ce n’est pas la première fois que le travail du Parlement se trouve ainsi entravé. Vous en conviendrez, madame la ministre, là n’est pas le meilleur moyen d’assurer le bon fonctionnement de la démocratie représentative ni d’impliquer et de respecter les collectivités concernées.

J’en viens au fond du texte, essentiellement technique, mais assez touffu, et dont la plupart des dispositions ne soulèvent pas de difficultés particulières.

Je ne reviendrai pas sur les articles 3 à 8 ni même sur les articles 10 et 11, qui, procédant à des corrections purement formelles ou à des modifications extrêmement limitées, n’appellent pas de commentaires particuliers.

Les articles 1er et 2 sont, en revanche, plus substantiels.

L’article 1er – cela a été rappelé par les orateurs précédents – procède à la ratification de trois ordonnances.

Les deux premières, en date respectivement du 15 septembre 2021 et du 15 février 2022, sont prises sur la base d’une habilitation qu’avait soutenue le Sénat lors de l’adoption de la loi relative à la croissance et à la transformation des entreprises, dite loi Pacte. Elles permettent d’organiser de façon thématique le livre VII du code monétaire et financier, devenu abscons à la suite des modifications apportées par le droit national et par le droit européen. Le contenu de l’ordonnance a été scindé en deux par le Gouvernement afin de respecter le délai d’habilitation octroyé par le Parlement.

Ce travail de recodification fut, certes, long et fastidieux, mais il se révèle utile, en ce qu’il offre aujourd’hui davantage de clarté et une meilleure lisibilité au droit applicable aux collectivités du Pacifique.

Je partage toutefois les interrogations du rapporteur sur la méthode retenue par le Gouvernement. Nous ne pouvons que nous associer aux critiques émises par Moihara Tupana et par notre collègue Teva Rohfritsch, tous deux membres de l’Assemblée de la Polynésie française, s’agissant des saisines rectificatives multiples faites par l’exécutif dans la précipitation. Là encore, la forme trahit une impréparation du Gouvernement qui soulève quelques interrogations.

La troisième et dernière ordonnance ratifiée par l’article 1er, en date du 14 septembre 2022, a trait au financement participatif. Il est ici question de prolonger le délai de transition laissé à l’ensemble des acteurs du secteur, au-delà donc des seules collectivités ultramarines.

Saluons la prolongation de deux ans, sur l’initiative du rapporteur, de l’expérimentation visant à ouvrir le financement participatif obligataire aux collectivités territoriales. En garantissant une expérimentation effective de trois ans, l’amendement adopté en commission permet, du même coup, de respecter la volonté du Parlement exprimée en 2021 dans le cadre du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne (Ddadue).

Enfin, je me contenterai de mentionner l’article 2, bienvenu lui aussi, puisqu’il rend expressément applicables aux collectivités du Pacifique les modifications de certains articles du code monétaire et financier intervenues postérieurement à la publication des ordonnances. Ces articles touchent notamment à la protection des lanceurs d’alerte – c’est un sujet important – dans la sphère financière et au plafonnement des frais de rejet prélevés par les établissements bancaires, comme Éric Bocquet vient de l’évoquer.

Sans surprise, compte tenu de l’ensemble de ces éléments, les membres du groupe Union Centriste voteront les dispositions de ce texte tel qu’il a été amendé et adopté en commission, sur proposition notamment de notre ami et rapporteur Hervé Maurey.

Photo de Pierre Laurent

La parole est à M. Jean Louis Masson, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.

Photo de Else Joseph

En effet, c'est d'abord aux parents qu'incombe la protection de leurs enfants dans cet univers numérique. La solution est donc dans ces obligations qui s'imposent aux parents au nom de l'exercice de l'autorité parentale.

Puisqu'ils veillent à la sécurité et à la santé de leurs enfants dans le respect dû à leur personne, comme l'affirme le code civil, les parents doivent en tirer toutes les conséquences.

Aux parents de limiter l'exposition des enfants aux écrans. Cela a été dit, mais cela doit être encore rappelé. Il faut fixer des limites et éviter une familiarisation précoce aux écrans. C'est un enjeu de santé et de sécurité dans la protection des enfants. Rien ne pourra remplacer la responsabilité des parents, qui est immense dans ce domaine !

Aux parents eux-mêmes de faire preuve de sobriété en évitant de communiquer des photos ou des vidéos où l'on voit leurs enfants. Cette sobriété numérique doit profiter à tout le monde et respecter l'intimité de l'enfant, surtout à un moment où les vies privées sont encore liées et, dans tous les sens du terme, connectées.

C'est par ailleurs pour cette raison que la commission des lois a préféré une rédaction plus modeste de l'article 1er du texte pour tenir compte du fait que la sécurité, la santé et la moralité peuvent justifier une atteinte à la vie privée de l'enfant par les parents.

Cette obligation de veiller au respect de la vie privée de l'enfant s'inscrit dans l'exercice de l'autorité parentale.

Parce que l'enfant est encore sous la dépendance de ses parents, même s'il publie souvent seul les photos, la commission des lois a rappelé le nécessaire accord des deux parents pour la diffusion au public de contenus relatifs la vie privée de l'enfant.

Cela permet de rappeler la gravité de cet acte, donc de mieux réfléchir à la publication de ces images. Cela permettra aussi d'éviter des divergences éventuelles entre juridictions, par exemple sur l'autorisation de l'un ou des deux parents pour publier une image. Quid des parents divorcés pas toujours en accord ?

Si la protection du droit à l'image des enfants revient aux deux parents, encore faut-il les aider dans cette tâche lourde et pourtant noble.

Au-delà de l'utilité ou de la pertinence de tel dispositif dans notre législation, nous souffrons surtout de l'absence d'une véritable politique publique de l'espace numérique.

Toutes les familles ne sont pas logées à la même enseigne et la prévention reste encore un domaine lacunaire.

Il faut une véritable politique globale, et non une simple réaction au coup par coup. Certes, rien ne remplace les parents, mais on peut tout de même les aider et les accompagner. Il faut une aide à la parentalité dans ce domaine, comme nous le voyons au travers de certaines initiatives de terrain. La société, l'école ont aussi un rôle à jouer.

L'information à l'égard des parents doit être développée. Ils sont les premiers garants de la protection de leurs enfants et doivent être alertés notamment sur la conséquence de la diffusion d'images.

La santé doit aussi englober le volet numérique. Il faut en effet parler de « santé numérique », laquelle reste évidemment dans le prolongement de la santé physique ou mentale, mais tend tout de même à devenir un domaine spécifique.

Il faut utiliser les vecteurs traditionnels et les adapter à ce nouveau contexte. Dans son rapport, notre collègue Valérie Boyer préconise la création d'une nouvelle page dans le carnet de santé, qui pourrait contenir des informations sur l'exposition des enfants aux écrans ou aux réseaux sociaux. Je salue cette initiative.

Parce qu'il n'y a pas de prévention sans mise en cause des dangers, il faut élaborer un véritable programme de santé publique, qui doit accompagner tous les enfants dans leur parcours scolaire, et ce de la maternelle au lycée.

Dans toutes les étapes de leur scolarité, les enfants doivent, dès leur plus jeune âge, être sensibilisés aux risques d'internet, afin que leur droit à l'image soit préservé. Plus ce sera tôt, mieux ce sera, et ce de la manière la plus pédagogique possible. Ce que nous avons fait contre la drogue ou contre l'obésité, nous pouvons le faire sur l'usage d'internet et sur celui des réseaux sociaux.

N'ayons pas peur de sensibiliser les enfants et de leur parler des dangers auxquels ils sont exposés. C'est toujours en le disant que les choses vont mieux ! N'attendons pas des drames et ne nous résignons pas à rester les bras croisés au prétexte que l'on ne peut pas faire grand-chose dans cet univers complexe. La fluidité d'internet ne saurait justifier l'absence d'interdits ni surtout d'appréhension des conséquences pérennes de ces diverses publications, tout comme l'absence du droit à l'oubli. Le passé numérique ne doit pas devenir un passif.

Monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, le défi est vaste, mais les enfants sont l'avenir de notre société et nous devons à tout prix les préserver ! L'impératif de protection doit l'emporter quand il s'agit de la jeunesse.

Le groupe Les Républicains votera en faveur de cette proposition de loi.

Photo de Jean Louis Masson

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en décidant de ratifier les ordonnances concernant le code monétaire et financier selon la procédure accélérée, le Sénat nous empêche de présenter des amendements en séance et même d’avoir un débat. C’est regrettable, car c’était l’occasion de remédier à l’atteinte exorbitante que ce code porte à la vie privée des clients des banques.

Si une banque suspecte un client de malversations, il est normal qu’elle alerte les services fiscaux ou la justice. En revanche, ce n’est pas à elle de conduire une enquête et encore moins d’enquêter systématiquement sur tous ses clients – même lorsqu’aucun indice ne laisse soupçonner l’existence de malversations.

Les articles L. 561-1 et suivants du code monétaire et financier obligent malheureusement les banques à s’immiscer dans la vie privée de leurs clients. Sous prétexte de lutter contre les « risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme », les banques sont tenues d’obliger leurs clients, au besoin par un chantage à la fermeture du compte, à fournir des détails relevant de leur vie privée, tels que l’état de leur patrimoine et de leurs revenus ou le but de chèques émis, même d’un très petit montant. Cela peut se comprendre pour la souscription d’un emprunt, mais certainement pas pour la simple gestion d’un compte courant, surtout lorsqu’il n’y a aucun indice suspect.

Pour parvenir à leurs fins, les banques font croire à leurs clients qu’ils ont l’obligation de répondre, alors qu’aucun texte ne le prévoit. Afin de contourner un éventuel refus, le code susvisé permet aux banques de pratiquer un chantage, en menaçant les clients de fermer leur compte. Pire encore, le code permet aux banques de passer outre, même lorsque la Banque de France leur a enjoint d’appliquer le droit au compte. Les conséquences pour les clients en sont exorbitantes, car on ne peut plus vivre normalement dans notre société si l’on n’a pas un compte bancaire.

Un tel abus de droit relève du chantage et de l’atteinte à la vie privée. Pire encore, la démarche des banques devient systématique et s’applique même en l’absence du moindre indice laissant soupçonner du blanchiment ou du terrorisme. Afin de garantir le respect de la vie privée de nos citoyens, il faut réagir face à ces pratiques intrusives, qui violent les règles les plus élémentaires de l’État de droit.

Il est évident qu’il faut lutter contre le blanchiment des capitaux et contre le terrorisme, mais, les banques étant des organismes privés, elles n’ont pas à se charger d’enquêtes policières ou fiscales, notamment lorsqu’il n’y a aucun indice suspect. Si les banques ont des soupçons, la seule procédure respectueuse des libertés publiques est d’alerter les services fiscaux, la justice ou Tracfin.

Je veux en profiter pour protester, en tant que représentant des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe, contre le système d’examen des projets et des propositions de loi suivant la procédure de législation en commission.

En effet, on nous a fait croire qu’il y avait une forme de démocratie, puisque tous les parlementaires…

Photo de Pierre Laurent

Votre temps de parole est écoulé, mon cher collègue.

Photo de Pierre Laurent

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

Photo de Jean Louis Masson

En plus, on ne nous laisse pas le temps de nous exprimer ! C’est incroyable. Non seulement les sénateurs non inscrits ne peuvent pas voter en commission parce qu’ils ne siègent pas en commission, mais nous ne pouvons pas non plus parler !

Photo de Jean-François Husson

C’est faux ! C’était une législation en commission !

Photo de Jean Louis Masson

Nous n’avons pas de représentants à la commission !

Photo de Pierre Laurent

Mon cher collègue, chacun connaît le temps de parole qui lui est imparti lorsqu’il monte à la tribune.

La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Photo de Jean-Claude Requier

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai pas longuement sur ce qui a déjà été dit. Il s’agit d’un projet de loi assez technique – technique ne veut pas dire mineur –, qui a été déposé par le Gouvernement pendant la suspension des travaux parlementaires en avril dernier et que la commission des finances a d’ores et déjà examiné selon la procédure de législation en commission, en présence du ministre délégué Jean-Noël Barrot. Autant dire que nous n’avons pas beaucoup eu l’occasion de nous pencher sur ce texte, dont l’examen apparaît comme une quasi-procédure simplifiée.

Qu’est-ce que ce livre VII du code monétaire et financier ? Il s’agit du dernier livre de la partie législative de ce code, qui concerne le régime spécifique applicable outre-mer.

Les territoires ultramarins se caractérisent par une diversité de statuts juridiques : les cinq départements et régions d’outre-mer, qui sont régis par le principe d’identité législative avec la métropole, à l’inverse de la Nouvelle-Calédonie, qui est une collectivité sui generis, en passant par les collectivités d’outre-mer, les anciens territoires d’outre-mer (TOM), dont le statut est défini à l’article 74 de la Constitution et qui connaissent le principe de spécificité législative.

Il convient de noter que les territoires du Pacifique – Nouvelle-Calédonie, Wallis-et-Futuna, Polynésie française – ont une autonomie plus poussée, n’appartiennent pas à l’Union européenne et ne sont pas soumis à l’ensemble de ses règles – celles qui découlent de l’espace Schengen, de l’espace TVA, de l’union douanière… – et disposent de leur propre monnaie, le franc Pacifique, dont le cours, fixé par rapport à l’euro, est d’environ 1 euro pour 120 francs Pacifique – à ne pas confondre avec l’ancienne piastre, qui avait cours à l’époque de l’Indochine !

Cette diversité de statuts juridiques se traduit dans nos textes par nombre de dispositions spécifiques aux outre-mer.

Le présent projet de loi vient d’abord ratifier trois ordonnances, dont celle du 25 février 2022, qui nécessite une ratification impérative avant l’été selon la procédure, non pas de l’article 38, mais de l’article 74-1 de la Constitution.

J’évoquerai, à cette occasion, le souvenir de l’ordonnance du 9 février 2017 sur l’application du code de commerce en Polynésie française, qui avait déjà fait l’objet d’une loi de ratification adoptée selon cette procédure en 2018. A-t-on eu depuis une évaluation de l’impact de cette ordonnance sur la concurrence et le coût de la vie en Polynésie ?

Les dispositions suivantes du projet de loi concernent largement les territoires du Pacifique. À l’article 5, je m’étonne que le retrait d’espèces en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie ne soit gratuit que dans les établissements où l’on détient des comptes, ce qui diffère de la situation en métropole. Y a-t-il une raison précise à cette situation ?

Pour le reste, je n’aurai pas de remarque particulière. La situation économique, sociale et politique en outre-mer fait régulièrement l’actualité. Il est aujourd’hui particulièrement question de la situation sécuritaire à Mayotte, avec l’opération Wuambushu, déclenchée le 24 avril dernier. La situation en Guyane est également préoccupante, avec le décès, à la fin du mois de mars, d’un gendarme du groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) dans une opération de lutte contre l’orpaillage illégal. Sur le plan politique, les récentes élections territoriales en Polynésie ont vu la victoire du camp indépendantiste, tandis que la situation post-référendaire en Nouvelle-Calédonie n’a pas encore débouché sur une solution pérenne. Enfin, dans les Antilles, la situation sociale reste caractérisée par une certaine défiance, alimentée par des scandales comme celui du chlordécone.

Le développement socio-économique en outre-mer reste donc une priorité, dans des territoires où le niveau de vie est, en moyenne, le tiers de celui de la métropole. Les territoires ultramarins représentent pourtant une richesse incomparable, à la fois naturelle et culturelle. C’est le premier réservoir de biodiversité en France et un domaine maritime exceptionnel, qu’il convient de préserver face aux effets déjà palpables du changement climatique.

L’enjeu est de permettre le plus possible aux habitants de ces territoires d’être eux-mêmes acteurs de ce développement.

En conclusion, mis à part les quelques remarques formulées, le groupe RDSE ne voit pas d’objection particulière à l’adoption de ce projet de loi !

Photo de Pierre Laurent

M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre, pour le groupe Les Républicains.

Photo de Antoine Lefèvre

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le présent projet de loi a pour objet de ratifier plusieurs ordonnances relatives à l’outre-mer.

Nous nous méfions toujours du recours aux ordonnances, car il dépossède le Parlement de ses prérogatives législatives. Mais, en l’espèce, force est de reconnaître qu’il s’agit de dispositions très techniques, qui ne posent pas de difficultés. Nous resterons cependant extrêmement vigilants. Lors du premier quinquennat d’Emmanuel Macron, le nombre d’ordonnances avait quasiment doublé.

Les ordonnances de septembre 2021, février et septembre 2022, qu’il nous est proposé aujourd’hui de ratifier, ont un double objet.

Tout d’abord, il est proposé d’approuver la recodification du livre VII du code monétaire et financier pour améliorer sa lisibilité. Cette recodification de plus de 500 articles est le fruit d’un long travail, qui a duré trois années. Nous l’approuvons, car l’intelligibilité de la loi était remise en question pour nos compatriotes vivant outre-mer.

Il est également proposé de moderniser les missions de l’Institut d’émission d’outre-mer et de l’Institut d’émission des départements d’outre-mer. Notre groupe approuve également cette mesure.

Nous saluons le travail du rapporteur, Hervé Maurey, qui a permis une amélioration du texte. La majorité des articles ont été amendés et adoptés la semaine dernière, dans le cadre de la procédure de législation en commission.

Parmi les améliorations essentielles, il nous paraît important de souligner que, l’expérimentation visant à ouvrir le financement participatif obligatoire aux collectivités territoriales ayant pris du retard, il était nécessaire de la prolonger de deux ans, afin qu’elle s’effectue sur le temps réellement imparti, soit le délai initial de trois ans.

Par ailleurs, concernant la modernisation des missions des Instituts d’émission, la centralisation des informations d’identification des comptes de toute nature sur le même fichier, telle que la propose la commission, nous semble pertinente.

Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe Les Républicains votera ce projet de loi, tel qu’il ressort des travaux de notre Haute Assemblée.

Photo de Pierre Laurent

La parole est à M. Emmanuel Capus, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.

Photo de Pierre Laurent

L'amendement n° 2, présenté par MM. Mohamed Soilihi, Patriat, Iacovelli, Richard, Théophile, Bargeton et Buis, Mme Cazebonne, MM. Dagbert et Dennemont, Mme Duranton, MM. Gattolin et Hassani, Mme Havet, MM. Haye, Kulimoetoke, Lemoyne, Lévrier, Marchand et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch et Mme Schillinger, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Après le troisième alinéa de l'article 373-2-6 du code civil, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Il peut également, en cas de désaccord entre les parents sur l'exercice du droit à l'image de l'enfant, interdire à l'un des parents de diffuser tout contenu relatif à l'enfant sans l'autorisation de l'autre parent. Ces mesures peuvent, s'il y a urgence, être ordonnées en référé. »

La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.

Photo de Emmanuel Capus

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nos territoires d’outre-mer sont au cœur de la souveraineté nationale. L’actualité récente nous le rappelle tristement.

En effet, la situation à Mayotte est dramatique. L’autorité de l’État y est mise à rude épreuve, avec la complaisance d’un État étranger. Nous attendons beaucoup de l’opération Wuambushu lancée par le Gouvernement.

Paradoxalement, cette situation dramatique apporte aussi des signes d’espoir, puisqu’elle a rappelé à l’ensemble des Français l’attachement sans faille des Mahorais à la communauté nationale. L’État doit se montrer à la hauteur de ces espoirs.

L’exemple de Mayotte nous rappelle que, pour consolider l’autorité de l’État sur l’ensemble du territoire national, il faut que les lois soient appliquées partout.

Toutes proportions gardées, le projet de loi que nous examinons s’inscrit dans cette logique : garantir la bonne application des lois sur l’ensemble du territoire national. Il contient ainsi plusieurs mesures pour adapter le code monétaire et financier aux évolutions récentes.

Cela concerne principalement la ratification de trois ordonnances, prises entre septembre 2021 et septembre 2022.

Les modifications législatives apportées par ces ordonnances sont essentiellement techniques. Elles n’ont pas déchaîné de débats passionnés au sein de notre commission.

Cependant, elles n’en sont pas moins importantes. Elles parachèvent, en effet, un travail de réorganisation législative entrepris il y a plus de quatre ans, au moment de la promulgation de la loi Pacte.

Le livre VII du code monétaire et financier est ainsi réécrit de façon thématique, ce qui rendra notre droit applicable plus lisible. Cette réécriture était, de toute façon, rendue nécessaire par les récentes évolutions législatives, tant au niveau français qu’au niveau européen.

Je ne reviens pas sur la méthode retenue pour procéder à la ratification des ordonnances, mais il est vrai qu’il y a toujours quelque chose d’étonnant à présenter une réforme comme urgente alors qu’elle parachève un travail de plusieurs années… L’essentiel est que nous puissions désormais avancer.

Le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera en faveur de ce texte.

Pour conclure, mes chers collègues, je souhaite évoquer deux amendements adoptés par la commission des finances.

Le premier concerne l’article 1er bis. Ce nouvel article prévoit de prolonger l’expérimentation sur l’accès des collectivités au financement participatif.

J’ignore si le délai de publication de l’arrêté ministériel révèle quelque réticence de la part de Bercy. Ce que je crois, en revanche, c’est que nous devons donner davantage de libertés aux collectivités, et davantage de moyens aux élus locaux. Il faut faire confiance aux territoires.

Le second amendement concerne la suppression de l’article 9, qui visait à donner une base législative au fichier des comptes d’outre-mer (Ficom). J’espère que la navette parlementaire permettra de trouver la solution qui sera à la fois la plus respectueuse des libertés publiques et la plus efficace pour l’ordre public.

C’est dans cette tension, mes chers collègues, que nous parviendrons à garantir la cohésion nationale, sur l’ensemble du territoire de la République.

Photo de Thani Mohamed Soilihi

Cet amendement vise à éviter que le texte que nous nous apprêtons à voter n'entraîne des effets de bord.

En commission, l'article 3 a été entièrement réécrit : désormais, la diffusion publique de contenus relatifs à la vie privée d'un enfant est subordonnée à l'accord des deux parents. Si nous saluons la volonté de la rapporteure de créer les conditions d'une harmonisation de la jurisprudence, nous craignons que la notion très large de « contenus relatifs à la vie privée de l'enfant » ne complexifie le quotidien des familles. En effet, la rédaction retenue par la commission aurait notamment pour conséquence d'obliger les tiers à recueillir l'accord des deux parents pour les diffusions restreintes et conformes à l'intérêt de l'enfant, par exemple dans le cadre scolaire.

Par ailleurs, nous considérons que le dispositif proposé par la commission tend à instaurer une hiérarchie injustifiée entre les différents droits de l'enfant. Il entraînerait en effet une sanctuarisation du droit à la vie privée, alors que, pour les actes concernant d'autres droits, tels que le droit à la santé, l'accord d'un seul parent pourrait suffire.

Pour toutes ces raisons, nous proposons de rétablir le texte adopté par l'Assemblée nationale, tout en supprimant la référence aux actes non usuels de l'autorité parentale. Concrètement, nous proposons d'accorder au juge la possibilité d'interdire à un parent de diffuser tout contenu relatif à son enfant, sans l'autorisation de l'autre parent en cas de désaccord sur l'exercice du droit à l'image de l'enfant. Cette interdiction concernerait à la fois les actes usuels et les actes non usuels de l'autorité parentale.

Photo de Pierre Laurent

M. le président. La parole est à M. Daniel Breuiller, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.

Photo de Valérie Boyer

Mon cher collègue, même si je comprends votre intention, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement, qui est satisfait.

Si elle va dans le sens que nous souhaitons, la rédaction que vous proposez n'ajoute rien au droit existant. En effet, elle n'est qu'un simple rappel de ce que peut déjà faire le juge aux affaires familiales.

L'apport que la commission a proposé est de soumettre à l'accord des deux parents toute diffusion d'informations relatives à la vie privée de l'enfant au public. En fait, nous proposons un véritable changement de paradigme, puisque les parents seront obligés de réfléchir avant de poster des images de leur enfant sur des réseaux sociaux ouverts au public, car ce n'est pas un acte qui va de soi.

Comme l'a souligné Dominique Vérien dans son intervention, il n'y a aucune urgence à diffuser publiquement des photos de son enfant. Je trouve que c'est une bonne formule. Par ailleurs, Else Joseph a parlé de sobriété numérique : là encore, il est très important pour la protection des plus fragiles d'adopter ce nouveau paradigme.

C'est pourquoi la commission des lois propose de mettre fin à cette sorte d'insouciance numérique dont font montre les parents en publiant des photos de leurs enfants. Tous nos collègues qui ont pris la parole dans la discussion générale ont dénoncé la diffusion d'un nombre incroyable d'images d'enfants, le fait qu'elles se retrouvent sur des sites pédopornographiques pour la moitié d'entre elles, qu'elles soient exploitées…

Il me semble important d'adopter cette sobriété et de mettre fin cette insouciance. Comme le souligne Bruno Studer lui-même, l'apport de ce texte est pédagogique. Si l'on veut qu'il le soit de façon effective, il faut que les parents prennent conscience qu'ils ne peuvent plus agir comme ils le font aujourd'hui.

Certes, nous pouvons poursuivre la réflexion dans le cadre de la navette parlementaire, mais je répète que cet amendement est à mon sens totalement satisfait.

Photo de Daniel Breuiller

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je suis le neuvième à intervenir sur ce projet de loi, qui est un texte particulièrement technique, un texte de correction rédactionnelle et d’adaptation de fond du code monétaire et financier pour certaines collectivités d’outre-mer, pour lequel je risque de verser dans l’ultracrépidarianisme. Vous connaissez ce terme, qui qualifie un comportement consistant à donner son avis sur des sujets à propos desquels on ne possède pas de compétence crédible ou démontrée.

Je remercie d’ailleurs notre collègue Hervé Maurey pour son analyse. Il a rendu ce texte compréhensible et l’a amélioré par ses amendements.

Je ne veux pas non plus prendre le risque de dire moins bien que d’autres que l’adoption de ce projet de loi est nécessaire, puisque les ordonnances, dont l’échéance est désormais très proche, doivent être consolidées.

Deux mesures contenues dans ce projet de loi appellent notre vigilance.

Tout d’abord, la nécessité de proroger de deux années supplémentaires l’expérimentation en matière de financement participatif, défendue par le rapporteur et adoptée à l’unanimité des votants de notre commission, mérite évidemment d’être retenue.

La seconde mesure est la fin de la règle de gratuité totale des retraits d’espèces par carte effectués en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française. Si la plupart des banques et leurs filiales sont représentées dans les grandes villes-métropoles, ce n’est pas toujours le cas en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie, dans les atolls, où il faut parfois aller très loin pour trouver le bon distributeur. L’avis argumenté du Conseil d’État doit se conjuguer avec la préservation du pouvoir d’achat, moins élevé pour nos concitoyens qui y résident que pour la plupart de ceux qui vivent dans l’Hexagone.

À propos des ordonnances, nous ne nions pas leur utilité sur des sujets techniques tels que celui qui nous réunit aujourd’hui. Toutefois, comme le rappelait le président de notre groupe, Guillaume Gontard, lors du débat sur le suivi des ordonnances, en février 2022, « sous le quinquennat Macron, 345 habilitations par ordonnances ont été accordées, et ce nombre a doublé en dix ans – sans doute est-ce d’ailleurs sur ce doublement qu’il faut insister… »

Les ordonnances ne doivent pas devenir un mode d’élaboration de la loi. Pas plus, au passage, selon moi, que le recours aux articles 49, alinéa 3, ou 47-1 de la Constitution. Ces modus operandi affaiblissent le Parlement, dans son pouvoir d’initiative et d’amendement.

Aussi, nous sommes déterminés à ce que ce pouvoir ne soit pas corseté lors des débats qui touchent aux sujets essentiels de la vie de nos concitoyens, comme celui des retraites, et soit peut-être moins sollicité sur des sujets dont la technicité nous éloigne parfois des problèmes les plus essentiels des Ultramarins.

Il est vrai que, quand je pense aux outre-mer, je ne pense pas en premier lieu au code monétaire et financier, même si ce sujet technique est sérieux. Je pense plutôt à la précarité qui fait rage dans nos territoires, à l’inflation qui frappe plus brutalement les portefeuilles là-bas qu’ici, à la vie chère, au manque d’emplois, à une jeunesse qui manque parfois de perspectives, autant de réalités qui sont le quotidien des habitants des outre-mer.

Lorsque je pense aux outre-mer, je pense aussi aux sargasses, à l’orpaillage illégal en Guyane, à la construction controversée de la nouvelle route du littoral à La Réunion, à la défense de la biodiversité des fonds marins, du vivant et des écosystèmes, qui figurent parmi les plus riches au monde et doivent être au cœur de nos actions dans les territoires d’outre-mer, plus encore qu’ailleurs.

Je pense également aux batailles juridiques, menées notamment par Harry Durimel, maire écologiste de Pointe-à-Pitre et par d’autres – certains siègent sur nos travées –, pour faire reconnaître les préjudices liés au chlordécone, un scandale sanitaire, social et environnemental dont l’État s’est rendu coupable et dont je ne suis pas certain que les leçons aient été tirées.

Voilà, mes chers collègues, les sujets qui me viennent à l’esprit lorsque je pense aux outre-mer. Il est nécessaire que l’État tienne ses promesses, loin des effets d’annonce auxquels il recourt parfois.

Merci au livre VII du code monétaire et financier de m’avoir permis d’évoquer, un peu par effraction – je le reconnais volontiers –, ces sujets qui nous tiennent à cœur.

Nous voterons ce texte, tel qu’il a été amendé par la commission.

Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

Monsieur le sénateur, je trouve votre amendement pertinent et utile, et ce pour deux raisons.

En premier lieu, vous proposez de supprimer la disposition de l'article 3 qui qualifie d'acte non usuel la diffusion au public de contenus relatifs à la vie privée d'un enfant ; or le Gouvernement considère que la qualification d'actes usuels ou non usuels doit rester à l'appréciation du juge. Au cours de la discussion générale, j'ai dit à quel point il était difficile de dresser la liste de ce qui serait un acte usuel ou un acte non usuel.

En second lieu, vous souhaitez permettre aux parents, en cas de désaccord sur l'exercice du droit à l'image de l'enfant, de saisir le juge aux affaires familiales, y compris en référé, pour solliciter l'interdiction de diffuser tout contenu relatif à l'enfant. J'y suis favorable, parce que, dans un contexte d'exposition accrue de l'image des enfants, ce que nous déplorons tous, il me semble tout à fait important de rappeler que le juge aux affaires familiales peut interdire la diffusion d'images d'enfants.

Dans ces conditions, tout le monde l'a compris, le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement.

Photo de Pierre Laurent

La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour explication de vote.

Photo de Thani Mohamed Soilihi

J'ai entendu les explications de Mme la rapporteure : il est vrai que le sujet mérite d'être encore travaillé. Pour ma part, je propose la position inverse de la commission, à savoir adopter cet amendement et tenter d'aboutir à une meilleure réécriture dans le cadre de la navette parlementaire. En nous appuyant sur la rédaction issue des travaux du Sénat, nous aurons matière à « négocier ».

Photo de Pierre Laurent

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, le projet de loi ratifiant les ordonnances relatives à la partie législative du livre VII du code monétaire et financier et portant diverses dispositions relatives à l’outre-mer.

Photo de Pierre Laurent

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

Photo de Pierre Laurent

L'amendement n° 5, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge et M. Salmon, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Les parents associent l'enfant à l'exercice de son droit à l'image, selon son âge et son degré de maturité.

La parole est à Mme Mélanie Vogel.

Photo de Mélanie Vogel

Cet amendement vise à corriger une lacune de la proposition de loi. En effet, quand bien même l'enfant s'opposerait à la publication d'une image, les parents pourront la diffuser sans que celui-ci puisse les en empêcher.

Cette lacune a deux inconvénients majeurs.

D'une part, la publication reste visible jusqu'à l'aboutissement éventuel d'une procédure de demande de retrait et elle peut être partagée. Cela a été dit, de nombreuses photos se retrouvent ainsi sur des sites pédocriminels et on ne peut pas faire comme si ce n'était pas un danger majeur.

D'autre part, cela exclut des enfants plus jeunes qui pourraient dire non à leurs parents, mais qui seraient, de fait, incapables de remplir un formulaire pour demander a posteriori le retrait d'une photo déjà publiée.

Afin de donner plus de droits aux enfants, nous proposons de rétablir une disposition qui a été supprimée en commission. Plus concrètement, il s'agit de demander aux parents d'associer l'enfant à l'exercice de son droit à l'image.

J'ai bien conscience que l'on ne peut pas facilement associer un enfant de 2 ans à l'exercice de son droit à l'image. Pour autant, c'est possible pour une adolescente de 14 ans. C'est la raison pour laquelle il est précisé dans l'amendement « selon son âge et son degré de maturité » ; une telle formulation permet de distinguer entre un bébé de 6 mois et une adolescente de 17 ans.

Photo de Valérie Boyer

Cet amendement est satisfait, puisqu'il réintroduit une disposition qui figure déjà à l'article 371-1 du code civil. S'il y a bien un article que nous connaissons ici – il a été rappelé au cours de la discussion générale et beaucoup d'entre nous ont été maires ou adjoints et ont célébré des mariages –, c'est bien celui-là. Cet article pose les grands principes de l'exercice de l'autorité parentale.

C'est la raison pour laquelle la commission demande le retrait de cet amendement, dont nous partageons bien la philosophie.

Photo de Pierre Laurent

L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à garantir le respect du droit à l’image des enfants (proposition n° 396, texte de la commission n° 561, rapport n° 560).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le garde des sceaux.

Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

Mme la rapporteure a tout dit et très bien : l'article 371-1 satisfait déjà les précautions que vous que vous souhaitez prendre, madame la sénatrice Vogel.

Éric Dupond-Moretti

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes réunis cet après-midi pour débattre d’un sujet majeur et ô combien d’actualité : comment mieux protéger la vie privée, notamment l’image de nos enfants ?

C’est l’objet de la présente proposition de loi, portée avec conviction par M. le député Bruno Studer et, je le rappelle, adoptée à l’unanimité en première lecture par l’Assemblée nationale.

L’essor des réseaux sociaux invite à repenser les moyens de protection pour faire face aux nouvelles dérives qui mettent à mal la vie privée et l’image de nos enfants.

Avant l’âge de 13 ans, un enfant apparaît, en moyenne, sur le compte de ses parents ou de ses proches sur 1 300 photographies publiées en ligne. Dans le même temps, les parents d’enfants âgés de moins de 13 ans partagent en moyenne 71 photos et 29 vidéos par an sur les réseaux sociaux. Un cinquième des parents ont des profils Facebook publics, et la moitié partagent des photos avec des amis virtuels qu’ils ne connaissent pas vraiment.

À cette vitesse, d’ici à la fin de la décennie, les informations partagées en ligne par les parents seront la première cause d’usurpation d’identité pour leurs enfants.

Que l’on ne s’y trompe pas : les images des enfants sont bel et bien des données personnelles sensibles, qui soulèvent des enjeux de pédocriminalité, d’identité numérique, d’exploitation commerciale ou encore de harcèlement.

Je veux partager avec vous le constat alarmant des auteurs de la présente proposition de loi : en 2020, près de 50 % des images qui s’échangent sur les sites pédopornographiques ont été initialement publiées par les parents.

Parallèlement, les données personnelles des enfants mises en ligne par leurs parents interrogent les notions de droit à l’oubli et, bien sûr, d’identité numérique.

Sur le long terme, mesdames, messieurs les sénateurs, les contenus publiés – même en toute bonne foi – par leurs parents pourraient porter préjudice aux enfants et compromettre, par exemple, leur crédibilité lors d’une candidature scolaire ou professionnelle.

Face à ces risques et dans l’intérêt supérieur et bien compris de l’enfant, il est nécessaire de cadrer les conditions d’exercice par les parents de leur autorité parentale en matière de vie privée et de droit à l’image de leurs enfants. Pendant la minorité de l’enfant, ce sont, en effet, les parents qui sont en charge de la protection de sa vie privée et de son droit à l’image.

La loi du 19 octobre 2020 visant à encadrer l’exploitation commerciale de l’image d’enfants de moins de 16 ans sur les plateformes en ligne, dite loi Enfants influenceurs, a constitué une première étape importante dans l’exercice du droit à l’image des enfants exposés sur les réseaux sociaux. Hier même, votre assemblée examinait en première lecture sur une nouvelle proposition de loi visant à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux. C’est dire si le monde de l’internet a décidément un grand besoin de régulation, pour les adultes, bien sûr, mais également pour les enfants, en particulier ceux qui n’ont aucune prétention d’être des influenceurs.

Cette proposition de loi vise donc à aller plus loin. Dans une démarche pédagogique, sans bouleverser l’état du droit, elle vise à s’assurer de la bonne utilisation par les parents de l’image de leur enfant.

L’article 1er modifie l’article 371-1 du code civil afin d’introduire la notion de « vie privée » de l’enfant dans la définition de l’autorité parentale. À ce sujet, je salue le travail de la commission qui a repositionné l’ajout de la notion de « vie privée » à la fin de l’article 371-1 du code civil : il est plus cohérent de formaliser le droit à la vie privée du mineur au sein des droits dus à sa personne.

L’article 2, en revanche, a été supprimé. La commission a fait ce choix alors qu’il me semblait présenter plusieurs intérêts. D’abord, il inscrivait dans la loi le droit à l’image, ce droit n’étant pour l’instant consacré que par la jurisprudence. Ensuite, il rendait ce droit plus visible pour les parents. Je prends néanmoins acte de la position de la commission sur cet article.

L’article 3 a également été modifié pour faire de tous les actes « relatifs à la vie privée de l’enfant » des actes non usuels. Permettez-moi d’exprimer des réserves sur cette nouvelle rédaction.

Premièrement, j’en émettrai une sur son emplacement à l’article 372-2 du code civil. Cet article a, en effet, pour objet de définir le régime juridique de l’acte usuel relatif à la personne de l’enfant et non de définir ou d’énumérer les actes relevant du régime juridique des actes non usuels. Outre que cette disposition fragilise l’économie générale de l’article 372-2, elle comporte le risque de constituer un précédent en invitant le législateur à dresser une liste des actes usuels et non usuels dans la loi. Or l’établissement d’une telle liste, qui, pour être utile, devrait être exhaustive, n’est en pratique pas possible : l’appréciation de ce qui relève d’un acte usuel ou non usuel est nécessairement casuistique. Elle nécessite donc d’être appréciée finement par un juge pour préserver au mieux l’intérêt de l’enfant.

Deuxièmement, la notion de « contenus relatifs à la vie privée de l’enfant » est trop large : elle dépasse la publication de la seule image de l’enfant, puisqu’il suffirait que la publication soit relative à la vie privée de l’enfant pour être qualifiée d’acte non usuel et nécessiter alors l’accord des deux parents. Cela induit, à mon sens, un cadre juridique trop contraignant.

Surtout, cet article complexifie et rigidifie le quotidien des familles, puisque l’accord des deux parents pourra être systématiquement exigé par les tiers pour toute diffusion de contenu relatif à la vie privée de l’enfant. Or un tel recueil ne sera pas toujours possible en pratique, par exemple en cas de conflit parental ou d’absence de l’autre parent.

Photo de Pierre Laurent

Madame Vogel, l'amendement n° 5 est-il maintenu ?

Photo de Mélanie Vogel

Non, je le retire, monsieur le président.

Éric Dupond-Moretti

Troisièmement, cet article instaure surtout une hiérarchie entre les différents droits de l’enfant, au sommet de laquelle se trouverait le droit au respect de sa vie privée. Cela nous semble contestable. Le droit à la vie privée doit-il être plus protégé que le droit à la santé par exemple ? Avec cet article, l’accord des deux parents serait systématiquement exigé pour toute diffusion de « contenus relatifs à la vie privée de l’enfant », alors que, en ce qui concerne la santé de l’enfant par exemple, l’accord d’un seul des parents pourrait, dans certains cas, suffire.

Pour toutes ces raisons, je soutiendrai l’amendement de votre collègue Thani Mohamed Soilihi qui permet de rétablir le texte adopté par l’Assemblée nationale tout en l’adaptant afin de mieux protéger le droit à l’image des enfants.

L’article 4 a été supprimé par la commission : je le regrette. Le dispositif de délégation partielle de l’exercice de l’autorité parentale me semblait pourtant équilibré : il permettait de compléter utilement la réglementation existante en matière de protection des enfants, notamment en ce qui concerne l’assistance éducative.

Votre commission a introduit un nouvel article qui permet à la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) de saisir le tribunal judiciaire pour demander en référé le blocage d’un site internet en cas d’atteinte aux droits d’un mineur. Ce dispositif est intéressant, mais devra probablement être réservé aux atteintes les plus graves. Je suis également sensible à l’idée selon laquelle la saisine de la Cnil doit faire suite à la plainte d’un tiers. La navette parlementaire pourra utilement améliorer la rédaction.

Face à une exposition accrue des mineurs sur internet et à des risques provenant du foyer familial, il est indispensable de repenser la notion de droit à l’image des enfants et de responsabiliser davantage leurs parents. Je me réjouis donc des débats qui s’annoncent et, vous l’aurez compris, mesdames, messieurs les sénateurs, je soutiendrai cette proposition de loi.

Photo de Pierre Laurent

L'amendement n° 5 est retiré.

Je mets aux voix l'article 3.

Photo de Pierre Laurent

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.

Photo de Pierre Laurent

L'amendement n° 4, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge et M. Salmon, est ainsi libellé :

Après l'article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur les supports de communication relatifs aux usages du numérique ainsi que sur l'offre et le développement des stages et interventions pédagogiques de sensibilisation aux risques du numérique.

La parole est à Mme Mélanie Vogel.

Photo de Valérie Boyer

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, l’ouverture du monde numérique aux enfants est un défi majeur à la fois pour les familles et pour les pouvoirs publics, en particulier en matière d’éducation et de santé publique. Nous commençons seulement à prendre la mesure des répercussions qu’a sur la santé, le bien-être et le développement de nos enfants un accès potentiellement permanent aux contenus des réseaux sociaux ou des sites internet via les smartphones.

C’est pourquoi je regrette que ce sujet ne soit pas pris à bras-le-corps par le Gouvernement dans le cadre d’une politique publique nationale réunissant tous les acteurs pouvant agir en la matière.

Actuellement, le Sénat est invité à se prononcer sur quatre initiatives visant la protection des mineurs dans l’univers numérique. Outre cette proposition de loi, nous ont été transmises de l’Assemblée nationale, premièrement, une proposition de loi relative à la prévention de l’exposition excessive des enfants aux écrans, qui rappelle une initiative et des travaux de notre collègue Catherine Morin-Desailly en 2018, deuxièmement, une proposition de loi visant à instaurer une majorité numérique et à lutter contre la haine en ligne, dont la rapporteure pour le Sénat sera Mme Borchio Fontimp, et, troisièmement, une proposition de loi visant à encadrer l’influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux, que le Sénat a adoptée hier soir, dont Mme Amel Gacquerre était la rapporteure.

Nous ne pouvons pas continuer à légiférer ainsi, en ordre dispersé, sur des sujets variés mais tous connexes, sans vision globale. Monsieur le garde des sceaux, je pense que les Français n’attendent pas du Parlement cette façon de travailler ; ils l’attendent encore moins pour un enjeu aussi important. Ce dernier aurait nécessité que les ministres de la santé, de la justice et de l’éducation nationale, entre autres, œuvrent tous ensemble avec le Parlement. Envisager une élaboration collective aurait fait consensus. Malheureusement, nous travaillons de façon tronçonnée…

Surtout, une réponse législative n’est pas suffisante : tous les acteurs s’accordent à dire que c’est la prévention, l’éducation et la sensibilisation qui sont efficaces en la matière.

S’agissant du sujet qui nous occupe, tous les moyens devraient être mobilisés pour alerter les parents des conséquences d’une diffusion d’images ou, plus généralement, de contenus relatifs à la vie privée de leur enfant dans l’espace numérique en raison des utilisations préjudiciables qui peuvent en être faites par la suite : harcèlement scolaire, détournement sur des sites pédocriminels, usurpation d’identité, atteinte à la réputation… Malheureusement, j’en oublie.

Il est particulièrement important que la sensibilisation soit organisée par l’État de manière uniforme sur tout le territoire, car les inégalités en fonction du milieu social sont très importantes en la matière, comme l’ont rappelé la Défenseure des droits et le Défenseur des enfants, que nous avons auditionnés.

Pour ma part, je souhaite exprimer trois requêtes au Gouvernement.

Ma première demande est la réactualisation du carnet de santé, qui n’a pas été mis à jour depuis 2018 : le conseil de ne pas mettre de téléviseur dans la chambre des enfants est totalement obsolète. Il faudrait passer à autre chose, à l’heure des tablettes et des smartphones, et prévoir une information précise sur l’utilisation des écrans et sur l’exposition à ces derniers.

Utilisons ce moyen important et encore sous format papier pour faire le lien entre parents, éducateurs, école… On ne peut pas en rester à la situation actuelle ; l’information serait ainsi diffusée à tous. Il faudrait à mon avis – je l’ai mentionné – deux volets : l’un sur la consommation d’écrans par les enfants en fonction de leur âge, l’autre sur le sujet de cette proposition de loi, à savoir l’exposition des enfants et de leur vie privée sur les réseaux sociaux.

Ma collègue Alexandra Borchio Fontimp a eu la même idée, déposant des amendements en ce sens, mais, comme il s’agit d’une mesure réglementaire, elle a été déclarée irrecevable au nom de l’article 41 de la Constitution. Nous ne pouvons donc pas en discuter aujourd’hui, même dans le cadre d’un amendement d’appel, ce que je regrette. Pour cette raison, monsieur le garde des sceaux, je vous demande que cette modification soit prise en compte.

Ma deuxième demande est l’élaboration d’un véritable programme de santé publique qui permettrait à chaque âge, de la crèche en passant par la maternelle jusqu’au lycée, d’établir des critères précis sur les connaissances que les enfants doivent acquérir, par exemple les dangers auxquels ils sont exposés : exposition aux écrans, harcèlement, alimentation, drogues…

Ma troisième demande est l’insertion dans le code de la santé publique d’un livre consacré aux politiques de protection et de prévention à mener en matière de numérique, notamment sur le temps d’exposition aux écrans et sur la protection de la vie privée des enfants. Il y a plusieurs années, lorsque j’étais députée, j’avais permis, dans le cadre de l’examen de la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, dite loi HPST, la création d’un livre dans le code de la santé publique sur les troubles du comportement alimentaire. Désormais, il est plus qu’urgent d’accomplir la même chose pour le numérique. Cela relève du domaine législatif : aussi, j’espère que nous pourrons bientôt nous en charger. C’est pour cela que je regrette vraiment que nous n’ayons pas examiné un texte traitant le sujet dans son ensemble.

Vous l’aurez compris, si je suis convaincue par l’objet de cette proposition de loi, ses auteurs mettant le doigt sur un phénomène certes émergent, mais préoccupant, il me semble que, pour être efficace, la réponse ne peut pas être seulement législative et sectorielle, comme proposé. Elle doit être plus globale. Cependant, la proposition de loi que nous examinons a le mérite de favoriser une prise de conscience collective sur le droit à l’image des enfants. Bruno Studer lui-même l’a décrite comme « une loi de pédagogie » à destination des parents.

Je pense que nous pouvons souscrire à cet objectif en recentrant cette proposition de loi sur l’essentiel, sans oublier que veiller au respect de la vie privée de l’enfant fait déjà partie de la mission exercée conjointement par les parents dans le cadre de l’autorité parentale, à savoir « protéger [l’enfant] dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne ». Il me semble que, puisque beaucoup d’entre nous ont été maires, nous connaissons bien ces paroles pour les avoir prononcées lors des mariages.

C’est pourquoi la commission a adopté l’article 1er qui vise à introduire la protection de la vie privée de l’enfant parmi les obligations des parents au titre de l’autorité parentale. Nous en avons préféré la rédaction initiale qui rattache la vie privée de l’enfant au « respect dû à sa personne », sans la placer sur le même plan que la sécurité, la santé et la moralité. En effet, pour assurer ces trois finalités fondamentales, les parents ont un devoir de surveillance dont le degré d’intensité varie selon l’âge, la maturité et la capacité de discernement de l’enfant. Ce devoir peut justifier une atteinte à la vie privée de l’enfant, par exemple pour vérifier avec qui il correspond ou qui il rencontre, dans le but de le protéger.

En revanche, la commission a supprimé l’article 2, qui n’est qu’une simple répétition, spécifiquement consacrée au droit à l’image, des dispositions des articles 371-1 et 372 du code civil. L’utilisation du code à des fins pédagogiques doit être limitée à l’essentiel. C’est déjà ce que vise l’article 1er.

À l’article 3, qui n’était qu’un simple rappel du droit existant, nous avons inscrit que « la diffusion au public de contenus relatifs à la vie privée de l’enfant », ce qui comprend photos et vidéos, nécessite l’« accord de chacun des parents ». Cette disposition éviterait toute divergence d’approche entre juridictions pour décider s’il s’agit d’un acte usuel ou non usuel et permettrait au parent non consentant de saisir le juge aux affaires familiales (JAF) d’une demande d’interdiction.

Il s’agirait là d’instaurer un véritable changement de paradigme pour mettre fin à l’insouciance avec laquelle les parents postent dans des proportions incroyables des photos de leur enfant sur les réseaux sociaux, comme vous l’indiquiez, monsieur le garde des sceaux. Ils seraient obligés de réfléchir ensemble avant de diffuser au public une image de leur enfant qui pourrait avoir des conséquences préjudiciables pour celui-ci. Je précise bien « au public » et non sur des réseaux privés, intrafamiliaux. Nous avons choisi une formulation large pour inclure toute information relative à la vie privée et couvrir ainsi toute situation, comme la divulgation d’un bulletin de santé.

La commission a supprimé l’article 4 qui tendait à permettre une délégation forcée de l’exercice du droit à l’image de l’enfant lorsque la diffusion de l’image de celui-ci porte gravement atteinte à sa dignité ou à son intégrité morale, ce qu’on appelle les prank. L’article ne semble en effet pas opérant : en pratique, cette délégation n’aurait que peu d’effet, puisque le parent continuerait à pouvoir filmer ou photographier l’enfant dans son quotidien et poster ces images sur les réseaux sociaux.

Par ailleurs, ce serait mettre sur le même plan des comportements de gravités très différentes, la délégation d’autorité parentale étant réservée au « désintérêt manifeste » des parents, à « l’impossibilité d’exercer tout ou partie de l’autorité parentale » ou au meurtre d’un parent par l’autre. Avouez que mettre les images à la suite serait un peu curieux.

Dans tous les cas, je rappelle que la diffusion d’images de l’enfant « port[ant] gravement atteinte à la dignité ou à l’intégrité morale de celui-ci » caractérise des carences éducatives qui peuvent justifier la saisine du juge des enfants en vue du prononcé de mesures d’assistance éducative. Il n’y a donc pas de vide juridique en la matière, ce qui nous a été confirmé lors de toutes les auditions que nous avons réalisées.

Enfin, pour compléter l’article 3 qui pose le principe d’un accord des deux parents pour publier une photo ou une vidéo d’un enfant, la commission a adopté un article 5 permettant à la Commission nationale de l’informatique et des libertés d’agir en référé dès lors qu’il y a une atteinte aux droits des mineurs en matière de données à caractère personnel, sans condition de gravité ou d’immédiateté. La Cnil pourrait sur cette base demander le blocage d’un site internet dont l’éditeur ne répondrait pas aux demandes d’effacement ou ne prouverait pas avoir l’accord des deux parents pour la publication relative à l’enfant.

Voilà, mes chers collègues, le texte que je vous invite à adopter. La question de la protection des enfants est importante ; aussi, je répète mes regrets de l’examiner de cette façon, elle qui touche chaque foyer en France et concerne tous les acteurs, quels qu’ils soient, à presque tous les âges. C’est vraiment dommage. Ensemble, nous aurions établi – je le pense – un texte qui aurait été adopté à la fois par l’Assemblée nationale et par le Sénat, et par tous les groupes.

Photo de Mélanie Vogel

Il s'agit d'un amendement d'appel, puisqu'il s'agit de demander un rapport au Gouvernement.

Ce texte contient de nombreuses mesures visant à responsabiliser les parents et à modifier le périmètre de l'autorité parentale. Nous y sommes favorables et nous soutenons cette démarche.

Pour autant, on ne peut pas ignorer que, si la plupart des parents commettent l'erreur de publier à la légère des images ou des vidéos de leurs enfants sur les réseaux sociaux, c'est aussi par manque d'information et d'éducation, c'est-à-dire de démocratie numérique.

C'est tout le sens de cet amendement : demander un rapport afin d'obtenir une évaluation des outils d'éducation mis à disposition par les ministères. Par ce biais, il s'agit de prendre conscience que seule l'information nous permettra de mieux gérer l'outil numérique et d'éviter les abus. Certes, le contrôle et la répression sont utiles, mais ils ne modifieront pas du jour au lendemain le comportement des parents qui publient une image de l'enfant sans réfléchir aux conséquences.

Photo de Valérie Boyer

Chère collègue, nous partageons tous ici vos objectifs et la nécessité d'une politique publique d'ampleur pour éduquer les parents, les adultes de façon plus générale, aux usages du numérique.

Cependant, je m'oppose totalement à la façon de procéder. Les associations font du bon travail, la question n'est pas là ; pour autant, je ne pense pas qu'il faille leur déléguer ce genre de missions et se reposer uniquement sur elles.

Nous sommes nombreux à l'avoir dit ici, quel que soit le mérite de ces structures, c'est à l'État de prendre en charge cette question sur la base d'un programme qui soit identique sur tout le territoire. Si l'on parle bien de démocratie numérique, il nous faut avoir une visibilité sur ce qui se passe aujourd'hui.

C'est la raison pour laquelle j'ai préconisé trois mesures, qui relèvent malheureusement du domaine réglementaire et non législatif.

Premièrement, le carnet de santé est l'un des rares outils dont nous disposons encore pour faire le lien entre tous les acteurs qui sont en contact avec l'enfant et les parents. Il s'agit d'un outil concret, en papier, qui sert véritablement de guide notamment aux parents les plus démunis dans tous les sens du terme. Je voudrais sincèrement qu'on le réactualise de manière précise.

Deuxièmement, un programme de santé publique dans le domaine est souhaitable, je l'ai dit tout à l'heure.

Troisièmement, il est à mon sens important d'ouvrir un livre consacré au numérique dans le code de la santé publique. Si une telle mesure est frappée d'irrecevabilité au titre de l'article 41 de la Constitution, il s'agit d'une urgence, car cela permettra à tous les acteurs de travailler sur ce sujet. Il doit surtout s'agir d'une politique nationale globale qui permettra d'atteindre les objectifs en matière de pédagogie et d'alerte que nous visons tous.

J'en profite pour faire remarquer que le texte que nous examinons aujourd'hui ne contient aucune mesure répressive.

Photo de Hussein Bourgi

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la numérisation progressive de la société est inéluctable. Qu’on le déplore ou qu’on s’en réjouisse, c’est un fait qui s’impose à nous toutes et à nous tous : nous constatons la multiplication des réseaux sociaux et nous mesurons la massification de leurs usages, pour le meilleur et, parfois, pour le pire.

Nous sommes toutes et tous susceptibles d’être exposés numériquement, souvent de notre plein gré, mais parfois contre notre volonté. Il en va de même pour les mineurs, à ceci près que, en raison de leur vulnérabilité, ces derniers méritent une attention toute particulière de la part de ceux qui sont censés les protéger, à savoir leurs parents, mais aussi le législateur, qui doit prendre sa part et qui l’assume.

Cela s’est traduit ces dernières années par une multiplication d’initiatives parlementaires visant à faire évoluer notre législation et à l’adapter aux risques d’un genre nouveau. Madame la rapporteure a mis en avant les textes en question, tout à l’heure : je les citerai de nouveau.

Le 19 octobre 2020, la loi visant à encadrer l’exploitation commerciale de l’image d’enfants de moins de 16 ans sur les plateformes en ligne, plus communément appelée loi Enfants influenceurs, a été promulguée. Elle permet aux mineurs de demander l’effacement de leurs données personnelles et des images les concernant sans l’accord préalable de leurs parents. Hier, nous étudiions la proposition de loi visant à encadrer l’influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux. Aujourd’hui, nous débattons de la proposition de loi visant à garantir le respect du droit à l’image des enfants. Le 23 mai prochain, nous devrons nous prononcer sur une autre initiative parlementaire, visant à instaurer une majorité numérique et à lutter contre la haine en ligne.

Il est à noter que tous ces textes, en tant que propositions de loi, émanent de parlementaires, en l’espèce de députés de la majorité présidentielle. Face aux dangers pouvant être causés par ce nouvel environnement numérique, il est évidemment salutaire que le législateur se saisisse de cette thématique.

Pour autant, je rejoindrai là aussi Mme la rapporteure en m’adressant à M. le garde des sceaux : une législation véritablement protectrice ne saurait se bâtir par la multiplication de petites propositions de loi, au champ et à la portée limités, dont les objectifs non coordonnés pourraient être de nature à nuire à la cohérence d’ensemble de notre droit. Ces initiatives parlementaires sont certes les bienvenues, mais force est de constater qu’elles sont partielles et parcellaires.

Une fois n’est pas coutume, il nous semble que, pour faire preuve d’efficacité face à un sujet complexe, il eût été préférable que l’exécutif présente un projet de loi transversal et global. Vous savez, monsieur le garde des sceaux, que, pour rédiger ses projets de loi, l’exécutif dispose de moyens et d’une expertise sans commune mesure avec ceux dont disposent les parlementaires, …

Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

C'est vrai.

Photo de Valérie Boyer

Quand des mesures répressives sont prises, c'est que les images sont inappropriées, ce qui est totalement en dehors du champ du texte que nous examinons aujourd'hui. Je regrette d'ailleurs que nous examinions cette question de façon « saucissonnée ».

Sur cet amendement, oui pour l'esprit, mais non pour les moyens.

J'en appelle une nouvelle fois au Gouvernement, monsieur le garde des sceaux, pour que nous ayons une politique véritablement globale sur cette question.

Photo de Hussein Bourgi

… ne serait-ce que pour l’élaboration des études d’impact.

Permettez-moi de rappeler que le dernier texte d’origine gouvernementale date de 2016 et avait été défendu à l’époque par Axelle Lemaire, secrétaire d’État chargée du numérique lors du quinquennat de François Hollande. Ces travaux de Mme Lemaire avaient abouti à l’adoption de la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique, comprenant la dernière grande avancée digitale pour les enfants, à savoir une amélioration substantielle du droit à l’oubli des mineurs sur le Net.

À l’ère des mutations numériques, 2016, c’est très loin ! Depuis, le cyberenvironnement a beaucoup évolué. Les problématiques qui y ont trait se sont encore multipliées, en particulier pour les personnes mineures. Un rapport de 2018 de Mme Rachel de Souza, commissaire à l’enfance pour le Royaume-Uni, peut nous éclairer sur l’ampleur du phénomène dont il est ici question. Selon cette étude, un enfant paraîtrait en moyenne sur 1 300 photographies publiées en ligne avant l’âge de 13 ans, sur ses propres comptes, sur ceux de ses parents ou des proches de ces derniers.

Si le fait de poster des photos d’enfants sur les réseaux sociaux peut sembler anodin de prime abord, la situation devient plus grave lorsque celles-ci sont détournées à des fins sordides. Selon les rapports du Centre national pour les enfants disparus ou exploités, qui œuvre aux États-Unis, la moitié des photographies d’enfants s’échangeant sur les réseaux pédophiles et pédopornographiques ont été à l’origine postées sur le Net par leurs parents, par leur famille ou par leurs proches. Ces publications, innocentes dans l’intention, peuvent donc être source de détournements, mais aussi de cyberharcèlement.

Aussi, face à ces risques et à ces dangers aux multiples facettes, nous devons nous interroger sur la pertinence, sur l’utilité et sur l’efficacité du texte que nous étudions aujourd’hui.

Il semble que, dans sa forme initiale, cette proposition de loi était dotée d’une portée normative limitée. En effet, ses articles 1er, 2 et 3 semblaient relativement superflus, car déjà plus ou moins satisfaits par le droit positif. Tout au plus garantissaient-ils une meilleure lisibilité de notre législation. L’article 4, relatif à la délégation partielle, sous contrainte, de l’autorité parentale, concernait principalement des cas rares, ce qui prédestinait cette mesure à être peu usitée.

En raison de ces faiblesses, le texte tel qu’il a été adopté à l’unanimité à l’Assemblée nationale pouvait davantage être considéré comme une proposition de loi déclarative, visant à sensibiliser l’opinion et notamment les parents aux risques auxquels sont exposés les enfants faisant l’objet de publications sur internet.

Déclarer, déclamer, proclamer, c’est bien ; avoir le souci de l’efficacité, c’est mieux. Je sais, madame la rapporteure, que vous avez une appréciation similaire au sujet de cette initiative parlementaire. Vous avez donc souhaité amender ce texte afin d’en garantir une meilleure application et une plus grande efficacité. Je vous en remercie.

Cependant, tous les apports et toutes les modifications effectués par la commission ne sont pas de nature à nous convaincre totalement.

Nous soutenons évidemment la suppression de l’article 2, dont l’apport n’était pas nécessaire, répétant simplement des dispositions déjà en vigueur dans le droit.

Nous nous montrons davantage circonspects quant aux réécritures des articles 1er et 3. Dans les deux cas, il semble que les rédactions choisies puissent donner lieu à interprétation et compliquer, dans la pratique, le travail du juge. Le mérite initial de ces articles était pourtant d’assurer aux professionnels du droit une plus grande clarté de notre législation.

Le nouvel article 5 suscite également quelques interrogations. Celui-ci est venu conférer au président de la Cnil, par voie de référé, le droit d’ordonner aux juridictions compétentes toute mesure nécessaire à la sauvegarde de la vie privée d’un mineur sans que soient requis des critères de gravité ou d’immédiateté, comme c’est le cas actuellement. Le concept même du référé est intrinsèquement lié au caractère urgent d’une situation : il nous semble donc contradictoire d’autoriser une procédure en référé sans que la considération d’urgence du cas d’espèce entre en ligne de compte. De grâce, ne banalisons pas la notion de référé !

Enfin, nous nous montrons plutôt défavorables à la suppression de l’article 4 de cette proposition de loi. En effet, son dispositif ayant été encadré à l’Assemblée nationale et ne devant concerner que de rares affaires, cette nouvelle mesure aurait pu trouver sa place au sein de notre arsenal législatif.

Ces doutes étant exprimés, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain soutiendra malgré tout cette initiative parlementaire. Lacunaire, ne couvrant qu’un pan extrêmement restreint de la thématique que ses auteurs souhaitent traiter, cette proposition de loi ne permettra sans doute pas à elle seule de protéger les mineurs des dangers d’internet. Elle a cependant pour mérite de mettre en lumière ces nouveaux risques liés à l’univers numérique, en particulier pour les enfants, et elle ouvrira certainement de nouveaux débats en la matière.

Aussi, je forme le vœu que le Gouvernement se saisisse pleinement de ce sujet afin que nous puissions rapidement nous doter d’une législation encore plus volontariste et plus protectrice pour toutes et pour tous. La balle est désormais dans le camp de l’exécutif. S’il juge le sujet digne d’intérêt, ce que je crois, il saura saisir l’occasion.

Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

Madame la rapporteure, j'entends votre souhait d'un plan plus global. Comment pourrais-je y être sourd ?

Qu'il me soit toutefois permis de vous faire remarquer que je ne peux pas entraver les initiatives parlementaires. Au contraire, je les appelle de mes vœux ! Quand un député ou un sénateur me présente un texte qui va dans le bon sens – certains ici s'en souviennent parfaitement –, il n'y a aucune raison que le Gouvernement n'y aille pas, si vous me permettez cette familiarité. Le texte sur lequel nous sommes en train de réfléchir a beaucoup de sens.

J'en viens à l'amendement. Madame la sénatrice Vogel, je suis par principe – mais tout principe peut connaître des exceptions – contre les rapports. Vous avez tous les moyens dans une belle démocratie de contrôler ce que fait le Gouvernement – et c'est très bien ainsi.

Photo de Valérie Boyer

Une belle démocratie, oui, mais pas tous les moyens…

Photo de Cécile Cukierman

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la protection de l’enfant est une question fondamentale – cela a été rappelé – qui doit être constamment prise en compte dans nos sociétés. L’ambition de tout parent est d’assurer la sécurité et le bien-être de son enfant, tant sur le plan physique et émotionnel que psychologique.

Toutefois, avec l’omniprésence des écrans et des réseaux sociaux, l’exposition des enfants sur internet est un phénomène en constante augmentation. Il est de notre responsabilité de moderniser notre législation pour mieux protéger leur vie privée.

Je m’associe aux propos tenus par notre rapporteure et par M. Bourgi : nous aurions pu, au regard des enjeux qui se profilent pour les prochaines années, dans le cadre d’une semaine réservée par priorité au Gouvernement, espérer un véritable projet de loi en la matière. Celui-ci devrait appréhender de façon plus générale les défis auxquels sont confrontés nos enfants, et auxquels ils le seront plus encore à l’avenir si nous n’agissons pas.

La rapidité des développements technologiques au cours des dernières décennies a créé de nouveaux défis pour la protection des mineurs. Tout comme l’ont dénoncé la Défenseure des droits et le Défenseur des enfants dans leur dernier rapport annuel sur la protection des droits des enfants, l’utilisation généralisée des écrans et des réseaux sociaux signifie que les enfants sont plus exposés que jamais à des risques tels que le harcèlement en ligne, la cyberintimidation et la violation de leur vie privée.

Nous, parents, devons prendre conscience de ces dangers et prendre des mesures pour protéger nos enfants. Nous, législateurs, devons moderniser la loi, y compris le code civil, pour protéger la vie privée des enfants dans le contexte du développement du numérique.

Certains pourraient s’inquiéter que des changements dans la loi puissent limiter la liberté des parents d’éduquer leurs enfants comme ils l’entendent. Cependant, il convient de rappeler que l’intention des auteurs de cette proposition de loi n’est pas de restreindre cette liberté, mais plutôt de renforcer la protection des mineurs contre les risques liés à une exposition en ligne. Il est important de souligner que les atteintes à la vie privée des enfants ne sont pas toutes le fait d’intentions malveillantes. Beaucoup n’ont pas conscience des dangers que représentent les réseaux sociaux pour les plus jeunes.

Nous regrettons que la proposition de loi actuelle ne contienne pas de mesures de sensibilisation des parents. Nous devons nous assurer que les intéressés soient pleinement conscients des dangers de publier des photos ou des vidéos de leurs enfants en ligne, même si ces actions sont bien intentionnées. Nous devons les aider à comprendre les risques afin qu’ils prennent des décisions éclairées quant à la façon dont ils exposent leurs enfants.

Il est important de souligner que la protection de la vie privée et de l’image des enfants sur internet est une question qui ne peut être résolue par la législation seule. Les entreprises qui fournissent des plateformes en ligne et les réseaux sociaux ont également une responsabilité dans la protection de la vie privée des plus jeunes. Elles doivent mettre en place des politiques efficaces pour prévenir le harcèlement en ligne, la cyberintimidation et la violation de la vie privée de ce public. Elles doivent également s’assurer qu’ils ne soient pas exposés à des contenus inappropriés.

Il est crucial que nous ayons une compréhension claire et nuancée de la façon dont les enfants utilisent internet et les réseaux sociaux. Les recherches montrent qu’ils ont souvent des comportements en ligne qui peuvent les exposer à des risques, mais qu’ils sont également capables de gérer ces risques s’ils sont correctement informés. Nous devons également tenir compte des différents âges et du développement des enfants lors de l’élaboration de politiques de protection de la vie privée en ligne, parce que, inévitablement, les problématiques ne sont pas les mêmes.

En l’état, nous voterons en faveur de cette proposition de loi, mais nous demeurons convaincus qu’il reste encore beaucoup à faire.

Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

Nous sommes d'accord, c'est une belle démocratie. Quant aux moyens, vous avez notamment les questions d'actualité au Gouvernement. Ceux qui veulent me poser des questions savent que ma porte est ouverte à la Chancellerie : d'ailleurs, madame la rapporteure, elle vous est grande ouverte, ainsi qu'à vous, madame la sénatrice Vogel.

Je confirme que ce texte ne contient aucune mesure répressive. Si un certain nombre d'images diffusées comportent la preuve d'infractions pénales, nous ne sommes plus dans le champ du texte.

C'est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

Photo de Pierre Laurent

M. le président. La parole est à Mme Dominique Vérien.

Photo de Dominique Vérien

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, 300 millions, c’est le nombre de photographies qui sont diffusées chaque jour sur les réseaux sociaux.

Cette appétence pour le partage de contenus témoigne certainement de la capacité du numérique à créer et entretenir du lien social avec nos proches et nos moins proches. Toutefois, nul n’ignore, de nos jours, que toute notre activité en ligne, même la plus anodine, est enregistrée, analysée, décortiquée et finalement monétisée. Ces traces, que l’on croyait éphémères et restreintes, sont en réalité visibles par le plus grand nombre et pour longtemps.

En outre, on estime qu’un enfant apparaît, en moyenne, sur 1 300 photographies publiées en ligne avant l’âge de 13 ans, sur ses comptes propres, ceux de ses parents ou de ses proches. Il s’agit de l’un des principaux risques d’atteinte à la vie privée des mineurs, principalement du fait de la difficulté à contrôler la diffusion de son image.

En effet, 50 % des photographies qui s’échangent sur les forums pédopornographiques avaient été initialement publiées par les parents sur leurs réseaux sociaux. Pis, les informations diffusées sur le quotidien des enfants peuvent permettre à des individus d’identifier leurs lieux et habitudes de vie à des fins de prédation sexuelle.

Enfin, au-delà du risque pédophile, les contenus mis en ligne sont susceptibles de porter préjudice à l’enfant à long terme, sans que celui-ci puisse obtenir leur effacement définitif.

À ces questions s’ajoutent des considérations économiques. En effet, prenant exemple sur leurs aînés, il existe désormais de véritables « bébés influenceurs », comme en témoigne le succès des vidéos mettant en scène des mineurs, seuls ou avec leur famille.

Il s’agit donc d’enjeux économiques forts, à la fois pour les marques, en quête de relais auprès d’un jeune public, et pour les parents. Dès lors, ces derniers doivent assumer un double rôle : celui de gestionnaire et celui de protecteur de l’image de leur enfant.

Ces enjeux peuvent parfois donner lieu à un arbitrage délicat, car les parents peuvent entrer en conflit avec leur enfant en raison des avantages financiers, sociaux ou émotionnels que l’exploitation de l’image de l’enfant peut apporter. L’enfant peut alors être confronté à un conflit de loyauté entre ses propres aspirations et la volonté de ses parents. D’ailleurs, selon une étude, 40 % des adolescents estiment que leurs parents les exposent trop sur internet.

Enfin, l’exposition excessive des enfants au jugement de tiers sur internet et la course aux likes et autres appréciations peuvent engendrer des problèmes psychologiques, en particulier dans l’acceptation de soi et de son image. Nous voyons parfois les ravages de ce phénomène sur des adultes, alors imaginez sur des enfants… En outre, le cyberharcèlement y trouve un terreau fécond.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, il est utile de légiférer sur ce sujet. Or si le constat dressé apparaît inquiétant et nécessite une intervention de notre part, le texte que nous examinons privilégie nettement la pédagogie, la sensibilisation des parents et les mesures consensuelles.

Certes, la puissance publique ne doit pouvoir se substituer aux parents qu’en dernier recours, dans l’intérêt supérieur de l’enfant, mais peut-être aurait-il fallu faire preuve d’un peu plus d’ambition. En l’état, nous ne pouvons qu’espérer que ce texte suffise.

En attendant, notre commission – et je salue le travail de notre rapporteure, Valérie Boyer – a fait le choix d’enrichir et de rendre plus efficace le texte qui nous est proposé, avec pour principal objectif d’éduquer et de sensibiliser les parents.

Ainsi, l’article 1er introduit la notion de vie privée de l’enfant dans la définition de l’autorité parentale, pour mieux faire prendre conscience aux parents qu’il leur appartient d’assurer le respect de la vie privée de leur enfant dans le cadre de leur obligation de protection et de préservation de ses intérêts.

L’article 2 ne faisant que reprendre des dispositions déjà consacrées dans le code civil et précisées par l’article 1er, notre commission a choisi de le supprimer.

L’article 3 précise que la diffusion au public de contenus relatifs à la vie privée d’un enfant nécessite l’accord des deux parents, ce qui évitera toute divergence d’approche entre juridictions pour décider s’il s’agit d’un acte usuel ou non usuel. J’entends, monsieur le garde des sceaux, votre désaccord sur ce point, mais je pense qu’il n’y a aucune raison urgente de diffuser des images de son enfant et que nous avons donc le temps de demander aux deux parents leur accord pour faire une telle chose.

Enfin, l’article 5 permet à la Cnil de saisir les juridictions compétentes pour demander le blocage d’un site internet en cas d’atteinte aux droits des mineurs.

Photo de Dominique Vérien

Elle pourra ainsi agir en référé dès lors que les droits de personnes mineures sont concernés, sans condition de gravité ou d’immédiateté de l’atteinte. Tous ceux qui travaillent à protéger les enfants ne peuvent que se réjouir de cette avancée.

En conclusion, il s’agit d’un texte pédagogique et de prévention que le groupe Union Centriste votera.

Photo de Esther Benbassa

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la moitié des photographies échangées sur les réseaux pédopornographiques avaient initialement été publiées sur les réseaux sociaux par des parents, ceux-ci les croyant banales.

Mais ce n’est pas le seul danger auquel sont exposés ces enfants : mises en scène dégradantes pour faire rire, influenceurs qui font commerce de leur vie de famille… Ces pratiques favorisent le harcèlement scolaire et les problèmes liés à l’intimité, l’acceptation de soi et de son image.

Un enfant apparaît en moyenne sur 1 300 photos publiées avant l’âge de 13 ans, alors qu’il n’a pas encore la maturité nécessaire pour y consentir. Selon une étude menée en 2019, près de 40 % des enfants sont en désaccord avec l’utilisation que font leurs parents de leur image et, une fois adultes, ils leur demandent des comptes.

La protection de leur vie privée manque cruellement à ces enfants et la proposition de loi que nous examinons n’augure pas de progrès majeur. Certes, elle devient un devoir des détenteurs de l’autorité parentale. Pour autant, ce texte est-il suffisant pour responsabiliser les parents, de plus en plus nombreux, dont les intérêts entrent clairement en conflit avec celui de leurs enfants ?

Cette proposition de loi aurait pu suffire il y a quelques années encore, mais la situation actuelle est tout autre : l’avènement des réseaux sociaux, par-delà la simple image des enfants, conduit à exposer des comportements et de nombreux autres aspects de leur personnalité, qui pourront un jour leur porter préjudice.

Ce texte ouvre la voie à des relations conflictuelles aussi bien entre les parents et leurs enfants qu’entre les parents eux-mêmes. Le respect de la vie privée de l’enfant devant toujours rester notre priorité, des propositions complémentaires seraient nécessaires afin de mieux sensibiliser aux conséquences de cet exercice du droit à l’image.

Lorsque cette image est exploitée par des parents qui en font leur fonds de commerce, peut-être serait-il juste, par exemple, que ces enfants perçoivent une rémunération appropriée à leur majorité.

Si nous ne devons pas nous satisfaire de cette proposition de loi, elle a toutefois le mérite de poser les fondements d’une protection du droit à l’image des enfants.

Photo de Pierre Laurent

M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère.

Photo de Pierre Laurent

L'amendement n° 3, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge et M. Salmon, est ainsi libellé :

Après l'article 5

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique est ainsi modifiée :

1° Après le quatrième alinéa du 7 du I de l'article 6, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« Compte tenu de l'intérêt supérieur de l'enfant, notamment du droit à l'image de l'enfant mineur inhérent à son droit à la vie privée au sens de l'article 9 du code civil, les personnes mentionnées aux 1 et 2 du présent article ont l'obligation de lutter contre la diffusion publique d'images ou de vidéos d'enfants mineurs portant atteinte au droit à l'image de l'enfant et provenant d'un destinataire du service non titulaire de l'autorité parentale au sens de l'article 371-1 du même code.

« À ce titre, elles doivent mettre en place un dispositif facilement accessible et visible permettant aux titulaires de l'autorité parentale de porter à leur connaissance les cas de diffusion d'images ou de vidéos portant atteinte au droit à l'image de l'enfant. » ;

2° Aux a des 7°, 8° et 9° du I de l'article 6-4, après les mots : « présent I », sont insérés les mots : « et du cinquième alinéa du 7 du I de l'article 6 de la présente loi ».

La parole est à Mme Mélanie Vogel.

Photo de Mélanie Vogel

Cet amendement a un objet assez simple.

Sur les réseaux sociaux, il existe des mécanismes de signalement de contenus inappropriés, option qu'il m'arrive d'utiliser quand je reçois des messages d'insultes.

Même si de tels mécanismes de signalement existent, quoi que l'on pense de leur efficacité, ils ne permettent pas aux parents de signaler qu'une photo de leur enfant circule sans leur accord.

Évidemment, je ne mets pas sur le même plan les signalements pour incitation à la haine, harcèlement, etc. et l'initiative d'une tante qui a publié sur Instagram une photo de son neveu sans l'accord des parents. Pour autant, les conséquences peuvent être très graves.

Face à cela, la solution est très simple : il s'agit de permettre que ce clic puisse aussi servir à cela. Tel est l'objet de cet amendement. La solution technique existe, elle permettrait de résoudre rapidement nombre de situations.

Photo de Maryse Carrère

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, si chacun s’accorde à voir dans l’essor du numérique une chance, notamment pour la jeunesse – en matière d’éducation, de loisir, d’information… – il représente un défi, en cela qu’il charrie des risques n’épargnant pas les plus jeunes. Nous pensons, par exemple, au cyberharcèlement ou à la collecte de données.

Il va sans dire que la protection de l’enfance intéresse, naturellement, le Sénat – et la commission des lois en particulier – au-delà de la seule question des nouvelles technologies. En 2020, nous avons d’ailleurs rendu, Catherine Deroche, Marie Mercier, Michelle Meunier et moi-même, un rapport d’information sur l’obligation de signalement par les professionnels astreints à un secret des violences commises sur les mineurs.

Comme nous l’avions souligné dès les premières lignes de ce rapport d’information : « Les violences sur mineurs, qu’elles soient de nature physique, sexuelle ou psychologique, ou les privations qui leur sont infligées, parce qu’elles concernent les plus fragiles d’entre nous, sont devenues insupportables dans notre société. »

De plus, j’ai défendu, dans mes rapports réalisés à l’occasion de l’examen des précédentes lois de finances, une augmentation des moyens pour la protection judiciaire de la jeunesse.

L’objet de cette proposition de loi pourrait donner le sentiment d’être plus léger que les violences sur mineurs. Ce n’est évidemment pas le cas, car, d’une part, rien n’est léger quand il est question des plus jeunes et, d’autre part, l’ampleur des difficultés rencontrées avec le numérique ne doit pas être sous-estimée.

De manière générale, et avant de parler du fond, je partage les regrets exprimés par certains de mes collègues : ce texte appelle à faire davantage. Traiter le sujet des enfants et du numérique exige un travail d’envergure, mêlant un ensemble de questions particulièrement complexes touchant, au fond, toutes les générations.

D’ailleurs, la Cnil nous alerte depuis plusieurs années sur ces sujets et nous incite à prendre en compte le point de vue et les droits de l’enfant dans la conception des services et l’élaboration des réglementations.

Photo de Valérie Boyer

Nous partageons tous, me semble-t-il, votre désir d'améliorer la protection des enfants sur internet. C'est d'ailleurs dans cet esprit que nous avons proposé au Sénat d'adopter l'article 5, qui permet à la Cnil d'engager plus facilement des référés à l'encontre des éditeurs dès lors qu'il s'agit de données personnelles de mineurs.

Cela étant, la commission n'est pas favorable à la mise en place d'un mécanisme de signalement ad hoc par les plateformes. En effet, et M. Bourgi l'a indiqué à juste titre au cours de la discussion générale, il peut être difficile de résister aux propositions de loi de nos collègues députés. Néanmoins, quand on fait partie de la majorité ou du Gouvernement, on a tous les moyens – vous et vos collègues l'avez prouvé à plusieurs reprises, monsieur le garde des sceaux – de déposer un texte traitant d'un sujet dans sa globalité et permettant à tout député ou sénateur ayant des idées d'amélioration législative de s'exprimer.

Chère collègue Mélanie Vogel, nous devrons reprendre cette discussion dans le cadre de la réflexion sur les obligations des grands acteurs d'internet. L'examen du projet de loi pour sécuriser l'espace numérique, que le Gouvernement annonce pour cet été en vue d'adapter le droit français au règlement européen sur les services numériques, en sera peut-être l'occasion. Nous aurions pu débattre du dispositif que vous suggérez si le périmètre du texte dont nous sommes saisis avait été plus large. Mais, en l'occurrence, une telle mesure est un peu en dehors du champ de la présente proposition de loi.

Par conséquent, la commission sollicite le retrait de cet amendement

Photo de Maryse Carrère

Il nous faut aussi protéger les enfants contre l’exploitation commerciale de leurs données. De même, nous devons soutenir le rôle fondamental d’accompagnement des parents et des acteurs de l’éducation.

En effet, si les contenus par lesquels les enfants sont souvent happés sur les réseaux sociaux sont parfois un danger en soi, l’ignorance des parents et la méconnaissance de certains outils en sont d’autres.

Aussi avons-nous le sentiment que cette proposition de loi, qui va certes dans la bonne direction, est insuffisante. J’en veux pour preuve le fait que nous allons examiner dans quelques jours une proposition de loi visant à instaurer une majorité numérique et à lutter contre la haine en ligne.

Ces sujets devraient être traités d’un seul tenant, de sorte que nos rapports et nos analyses tiennent compte des dangers tentaculaires qui guettent notre jeunesse lorsqu’elle s’initie aux mondes faussement virtuels des réseaux sociaux et autres plateformes numériques.

Malgré ces regrets sur la démarche adoptée, je salue la position de notre rapporteure sur le texte que nous examinons aujourd’hui. Celle-ci s’est montrée constructive, notamment en maintenant l’article 1er, qui intègre à la définition de l’autorité parentale le respect de la vie privée de l’enfant.

Je pense que chacun a déjà, d’expérience, vu des parents partager une photo de leur enfant, livrant l’intimité de celui-ci, qui n’a pas lieu d’être exposée. Or introduire la notion de vie privée dans la définition de l’autorité parentale soulignera l’importance que les parents doivent accorder à cette question, au même titre qu’ils doivent veiller à la sécurité, à la santé ou à la moralité de leur enfant.

D’aucuns doutent qu’une telle disposition puisse produire des effets efficaces et concrets, mais elle indique la bonne démarche.

De la même manière, la nouvelle rédaction de l’article 3 semble satisfaisante : la diffusion au public de contenus relatifs à la vie privée de l’enfant devra être l’objet d’un accord de chacun des parents. J’entends toutefois vos réserves, monsieur le garde des sceaux.

Enfin, l’article 5, ajouté par notre rapporteur, permet à la Cnil d’agir en référé pour demander le blocage d’un site internet en cas d’atteinte aux droits et aux libertés d’un mineur. Il s’agit d’une bonne disposition, qui présente surtout l’intérêt de montrer combien le sujet mobilise des acteurs variés et combien il mériterait d’être élargi.

En conclusion, malgré ces quelques remarques, le groupe RDSE est favorable à cette proposition de loi.

Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

Le règlement Digital Services Act étant d'application directe, il n'est pas utile d'en dupliquer une disposition.

Madame la sénatrice Vogel, je comprends parfaitement le sens de votre amendement. Mais se pose la question de l'opérationnalité et de l'effectivité de la norme législative. Et de ce point de vue, le compte n'y est pas.

Au demeurant, votre amendement vise spécifiquement les titulaires de l'autorité parentale. En pratique, comment les plateformes en ligne pourront-elles reconnaître que la notification est vraiment faite par un titulaire de l'autorité parentale ? Question sans réponse…

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

Photo de Pierre Laurent

M. le président. La parole est à Mme Elsa Schalck.

Photo de Pierre Laurent

La parole est à Mme Mélanie Vogel, pour explication de vote.

Photo de Mélanie Vogel

J'aurais pu retirer mon amendement si j'avais eu la certitude de pouvoir le redéposer lors de l'examen d'un autre texte législatif sur le sujet. Mais là, je vais le maintenir.

D'abord, si cet amendement n'est pas tombé sous le coup de l'article 45 de la Constitution, c'est bien qu'il entre dans le champ de la présente proposition de loi.

Surtout, je déduis de la réponse de M. le garde des sceaux que ma proposition ne sera pas reprise dans le futur projet de loi.

Photo de Elsa Schalck

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la protection des mineurs dans un univers numérique devenu omniprésent constitue un défi majeur pour notre société. Il s’agit d’un enjeu à la fois pour les familles, en premier lieu les parents, et pour les institutions, en matière d’éducation et de santé publique.

À l’heure où les réseaux sociaux inondent notre quotidien, plus de 300 millions de photos y étant diffusées chaque jour, et où le like est devenu une valeur de référence, le phénomène de surexposition sur internet est une réalité. Cette réalité présente de multiples dangers, souvent pas ou peu connus des parents et toujours largement sous-estimés.

Il convient de rappeler que diffuser une photo, donc la rendre publique, au vu et au su de tous, revient à s’exposer au risque qu’elle soit détournée, notamment s’il s’agit d’une photo d’enfant. Les fins de ces détournements d’images sont malheureusement nombreuses et dramatiques : harcèlement – c’est devenu un véritable fléau dans nos écoles –, exploitation commerciale, usurpation d’identité, pédocriminalité…

Je rappelle que la moitié des images qui se trouvent sur les sites pédopornographiques avaient été initialement publiées par les parents. Par ailleurs, en moyenne, avant l’âge de 13 ans un enfant apparaît sur 1 300 photographies publiées en ligne, et un tiers des enfants ont une existence sur internet avant même d’être nés.

Ces chiffres expliquent les nombreuses initiatives législatives sur ce sujet et je partage les propos de plusieurs intervenants qui m’ont précédé : il est dommage qu’elles soient examinées de manière séparée.

Pour ce qui concerne le texte qui nous intéresse aujourd’hui, je salue le travail de mon collègue alsacien Bruno Studer, qui s’était déjà mobilisé en déposant et en faisant adopter, en 2020, une proposition de loi visant à encadrer l’exploitation commerciale de l’image d’enfants de moins de 16 ans sur les plateformes en ligne.

Notre droit interne et notre droit européen consacrent et protègent le droit à la vie privée. Toutefois, les textes ne concernent pas spécifiquement la vie privée des mineurs, dont la vulnérabilité doit être prise en considération. Au reste, l’examen de la jurisprudence nous démontre que cette question est déjà soumise aux juridictions, notamment en cas de conflit entre les parents.

Je salue le travail mené par la commission des lois, en particulier par notre collègue rapporteure Valérie Boyer, dont je sais l’engagement de longue date sur le sujet. Comme l’a indiqué cette dernière, la vocation de ce texte est avant tout pédagogique, afin de sensibiliser, informer et alerter les parents sur les dangers que peut présenter un tel affichage de leur enfant.

Les parents appartenant de plus en plus à une génération du tout-numérique, le partage des photos peut leur paraître anodin tant cet acte est simple et quotidien. Pourtant, un tel acte peut avoir des conséquences durables, dont nous ne mesurons pas encore pleinement la portée – il n’y a qu’à voir les questions que pose l’intelligence artificielle quant à l’exploitation et au détournement des images.

Alors oui, cette proposition de loi vaut davantage pour sa dimension pédagogique que pour son réel apport juridique. Mais voyons en ce texte une première étape, car sans pédagogie, sans explication et sans information, aucune politique publique ne peut être efficace. C’est d’autant plus vrai que les parents sont les premiers éducateurs des enfants.

Cette proposition de loi appelle donc à une prise de conscience collective : au regard de l’ampleur du défi que constitue le respect de la vie privée à l’heure des réseaux sociaux, il appartient au Gouvernement de mener une véritable politique publique en la matière.

En ce sens, je partage l’avis de notre rapporteure, dont le travail a également permis de formuler des recommandations que je salue, notamment la création d’une page dans le carnet de santé sur l’exposition aux écrans.

Par une approche constructive du texte, la commission a choisi d’intégrer la notion de vie privée à la définition de l’autorité parentale. À cet égard, je me réjouis du retour à la rédaction initiale du texte de la proposition de loi. Cette référence explicite à la vie privée met en lumière cet enjeu, même si nous savons que son respect incombe déjà aux parents dans le cadre de l’autorité parentale.

De même, j’approuve la suppression par la commission de l’article 2, puisque le droit à l’image est d’ores et déjà exercé en commun par les deux parents, ainsi que la suppression de l’article 4, qui ouvrait une délégation forcée de l’exercice du droit à l’image, qui peut être jugée inefficace au regard de ce que peut d’ores et déjà décider le juge des enfants dans le cadre d’une mesure d’assistance éducative.

Par ailleurs, la réécriture de l’article 3 de manière à inscrire dans la loi que la diffusion de contenus relatifs à la vie privée d’un enfant nécessite l’accord des deux parents évitera des interprétations multiples sur la notion d’acte usuel.

Enfin, l’article 5 permet à la Cnil d’agir en référé en cas d’atteinte aux droits des mineurs. Je salue cet ajout de la part de notre rapporteure et de la commission. En effet, il paraît important qu’une autorité comme la Cnil puisse solliciter le blocage d’un site internet qui ne répondrait pas aux demandes d’effacement.

Photo de Elsa Schalck

Mettre en lumière le respect de la vie privée des mineurs, c’est aussi sensibiliser les jeunes eux-mêmes. Je rappelle que 63 % des moins de 13 ans ont un compte sur un réseau social et que 80 % des parents déclarent ne pas savoir exactement ce que leurs enfants y font. Sensibiliser les parents revient donc à sensibiliser également les enfants, qui sont de futurs ou d’actuels utilisateurs des réseaux sociaux.

En conclusion, ce texte met en évidence un problème émergent, mais pourtant déjà bien ancré dans notre société, qui nécessite de trouver un point d’équilibre entre, d’une part, la liberté d’expression des parents et, d’autre part, l’intérêt supérieur des enfants.

En tout état de cause, il appelle à une prise de conscience, dans le sens d’une responsabilisation des parents, pour qu’internet reste un outil au service de l’apprentissage, de la connaissance, de la découverte et des liens entre jeunes et ne devienne pas un univers où l’exposition de l’intimité de ces derniers ouvrirait la voie à de multiples dangers.

Pour toutes ces raisons, le groupe Les Républicains votera en faveur de ce texte.

Photo de Pierre Laurent

Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l'ensemble de la proposition de loi visant à garantir le respect du droit à l'image des enfants.

Photo de Pierre Laurent

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Decool.

Photo de Pierre Laurent

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

Photo de Jean-Pierre Decool

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, le développement de l’usage du numérique présente bien des avantages, notamment en permettant de conserver un lien social et familial malgré la distance géographique.

La diffusion de photographies de famille ou de vidéos sur les réseaux sociaux remplace nos anciens albums photos. Une fête de famille, des vacances, des loisirs, un événement sportif ou culturel, la fête de l’école… : tout est prétexte à partager la vie de ses enfants.

Or si la généralisation de l’usage d’internet et des réseaux sociaux dans nos vies a fait émerger de nouvelles opportunités, elle expose également nos concitoyens à de nouveaux risques et menaces que nous devons prendre en considération.

En effet, dans le cyberespace, ces photos, ces vidéos, ces renseignements personnels peuvent être visualisés et repartagés à l’insu des intéressés. Ainsi, la moitié des photographies qui s’échangent sur les forums pédopornographiques auraient été initialement publiées par les parents sur les réseaux sociaux. Ces derniers diffusent bien souvent des photos et des vidéos de leurs enfants sans penser à tous ces risques ; il est urgent de mieux les informer !

Aussi, en raison de la surexposition grandissante de l’image de l’enfant et de l’usage malveillant qui pourrait en être fait par des tiers, il semble primordial d’adapter notre arsenal juridique pour mieux appréhender l’exercice des droits des enfants dans cet environnement numérique.

La proposition de loi que nous examinons cet après-midi ne réglera pas tous les problèmes. Elle ne rendra pas non plus à certains parents le bon sens qui leur manque, mais elle permettra sensibilisation et responsabilisation des parents pour protéger les droits des enfants.

En faisant œuvre de pédagogie, elle aura le mérite de rappeler à tous que l’enfant n’est pas un objet, mais une personne titulaire de droits fondamentaux pour sa propre construction, comme le droit à l’image.

Lors de l’examen du texte en commission, des modifications utiles et pertinentes ont été apportées.

Je rejoins la position de la commission, qui a consacré de façon expresse l’obligation des parents de veiller au respect de la vie privée de leur enfant, y compris de son droit à l’image, au titre de leurs prérogatives liées à l’exercice de l’autorité parentale.

Je me réjouis également que la commission ait souhaité que la diffusion au public d’images relatives à la vie privée d’un enfant – photos ou vidéos – nécessite l’accord des deux parents.

De plus, je me félicite que la commission ait renforcé le pouvoir de la Cnil en cas d’atteinte aux droits des mineurs. Ainsi, celle-ci pourra agir en demandant de bloquer un site internet dans les cas où l’éditeur ne répondrait pas aux demandes d’effacement ou ne prouverait pas avoir obtenu l’accord des deux parents pour la publication concernant l’enfant.

Monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, à l’ère de l’ultra-digitalisation, les enfants sont plus que jamais mis en danger par leur surexposition sur internet, particulièrement sur les réseaux sociaux. Il est donc nécessaire que nous nous accordions sur un texte opérant, afin de continuer à garantir à l’ensemble des mineurs une protection suffisante.

Le groupe Les Indépendants accompagnera toute démarche tendant à préserver les intérêts de l’enfant. Avec conviction, il votera en faveur de cette proposition de loi, utilement modifiée en commission.

Photo de Pierre Laurent

En application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, ainsi que de la loi organique et de la loi ordinaire du 23 juillet 2010 prises pour son application, la commission des affaires sociales a émis, lors de sa réunion de ce jour, un avis favorable – 20 voix pour, 2 voix contre – à la nomination de M. Jean-François Delfraissy à la présidence du Comité consultatif national d'éthique.

Par ailleurs, en application des mêmes dispositions, la commission de l'aménagement du territoire a émis un avis défavorable – 8 voix pour, 28 voix contre – à la nomination de M. Marc Papinutti à la présidence de la Commission nationale du débat public.

Photo de Mélanie Vogel

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, en 1965, le chimiste et physicien Gordon Moore théorisait que, chaque année, la complexité des semi-conducteurs – qui sont au cœur de nos ordinateurs et de nos téléphones portables – allait, à coût constant, doubler.

Jusqu’à présent, sa théorie s’est vérifiée, année après année. Cette complexification constante et à coût constant a démocratisé l’accès au numérique, au point que nous avons désormais toutes et tous des téléphones portables, des iPads – comme celui sur lequel je lis mon intervention –, des ordinateurs, qui nous permettent de tout photographier, de filmer chaque moment de la vie et de les partager en direct sur les réseaux sociaux.

Or, comme souvent, le cadre législatif ne suit guère, ou tout du moins pas assez rapidement. C’est particulièrement vrai pour ce qui concerne le droit à l’image des enfants, qui n’est plus du tout adapté à notre époque. Pour beaucoup d’individus, ce qu’ils auront fait enfants pourra être vu par tous parce que des parents ont trouvé amusant de publier, à un moment donné, une vidéo de leurs enfants sur Instagram.

Souvent, les parents n’ont pas conscience des répercussions que peut avoir la publication de telles images, notamment celle de séquences qui mettront potentiellement leurs enfants – qui n’avaient pas la maturité nécessaire pour décider de publier ou non ces images – très mal à l’aise des années plus tard et susciteront des moqueries, voire du harcèlement.

En outre, il existe un risque réel de détournement des images des mineurs, à des fins d’usurpation d’identité, de chantage, de cyberharcèlement ou de pédopornographie. En effet, les pédocriminels se nourrissent très souvent d’images qui ont été postées à la légère par des parents.

Aussi est-il évident qu’il nous faut mieux encadrer le droit à l’image des enfants dans la loi pour enfin tenir compte de la démocratisation du numérique et de l’exposition des mineurs.

C’est pourquoi le groupe écologiste soutient pleinement cette proposition de loi. Nous saluons en particulier l’introduction de la notion de vie privée dans la définition de l’autorité parentale. Si l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme consacre le droit à la vie privée et que la convention internationale des droits de l’enfant précise que ce droit s’applique bien également aux enfants, la définition de l’autorité parentale dans le droit français n’y fait à ce jour pas référence. Il était donc urgent de l’ajouter.

De plus, nous approuvons l’ajout, en commission, de l’article 5, qui prévoit que la Cnil puisse ordonner le blocage d’un site internet en cas d’atteinte aux droits et aux libertés des enfants. Actuellement, la loi prévoit ce blocage pour les atteintes subies par les mineurs et majeurs, mais uniquement si l’atteinte est grave ou immédiate. Cet assouplissement des conditions de recours pour les mineurs renforce leur protection en ligne. Je remercie donc la rapporteure de son initiative.

Cette disposition vient utilement compléter une proposition de loi qui comportait jusque-là un angle mort : au-delà des mesures visant à responsabiliser les parents, la responsabilité des opérateurs de réseaux sociaux avait été quelque peu oubliée. Pourtant, les réseaux sociaux jouent un rôle clé dans les atteintes au droit à l’image des enfants. Au bout du compte, où ces images sont-elles diffusées ? Elles ne sont pas placardées dans la rue ; elles sont publiées sur les réseaux sociaux !

En complément du droit à l’oubli, qui permet aux enfants ou aux enfants devenus majeurs de demander le retrait de ces publications – il s’agit d’un élément très important –, nous souhaitons permettre aux titulaires de l’autorité parentale de demander le retrait d’images montrant leurs enfants diffusées par des tiers.

Concrètement, le groupe écologiste demande que tout opérateur d’un réseau social mette en place un mécanisme de signalement afin que les parents puissent signaler des images de leurs enfants ayant été diffusées sans ou contre leur accord.

Enfin, je rappelle que les mineurs ne sont pas des êtres dénués d’avis. Bien sûr qu’il faut responsabiliser les parents – c’est l’objet de ce texte –, mais il ne faut pas oublier que les enfants sont doués de droits fondamentaux et, aussi, de cerveaux ! Un enfant peut être gêné par une photo et exprimer une opposition à sa publication en ligne ; il faut en tenir compte.

Ce n’est pas facile à faire : j’ai moi-même fait l’expérience de tenter d’expliquer ce qu’implique la publication d’une photo sur les réseaux sociaux à ma nièce de 6 ans. Il s’agissait d’un dessin qu’elle avait fait. Elle a fini par me répondre qu’elle n’était pas assez grande pour comprendre ce que je lui expliquais – ce qui est déjà une grande preuve de maturité.

Mais, dans la plupart des cas, les parents ne prennent pas soin de demander l’avis de leurs enfants avant de publier une image, et même lorsqu’ils le font, tous n’ont pas conscience de l’importance de cette demande ni de la manière de la formuler. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons inscrire dans la loi le fait que les parents doivent associer leurs enfants à l’exercice du droit à leur image en fonction de leur âge et de leur degré de maturité.

Au fond, la réponse au développement du numérique doit être triple : responsabiliser les parents vis-à-vis des conséquences de la diffusion d’images, faciliter la suppression des images en ligne et associer les enfants.

Photo de Pierre Laurent

M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.

Photo de Pierre Laurent

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à faciliter le passage et l'obtention de l'examen du permis de conduire (proposition n° 453, texte de la commission n° 565, rapport n° 564).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la secrétaire d'État.

Photo de Thani Mohamed Soilihi

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, l’essor du numérique et l’avènement des réseaux sociaux ont profondément révolutionné la vision que nous avons de notre image et l’usage que nous en faisons pour nous-mêmes, mais aussi pour nos enfants.

Dans ce contexte, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui tend à mieux faire respecter le droit à l’image des enfants par leurs parents, qui en sont responsables.

Cela a été répété, mais il faut le redire, à l’âge de 13 ans, un enfant a déjà en moyenne 1 300 images de lui qui circulent sur internet !

Ce comportement numérique des parents, apparemment anodin, n’est pourtant pas dénué de risques.

Ces risques sont d’abord pédocriminels, puisque 50 % des photographies qui s’échangent sur les forums pédopornographiques ont été initialement publiées par les parents sur leurs réseaux sociaux.

Ces risques sont ensuite liés à la prédation sexuelle, car les lieux fréquentés par les enfants ou les informations personnelles qu’ils livrent peuvent être identifiés sur des photos.

Des risques de cyberharcèlement, de harcèlement scolaire ou encore d’usurpation d’identité, enfin, peuvent aussi exister.

Évidemment, l’immense majorité des parents agit par naïveté. La fierté et la méconnaissance des dangers liés au partage de l’image de leur enfant sur internet les poussent parfois à l’imprudence. Quelques-uns le font par bêtise, malveillance ou profit.

C’est pourquoi il était nécessaire d’essayer de trouver un équilibre entre liberté d’expression et intérêt supérieur de l’enfant, entre sensibilisation aux risques et répression.

Ce texte, à visée pédagogique surtout, s’inscrit dans la droite ligne de plusieurs initiatives parlementaires qui ont été prises au cours des dernières années en vue de renforcer la protection du droit à l’image des enfants sur internet.

Je pense notamment à la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique, qui a reconnu aux mineurs un droit à l’oubli numérique, à la loi du 19 octobre 2020 visant à encadrer l’exploitation commerciale de l’image d’enfants de moins de 16 ans sur les plateformes en ligne, grâce à laquell